Chapitre 45
— Erkel... Je crois qu'on a un petit problème.
— Un gros même, souffle Ander dans notre dos.
Nous restons plantés là comme des imbéciles alors que Maverick git toujours au sol, le visage en sang. Le poing de mon bien-aimé l'est aussi. Je n'ai pas le temps de m'inquiéter pour lui, la voix d'Eileen résonne dans notre dos :
— Il est temps de prendre la fuite !
Et nous nous dispersons. Alors que Rewind saisit Bianca par la taille, Ander et Eileen prennent la fuite en premier et Erkel, lui, me prend par la main. Ensemble, nous divaguons dans les couloirs du palais. Les soldats se sont eux aussi séparés et une dizaine d'entre eux nous suivent à la trace. Nous sommes plus rapides pour le moment et parvenons à les éviter.
Quand nous passons devant notre suite, Erkel y entre et je le suis immédiatement. Il saisit ses armes sur le buffet, me tend mon fil étrangleur ainsi que deux poignards et une épée. Je lui refuse celle-ci de la main : je n'ai jamais vraiment aimé me battre avec une lame aussi lourde. Alors il la prend pour lui-même, glisse un poignard dans la poche de son pantalon puis finit par me donner son clou.
— Garde-le, on ne sait jamais. Tu pourrais en avoir besoin.
Je souris même si le moment est mal placé. Bientôt, nous ne pouvons plus sortir de la suite car la dizaine de soldats rappliquent, leur épée munie en l'air. L'un deux tonne, impitoyable :
— Vous êtes arrêté pour trahison envers la cour de Kelinthos, agression et barbarie envers Sa Majesté de Kelinthos !
Je grimace. Erkel n'attend pas une minute, il brandit son épée et tranche des têtes. Littéralement. Je pourrais être horrifiée mais j'ai moi-même décapité des hommes dans le passé. Alors je le suis dans son élan. Munie de mon fil étrangleur, je tranche la gorge du moindre soldat s'approchant un peu trop près de moi. J'assure les arrière d'Erkel en le protégeant et lui, m'aide lorsque deux gardes m'attaquent en même temps. Nous formons un duo incroyable.
C'est ce que je me dis lorsque je vois le bain de sang dans la suite. C'était un jeu d'enfant. À bout de souffle, nous nous tournons l'un vers l'autre tandis que le silence règne dans la chambre. Il s'avance, comme pour m'embrasser, mais un grognement retentit. Un garde à moitié en charpie par terre, tend le bras pour récupérer son épée. Sans une once de pitié, Erkel lui transperce lentement le cou de sa lame.
Deux secondes plus tard, nos lèvres se rejoignent au milieu de ce chaos de cadavres. Nous nous séparons pour sortir de la suite et rejoindre les couloirs que nous arpentons. Des bruits de lames tintant l'une contre l'autre résonnent au rez-de-chaussée et nous descendons les escaliers précipitamment. Dans le hall, Rewind se bat seul contre des soldats tandis que Bianca se colle contre un mur, effrayée. Eileen, elle, donne des coups au soldats qui tente d'agresser sa sœur.
Ni une, ni deux, je fuse vers elle et lance mon poignard à une vitesse fulgurante. Celui-ci vient se planter entre les deux yeux du soldat et s'écroule au sol. Bianca s'éloigne pour serrer Eileen dans ses bras, presque horrifiée. Les deux sœurs se tournent vers moi, la bouche ouverte.
— Comment as-tu...
Eileen ne finit pas sa phrase puisque un autre garde fonce vers nous. Je me rue vers lui, l'enserre de mes jambes avant de lui briser la nuque en un rien de temps. Son cou résonne dans un crac horripilant alors que derrière nous, des sifflements se font entendre.
— Joli ! s'exclame Rewind.
Comme à l'étage, le nombre de cadavres au sol est ahurissant. Erkel s'avance vers moi, du sang gouttant sur mon visage et je lui lance un regard inquiet.
— C'est le sang d'un soldat, ne t'inquiète pas.
— Bon, on papotera plus tard, intervient Rewind. On devrait s'enfuir avant que d'autres soldats ne rappliquent.
— Attends ! s'exclame Eileen, l'air inquiète. Ander n'est pas encore là, il... Il se battait contre des soldats mais...
Quand on parle du loup. Ander accourt vers nous à bout de souffle, le visage en sang, son bras blessé d'une profonde entaille, celle d'une épée sûrement. Je fronce les sourcils, sur le qui-vive. Tuer tous ces soldats a été un jeu d'enfant pour nous. Si Erkel et moi sommes sûr-entrainés, Rewind a l'air d'être un excellent guerrier, Ander devrait l'être aussi, non ? Alors qu'est-ce qui a bien pu le blesser comme ça ?
Il appuie ses mains sur ses genoux, à deux doigts de cracher ses poumons et je m'approche lentement de lui, ma main enserrant mon poignard jusqu'à en avoir mal. Derrière moi, Erkel passe une main dans ses cheveux pour remettre de l'ordre.
