VI - The Void
Anouk Wither se tenait seule dans l'atelier, les joues parcourues de sillons humides, mélange de gouttes et de larmes qui ne se tarissaient point.
Elle passait sa main blanche sur le dernier tableau de la série, qu'elle déposa tendrement à droite du troisième, terminant pour lui le projet de son mari.
Finalement, ce projet, ces quatre portraits, n'avaient servi qu'à documenter l'évolution du Mal qui l'avait emporté. Lorsqu'elle l'avait vu être emmené par cette diligence, ce n'était plus son mari qu'elle quittait, mais un inconnu ayant pris possession de ses traits.
Elle souffrait, seule dans cette grande maison, et la douleur lui nouait les tripes. Elle tremblait de peine et de froid. Jamais elle n'aurait imaginé la solitude aussi atroce. Elle se sentait cisaillée, abandonnée, faible sans une présence à ses côtés.
Orion, son Orion qu'elle aimait tant, n'était sans doute déjà plus qu'un fou sans nom, loin d'elle et de tout ce qu'il avait connu.
Et ce dernier tableau était ce qu'il lui avait laissé pour dernier souvenir. Elle ne pouvait l'accepter... car cette toile n'était pas son mari. Lui était brillant, le peintre le plus talentueux de Londres à son époque. Il ne pouvait avoir laissé, comme ultime œuvre, un trait beige, épais et tordu. C'était inimaginable.
Alors, Anouk Wither choisit avec attention un des pinceaux de la sacoche en cuir, forte d'un passé de peintre dont elle n'avait jamais parlé à Orion, gardant pour elle cet agréable secret.
Avant leur rencontre, elle était Anouk McVoid, artiste peu reconnue et pourtant talentueuse - peut-être cela était-ce dû à sa condition de femme.
Elle avait toujours peint à la peinture à l'huile, et connaissait par cœur les mouvements à effectuer pour défaire un aplat, empêcher une coulure, corriger un trait.
Elle qu'Orion n'avait jamais autorisée à manipuler ses outils se retrouvait, déchirée de tristesse, seule devant un tableau affreux. Le pinceau choisi dans une main et une palette dans l'autre, elle entreprit de rattraper le désastre qui s'imposait à ses yeux.
D'un mouvement timide du poignet, elle traça un premier trait, puis un second, et recula pour observer le résultat. Elle qui avait peint des années et qui, chaque soir, répétait les mêmes gestes pour être certaine de ne pas les oublier en attendant le jour où elle peindrait de nouveau, se vit incapable de reprendre le dernier portrait d'Orion Wither, légué comme un héritage.
FIN
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