Chapitre 48

— Je ne te forcerai pas à rester si ta seule envie est de partir d'ici.

Je croise les bras sur ma poitrine, bien déterminée à le pousser à bout. Eros soupire seulement et me contourne pour aller se rassoir tranquillement.

Il ne me répond pas. Pourquoi le ferait-il ?

Alors je me plante devant lui sans bouger. Il ne m'accorde pas un regard. Au bout de trente secondes, la situation devient gênante, mais je suis quelqu'un d'obstiné. Je le ferai parler.

Ah, il ouvre la bouche ! Progrès. Doux Jésus, il me regarde maintenant ! C'est que nous grimpons haut.

— Arynn, ce n'est pas que je ne veux pas, c'est que je ne peux pas.

— Kereya ne saura pas que tu étais là, alors je ne vois pas où est le problème. Ce n'est pas comme si nous allions copuler dans l'eau !

Il hausse un sourcil, l'air de douter. Mes joues rougissent automatiquement. Heureusement que les néons sont faibles, je serais déjà enterrée de honte.

— Pourquoi t'obstines-tu à croire que Kereya me menace ?

— Tu me prends vraiment pour un jambon. Qui d'autre pourrait te menacer !

— Un jambon ?

Il se retient de rire, je le vois. En fait, il se retient même de sourire. Si bien que mon cœur s'accélère quand je le remarque.

Mais son expression se rembrunit et il finit par hausser les épaules.

— Peut-être que je ne t'aime tout simplement pas.

— J'ai lu l'une de tes lettres. Je n'irais pas écrire ce genre de choses à quelqu'un que je n'apprécie pas, Eros. Je peux... accepter le fait que tu ne veuilles pas m'en parler, mais ne me mens pas, s'il te plaît.

Il soupire une nouvelle fois puis se lève. Il me dépasse pour s'étirer, mais je pense seulement que dans le fond, il ne sait pas quoi faire. Comment agir. Comment se comporter en ma présence.

Il se retourne alors, les yeux brillants d'une émotion nouvelle. Sa chemise ouverte laisse entrevoir son corps finement dessiné et je dois me faire violence pour ne pas l'admirer.

Au lieu de ça, je l'entends me dire d'une voix rauque :

— Tu ne sais pas ce que tu me fais, Arynn.

Je ne sais pas quoi répondre. En réalité, je ne sais pas ce qu'il m'arrive. Je le veux autant qu'il me veut. Où est le problème ? Quelle chose plus grande que notre histoire naissante pourrait venir nous menacer ? Comment Kereya réussirait-elle à faire pression sur lui ?

Pour clore ce silence entre nous, je me dirige vers les sièges et entreprends d'enlever ma robe de chambre.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Je vais me baigner, je réplique. Avec ou sans toi, peu m'importe.

Je sens son regard sur mon dos lorsque je me baisse pour plier proprement ma robe de chambre. Je me tourne ensuite vers lui alors qu'il a ouvert la bouche, ses yeux me dévisageant de toute part.

Je fronce les sourcils.

— Mon maillot de bain est troué pour que tu me fixes de la sorte ?

Cinq secondes s'écoulent. Il cligne rapidement des yeux et revient à mon visage. Ouf. J'ai cru que ses yeux allaient rester bloqués sur le bas toute la soirée !

Je n'attends pas de réponse et me glisse dans l'eau sans même prendre la température au préalable. Elle est plutôt chaude, et j'ai pieds. Le bassin est immense, si bien que je plonge pour faire une longueur. Si j'avais su qu'il y avait une piscine à Ecclosia, je serais venue plus tôt.

J'arrive au bout et remonte à la surface sans aucune difficulté. Autant je suis nulle en course, autant je me débrouille bien pour nager ! Je refais la longueur dans l'autre sens et arrivée au bord, je pose ma tête sur mes bras, les yeux posés sur Eros.

Il s'est assis et ne me quitte pas du regard.

— J'aurais quand même préféré que tu me rejoignes, je lance dans un murmure.

Il pince les lèvres, comme s'il réfléchissait à cette proposition. Contre toute attente, il se lève et retire calmement sa chemise puis son short. Comme moi, il les plie soigneusement et le voir faire me fait esquisser un sourire.

Il est soigneux. Un autre point commun. C'est merveilleux.