— Nous... Nous devons y aller, souffle Ander. Il y a des... Et merde. Ils sont déjà là.
— Morgan, ATTENTION !
Je n'ai pas le temps de comprendre quoique ce soit qu'Erkel se jette sur moi pour me propulser au sol. Je pousse un grognement en me relevant alors qu'Eileen et Bianca s'enfuient hors du palais. Lorsque mes yeux se posent derrière l'épaule d'Erkel, je comprends pleinement le problème. Mon cœur s'arrête et je jurerai que la peau s'insuffle dans mes veines.
Au bout du couloir, en face de nous, trois hommes et une femme s'imposent. Tous quatre âgés d'au moins trente ans, des sourires carnassiers se dessinent sur leur bouche. Je ne les connais pas, et pourtant, ils me terrifient.
L'un d'entre eux a les cheveux blonds longs attachés en queue de cheval et une énorme balafre lui barre le visage, rendant son expression monstrueuse. Il aurait pu être séduisant dans une autre vie, mais la façon dont les coins de ses lèvres se retroussent en me dévisageant me donne la nausée.
Je comprends qu'il sourit ainsi parce qu'il est celui qui a tenté de me tuer en lançant un poignard aussi aiguisé que le mien. Monsieur est un expert ? Dommage, j'en suis une aussi.
L'homme au milieu est le plus impressionnant. Il doit bien faire deux mètres et est plus grand que les trois rois réunis. Son crâne est rasé et des symboles ont été dessinés à l'encre sur sa peau. Tout le long de son corps, il arbore des aussi gros tatouages que ses bras. Il porte une sorte de cuirasse en fer et des vieilles sandales datant d'il y a plusieurs centaines de siècles.
Et enfin, le dernier homme, lui, a des cheveux d'un rouge étincelant. Il porte un nombre incalculable de bagues et je retiens un hoquet lorsque je réalise que sa bouche a été cousue. Mon Dieu. Ces hommes sortent tout droit d'un film d'horreur. La femme, elle, est d'une beauté saisissante mais ses yeux expriment une colère noire. Ses cheveux, de la même couleur, sont attachés en queue de cheval et elle porte la même armure que Crâne Rasé.
— Parce que vous pensiez réellement pouvoir vous en sortir aussi facilement ? lance une nouvelle voix bien trop familière à mon goût en haut de l'escalier.
Areena se dessine dans sa longue robe doré, un sourire méprisant aux lèvres. Ses longs cheveux ont été relâchés, la rendant encore plus sublime que d'habitude. Son regard est posé sur moi.
— Ma chère et tendre More, je jure sur mon pays que je te ferai vivre une mort douce. Tu me supplieras de t'épargner après des mois de torture. Je t'arracherai ta vie.
— D'autres ont déjà fait cette promesse et ne l'ont pas tenu, répliqué-je, acerbe. Oh, que dis-je, ils sont morts.
Son expression se refroidit et elle ajoute :
— Je tiens toujours mes promesses. Dommage, tu ne reverras jamais tes parents en vie après...
— Bon, elle a fini de jacasser celle-là ? souffle Rewind. On dirait ma demi-sœur mais en pire.
Areena se vexe et c'est prévisible. Elle fusille du regard Rewind tandis que mes yeux à moi restent braqués sur les quatre guerriers qui nous font face. Qui attendent un ordre de la part de leur maîtresse. La peur me broie le ventre. Si les soldats étaient un jeu d'enfant, ces quatre brutes sont une autre affaire, et pas des moindres.
— Rewind, vous manquez cruellement de politesse.
— Bla bla bla, vous a-t-on déjà dit que vous étiez insupportable ? Non mais vraiment, j'ai des envies de suicide à chaque fois que vous ouvrez la bouche.
Ander retient un éclat de rire. La situation est très mal choisie. À bout de nerfs, Areena s'égosille :
— Tuez-les ! Tuez-les tous ! Et gardez-moi cet idiot, je m'en occuperai personnellement. Amochez More si vous le voulez, je la veux en vie aussi !
Son ordre reste en suspens dans l'air lorsqu'elle pose les yeux sur Erkel. Son regard se fait tout de suite plus... mesquin. Désireux d'avoir quelque chose qu'elle n'aura pas.
— Et lui aussi, je le veux en vie. Je me ferai une joie de l'épouser.
— Bilan : tuez-les tous mais sans tous les tuer ! se moque Rewind.
Je ne peux retenir un gloussement. Mais bon, les quatre armoires à glace devant moi me ramènent vite à la réalité. D'un pas de chat, ils s'approchent et Ander s'écrie :
— On fuit ! Maintenant !
Alors je prends mes jambes à mon cou, tétanisée à chaque seconde qui s'écoule de me prendre un poignard dans le dos. Les autres me suivent de près et je réalise que bientôt, nous aurons besoin d'un navire pour quitter Kelinthos. Les choses se gâtent.
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