Chapitre 16

— Je te demande pardon ?

— Tu m'as très bien entendu. Cette vieille bique de Kereya a privatisé le tournoi. C'est du grand n'importe quoi !

Je me mords l'intérieur des joues en voyant Ander et Rewind presque se disputer. Réunis dans le petit salon, Bianca n'est pas là, je crois qu'elle joue avec Julio dans les jardins. Il était si excité de voir le palais d'Ecclosia qu'il n'a pas attendu une seule seconde avant de partir en exploration.

Bendy, lui, est resté avec sa mère. Ils sont sûrement en train de profiter du soleil dans les jardins. Eileen s'est montrée bien trop polie avec eux et Kereya n'a pas retenu ses piques. Mais elle a su faire preuve de politesse et s'est montrée plus maline que la mère d'Eros. À croire qu'Eileen a fait ça toute sa vie.

— Nous n'avons pas été mis au courant, réplique Ander. Et je refuse que ce tournoi serve de compétition pour gagner le cœur d'un homme. Qui plus est quand cet homme n'est pas consentant, n'est-ce pas ?

Eros lève les mains en signe de capitulation.

— Je ne suis pas à l'initiative, et si je le pouvais, j'annulerais le tournoi.

Ander reste méfiant, sûrement parce qu'il ne connaît pas encore Eros. Et je ne peux pas m'empêcher d'ajouter :

— Eros est dans notre camp, Ander. Il ne veut pas être l'objet de convoitise de tout un tas de filles.

Mon frère semble se détendre et hoche lentement la tête. Je me laisse aller contre le dossier de mon siège tandis qu'Eileen, la plus sage d'entre nous tous, explique d'une voix posée :

— Ne nous ennuyons pas avec ce problème-là. Je vais essayer de parler à Kereya et je verrais bien si elle me dévoile ses plans de demain. Jusqu'à maintenant, nous n'avons été mis au courant de rien et de ce que je sais, je suis toujours la reine d'Ecclosia. Elle n'a aucun droit de propriété sur le tournoi que nous organisons.

— Elle est de mèche avec le type qui prépare le Jeu des Roses, lâche Eros. Je ne crois pas que lui parler changera quoique ce soit.

— Sir Caster ? s'exclame Eileen en haussant les sourcils.

— Quelque chose comme ça, il me semble.

— Alors il ne reste qu'à ramener Sir Caster dans notre camp. Je refuse que les règles du Jeu des Roses soient modifiées par cette femme. Le tournoi a toujours eu pour objectif de rassembler nos peuples et de célébrer la paix. L'an passé, nous avons vécu une crise sans conséquent. Cette édition est encore plus importante que les précédentes.

Eileen parle comme une reine. Je la dévisage un court instant. Ses cheveux bruns forment un chignon sophistiqué sur le haut de son crâne et sa peau est plus foncée que dans mes souvenirs. Elle a dû prendre le soleil, et ça lui va bien.

— En soit, commence Rewind, le tournoi a toujours été un prétexte pour ramener les gens du monde entier ici. L'objet du Jeu des Roses ne changera rien pour ces personnes-là. Les soirées et les rencontres entre membres royaux seront toujours une occasion de plus pour maintenir la paix.

— Certes, souffle Eileen, mais les épreuves réunissent aussi les gens entre eux. Le sport, ou même les activités en tout genre, permettent à chacun de sortir de sa zone de confort et c'est ainsi que les amitiés et alliances se créent.

— Alors tu n'as qu'à ajouter plus d'activités en-dehors du tournoi ! s'exclame Rewind, illuminé. Du style, atelier couture ou même des soirées mondaines. Pas besoin de créer des tensions inutiles avec ma tante, laissons les choses comme elles sont, mais osons la nouveauté !

Eileen écarquille les yeux comme si cette idée lui paraissait être la solution. Moi, je comprends à peine leur blabla. Je vois Eileen traverser la pièce pour serrer la main de Rewind en riant.

— C'est toujours un plaisir de discuter affaires avec toi, Rewind.

— J'ai les meilleures idées la plupart du temps, –que dis-je–, tout le temps même !

Ils ricanent entre eux et je vois Ander lever les yeux au ciel. Je vois Eros traverser la pièce dans ma direction et mon cœur cesse de battre un instant.

Mais c'est à ce moment-là que la porte s'ouvre sur deux gardes royaux :

— Leurs Majestés de Meridia viennent d'arriver, Votre Majesté, dois-je...

Les deux gardes sont brusquement tirés en arrière et deux silhouettes se dessinent.

— Pas la peine de nous annoncer, souffle le type derrière eux.

La femme à ses côtés éclate de rire. Et je les reconnais immédiatement même si je ne les ai jamais rencontrés en face à face. Le roi de Meridia –Erkel– porte sa couronne soigneusement sur sa tête et est vêtu d'une grosse fourrure en peau d'animal.

