℘𝐀𝐑𝐓𝐈𝐄 𝟔 (7k)
𝐏𝐀𝐑𝐓𝐈𝐄 𝟔 : 𝐋𝐄 𝐏𝐑𝐈𝐍𝐂𝐄 𝐂𝐇𝐀𝐑𝐌𝐀𝐍𝐓
﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌﹌
어찌어찌 걸어 바다에 왔네
이 바다에서 나는 해변을 봐
무수한 모래알과 매섭고 거친 바람
여전히 나는 사막을 봐
Je ne respire plus.
Les yeux écarquillés, la main sur la bouche, je retiens autant que possible mon souffle. Accroupie dans l’obscurité de la salle de bain, je me fais la plus discrète possible. Je ne veux pas qu’ils puissent m’entendre.
Depuis qu’il est entré, il y a quelques secondes, Dimitri Stanlov n’a pas encore parlé. Je devine qu’Edward l’a silencieusement invité à s'asseoir à son bureau.
— Et bien, retentit d’ailleurs la voix de ce dernier. Je vous écoute. Qu’aviez-vous de si important à me dire ?
Un rire lui répond.
— Et bien, c’est-à-dire que cela est assez embarrassant, je…
— Rassurez-moi.
Le fauteuil d’Edward émet un léger grincement et je devine qu’il vient de se réajuster dedans.
— Vous ne venez pas me déranger pour minauder ?
— N… Non ! réagit aussitôt Dimitri.
Quelques bruits hâtifs retentissent. Il manipule des feuilles à toute vitesse.
— Je… Je voulais juste vous faire lire ceci et cela…
— Qu’est-ce que donc ?
— L’opportunité de sauver votre entreprise du danger dans lequel elle s’est enlisée en engageant (T/P) (T/N).
Mes sourcils se haussent. Je fronce les sourcils, abasourdis. Le bruit de froissement s’est arrêté. Un silence est tombé dans le bureau. Froid.
Dimitri rit nerveusement.
— Allons ! Prenez ces feuilles que je vous tends et lisez-les ! Elles en valent le détour !
— Je ne suis pas vraiment sûr d’apprécier l’idée que vous vous pointiez dans mon bureau pour baver sur l’une de vos collègues.
— Ce n’est pas qu’une collègue…
Sa voix se fait moins audible, comme s’il chuchotait lorsqu’il précise :
— C’est une vipère.
Edward ne répond pas. Je ne vois rien de son visage. Cependant, je devine dans son silence vrombissant une certaine colère.
Au bout de quelques secondes, il finit par articuler :
— Vous n’avez qu’une poignée de secondes pour me convaincre que vous n’êtes pas un fumier comme les autres, dévoré par l'appât du gain. Passez ce laps de temps, je vous fous dehors.
— M… Mais bien sûr ! Bien sûr !
Des bruits de froissements de papier retentissent à nouveau.
— Connaissez-vous l’entreprise Boidat, monsieur Cumberg ?
Le monde cesse de tourner.
Mes muscles se figent. Ma respiration se coupe. Mon cœur cesse de battre quelques instants. Mes yeux s’écarquillent.
Il me semble qu’une lumière vient de grésiller en moi. Comme si une lueur que j’avais peiné à rallumer faiblissait à nouveau.
Un spasme me saisit.
— Boidat ? répète Edward, visiblement ignare de la chose. Jamais entendu parler.
Non. Pas encore.
Mes mains moites se plaquent contre la porte.Je crois que j’essaye de prendre ma respiration. Mais l’air demeure bloqué dans mes poumons. Mes yeux écarquillés fixent le sol plongé dans l'obscurité. Je crois que si la lumière était allumée, je ne verrais de toute façon rien. Des larmes imbibent mes yeux. Elles brouilleraient ma vision.
Je plaque une main fébrile sur mes lèvres, tentant de réprimer mes hoquets ainsi que leurs soubresauts.
Non. Pas encore. Pas après tout ce temps.
