♡ 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐝𝐨𝐮𝐳𝐞 ♡

Chapitre douze. ༄


𝕷'𝖍𝖎𝖛𝖊𝖗 avait fleuri sur l'Écosse.

L'hiver, au-delà d'être une saison, était une courte tranche de vie de chacun et chacune d'entre les humains ; tout à Poudlard donnait l'impression que c'était un moment hors du temps.

Tous les élèves portaient leurs épaisses capes à capuche, le blason de leur Maison épinglé fièrement du côté du cœur pour certains, dissimulé dans les plis du tissu pour d'autres. Il n'était pas rare de croiser même des professeurs dans les couloirs tenant des boissons chaudes entre leurs doigts gelés, et le vent glacial qui soufflait sur le pays en faisait frissonner plus d'un. Toutes les salles de classes étaient réchauffées par de grandes bougies créées par magie, mais les plus jeunes étudiants préféraient la compagnie du gel au-dehors, se lançant dans des batailles de boules de neige sans merci lors des moments où ils n'avaient pas cours. Les plus âgés, ou les plus raisonnables, c'était selon, préféraient se réfugier dans les pièces tièdes et réconfortantes, comme par exemple Hermione Granger. Pour ne pas changer de d'habitude, elle passait de longs week-ends enfermée dans la bibliothèque universitaire, le nez plongé dans d'épais ouvrages, écumant toutes les informations qu'elles pouvait trouver sur le monde magique, tentant avec plus ou moins de succès d'oublier le présent.

Les deux derniers mois avaient été franchement chaotiques, et, bien que Malefoy lui en ait voulu un temps pour avoir pris l'initiative de le tirer du bourbier de dépression dans lequel son âme était en train de sombrer, tout semblait plus calme, chacun prenait ses marques dans le château nouvellement reconstruit. Le jeune Malefoy avait fini par comprendre, à force de nombreux regards lourds d'incompréhension que Hermione lui avait lancé à l'envolée. Elle n'avait fait que l'aider. Peut-être ne s'en serait-il pas sorti seul et sans son aide. Mais après deux semaines sans lui adresser ne serait-ce qu'un mot ou un regard, même lors de leurs tours de garde, à la fuir sans cesser... comment pouvait-il revenir vers elle afin de la remercier ?

Malefoy, tu es lâche.

Il releva la tête violemment. Ses cheveux blond platine étaient encore trempés, et les gouttes d'eau roulaient le long de ses maigres épaules. Bien que les vestiaires de la salle de bain des Préfets aient les murs épais, le jeune homme craignait que quelqu'un vienne à entendre ses respirations préoccupées. L'image que lui renvoyait l'immense miroir en face semblait floue, déformée, un peu bancale. Bancale comme toutes les pensées qui tournaient en boucle dans son esprit, comme prises par un ouragan grisâtre et multicolore à la fois. Il dut sentir un goût salé se déposer sur le coin de ses fines lèvres pour se rendre compte qu'une larme avait coulé sur sa joue : il pleurait. Sans vraiment savoir pourquoi, il pleurait. Et sans savoir pourquoi, il sentit l'étau qui écrasait son cœur dans sa cage thoracique se desserrer un peu. Une mélodie mêlant xylophone, piano et violon se mit à murmurer à son oreille une brise d'euphorie. Alors, il sourit.

Ce geste, il ne l'avait pas effectué depuis tant de temps ! C'était presque naïf de se rendre compte d'à quel points de petits moments aussi insignifiants que celui-ci avaient le pouvoir de changer la vie d'un humain. Drago regarda les murs blancs autour de lui. Il laissa le bout de son doigt courir sur les courbes du marbre des lavabos. Il fit un tour sur lui-même. Pointa le bout de son pied et tenta de tourner dessus, manquant de tomber. Il se sentit affreusement ridicule, mais, pour la première fois, cette pensée ne le dérangea aucunement. Il revêtit le pantalon de son uniforme et décida de ne plus fuir son propre reflet : il irait remercier Granger aujourd'hui, c'était décidé. Après tout, elle n'avait fait que l'aider, pas vrai ?

