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Je ne me souviens de rien. De rien de ce que j'ai pu lui dire. De rien de ce qu'il a pu me dire. De rien de ce qu'il a pu faire. Rien. Mais comment en suis-je arrivée là ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. J'ai oublié. Oublié. C'est étonnant comme le pouvoir de l'amour est puissant quand il s'agit de nous leurrer afin de mieux nous manipuler. Mais je ne m'en plains pas. Bien au contraire. Mais la même question repasse en boucle dans ma tête, lancinante, sans que je puisse y trouver une réponse. Je me surprends moi-même, quelquefois.

Comment en suis-je arrivée là ?

Comment en suis-je arrivée là ? Je ne sais pas.

Et pourtant, je sais ce qu'il s'est passé.

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J'étais assise dans le parc de l'école, en milieu d'après-midi, durant un week-end de début d'année, en train de faire un devoir de métamorphose, penchée sur un livre beaucoup trop vieux. Je remettais sans cesse mes longs cheveux roux derrière mon oreille car ils retombaient sur le parchemin jauni sur lequel je notais mes inscriptions pour le devoir.

⸺ Salut, ma belle, dit une voix.

James Potter s'assit à côté de moi tandis que je levais les yeux au ciel. Je me replongeai dans mon devoir sans lui prêter plus d'attention qu'à un insecte quelconque.

⸺ Arrête de m'appeler comme cela, Potter. C'est vraiment ridicule et insupportable. Ce n'est pas de cette façon que tu auras mon cœur.

⸺ Tu aimerais bien que ce soit la vérité, hein ? me demanda cet insupportable garçon.

⸺ Potter, soit réaliste ! Tu m'embêtes depuis la quatrième année car tu es soi-disant amoureux de moi. Cela fait trois ans que je suis claire : je ne veux pas de toi.

⸺ Je ne te crois pas. Je suis sûr que tu finiras par te rendre compte à quel point je suis formidable.

⸺ Et terriblement humble ? grimaçai-je.

Il leva les yeux au ciel, puis se rapprocha de moi en pointant le lac et le reflet du soleil à la surface lisse de l'eau.

⸺ Tu ne trouves pas que c'est romantique ?

Je commençai à perdre sérieusement patience.

⸺ Potter, soit tu te la fermes une bonne fois pour toutes, soit je te jette un sort. Et je n'hésiterai pas ! le menaçai-je.

Je ne réussis qu'à le faire rire.

⸺ Si belle mais si sauvage, Evans. Tu es simplement parfaite.

⸺ La ferme, Potter ! criai-je, avant de me replonger dans mes notes.

Mais comment rester concentrée avec cet énergumène qui essayait de me pousser à bout ?

⸺ Désolé, Evans. Mais c'est juste que... tu... tu me plais beaucoup, tu sais. Je ne sais pas comment réagir ! Je ne sais jamais comment faire avec toi. Je ne sais plus quoi faire, je ne pourrai pas vivre avec la certitude que celle que j'aimais et que j'aimerai pour toujours m'a rejeté sans que je puisse y faire quoi que ce soit.

James Potter, un romantique ? Peuh, j'étais qu'il avait pompé cette stupide phrase dans un livre ou je-ne-sais-pas-trop-quoi-d'autre. Ou bien c'étaient ses stupides amis qui lui avaient soufflé. J'aurais plutôt parié sur Black. Black était exactement comme James. C'étaient toujours les deux premiers à se lancer dans de nouveaux mauvais coups. D'ailleurs, je ne saivais pas comment ils faisaient pour ne jamais se faire attraper par les professeurs.

Lupin essayait de les calmer, mais était souvent enseveli par leur énergie débordante et leur besoin irrépressible de faire des bêtises, alors il les suivait, bien que souvent à contre-cœur. Et Pettigrow n'avait aucune personnalité : il traînait avec eux uniquement pour ne pas être seul. Il ne réfléchissait pas.

Je les détestais, tous autant qu'ils étaient. Enfin, Remus, seul, était mon ami, mais en groupe...

Et pourtant... je sentais que James avait changé depuis la rentrée. Il restait un peu idiot, mais moins qu'avant, étonnamment. Et puis, depuis que j'avais menacé de tout raconter à McGonagall de ses altercations avec les autres élèves et toutes ses autres bêtises immatures, il s'était un peu calmé.