— L’entreprise dans laquelle travaillait votre employée avant d’arriver ici.
Un soupir lui répond.
— Vous croyez que j’ai que ça à foutre de me rencarder sur les entreprises où ont travaillé mes salariés ? Vous savez combien j'en ai, au moins ?
— En effet, en effet ! chuchote d’un ton doucereux Dimutri. Mais cela vous intéresserait sûrement de savoir ce qu’il s’est passé là où elle était avant.
Mon corps tremble. Je glisse contre le mur. Mes fesses touchent le carrelage froid. Je ne réfléchis pas quand je m’y allonge, posant mon front sur la surface glacée, quêtant la moindre parcelle de fraîcheur.
Edward ne répond pas. Je ferme les yeux.
Faites que quelque chose se produise. N’importe quoi pour le faire taire. S’il vous plaît. je ne veux plus rien entendre. Je ne veux pas qu’on en parle.
Que les bouches se ferment. Que le vent emporte chaque parole.
Que le silence se fasse.
— Après tout, si vous lui confiez un poste aussi important que celui qu’elle vise, il vous faut savoir dans quelle circonstance elle est partie, avant.
— Je ne suis pas sûr que cela me regarde.
Le ton d’Edward est ferme, je lutte contre les hoquets qui assaillent ma gorge. Ils ne doivent pas m’entendre. Surtout pas.
Plus personne ne doit m’entendre.
— Oh, mais j'en conviens ! Vous souhaitez la protéger ! Mais comprenez qu’elle…
— T’as quatre secondes pour te casser de mon bureau, connard.
Edward est en colère.
Sa mâchoire s’est contractée lorsqu'il a prononcé ces paroles. Les mots ont jailli comme si ses dents serrées tentaient de les retenir. Mais il l’a dit.
Je ne trouve que peu de réconfort dans sa réponse.
— Mais enfin ! Je suis venu vous prêter main forte ! Je ne compte que vous empêcher de faire la pire erreur de votre vie ! Elle va…
— Dois-je me lever ?
Il ne hausse pas le ton. Chaque fragment de sa colère se cristallise dans la façon qu’ont ses cordes vocales de vibrer autour des mots. Ils résonnent en une mélodie dramatique.
Une menace à peine voilée. Sous-jacente.
— Je… Vous rendez-vous compte que vous menacez un de vos employés, monsieur Cumberg ?
— Et vous rendez-vous compte que si je fais rarement des menaces, je les exécute toujours ? rugit-il pour toute réponse.
Son fauteuil craque.
Edward s’est levé.
— Maintenant, partez. Parce qu'il n'est qu’une question de secondes avant que je cède à de très bas instincts.
Des bruits de pas hâtifs retentissent. Les yeux clos, je tente de ne me concentrer que sur la fraîcheur du carrelage sous ma tête. Mais, il me faut me lever. Je le sais.
Edward ne peut pas me trouver ainsi. Je le refuse. Cela affecterait trop ma dignité. Et j’ai suffisamment cru l’avoir perdu, fut un temps, pour ne pas la risquer à nouveau.
— Vous m’avez menacé ! Croyez-moi que ça ne s’arrêtera pas là ! rugit Dimitri avant que la porte claque.
Nous sommes à nouveau seuls.
Je n’ai pas le temps de me dire que je dois me relever que la porte s’ouvre. Aussitôt, la lumière du bureau s'infiltre dans la salle de bain, illuminant ma figure recroquevillée et tremblante.
Les jambes d’Edward apparaissent juste devant mon visage posé au sol.
— (T/P) ?
Je tente de répondre. Mais, ma gorge se serre trop. Mon corps secoué de spasmes demeure au sol tandis que je lutte pour me relever.
Mais rien n’y fait. Comme si j’étais revenue plusieurs années en arrière, je demeure figée.
Incapable de réagir.
— (T/P) !
