𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟕
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RAION デモ泳
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Lorsque j'ouvris les paupières, je reconnus le salon. Si dans un premier temps cette constatation ne me parut pas étrange, au moment où mon cerveau assimila correctement l'information, je me redressai comme un diable jaillissant d'une boîte.
Je m'étais endormie dans le canapé.
C'était une catastrophe.
Bondissant du sofa pour me précipiter dans la cuisine, je découvris, avec surprise et soulagement, celle-ci nettoyée du sol au plafond. Je battis des paupières, confuse face à l'image que j'avais devant les yeux. Je les frottai du dos de la main pour être certaine de ne pas rêver.
Ce n'était pas le cas.
Tout était impeccable.
Était-ce ma mère qui avait rangé ? Impossible, elle m'aurait arraché à mon sommeil en hurlant, comme la folle qu'elle était, parce que j'avais salopé sa précieuse cuisine. En plus de me faire tout nettoyer, en m'aboyant dessus. Alors ça voulait dire qu'une chose...
— Ah, tu es réveillée, articula une voix derrière moi.
Je fis volte-face dans un mouvement brusque et je plongeai aussitôt dans le regard de mon beau-père. Le dos appuyé contre le mur et les bras croisés sur son large poitrail, il me scrutait avec intensité. Cela hérissa le duvet sur ma nuque alors que ma bouche devint sèche. Pour y pallier, je glissai ma langue contre mes lippes.
— C'est toi qui as rangé la cuisine... ?
— Ouais et j'ai aussi nettoyé la salle de bain.
En prononçant ces mots, il avait réduit la distance entre nous. À tel point que je pouvais deviner la chaleur qu'il dégageait.
— J'espère que tu comptes au moins me remercier, renchérit-il en se penchant vers mon visage. Je n'étais pas obligé de le faire après tout et on sait très bien ce qu'il se serait alors passé.
Je savais qu'il avait raison, mais l'idée même de lui exprimer de la gratitude me donnait la nausée. Les insultes qu'il m'avait jetées à la figure, l'autrefois, ne s'était pas effacées de mon esprit comme par magie. Ma mémoire pouvait, dans certains cas, me faire défaut, mais jamais je n'oubliais quand on me blessait. Ça ne me donnait pas du tout envie de me montrer aimable. Bien qu'il m'ait tirée d'un très mauvais pas. Mon manque de réponse le poussa à m'acculer contre le frigo qui trônait derrière moi.
— Prends ton acte comme une excuse pour m'avoir insultée l'autre fois, lui crachai-je froidement au visage.
Il ne tiqua même pas.
Il se contenta de pouffer de rire après quelques secondes, détournant quelque peu la tête, ce qui m'offrit une vision rapprochée de la cicatrice qu'il portait au coin des lèvres.
— Parce que j'avais tort de te traiter de petite pute ? Allons, Raion, pas à moi.
Mes sourcils se froncèrent alors que mes lippes se séparèrent dans le but de l'injurier copieusement. Je n'en fis rien, parce que sa main se referma sur ma gorge, m'étranglant à moitié.
— On sait tous les deux que c'est la vérité, continua-t-il. Tu ne fais rien de ta vie, tu ne vas plus à l'école depuis belle lurette et tu ne travailles pas. Mais tu sors tout le temps et tu as toujours de belles choses, ça coûte de l'argent tout ça.
Je m'accrochai à son avant-bras dans un réflexe de survie alors que l'air commença doucement à manquer dans mes poumons.
— Donc ne me fais pas croire que tu ne prends pas une commission quand tu finis dans les mêmes draps que certains types. Ou alors tu te moyennes peut-être contre des cadeaux auprès d'un Papa Katsu ?
J'avais envie de lui donner tort. Mais je ne pouvais pas, parce que c'était vrai. En tant que déchet, j'avais recours à ces méthodes pour vivre sans devoir totalement dépendre de ma génitrice. Essayer de demander quelque chose à cette femme était impossible depuis toujours. Le temps où je nourrissais encore un peu l'espoir de la voir changer et devenir une meilleure mère, je m'étais risquée, parfois, à lui réclamer un peu d'aide financière. Ce qui ne m'avait valu que des injures toutes plus cruelles les unes que les autres. Alors j'avais cherché la solution ailleurs et c'était tout ce que j'avais trouvé pour survivre.
La pression sur mon cou disparu, autorisant ainsi l'air à s'infiltrer à nouveau dans mes poumons de manière optimale. Je crachotai tout en refermant mes doigts sur la zone précédemment touchée. Ce moment de répit ne dura pas puisque ce fut au tour de ma mâchoire de se retrouver prisonnière de l'étau de mon beau-père.