Mais il restait un idiot.

⸺ Je ne savais pas que tu étais si romantique, Potter, dis-je d'un air dédaigneux, mais avec un sourire en coin.

⸺ Je ne cherche pas à être romantique, je suis sérieux, Evans. Tu me brises le cœur.

Mais ne cessera-t-il donc jamais ? Il voulait être insupportable, très bien. J'allais rentrer dans son jeu. Aucun remords.

⸺ Mais pas ta réputation. Je suis préfète-en-chef, et mon devoir est de rapporter les écarts des élèves au directeur lorsque ceux-ci deviennent trop importants, terminai-je en appuyant volontairement sur la fin de ma phrase. Or, je ne le fais pas.

Il se retourna vers moi, une ombre dans le regard.

⸺ Et pour quelle raison ?

⸺ Je ne suis pas stupide. Ça ne vous empêcherait en rien de commettre toujours plus d'idioties.

⸺ Non, ce n'est pas la seule raison.

Je... quoi ? Mais qu'insinuait-t-il encore ? Mais... mais...

Il avait raison.

Bien évidemment qu'il avait raison.

Je ne pensais simplement pas que ça s'était remarqué à ce point.

⸺ Je... arrête.

Je me détournai, furieuse.

⸺ Tu admets donc que j'ai raison ?

⸺ Je n'ai jamais dit ça.

⸺ Tu n'as jamais dit le contraire non plus. Et la Lily Evans que je connais m'aurait aussitôt contré, et peut être même jeté un sort. Aurais-je touché un point sensible ?

Je me retournai violemment.

⸺ Tais-toi, Potter !

Je le regardai dans les yeux, et j'aperçus sa surprise. Je rougis aussitôt, me prenant la vérité en pleine face. Mon souffle se coupa, et je plongeai mon regard dans le sien. Si doux et si rude à la fois. Ses yeux se baissèrent lentement, et je fis mine de ne pas le remarquer. Mon cerveau carburait à mille à l'heure, et je revins à la réalité quand il demanda d'une petite voix :

⸺ Ça va, Evans ? Je... je suis désolé, je ne voulais pas te faire de peine.

⸺ Tu n'es qu'un idiot, Potter.

⸺ Je... je m'excuse Evans.

Ainsi, le grand James Potter avait de la compassion ? Je m'avançai un peu plus et soufflai :

⸺ Tais-toi, Potter.

Sans lui laisser le temps de faire quoi que ce soit, je posai le bout de mes doigts glacés sur sa mâchoire et posai chastement mes lèvres sur les siennes. D'abord surpris, il me rendit mon baiser. Puis je m'arrêtai. Je me sentais si étrange. J'étais décidément insupportable avec lui.

⸺ Excuse-moi...

Je ramassai mes affaires, ma baguette et me sauvai alors qu'il restait assis dans l'herbe. Je sentis mon cœur se serrer. J'agissais comme une idiote. Je venais de confirmer le fait que je n'étais qu'une idiote auprès de ce garçon.

Et puis, pourquoi avais-je changé comme ça, du tout au tout ? Pourquoi l'avais-je embrassé ? Pourquoi ? Mon changement d'attitude à son égard était beaucoup trop rapide, palpable. Mais son constat m'avait fait comprendre. Comprendre. Comprendre. Comprendre.

Je continuai de courir, courir, toujours plus vite. Je ne cherchais même pas à savoir où j'allais, je continuai de courir dans les couloirs sans trop savoir quoi penser, quoi ressentir. Je bousculai tout le monde et je sentis des larmes commencer à couler sur mes joues, sans vraiment que savoir pourquoi. Puis j'entendis un cri lointain :

⸺ Evans ! Eh, Evans !

Je séchai mes larmes d'un revers de manche et je continuai de courir. Je tournai la tête un instant et je le vis bousculer tout le monde en courant dans ma direction. Alors je courus plus vite, plus vite. Mes poumons me brûlaient, ma respiration devenait de plus en plus pénible, mais je tins bon. Je m'engageai dans un nouveau couloir puis m'arrêtai, haletante. Je m'adossai à un poteau et me laissai tomber sur le sol.

⸺ Evans !

J'entendis ses pas résonner dans le couloir, puis une main se poser sur mon épaule.