Une certaine panique secoue sa voix et il tombe à genoux à côté de moi. Sa large main se pose sur mon épaule tremblante. Les yeux fixés sur le sol, je ne vois pas son visage.
Mais j’entends dans le ton de sa voix qu’il est effaré.
— Bon sang, dans quel état tu es ?
Ôtant sa veste en toute hâte, il la dépose sur mon corps. Je crois que son odeur qui m’embaume alors me soulage. Mais cela ne suffit pas à calmer mes spasmes.
Précautionneusement, comme si je pouvais me briser à tout moment, il me fait basculer sur le dos. L’une de ses mains se glisse sous ma nuque et l’autre saisit ma hanche, m’accompagnant avec contrôle dans ce geste.
Maintenant, sur le dos, j’aperçois enfin son visage. Des larmes de panique imbibent ses yeux. Cependant, son visage n’est pas froissé. Il garde les traits fermés. S'il ne pleurait pas, jamais je ne me douterais qu’il a peur.
Sa paume se pose sur ma joue et, glissant le bras sous mon dos, il me ramène contre lui. Quand ma tête se loge dans le creux de son épaule, je soupire de soulagement en sentant la peau de son cou contre mon front.
Je réalise alors combien j’avais mal au crâne. La douleur se dissipe brutalement. Des larmes s’échappent sur mes joues.
— Je… Je veux pas en parler…, j’arrive à hoqueter. Là-bas, ils…
Mais je n’arrive pas à terminer ma phrase.
— Je sais, mon cœur. Je sais ce qu’il s’est passé. Je l’ai compris. Et on n’en parlera pas. Pas tant que tu ne le veux pas. Promis.
J’éclate de plus belle. Ma poitrine se secoue et je hoquète bruyamment, des larmes dévalant mes joues. Les yeux clos, je tente de me calmer, mais mon corps tremble trop.
Je hoquète à nouveau.
— Ch… Rien ne presse. Prends ton temps, déclare Edward en basculant sur les fesses, ses jambes se dépliant autour de moi, tandis que ses bras forts me serrent encore mieux contre lui.
Mon corps se détend quelque peu.
— Je resterai avec toi aussi longtemps que tu en auras besoin, alors prends ton temps.
♡
À l’époque, je crois que je voulais être photographe.
Badoit était une petite entreprise dynamique et sociale. Elle aidait les associations à trouver des donateurs en pratiquant des actions de communication à très bas prix. J’avais été engagée en tant que chargée de communication chez eux, le temps de mes études.
Lors de nos entretiens, mon employeur, Pierre Arnault, avait semblé d’une gentillesse sans égale. Son sourire était doux et ses paroles, prévenantes. Il disait apprécier les photographies que je faisais, sur mon temps libre.
Il n’avait d’ailleurs pas attendu avant de dire qu’il m’embauchait. À la fin de l’entretien, il m’avait directement annoncé que j’étais engagée.
Soulagée, j’ai fêté cela avec des amis. J’étais sur un petit nuage. Je venais de réussir à décrocher mon premier emploi. Et, dans ce dernier, on userait de mes dons de photographe.
Je croyais toucher mon rêve du bout des doigts.
J’étais, en réalité, à l’aube d’un cauchemar noir.
— Tu me dis si c’est trop chaud, chuchote Edward en déposant un plateau garni de tasses de chocolats, thés, cafés et gâteaux sur la table basse devant moi.
Emmitouflée dans un plaid, j’observe un moment l’assortiment de desserts. Encore secouée par les paroles de Dimitri, je ne réagis pas tout de suite.
Il prend mon silence pour de la curiosité.
— Je ne savais pas ce dont tu aurais besoin, donc j’ai tout commandé. Mais, j’ai aussi un maximum d’alcool si tu as des projets différents.
Je souris doucement, touchée par son attention.
Après m’avoir tenu longuement contre lui, Edward m’a soulevée dans ses bras et est sorti par une issue de secours menant à son parking privé. En toute discrétion, il m’a menée jusqu’à la voiture.
