Quelques années plus tard..

Le vent soufflait doucement sur le champ d'entraînement. Alizée Taemi, les bras croisés, fixait le terrain avec intensité. Autour d'elle, d'autres jeunes recrues du 104e bataillon s'entraînaient sans relâche. Certains tombaient, d'autres tenaient bon, mais tous avaient dans le regard la même lueur de détermination.

Sous le ciel de Wall Rose, les jours de paix semblaient bien lointains.

Alizée sentait encore le poids de la promesse faite à Ilyas. Chaque pas, chaque mouvement de son corps, était imprégné de cette mémoire douloureuse. Ses yeux, autrefois pétillants de curiosité, étaient désormais pleins d'une résolution froide.

— Garde ton équilibre ! hurla le sergent instructeur Keith Shadis, sa voix résonnant comme un coup de tonnerre.

Il déambulait au milieu des recrues, corrigeant leurs postures avec des gestes brusques. Certains élèves vacillaient, tremblaient sous la pression. Eren Jaeger, les mâchoires serrées, luttait pour maintenir son équilibre sur l'équipement de manœuvre tridimensionnelle. Non loin de lui, Mikasa Ackerman se tenait parfaitement droite, sa maîtrise évidente.

Alizée, elle, serrait les dents. L'équipement pesait lourd sur ses épaules, mais elle refusa de céder. L'entraînement était impitoyable, mais elle savait que chaque douleur physique était un pas de plus vers sa vengeance.

— Ressaisis-toi, Jaeger ! cria Shadis en s'arrêtant devant Eren. Si tu échoues ici, tu échoues partout !

Alizée regarda le garçon aux yeux verts vaciller, puis chuter lourdement au sol. Une étincelle de rage traversa son regard, un reflet de quelque chose qu'elle reconnaissait.

Eren se releva, ses mains tremblantes. Il lança un regard à Mikasa, puis baissa les yeux, frustré.

— Alizée, tu tiens bon ? lui demanda une voix familière.

Elle tourna la tête et croisa le regard doux d'Armin Arlert. Il était plus petit, plus frêle que les autres, mais son esprit brillait d'une intelligence rare.

— Oui, je tiens.

Ses mains étaient crispées autour des commandes de l'équipement. Elle sentit une goutte de sueur glisser le long de son front, mais elle ne vacilla pas. Pas question d'échouer.

La nuit tombait lorsque l'entraînement prit fin. Les recrues, épuisées, s'étaient dispersées. Certains nettoyaient leur matériel, d'autres mangeaient en silence autour d'un feu. Alizée s'était installée à l'écart, assise sur une pierre. Son corps lui faisait mal, mais elle ne se plaignait jamais.

La lumière des flammes dansait sur son visage, faisant briller ses yeux noisette d'une lueur ambrée.

— Tu es nouvelle, non ?

Une voix grave, presque moqueuse, rompit le silence. Alizée leva les yeux. Jean Kirschtein, un sourire narquois aux lèvres, se tenait devant elle.

— Qu'est-ce que ça peut te faire ? rétorqua-t-elle d'un ton sec.

Jean haussa les épaules.

— Rien. C'est juste que tu as l'air de porter le monde entier sur tes épaules. Comme si tu avais déjà vécu un enfer avant même d'être ici.

Alizée détourna le regard, serrant les mâchoires.

— Peut-être que c'est le cas.

Jean resta silencieux un instant, surpris par la réponse. Il s'assit finalement à côté d'elle, plus calme.

— Tout le monde ici a perdu quelque chose, tu sais. On se bat tous pour des raisons différentes. Mais toi... tu sembles prête à te brûler toute seule. Tu devrais faire attention.

Elle ne répondit pas. Les mots de Jean résonnaient dans son esprit, mais elle refusait de laisser quiconque s'approcher de sa douleur. Elle n'avait pas besoin d'être sauvée. Elle avait une mission, un but.

Le lendemain, l'entraînement reprit à l'aube.

Eren s'était amélioré, mais il chutait encore trop souvent. Alizée le regarda d'un œil critique, admirant malgré elle sa persévérance. Lorsqu'il chutait, il se relevait. Toujours.

Elle se surprit à s'approcher de lui après un exercice.

— Tu devrais mieux répartir ton poids quand tu pivotes, dit-elle d'une voix calme.

Eren la regarda, surpris.

— Quoi ?

— Ton problème, c'est l'équilibre. Si tu ne trouves pas ton centre de gravité, tu tomberas à chaque fois. Essaie de te relâcher un peu.

Il fronça les sourcils, méfiant au départ, mais il hocha lentement la tête.

— Merci... murmura-t-il.

Alizée lui tendit la main pour l'aider à se relever. Lorsqu'il saisit sa paume, elle sentit la chaleur et la force brute dans sa poigne.

— Tu es tenace, Jaeger. C'est une bonne chose.

Il eut un sourire en coin.

— Et toi, tu sembles plutôt forte pour quelqu'un d'aussi silencieux.

Ils échangèrent un regard complice, un instant de compréhension tacite.

Les jours passèrent, et Alizée se rapprocha peu à peu d'Eren, Mikasa et Armin. Le trio, soudé par une amitié profonde, l'accepta dans leur cercle sans poser de questions. Chaque soir, ils parlaient de leurs rêves, des terres au-delà des murs, de l'océan que personne n'avait jamais vu.

Mais Alizée gardait ses secrets.

La douleur de la perte d'Ilyas était son fardeau à elle seule.

Un soir, alors que les étoiles brillaient haut dans le ciel, elle se confia à demi-mot à Armin, assis à côté d'elle.

— Tu crois que le monde est vraiment aussi beau qu'on le dit ? demanda-t-elle, les yeux fixés sur l'infini au-dessus d'eux.

Armin sourit doucement.

— Je ne sais pas. Mais je veux le voir. C'est pour ça que je me bats.

Alizée hocha la tête.

— Moi aussi. Pour quelqu'un... qui n'aura jamais cette chance.

Armin resta silencieux, respectant ses non-dits.

La formation progressait rapidement, et les recrues furent bientôt confrontées à leurs premières simulations de combat avec des Titans factices. Alizée se révéla redoutablement efficace, ses mouvements précis et son calme implacable.

— Pas mal, Taemi ! s'écria Sasha Blouse, impressionnée après un exercice. Tu es rapide comme un chat sauvage !

Alizée sourit pour la première fois depuis des semaines, un sourire timide mais sincère.

— Merci, Sasha. Mais tu es bien plus douée avec tes flèches.

Le rire chaleureux de Sasha réchauffa son cœur. Pour la première fois depuis longtemps, Alizée sentit le poids de sa solitude s'alléger.

Ce soir là, elle regarda le soleil se coucher. Le vent caresse ses cheveux alors qu'elle murmure pour elle-même :

— Je tiendrai ma promesse, Ilyas. Je ne reculerai jamais.

La rage et l'amour pour son frère perdu continuent de brûler dans son cœur, tandis que la lutte pour la survie et la liberté ne fait que commencer.
————————————————————————
𝐊𝐢𝐬𝐬 𝐤𝐢𝐬𝐬 𝐌'