— Tu n'es rien et tu ne vaux rien. Tu es la définition même de ce qu'on appelle un être pathétique. Même dire merci, tu n'en es pas capable.
Un coup de poignard aurait sans doute été moins douloureux que ces mots.
Il avait raison, mais se le faire jeter au visage de cette façon me brisa un peu plus encore.
Face à cela, je pris la fuite.
Je me terrai au fond de ma chambre, tel un animal blessé, comme à chaque fois que quelque chose me contrariait. La rage, la tristesse, le désespoir et une envie de disparaître s'échappèrent de moi sous la forme de grosses larmes qui inondèrent mes joues. Je hurlai dans mon oreiller pour que personne ne puisse ouïr ma douleur et ma faiblesse. Mes émotions échappèrent à mon contrôle, tout comme mon esprit qui se transforma en un flot chaotique de pensées intrusives.
Pourquoi dois-je vivre ainsi ? Qu'ai-je fait de mal ? Est-ce que je devrais mourir ? Disparaître ? Pourquoi n'ai-je pas eu une autre mère ? Où es-tu, papa ? Pourquoi personne ne peut m'aimer ? Pourquoi je ne peux pas m'aimer ? Qu'est-ce que j'ai fait de faux ? À quel moment je me suis trompée ? Tu es une ratée. Une pauvre minable. Tout le monde vivrait mieux sans toi ! Tu es un parasite ! Meurs ! Meurs ! Meurs ! MEURS, BORDEL !
***
Allongé sur le sol de ma chambre, le luminaire du plafond se dessina petit à petit devant mes yeux pendant que je revenais à moi. Je battis des paupières pour m'ancrer à nouveau dans la réalité. En faisant un tour d'horizon du regard, je compris que j'avais saccagé la pièce. Le parterre se trouvait jonché de débris d'objets cassés et de plumes.
Minute, des plumes ?
Un de mes oreillers, éventré, pendouillait du bord du lit. Ce qui expliquait la présence de son contenu un peu partout. Je soupirai et me redressai en position assise. Ce simple mouvement m'envoya une décharge de douleur dans le bras gauche, me tirant une grimace discrète. Mes yeux glissèrent en direction de la zone et je découvris que ma literie n'était pas la seule chose qui s'était retrouvée tailladée. Je portai le membre endommagé à hauteur de mes yeux pour évaluer les dégâts.
Je n'y étais pas allée de main morte puisque la surface de mon avant-bras était en partie inondée de liquide vital. Ce dernier éclatant sur certaines zones, alors qu'il avait déjà commencé à s'oxyder sur d'autres. Je remarquai que quelques entailles, plus profondes que les autres, saignaient encore. Bien que le flux soit faible.
L'automutilation était une nouveauté, je ne m'y étais jamais risquée avant. La limite que je m'étais toujours interdit de franchir. J'avais, de toute évidence, rompu cette promesse faite à moi-même. Je ne m'en sentais pourtant pas triste ni joyeuse. Voir ma chair à vif ne m'inspirait que du vide. Le même désintérêt que j'accordais à presque tout ce qui m'entourait. Ce n'était qu'un évènement de plus au milieu de tout ce qui avait précédé.
Je restai à contempler cette macabre image pendant de longues minutes avant de finalement me lever pour quitter la scène sinistrée qu'était devenue mon seule refuge.
Je traînai les pieds en direction de la salle de bain dans le but de pouvoir rincer ce carnage que je m'étais infligée. Sauf qu'en arrivant devant la porte je la trouvai entrouverte et le bruit délicat de l'eau parvint à mes oreilles. J'aperçus également un nuage de vapeur qui s'échappait de là. Je m'approchai pour jeter un coup d'œil en pensant découvrir ma mère.
Il n'en fut rien.
Ce que j'observais dans le reflet du miroir, c'était la silhouette de mon beau-père.
La douche avait été placée de façon à ce que l'on puisse voir ce qui s'y passait depuis la surface réfléchissante quand on se tenait dans un certain angle. En temps normal, cette foutue porte était fermée, alors on n'avait pas à s'inquiéter de ce genre de choses. Mais ici, je pouvais facilement deviner la partie supérieure de Ryûnosuke dans les moindres détails. Ses mains étaient pressées contre le mur blanc carrelé en face de lui et sa tête était baissée. Le jet d'eau chaude s'écrasait sur sa nuque avant que le liquide transparent ne glisse le long de son dos pour retracer chacun de ses muscles. Sa peau avait rougi à cause de la température élevée. Je me retrouvai incapable de détourner les yeux de ce spectacle délicieux. Je détestais ce type, mais il me fallait reconnaitre qu'il était sexy. Il dégageait quelque chose de bestial, magnétique et dangereux que je ne pouvais pas expliquer. J'avais connu pas mal d'hommes, mais aucun d'eux ne possédait une aura semblable à la sienne.