Il revient vers moi et je crois que mon souffle se bloque dans ma poitrine. Il est absolument magnifique. Eros est une sorte... d'œuvre d'art vivante. Chaque muscle, chaque courbe de son corps est finement taillé, sa peau est lisse, et les grains de beauté parsèment sa peau sur différents endroits.

Je crois qu'il est plus grand que Rewind et Ander, mais il est aussi plus fin. Et quand je le regarde... Je ne sais pas. Sa beauté est singulière.

Sans un mot, il se glisse dans l'eau et frissonne.

— Elle est glaciale.

— Tu veux rire ? Elle est super bonne.

Je lui souris, et il me dévisage. Je le vois déglutir et détourner le regard. Il ne cesse de me fuir du regard depuis que j'ai retiré ma robe de chambre.

Alors, il plonge sous l'eau et je vois une masse s'éloigner progressivement de moi. Je lève la tête et mes yeux s'attardent sur les néons au plafond. Bleus. Je suis sûre qu'il est possible d'en changer la couleur.

Eros réapparaît à l'autre bout du bassin. Silencieusement, je nage jusqu'à lui. Je garde une distance respective avec lui tandis qu'il s'adosse contre la paroi du bassin, et moi contre celle d'en face.

— Mamie t'a dit si Kereya était au courant de son... enfermement ?

— Elle lui a donné des somnifères apparemment. Kereya ne se doutera de rien demain.

— Elle t'a interdit de me rejoindre ce soir, n'est-ce pas ?

Un silence s'écoule et il finit par hocher doucement la tête.

— Et Mamie t'a forcé à venir.

— Oui et non. Je la connais suffisamment pour savoir qu'elle allait exécuter ses menaces alors je me suis quand même préparé. Mais elle m'a accompagné jusqu'ici.

— Donc tu es ici contre ton gré.

Il me fixe, les yeux brillants et débite :

— Oui, Arynn, être ici est une torture pour mes yeux, le simple fait de te regarder... Bon, je n'arrive pas à mentir. Je ne suis pas ici contre mon gré, je suis ici contre le gré de Kereya. Si cela ne tenait qu'à moi, je n'aurais jamais agi ainsi.

Ah, il me parle ! C'est déjà une petite victoire à mes yeux.

Je m'approche dans l'eau tandis que mes cheveux mouillés flottent à la surface. Il est terriblement beau dans l'eau que j'en ai du mal à respirer.

— Tu n'es pas obligé de lui obéir.

— Elle te fera du mal autrement. Et Arynn... Tu ne mérites pas ça, tu ne mérites pas tout ça.

— Elle ne me fera pas de mal, c'est seulement un moyen de pression. Je t'assure que j'irai bien. Rappelle-toi que Rewind et Ander sont avec nous en permanence. Et Morgan et Erkel ! Ils sont des tueurs hors-pair. Tu n'as pas à avoir peur que l'on me fasse du mal.

— Tu ne comprends pas, murmure-t-il.

— Alors explique-moi.

— Je ne peux pas. Le simple fait de t'en parler te met en danger.

Je pousse un petit soupir et m'éloigne de lui. C'est plutôt lui qui ne comprend pas que s'il continue d'obéir à Kereya, il finira marié avec cette Willa ! Et il n'aura jamais le droit de faire ses propres choix.

— Je ne comprends pas.

— Je ne te demande pas de comprendre.

— Tu me l'as déjà dit ça, et c'est totalement injuste. Je suis bien placée pour être en droit de comprendre. Tu vas la laisser diriger ta vie, c'est ça ?

— Bien sûr que non. Je trouverai un moyen de l'arrêter.

— Ça a franchement marché jusque-là. Vingt-quatre ans c'est ça ? Ça fait vingt-quatre ans que tu te laisses faire.

Il me foudroie du regard. Et se décolle de la paroi pour se diriger tout droit vers les escaliers.

— Morgan a raison, tu n'es qu'un lâche.

Il m'ignore et je le hais un peu plus. Il m'a tout offert et il me reprend maintenant tout.

— Tu sais quoi ? Aucun souci. Laisse-toi faire, repousse-moi, et épouse cette Willa. Je serai déjà loin à Socrenia avec Therys.

Bon, j'exagère. Je n'ai pas la moindre intention d'épouser Therys. Mais ça a le don de faire réagir Eros qui se retourne, outré.

— Avec ce type ? Qui n'a même pas la moitié d'un cerveau ?