— Je sens que tu as besoin de prendre l’air. Dis-moi où aller et nous irons là-bas.
La voix encore endolorie par les sanglots, je lui ai dit que j’avais juste besoin de prendre mon temps, d’être au chaud dans un endroit différent. Je ne sais pas réellement ce que j’entendais par « différent ». Mais, je crois que ce lieu s’en approche considérablement.
Edward nous a conduits dans un des hôtels qu’il possède. Le lieu est élégant, discret et le room service a été aux petits soins avec nous dès que nous avons franchi la porte.
Devant moi, un dessin animé au son coupé défile depuis tout à l’heure. Il m’a expliqué qu’une amie faisait cela pour se remonter le moral quand elle n’allait pas bien. Les vieux films d’animation la replongeaient en enfance et l’apaisaient.
— C’est adorable, je chuchote en saisissant une tasse.
Il s’assoit à côté de moi, prenant un café dans une main et un chocolat dans une autre. En tailleur sur le canapé, il s’ajuste pour me faire face.
Là, il contemple mon visage interrogateur.
— Eh, juge pas ce mélange divin. Café et chocolat, c’est sous-côté. De nombreuses sources scientifiques laissent à penser que c’était ça, le trésor des templiers.
— Et quelle source, je te prie ? je demande, arquant un sourcil dubitatif.
— Moi.
Quelques instants, je ne dis rien. Puis, j’éclate de rire. Aussitôt, un sourire lumineux étire ses lèvres. Ses yeux s’écarquillent et il détaille mes soubresauts dans un regard infiniment doux.
Il a cette façon de m’observer en détail qui me fait frissonner.
— Qu’est-ce que tu es belle quand tu ris, chuchote-t-il tandis que mon cœur s’emballe.
Sa main se pose sur mon genou, à travers le plaid. Son pouce le caresse quelques instants et je soupire doucement.
Je me sens mieux.
— Alors ? Que veux-tu faire ?
Mes épaules se haussent tandis que je regarde autour de moi. Cette chambre d’hôtel mérite amplement ses cinq étoiles.
Les baies vitrées laissent voir la ville environnante malgré l’épaisse buée couvrant les fenêtres. Fort heureusement, le froid glacial n'atteint pas cette pièce chaleureuse où les fournitures blanches se confondent dans la lumière orangée des lampes. Sur le lit, le canapé et quelques sièges, des plaids douillets ont même été laissés à disposition.
Quelques plantes jalonnant la pièce achèvent de lui apporter une certaine gaieté.
Edward a bien fait de m'emmener ici. Je m'y sens mieux. Apaisée.
— Je… Je ne sais pas trop, j'admets. Je n’ai absolument aucune idée de ce qu’on pourrait faire.
— Voyons voir, j’ai ici une liste de choses qu’on peut faire ensemble, dit-il en dégainant sa tablette et observant l’écran. Un massage, du sport dormir, rien faire, jeu de société, film, dessin animé, poterie et je t’en supplie ne choisit pas celui-là parce que tu verras une facette de moi que je n’ai pas envie de te montrer, jeu vidéo et je ferais le même commentaire, virer Dimitri, origami, cours de danse, mosaïque, plein de trucs…
Il tourne la tablette, me montrant le site sur lequel il était. Il s’agit de celui de l'hôtel.
— C’est super cool ici, j’ai bien fait de l’acheter.
Dans un sourire, il lit plus attentivement chaque prestation proposée. Je ne fais même pas de commentaire sur l'incongruité de la situation : il possède un lieu dont il ne connaît ni les services ni les produits.
Seule une chose retient mon attention.
— Tu veux virer Dimitri ? je demande en fronçant les sourcils.
Ses traits retombent immédiatement. Il ne me regarde pas lorsqu’il me répond. Continuant de faire défiler les pages web de l'hôtel sur sa tablette, je devine qu’il s’agit là d’une façon d'éviter mon regard.
— Personne ne peut te faire pleurer. Jamais.
