Chapitre 22 √

Jamais l'idée de t'éliminer ne m'avait une seule fois effleurée l'esprit, Sarah.

Je repasse sa phrase dans ma tête, en boucle et en boucle jusqu'à en avoir mal au crâne. J'ai passé ma soirée à me rappeler le moindre de mes faits et gestes, mes paroles et pensées. Ces derniers jours, je n'arrête pas de le faire et j'ignore la raison. Peut-être que je suis trop à cran ?

En tout cas une chose est presque sûre : je ne serai pas éliminée. Je garde un peu d'espoir même si je suis sûre et certaine que je resterai dans ce palais encore longtemps, à mon plus grand malheur.

Je ne reverrai pas Aiden de si tôt et ça m'énerve. Ça m'énerve de savoir qu'il est loin de moi, près de toutes ces filles à la ville qui n'hésiteraient pas une seconde à me le voler.

Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour que le prince ne veuille pas m'éliminer ? J'ai pourtant fait tout ce que je devais...

Tu as fait tout le contraire de ce que tu devais faire, Sarah.

Ne pas lui parler. Ne pas l'approcher. Ne pas s'intéresser à lui. Ne pas lui poser de questions.

Tout ça, c'est ma faute. C'est ma faute et je n'ai rien vu ! J'ai continué comme si de rien n'était au lieu d'agir selon mes plans de base. C'est ma faute... Je ne reverrai pas mon bien-aimé à cause de stupides mots adressé à ce prince, ce fils de riche.

Ça m'énerve tellement. Aiden me manque énormément et sans lui, j'ai l'impression d'être vide, sans sentiments ni émotions.

Et pourtant...

Je suis tirée de mes pensées par des cris venant du couloir, en dehors de ma chambre. Je reconnais la voix d'Ariane, ou plutôt les gémissements qu'elle pousse. Qu'est-ce qu'elle peut donc bien fabriquer encore ?

J'ouvre la porte pour m'apprêter à la réprimander quand je me fige en l'apercevant par terre, aussi blanche que la neige. Ses yeux habituellement d'un joli bleu me supplient de l'aider.

Je me précipite vers elle, la prenant par la main, inquiète.

— Princesse, j'ai mal...

Je cille. Ses lèvres sont gercées, sa peau pâle. Je pose ma main sur son front. Elle n'a pas de fièvre.

— Ariane, qu'est-ce que tu as ?

— Je ne peux pas... Mon ventre... Je vais...

Elle retient un hoquet de sa main et finit par vomir par terre. Mes yeux s'attardent sur son ventre gonflé. Oh, non... Ce n'est pas possible. Et pourtant, cela expliquerait sa fatigue.

— Tu as mangé récemment ?

— Il y a à peine un quart d'heure. Je voulais vous voir... et je me suis effondrée par terre... J'ai mal au ventre...

— Ariane, tu as l'air... enceinte.

Elle écarquille grands les yeux, éberluée.

— Quoi ?

Ses joues se mettent à rougir.

— Allez, lève-toi. Allons voir le prince.

Je me baisse pour l'aider à se relever puis je passe son bras autour de mon cou pour la soutenir. Elle essaie de me repousser, en vain.

— Non... Non, c'est impossible.

— Ariane, tu as vomis, ton ventre est gonflé et tu as mal. Tu dois passer des examens. Tu comprends ? Est-ce tu as eu un rapport récemment ? Si tu es véritablement enceinte, le prince te placera en congé et...

— En congé ? Mais vous ne comprenez pas, ma parole ! Ils vont me renvoyer s'ils me savent enceinte et ce travail... c'est tout ce que j'ai !

Ses yeux se voilent de larmes. Je relève la tête et réplique d'un ton cinglant :

— Crois-moi qu'ils n'ont pas intérêt à te renvoyer ou ils auront affaire à moi.

— Princesse, laissez-moi. Je ne suis pas enceinte, je vais bien.

— Non, tu ne peux pas en être sûre. Allons d'abord voir le prince pour qu'il appelle un médecin. On avisera en temps voulu.

— Je ne peux pas ! Son Altesse n'en a que faire de moi, il ne voudra rien savoir et je serai renvoyée !

Je l'ignore totalement et m'aventure dans le palais en la traînant derrière moi.

— Où est-il ?

Arrivée à un couloir, je regarde à droite puis à gauche tout en plissant les yeux. J'avance vers Wilson que je reconnais au loin et lui tapote gentiment l'épaule.

— Wilson, mon beau ? Auriez-vous l'amabilité de nous dire où se trouve le prince ?

La masse d'un mètre quatre vingt-dix se tourne vers moi avant de reporter son attention sur Ariane. J'avais complètement oublié qu'ils s'aimaient en cachette ces deux-là.

Il plisse les yeux et s'inquiète :

— Ariane ? Qu'est-ce que...

— Wilson, le prince.

— Son Altesse est dans ses apppartements mais...

— Merci bien.

Je lui tourne le dos, entraînant Ariane avec moi. Elle me supplie du regard depuis tout à l'heure mais pas question de la laisser tomber.

— Pourquoi le prince ? gémit-elle. Il y a Sylvie qui s'occupe très bien du ménage, on peut...

Aucun rapport.

— Laisse-moi faire, Ariane. Je sais ce que je fais.

— Vous dites cela à chaque fois et après, je me retrouve dans des positions délicates par votre faute !

Aoutch.

— Où sont les appartements du prince, Ariane ?

Elle désigne un couloir de son index. Je me dirige vers ce couloir, ignorant ses protestations, menaces et autres et toque à la porte de la chambre du prince. Jamais je n'aurai cru faire ça un jour.

La porte s'ouvre sur un prince plus grand que dans mes souvenirs. Cela fait tout de même à peine quelques heures que nous nous sommes quiittés après ces combats tumultueux.

— Sarah, que me vaut ce plaisir ?

— C'est Ariane. Je crois qu'elle est enceinte.

Il me fixe de ses yeux bleus, un air moqueur au visage. Se tenant contre l'encadrement de la porte, il rétorque :

— Tu crois ?

— Oui. Pouvez-vous appeler un médecin ?

— Je ne peux pas appeler un médecin d'un claquement de doigts. Il me faut des raisons et un motif valable.

— Elle est sûrement enceinte, ça vous va comme motif ? répliqué-je, énervé.

— Princesse, laissez tomber, souffle ma domestique derrière moi.

— Tu as des preuves ? répond-il avec un sourire narquois.

Pourquoi Diable la situation l'amuse-t-il !

— Je suis une femme ! Je sais quand une autre est enceinte, et dans son cas, elle l'est très certainement ! Vous verrez quand votre future épouse sera enceinte, vous ne chercherez aucun stupide motif et irez directement voir un médecin.

Pour toute réponse, il se contente de m'observer puis daigne enfin bouger après un petit soupir las.

— Très bien. Tu resteras ici. Servante, suivez-moi.

— Elle s'appelle Ariane, dis-je en passant juste à côté de lui.

— Ce sera servante pour moi, répond-il simplement.

Il est détestable.

Il fait signe à Ariane de le suivre puis me laisse plantée dans le couloir, comme une idiote. J'aurai peut-être dû les suivre.

Et si Ariane n'était pas enceinte ? Et si je m'étais trompée ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top