Elle a aussi trahi sa promesse de te laisser te charger toi-même de l'affaire Goldstein, lui rappela une voix enfouie au plus profond de son être, piquante.

Je ne l'aurais jamais fait seul. Elle n'a fait que me tirer d'affaire. Assez jacassé pour aujourd'hui, Conscience, je veux me sortir de mon état psychologique de détresse actuel. Je ne t'écouterai plus.

Seul, au milieu de cette pièce qu'il avait verrouillé pour plus de tranquillité, un rire lui échappa.

Le premier depuis des années.

Naïvement, Drago se sentit revivre.


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Déambulant d'un pas évasif dans les nombreux couloirs du château, le jeune Malefoy ne pouvait pas s'empêcher de triturer sa cravate du bout des doigts, réajustant nerveusement le nœud qui lui semblait étouffant. Il lança un regard noir à un groupe d'élèves de quatrième année qui le dévisageait. Après tout, il ne pouvait pas leur en vouloir ; il n'était sans aucun doute pas commun de voir un Serpentard, qui plus est un Malefoy, dans l'aile du château abritant les dortoirs des Gryffondor. Et son pressentiment fut confirmé lorsqu'il croisa le regard désarçonné de la Grosse Dame lui lança quand il se planta devant la porte.

⸺ Que voulez-vous, monsieur Malefoy ? Que fichez-vous ici, par Merlin, Morgane et tous les mages de ce monde ? À ce que je sache, vous n'êtes pas un Gryffondor.

Il hocha la tête.

⸺ Vous savez bien, Madame. Je souhaiterais simplement adresser quelques mots à l'une des élèves de cette Maison. Il s'agit de... il s'agit de... de la Préfète-en-chef Hermione Granger. Pouvez-vous lui faire signe, s'il vous plaît ? C'est assez urgent.

La Grosse Dame parut étonnée. Un regard empli de méfiance se posa d'abord sur lui, et son expression passa de la crainte à la suspicion. Alors que Drago crut qu'il n'obtiendrait rien, une étincelle parcourut les prunelles de la bourgeoise et un large sourire fendit son épais visage en deux.

⸺ Oui, bien sûr, je comprends. Je vais voir ce que je peux faire.

Le jeune Malefoy soupira de soulagement lorsque la bonne femme se leva pour passer d'un tableau à un autre, revenant après quelques secondes à peine.

⸺ Elle arrive. Vous avez de la chance qu'elle soit là, monsieur Malefoy, d'habitude elle passe ses journées confinée dans la bibliothèque.

Drago ne put retenir la remarque puérile qui venait de naître dans son esprit.

⸺ Elle a bien du courage, de supporter la Harpie qui sert de documentaliste à cette école.

⸺ Ce n'est pas le sarcasme qui aide avec les filles, monsieur Malefoy. Je vous le garantis. Alors, faites-moi plaisir, et tâchez de garder ce genre de réflexion pour vous.

Les paroles de la Grosse Dame mirent un peu trop de temps à prendre un sens, et, alors que des pas s'approchaient de l'autre côté du tableau, le blondinet s'écria :

⸺ Oh, non, vous vous méprenez. Ma relation avec Granger n'est pas... ce que vous pensez. Je venais juste la remercier pour une aide qu'elle m'a apporté.

Le sourcils de la grosse femme se froncèrent le temps d'une fraction de seconde.

⸺ Je vois. Je me disais bien qu'il était impossible qu'un Serpentard tel que vous laisse tomber tous les principes qu'on lui a inculqués de force durant son enfance, surtout en termes d'amour... ce n'est donc pas cela. Tant pis ; que voulez-vous que je dise ?

Les tableaux sont définitivement les choses les plus séniles et les plus stupides de ce monde, pensa Drago en levant les yeux au ciel.