— Edward…, je chuchote en me penchant, posant une main sur la sienne.
Ses mouvements se figent aussitôt au-dessus de sa tablette. Il ne me regarde toujours pas. Je devine qu’il fuit notre contact visuel, car il est conscient qu’il s’apprête à abuser de son pouvoir et qu’il n’en est pas fier.
Je suis touchée qu’il soit prêt à faire cela pour moi. Mais, comme monsieur Abd Allah nous l’a dit, il faut faire très attention.
Il ne peut pas mettre sa réputation en danger de la sorte.
— Edward, ne te compromet pas pour moi, s’il te plait.
— C’est lui qui a compromis mon jugement à son égard, à partir du moment où il t’a mal parlé dans l’open space. D’ailleurs, j’avais déjà décidé de le virer à ce moment-là.
Je souris doucement, touchée.
— Edward, j'appelle son nom d’une voix délicate saisissant ses mains.
Enfin, il me regarde. Abandonnant sa tablette sur le côté, il m’accorde toute son attention.
Ses yeux se plantent dans les miens.
— Je me sens en sécurité avec toi, protégée et choyée. Je crois que je n’aurais jamais pu espérer plus douce relation.
— Je sens venir le « mais », chuchote-t-il dans un couinement, faisant ressortir sa lèvre inférieure.
J’observe un instant sa moue. Un rire doux me prend.
— Tu m’as sauvée face à Arthur. Tu as appuyé ma promotion. Tu…
— Tu veux créer ta propre entreprise, c’est ça ? demande-t-il en se redressant. Parce que je peux te trouver des actionnaires, des…
— Edward.
Saisissant son visage en coupe, je souris. Mes pouces lissent ses pommettes et je penche la tête sur le côté. Contre mon auriculaire, abandonné sur son cou, je peux sentir son cœur battre à tout rompre.
Je savais que je lui faisais de l’effet. Mais, après quelques semaines déjà passées ensemble, je dois dire que je ne m’attendais pas à ce que son corps réagisse toujours aussi vivement.
— C’est justement de ça dont je veux parler.
Il couine doucement. Je lutte contre l’envie d'éclater de rire face à ses pitreries. Il me l'a déjà dit, il adore me voir rire. Il le voit comme une victoire personnelle.
« Je me sens comme le meilleur des hommes quand je te fais rire, t’as pas idée ! » a-t-il lancé un jour.
— Edward, j’aime la façon dont tu veilles sur moi. Mais, il y a des combats que je dois mener seule. Je te suis tellement reconnaissante de m’avoir aidée face à Arthur... Mais une partie de moi aurait aimé s’en occuper.
Penchant la tête sur le côté, je souris.
— Et je crois que j’ai à nouveau la chance de m’occuper de moi, de faire quelque chose pour moi.
Il ne répond pas.
— Tu me comprends ?
Il met quelques instants avant de chuchoter d’une moue boudeuse :
— Évidemment que je comprends, mais… Ça veut dire que je serais plus jamais ton prince charmant ?
J’éclate de rire, enroulant mes bras autour de son cou. Aussitôt, sa main se loge dans le bas de mon dos et je chuchote à son oreille :
— Bien sûr que tu es mon prince charmant, Edward. Tu le seras toujours.
♡
Dimitri apprendra à ses dépens que je ne suis pas le genre de femme que l’on intimide aisément. Les actions ont des conséquences et celles qu’il endurera lui passeront l'envie de recommencer.
Assise devant mon ordinateur, je pianote depuis très tôt ce matin. Ayant passé la nuit à l’hôtel avec Edward, j’ai tenu à me rendre au travail en même temps que lui. Ainsi, lorsqu'il s’est levé à quatre heures du matin et est parti à cinq, je l’ai suivi.
Il a bien tenté de m’en dissuader. Il m’a demandé de me reposer. Je lui ai dit que je ne pouvais pas lutter contre l’envie de faire un voyage en limousine. Il m’a promis de m’en envoyer une. J’ai alors admis que je voulais juste passer du temps avec lui.