Ma concentration entièrement tournée vers mon beau-père, j'en oubliai mon bras blessé et la douleur qui en découlait. Encore plus au moment où il coupa l'eau pour s'extraire de la cabine de douche. Mon souffle se coinça dans mes poumons quand j'entrevis son sexe. Cette vision soudaine enflamma mes joues alors que mon cœur commença à battre à vive allure dans ma poitrine. Je devais cesser de le regarder ainsi, c'était mal, je le savais, mais je n'y arrivais pas. C'était comme si le contrôle de mon corps avait pris la décision de se mettre en vieille. Ma mère pouvait revenir à tout moment et me surprendre en train d'épier son mari. Elle me tuerait pour ça, c'était une certitude.
Mon cerveau avait beau fonctionner à toute vitesse, mes muscles ne répondaient toujours pas. Du moins, jusqu'à ce que la porte s'ouvre en grand sur Ryûnosuke, la peau luisante d'humidité et une serviette autour de la taille.
Quand est-ce qu'il est arrivé là ?!
J'avais été si absorbée que j'avais eu une absence. Ce minuscule laps de temps avait été suffisant pour me mettre dans cette situation plus que délicate. Je fixai Ryûnosuke avec les yeux écarquillés, ce qui devait me donner l'air d'une biche prise dans les fards d'une voiture. Un de ses sourcils sombres s'arqua alors qu'il me scannait de la tête aux pieds. Fatalement, ses iris s'arrêtèrent sur mon avant-bras mutilé. Par réflexe, j'amorçai le mouvement pour tirer sur ma manche, sauf qu'il n'y en avait pas. À cet instant, je me maudis de m'être perdue dans l'admiration de cet homme.
Le bruit de la porte d'entrée s'ouvrant résonna dans le silence et je sentis mon cœur tomber dans mon estomac. Le sang déserta mon visage et la panique se mit à circuler dans mes veines pour faire trembler chacun de mes organes. Avoir été surprise en pleine séance de voyeurisme me semblait presque acceptable à cause de la crainte de croiser ma mère en me tenant en face de son époux à moitié nu. Au moment où mes jambes daignèrent m'obéir, je me sentis saisie par le tissu de mon haut pour ensuite finir enfermée dans la salle de bain avec mon beau-père. Il me plaqua contre la surface dure de la porte et me bâillonna à l'aide d'une de ses grandes mains alors que de l'autre il m'indiquait de ne pas faire de bruit.
Mon cœur tambourina dans ma poitrine pendant que je lorgnai son extrémité libre qui se glissa sur mon côté droit dans le but de verrouiller la porte. Et heureusement qu'il avait eu la présence d'esprit de le faire, puisque, quelques secondes plus tard, la poignée s'activa, suivie de coups contre la porte.
— Ryûnosuke ? appela ma génitrice depuis l'extérieur.
Mon palpitant battait si vite que le sentiment qu'il pouvait exploser à tout moment me prenait à la gorge. Ma panique devait être palpable parce que le regard sombre de mon beau-père s'accrocha au mien et j'y décelai une lueur de compassion l'espace d'une seconde.
— Ouais, j'arrive, donne-moi deux minutes, Fubuki.
— D'accord.
On l'entendit s'éloigner et mon cœur retrouva un rythme un peu plus normal qui ne me donnait pas l'impression d'être à deux doigts de rendre l'âme. La grande paluche de Ryûnosuke quitta ma bouche, me restituant ainsi la faculté de m'exprimer. Sauf que je fus incapable de dire quoi que ce soit. Il m'avait sauvé la mise pour la deuxième fois en moins de vingt-quatre heures. Son odeur s'infiltra sans prévenir dans mes narines pour me monter à la tête et plonger mon esprit dans un épais brouillard parfumé. Au moment où mes iris rencontrèrent les siens, je me perdis dans un sentiment d'ivresse qui occulta tout ce qui n'était pas lui. Une sensation de crépitement sous la peau s'empara de moi, provoquant une chair de poule visible sur ma peau claire. Les émotions qui se bousculaient en moi me brouillaient le cerveau et je me retrouvait incapable de redevenir maîtresse de moi-même.
Ce qui se trouva sans doute être la raison pour laquelle mes lèvres se retrouvèrent écrasées sur celles de cet homme que je détestais pourtant avec ardeur.
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