⸺ Evans, que se passe-t-il ? Tu me peux m'expliquer ce que c'était, ça ? Pourquoi t'es partie en courant, Evans ? Je ne te comprends absolument pas, je suis perdu !

Il posa ses deux mains sur mes épaules et répéta :

⸺ Evans ! Dis-moi ce qu'il se passe !

Par réflexe, je lui retournai une claque monumentale. D'abord sonné, il se retourna pour me faire face en posant sa main sur sa joue cuisante. Mes pensées semblaient comme bloquées, aussi lui répondis-je en mode automatique :

⸺ Laisse-moi tranquille, Potter !

Il ne répondit rien et continua de me fixer avec de grands yeux surpris. Quelque chose dans son regard me fit me sentir mal.

Je sentis mon cœur s'accélérer et je fondis en larmes. Je criai :

⸺ Arrête de me regarder comme ça ! Je... arrête ! LAISSE-MOI TRANQUILLE ! Pourquoi tu me regardes comme ça, hein ? C'est quoi ton problème avec moi ? Pourquoi tu fais tout ça ? Tu me gâches la vie, Potter ! Pourquoi ? Pourquoi ?

Je repris mon souffle et entendis à peine son murmure :

⸺ Mais parce que je suis amoureux de toi, Evans.

Mes pleurs se stoppèrent aussitôt, et je ne pus m'empêcher de le regarder de manière étrange. James Potter avait toujours été insupportable et m'avait toujours fait des avances, mais ne m'avait jamais dit les choses aussi clairement. Et, même si je savais au fond de moi qu'il était sincère, je me sentis étrangement mal. Je tremblai, et je luttai pour ne pas lui hurler dessus, le frapper, lui jeter un sort.

Il avait été tellement insupportable. Je ne comprenais pas comment il était possible que j'aie commencé à... éprouver quelque chose pour lui.

⸺ Je t'aime, Lily Evans.

Je parvins à articuler :

⸺ Vraiment ?

⸺ Oui. Je t'aime bien plus que ce que tu n'oses même pas imaginer.

Je restai là, pétrifiée, à le fixer. Incapable de sortir un son, un mot, un geste. Je ne l'avais jamais cru, parce que l'amour, ce n'est pas tout faire pour énerver l'autre. Mais sans doute n'avait-il jamais su comment réagir face à un sentiment qui démange chaque centimètre carré du corps et transforme les jambes en tas de coton.

⸺ Dis quelque chose, merde ! me lança-t-il sur un ton de reproche. Je me sens comme le roi des idiots, et toi tu restes là à me fixer comme si tu voulais me faire carboniser sur place ! Réponds-moi, Evans !

Ses cris me firent revenir à la réalité. Essayant de mesurer chaque mot que je dis, je lui répondis :

⸺ Tu as commis des choses horribles. Tu as été mauvais avec moi. Avec tous les autres. Et surtout avec...

Je marquai une pause. Je ne pouvais pas le prononcer. Son nom me fait trop souffrir. Mais alors je compris tout.

⸺ Tu étais jaloux de lui, lâchai-je d'une voix rauque.

Il acquiesça difficilement.

⸺ Tu étais jaloux de lui, et tu lui as fait du mal. Je ne peux pas aimer celui qui a fait du mal à mon ami.

⸺ Est-ce toujours ton ami ?

Je baissai le regard.

⸺ Je n'en sais rien. Non.

⸺ J'ai changé, Evans. Je suis prêt à devenir bien meilleur, pour toi.

Je plongeai mon regard dans le sien, et lui pris les mains.

⸺ Alors montre-moi. Montre-moi que tu peux changer. Montre-moi que tu as changé et je reconsidèrerai la situation. En attendant, je ne peux pas te faire confiance. Montre-moi que tu peux la gagner.

⸺ Je la gagnerai. Je te montrerai que j'ai changé, me promit-il.

⸺ Nous verrons cela.

Je me penche et déposai mes lèvres sur sa joue, puis je me relevai.

⸺ À bientôt, Potter.

Je ramassai mes affaires et partis en lui jetant un dernier regard : le sien était dans le vague. Pourquoi lui avais-je donné une chance, me demanderez-vous ? Car je savais que Potter était un idiot. Mais un idiot qui avait la capacité de devenir meilleur.

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