Je poursuis dans mes mensonges :

— Il est bien plus avenant que toi. Et il me courtise, lui.

Pour mon plus grand malheur.

Eros s'avance, la haine brillant dans ses beaux yeux. Il n'est plus qu'un à mètre quand il lâche d'un ton trop calme :

— Tu sais ce qu'il a dit de toi ?

Je hausse les épaules, nonchalante.

— Je préfère me taire, une dame n'a pas à entendre ces paroles. Mais si j'étais toi, Arynn, je me pencherais sur quelqu'un d'autre. Therys ne vaut pas mieux que Kereya. Ils ont été façonnés dans la même pierre.

— Mais ce n'est pas quelqu'un d'autre que je veux ! je m'exclame, à bout.

Cet idiot ne comprend pas. En fait, je suis sûre qu'il comprend mais il préfère continuer sa carte de « je dois te protéger, Arynn, c'est pour ton bien ».

— Et moi, tu crois que je veux me marier avec Willa ?

— Tu agis pour, en tout cas.

— Et tu penses que c'est ce que je veux ? Je n'ai pas le choix, Arynn ! Je ne peux pas faire tout ce que je veux, je...

— Arrête de mentir ! On a toujours le choix, il y a toujours des possibilités, tu t'obstines juste à foncer tête baissée dans tes idées sans même réfléchir au préalable. Tu n'en parles même pas à Rewind.

— Lui en parler ne changera strictement rien. Il voudra seulement tuer Kereya.

— C'est à croire que tu n'as jamais touché une arme.

Il cligne plusieurs fois des yeux et son visage s'obscurcit.

— Je ne suis pas comme Rewind, ou même Ander ou encore Erkel. Arynn, je passe mon temps à... écrire et lire et faire des choses qui ne requièrent aucune violence physique, tu ne peux pas me demander d'aller tout leur raconter, en sachant pertinemment que le sang va couler.

— Alors c'est pour ça ? Tu veux juste épargner une femme qui n'hésiterait pas à te planter un couteau dans le dos à la moindre occasion ? Peut-être que tu n'es pas comme eux, mais si j'ai appris quelque chose avec Ander et les autres, c'est que ce monde n'a aucune pitié. Alors continue d'espérer, de croire que tu pourras annuler ce mariage.

Je m'éloigne de lui. Je ne sais pas d'où me vient cette hargne, mais Eros est bien trop doux pour ce monde. Si je me pensais fragile jusque-là, je crois qu'il a trop d'empathie pour des gens qui ne le méritent pas.

— Arynn...

Sa main se referme sur mon bras et je le repousse.

— Je sors de l'eau.

— Attends.

Je ne l'attends pas. Je continue ma route et me mets à nager mais sa main se referme sur ma cheville et il m'attire à lui. Je me noierais presque dans l'eau si son autre main ne me retenait pas par la taille.

— Tu as raison, admet-il.

Oh.

— Je vais leur en parler. Mais pas maintenant. Attendons de voir comment le tournoi se termine, si tu... gagnes, je serai obligé d'en parler. Et dans le cas contraire aussi, d'ailleurs.

Je me retiens de le prendre dans mes bras. Il va leur en parler. Enfin !

— Génial.

Je ne tiens plus. Je m'avance pour le prendre dans mes bras. S'il se fait hésitant au début, il finit par me serrer contre lui. La sensation de son torse contre ma poitrine me fait frémir.

— Un jour sans pouvoir te toucher est un jour de malheur, soupire-t-il.

Je retiens un rire, et il finit par reculer. Ses doigts entrent en contact avec ma peau humide, et et il replace une de mes mèches en arrière.

— Tu es bien trop belle pour ce monde, Arynn.

Je rougis. Je crois que je ne me lasserai jamais de l'entendre me complimenter.

Il se penche alors et mon cœur s'accélère. Ses lèvres m'avaient tellement manquée que quand sa bouche frôle la mienne, une étrange sensation me noue le bas-ventre.

Je brûle de désir pour lui. C'est puissant et intimidant à la fois. Ses mains s'appuient sur mes reins et je me rends compte que nous n'avons jamais été aussi proches et aussi dénudés. Je veux le toucher mais je n'ai pas le temps.

La porte du spa s'ouvre sur six silhouettes. Pitié, pas eux. Pas maintenant.

— Bonsoir la compagnie ! s'exclame Rewind.







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la suite au prochain épisode niahaha

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