Il a laissé échapper un rire particulièrement tendre avant de saisir ma main. Nous sommes ensuite allées au bureau seuls.
— Alors, bien matinale ?
Je n'accorde aucun regard à Dimitri qui s’arrête à ma droite. Un rire forcé franchit ses lèvres.
Il s’imaginait gagner les faveurs du patron en bavant sur mon dos. Maintenant qu’il a été durement reçu, il opte sans doute pour une autre stratégie. Une qui consiste à m’amadouer.
Trop tard. J’ai vu clair dans son jeu.
— Moi qui espérais fayoter en arrivant tard, insiste-t-il dans un rire gêné.
— Je suppose que là est la différence entre un futur manager et quelqu’un qui rêve seulement de le devenir. L’un bosse tandis que l’autre fayote.
Lui adressant un regard, j’ajoute :
— J’espère que, dans tout ce fayotage, vous avez pris le temps de refaire les brochures à destination de nos clients principaux ?
Lorsque quelqu’un arrive ici, il est courant de lui donner une tâche qu’il réalisera entièrement seul, mais qui n’est pas complexe. Il s’agit là de le mettre dans le bain sans l’étouffer dès le départ.
Dimitri hausse le menton, me répondant d’un air satisfait :
— Vous apprendrez que je vous l’ai envoyée hier !
Mes sourcils se froncent. J’ai vérifié mes mails ce matin et je n'ai rien vu. Ouvrant à nouveau ma messagerie, je parcours rapidement mes mails triés avant de me rendre dans ceux fraîchement supprimés. Peut-être l’ai-je écarté à cause d’une erreur de manipulation ?
Je n’ai pas le temps de lire le moindre objet. Aussitôt, son bras jaillit dans mon champ de vision. Son doigt se plante dans l’écran, là où se trouve un message.
— Là ! Je peux savoir pourquoi vous l’avez mis dans votre corbeille ? Vous vouliez faire croire que je ne vous l'avais pas envoyé ? demande-t-il d’un air pincé.
— Oh, cruel monde, j’ai été cernée. C’est d’ailleurs pour cette raison que je viens d’ouvrir ma corbeille devant vous. Histoire de vous donner raison parce que je suis lente d’esprit, je raille pour toute réponse.
Cliquant sur le message, j’arque un sourcil.
Chaque matin, je supprime une quantité astronomique de mails. Celui-ci en a fait partie et je comprends immédiatement pourquoi en le relisant.
— On ne vous a pas appris à envoyer des mails dans votre précédente entreprise ?
Il hausse les sourcils, visiblement surpris.
— Vous avez une adresse mail institutionnelle composée de votre nom, de votre prénom et du nom de l’entreprise, non ? C’est littéralement la première chose que l’on donne aux nouveaux arrivants.
Ses traits se rétractent quelque peu. Il réalise soudain qu’il a sans doute fauté. Je soupire bruyamment.
— Alors, je ne vais même pas prendre la peine de vous demander pourquoi vous avez utilisé une adresse mail personnelle qui n’est qu’une suite incohérente de chiffres. Vous avez dû oublier de vous connecter à votre adresse mail professionnel pour m’envoyer ce mail. Ce qui est étrange parce que depuis votre ordinateur professionnel, vous n’avez normalement accès qu'à celle-ci.
Je marque un bref temps d'arrêt.
— Sauf si vous vous êtes connecté à votre compte personnel depuis ici, histoire de lire des mails personnels pendant les heures que vous êtes payés à travailler ?
Son teint se fait blême. Il hésite quelques instants.
— Ne prenez pas la peine d’inventer un mensonge que j’oublierai dans la minute qui suit parce que, fondamentalement, je m’en fiche. Sachez simplement que pour éviter le piratage, nous avons ordre de n'ouvrir aucune pièce jointe venant d’une adresse mail n’étant pas celle de la boîte. Même les envois de nos clients sont inspectés par les équipes de sécurité numérique avant que nous ayons l’autorisation de les ouvrir.