Sans qu'il ne puisse imaginer des insultes plus imaginatives à l'encontre de la Grosse Dame, la porte pivota, laissant apparaître une Hermione à l'air étonné, en uniforme, emmitouflée dans un gros pull, les cheveux rentrés dans le col. Elle tenait un épais ouvrage traitant des antidotes aux Maléfices dans les bras, le pressant contre sa poitrine menue comme s'il allait s'échapper. Ses grands yeux marron-brun étaient dénués de tout maquillage, contrairement à la majorité des étudiantes de l'école, mais, à vrai dire, la Gryffondor était bien mieux comme cela. Elle avait les joues et le bout du nez rougis de froid, et cette couleur pourprée lui donnait un air plein de vie.

⸺ Hem... Oui, Malefoy ? Tu as demandé à me voir ?

Il revint brusquement à la réalité et hocha la tête un peu trop froidement.

⸺ Oui, je...

Il jeta un coup d'œil à la Grosse Dame, qui, vexée, les fixait du coin de l'œil, faisant mine de ne pas les écouter.

⸺ Allons marcher, Granger, je te dirai.

La jeune fille hocha la tête et emboîta le pas à Malefoy. Elle paraissait préoccupée, mais fournit un gros effort pour se sortir de son intense réflexion : Hermione lança un regard en coin à son interlocuteur, qui jouait avec ses doigts.

⸺ Que voulais-tu me dire, Malefoy ? lança-t-elle d'une voix plus agacée qu'elle ne l'aurait voulu, alors que les deux étudiants passaient à proximité de la Grande Salle.

Le blondinet passa furtivement sa main dans ses cheveux pour les rabattre en arrière, sans grand succès.

⸺ Je voulais juste te remercier.

La jeune Granger stoppa net. Quelques pas plus loin, étonné, Malefoy en fit de même, se retourna et interrogea la sorcière du regard. Elle arborait un air surpris, un peu moqueur, teinté d'une quantité non négligeable de suspicion.

⸺ Me remercier ? Me remercier.

Elle secoua la tête, laissant échapper un doux rire.

⸺ Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de Drago Lucius Malefoy, insupportable Serpentard à l'ego bien surdimensionné pour éprouver de la reconnaissance envers quelqu'un ?

La remarque fusa droit vers le cœur de Drago, et son visage se ferma aussitôt. Comme par automatisme, une remarque pleine de venin naquit entre ses dents, mais il se força à la ravaler.

⸺ Je ne suis plus celui que tu décris, Granger. J'ai changé ; mes paroles en sont la preuve, non ? Je voulais te remercier pour ton geste, être allée parler à McGonagall. Même si je ne m'en suis pas rendu compte immédiatement, tu m'as aidé, et, depuis que Goldstein a été viré de son poste, illégitimement acquis selon moi, de Préfet-en-chef, je vais beaucoup mieux. Je voulais juste t'exprimer ma reconnaissance pour la main que tu m'as tendue. Je te suis redevable, j'en suis conscient.

Une grimace tordit ses traits. Il haïssait l'idée d'avoir une dette envers quelqu'un. Hermione se rapprocha d'un pas et lui serra la main.

⸺ Aucun problème, Malefoy. J'aurais aidé n'importe qui dans la même situation que toi. Même Bulstrode, s'il l'avait fallu. Ne t'inquiète pas ; tu ne m'es redevable en aucun cas, mon geste était tout ce qu'il y a de plus normal.

Il hocha la tête, loin d'être convaincu par sa dernière phrase. Il dégagea sa main et commença à se balancer sur ses pieds, gêné par le silence qui s'était installé et semblait séparer leurs deux corps. De nombreux élèves passaient sans les voir, et, pour la première fois depuis qu'il était petit, il sentit une euphorie sans nom naître en lui du fait de n'être qu'un visage dans la foule. Un parmi tous les autres, sans lumière braquée sur lui, sans mille paires d'yeux prêts à le juger pour chacun de ses gestes. Un grand sourire fendit son visage, et il se hasarda d'une voix tremblante :

⸺ Merci, Granger. Eh bien... à ce soir.

Elle hocha la tête à son tour, s'arrachant de la réflexion aussi vive qu'une tempête dans laquelle elle s'était replongée.

⸺ À ce soir, Malefoy !

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