Sa reine, que je devine être Morgan, a laissé ses longues et voloptueuses boucles rousses tomber en cascade sur sa poitrine. Elle porte une magnifique robe verte foncée et noire, aux couleurs du pays.

Quand je les vois ensemble, je les trouve plutôt bien assortis. Elle dégage une certaine confiance que je ne possède absolument pas. Son regard balaie la salle comme si elle était la maîtresse de ces lieux. Quant à lui, il paraît presque ennuyé.

— Aucun de vous n'a changé à ce que je vois, se moque-t-il.

— Ah toi, par contre, tu as bien grossi, ricane Rewind en s'avançant. Tu laisses pousser la barbe maintenant ?

— More préfère comme ça.

Je le regarde mais je ne le trouve pas très gros. C'est vrai qu'il est plutôt imposant mais je pense que c'est surtout à cause de sa fourrure qui le fait doubler de volume.

— Ça fait plaisir de vous voir, sourit Ander.

Et vient l'heure des retrouvailles. Chacun se déplace pour serrer l'autre dans ses bras. Je reste en retrait et rejoins Eros qui se fond dans le décor lui aussi.

Je me mets à le comparer aux autres. Eros est bien plus grand et plus élégant aussi. Rewind arbore toujours des écharpes en peau d'animal ou des chemisiers à froufrous, quand Ander, lui, s'accomode avec ses vestons royaux aux couleurs de Lucrenda. Et maintenant, le roi Erkel avec ses fourrures.

Quand Eros lui, se montre en permanence avec des jolies chemises rentrées dans des pantalons amples. Ses chaussures sont vernis, sa veste lui donne un côté sexy que je ne voyais pas auparavant. Et ses cheveux... Je brûle d'envie d'y glisser mes mains pour voir s'ils sont aussi doux qu'ils y paraissent.

— Arynn, tout va bien ?

Oh, sacrenouille.

Je n'avais pas vu qu'il me regardait depuis bien trente secondes. Je rougis et détourne les yeux aussi vite que possible.

Et mon cœur a cessé de battre quand sa main frôle ma joue et qu'il se rapproche. Je. Vais. Mourir. Asphyxiée.

— Tu fais tout le temps ça, souffle-t-il à voix basse.

J'ignore quelle mouche m'a piquée mais je relève les yeux et croise son regard. Il est si proche de moi que je ne peux pas m'échapper.

— Comment ça ?

Ma voix n'est qu'un murmure. Il n'a pas le temps de répondre. Un raclement de gorge se fait entendre dans son dos et il s'éloigne rapidement.

Ander apparaît. Oh, crotte.

Ses yeux expriment la fureur mélangée à l'étonnement et aussi à l'envie de meurtre. Ils alternent entre Eros et moi et finissent par se poser sur moi.

— Arynn, Eros, voici Morgan et Erkel. Vous n'avez pas été présentés.

Je m'étouffe avec ma salive à la façon dont il prononce le nom d'Eros. Morgan s'avance et me sourit brièvement. Elle reporte son attention sur Eros qui lui, serre la main d'Erkel avec courtoisie.

Il le dépasse d'une tête. Erkel est plus trapu, mais plus petit. Et Ander, lui, s'exclame à tout va :

— Arynn, tu viens avec moi deux minutes ?

Je n'ai pas mon mot à dire. Il me tire par le bras pour m'emmener à l'extérieur du salon.

— C'était quoi ça ?

— Je n'ai rien fait !

— Ce type va te manger toute crue.

C'est plus fort que moi, l'expression me fait rire. Pas lui. Oups.

— As-tu seulement vu comment il te dévisage ?

— Comment me dévisage-t-il ? je réplique, mauvaise.

— Comme si tu étais un morceau de viande fraîche !

— Tu regardes Eileen de la même façon.

— Non, Arynn, loin de là. Eros est le cousin de Rewind. Ce sont des séducteurs dans l'âme, des hommes prêts à tout pour obtenir ce qu'ils veulent. Je n'ai pas envie de te retrouver le cœur brisé parce que tu auras accordé ta confiance à la mauvaise personne.

— Eros se montre gentil avec moi, et parfaitement poli. Il n'a rien tenté d'incongru et tu n'es personne pour me dicter ma conduite avec les hommes.

Il se masse le front, comme épuisé de la situation.

— Tu t'attaques à la mauvaise famille, soupire-t-il.

— Je n'ai rien fait, et je ne compte pas m'avancer vers lui, Ander. Il va se retrouver plongé dans un tournoi dans lequel les filles se battront pour lui. Je sais me préserver et j'ai du bon sens. Eros ne représente rien pour moi.

— Tu me le promets ?

Je hoche la tête et m'approche pour le serrer dans mes bras. Je ne participerai pas au tournoi. Bien sûr qu'Eros ne sera jamais rien de plus qu'un ami pour moi.

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