Fort heureusement, je peux me débrouiller sans les déranger à une heure si matinale. Alors, téléchargeant la pièce-jointe, je ne l’ouvre pas et lance une analyse antivirus de cette dernière. Dimitri se tend, à ma droite.
Naturellement, il n’aime pas que je vérifie un dossier qu’il a personnellement envoyé. Implicitement, je suis claire : je le crois capable de me communiquer des données dangereuses.
L’analyse atteste pourtant que je ne crains rien. J’ouvre donc la pièce jointe.
Aussitôt, je la referme.
— Recommencez votre travail.
— Quoi ? s'exclame-t-il aussitôt. Vous ne l’avez même pas regardée en entier !
— La page de garde m’a suffi. Ce bleu ne fait pas partie de notre charte graphique. Et les selfies font partie de nos interdits iconographiques. Savez-vous au moins ce que c’est ?
Me retournant complètement, je darde un regard noir sur lui. Visiblement atterré, il inspire profondément à plusieurs reprises, refusant de répondre à une question si insultante.
Une charte graphique est un document qui étaye le contenu de l’image d’une marque ou d’un projet. La police d'écriture, les palettes de couleurs, les photographies pouvant être utilisées... Tout cela est répertorié dedans et doit être soigneusement suivi.
La plupart des chartes comprennent une page consacrée aux interdits. Jamais, au grand jamais, on ne peut utiliser les couleurs, les photographies ou les polices d’écriture se trouvant dans ces pages.
Les photos que nous utilisons tournent essentiellement autour des textures, des quatre éléments, des femmes, des hommes et des couleurs pastel. Parmi les interdits figurent les selfies.
Alors pourquoi sa page de garde est-elle un selfie sur lequel est écrit en lettres néon « réinventez-vous » ?
— Vous allez immédiatement vous calmer, finit-il par réagir, piqué au vif.
Demander à quelqu’un ayant travaillé trois ans en communication s’il sait ce qu'est une charte graphique est insultant.
Qu’il se sente insulté. Je m'en fiche.
— Ce n’est pas ma faute si vous ne connaissez rien à l’histoire de la marque, ajoute-t-il d’un air hautain. Je vous signale que j’ai repris l’exacte même charte graphique que celle du projet EUKYOS !
Mes yeux roulent dans leurs orbites.
— EUKYOS était un pop-up store d’une influenceuse qui vendait des produits, dont les nôtres. Elle avait sa direction artistique et donc sa charte graphique. Ce n’est pas parce que nous étions partenaires que cela devient une déclinaison de notre image de marque !
Je n’y tiens plus et assène avec dureté :
— Vous le comprenez ou faut vous le tamponner !?
Il fait un pas de recul, visiblement blessé. Je n’éprouve aucun remords face à sa réaction. Le lorgnant quelques instants de plus, je me concentre finalement sur mon ordinateur.
Sous son regard inquisiteur, je clique sur son mail puis sur l’onglet « supprimer définitivement ». Son message disparaît. Je ferme ma messagerie et reprends le brief sur lequel je travaillais.
Il reste là quelques instants. Je croyais m’être débarrassée de lui.
Mais sa voix résonne soudain, prononçant ces mots :
— C’est fou ce que tu te la joues parce que t’es la future manager alors que la seule chose que t’as faite, c’est coucher avec le patron.
Mes mains se figent. Mon souffle se coupe.
Quoi ?
Je vous remercie de m'avoir suivie pour ces trois jours de rattrapage ! Il est vrai que ce recueil était à l'abandon mais je reprends maintenant mon compte wattpad en main et je me remets à jour ;)
Peut être qu'on se reverra bientôt ?
Vous avez l'air d'apprécier ce recueil donc je le poursuivrai si nous devenons 8 mille !
Merci énormément pour votre soutien chaque jour !
♡
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top