Chapitre 33

Un coup résonne, preuve que le clou s'est enfoncé dans la table.

Erkel avance sa tête, menaçant. À la place de Maverick, je serais déjà en train de me décomposer.

— Menacez encore une seule fois ma fiancée et ce clou vous transpercera la jugulaire. Elle ne vous doit rien, et elle ne vous devra jamais rien. Faites un scandal si vous le voulez, j'annoncerai au monde que le roi de Kelinthos n'est qu'un ivrogne s'adonnant aux jeux d'argent et aux bars à putes. C'est ce que vous voulez ?

Torin débarque pile à ce moment-là derrière Maverick, l'empêchant d'effectuer le moindre mouvement. Je vois la rage s'étirer sur les traits du roi de Kelinthos alors qu'il réplique d'un ton plein de rancœur :

— Vous n'êtes qu'un... mauvais perdant !

— Je ne perds jamais, nuance.

Je vais m'effondrer devant autant de charisme. Il est encore plus propre que moi. Nous pourrions former un couple d'assassins brillants. Mais il est roi, et je suis une meurtrière.

— Torin, tu devrais sûrement l'emmener se rafraîchir.

Et Maverick se lève d'un pas chancelant. Je me tourne vers Erkel, la bouche ouverte.

— Qu'est-ce que... Comment avez-vous... C'était pour ça le clou ?

Il secoue la tête négativement.

— Quand cette Ivayis nous a dit que les armes étaient interdites, je me suis dit qu'avoir un clou élèverait moins les soupçons. Et puis, dans tous les cas, Torin était parti chercher nos armes. J'avais imaginé perdre et l'utiliser. Qu'il n'ose plus jamais te menacer et moi indirectement, il perdra à ce petit jeu.

Erkel se lève à son tour et me tend son bras.

— Merci, vraiment.

— Quelle faveur te demandait-il ?

— Je ne sais même pas... Il avait pensé à m'enlever ma robe, ou bien m'embrasser devant vous afin de vous faire enrager. Il a vu les suçons, il voulait les reproduire pour montrer que je n'étais pas à vous.

Erkel serre les mâchoires puis pousse un soupir.

— Si les premiers jours étaient dorés d'illusions, je viens d'envenimer la situation. Et avec la présence du roi d'Imir ici, les choses n'iront pas en s'arrangeant. Cet homme dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas mais cela risquerait de nous mettre en péril.

— Nous arriverons à nous défendre.

Nous. Tu m'oublies déjà, More ?

Je chasse cette voix de ma tête.

— Tu sais te battre et c'est un bon point mais le Jeu des Roses nous mettra tous en danger.

— Quand le tournoi commence-t-il ?

— Demain matin.

— Mais je croyais que...

— Il a été avancé. Les autres invités arriveront demain et le tournoi commencera dans la foulée. Et avec la surprise d'Areena, je...

— Quelle était sa surprise ?

Je me rappelle que cette vipère a fait une annonce le jour où j'ai malencontreusement embrassé Roméo.

— Tu n'as pas vu ? (Son visage se ternit quand il se rappelle à son tour). C'est vrai, tu étais bien trop occupée à fourrer ta langue dans la bouche de l'autre idiot.

— Vous baviez devant Areena, répliqué-je.

Il s'arrête dans sa marche, me jauge d'un air mauvais. Je ne me rends compte que maintenant que nous nous sommes éloignés de la soirée. Il doit être plus d'une heure du matin et les jeux continuent. Au fond du jardin, je m'adosse contre un arbre et il s'approche lentement. M'emprisonne de ses bras. Nos corps se frôlent dangereusement.

— Tu sais ce que j'ai envie de te faire ?

— Non, et je ne veux pas savoir, répliqué-je.

Un sourire se dessine sur ses lèvres. Bon Dieu, je rêve de... Non. Mais il est d'une beauté à couper le souffle. L'intensité de son regard me laisse pantoise. Heureusement que je suis contre cet arbre, je serais déjà tombée à la renverse depuis longtemps.

Cet homme provoque en moi des choses dangereuses. Des choses que je ne veux pas. Mais tout est plus fort que mes envies. Mon cœur bat trop fort, trop vite. J'ai l'impression de courir un marathon.

— Je ne bavais pas devant Areena.

— Vous lui avez promis une balade, ce soir.

— Une balade ? Non, je lui ai dit que nous devrons parler et en présence d'Ander et de Rewind. Je n'ai pas promis un tête-à-tête.

— Alors elle a menti. Quelle était sa surprise d'ailleurs ?

— Elle a dévoilé une maquette avec les jeux auxquels nous participeront tout au long de la semaine.

— Et alors ?

— Et alors, ses jeux sont d'une dangerosité absurde. Lancers de couteaux sur cibles, épreuves sous l'eau, courses de chevaux sur des kilomètres...

— Cela n'a pas l'air très dangereux.

— Tu aviseras par toi-même mais ces épreuves n'annoncent rien de bon. Tu devras te montrer prudente.

— Je suis toujours prudente.

Il hausse un sourcil et s'approche de quelques centimètres. Nos bouches sont si proches que nos souffles se mélangent. Je dois reculer mais je ne peux pas. Je suis au bord de l'évanouissement.

Heureusement, il se décale et frôle ma joue. Ses lèvres se posent sur mon oreille, y dépose un baiser. Puis sa bouche descend dans mon cou. Mais il s'arrête, et recule.

— Qu'est-ce que vous faites ?

— Je m'arrête, tu ne veux pas de moi. Tu me l'as dit il y a quelques heures, tu te rappelles ?

Un sourire moqueur se dessine sur ses lèvres et j'ouvre la bouche, outrée.

— Mais...

— Mais quoi, More ? C'est à toi de faire le premier pas.

Je plisse les yeux et rétorque :

— Alors vous pourrez attendre une éternité.

— J'ai tout mon temps.

— Et si...

— Et si ?

— Et si je vous le demandais ?

Il sourit diaboliquement et s'avance de nouveau.

— Demande-moi et je m'exécute. Je ne suis que ton humble serviteur après tout.

J'ai perdu toute dignité. Je suis arrivée à un niveau si bas que la Morgan d'il y a quelques mois aurait pitié. Erkel attend, patient. Il saisit une mèche de mes cheveux et me dévisage, des paillettes dans les yeux.

— Que veux-tu ?

— Laissez tomber. Nous ferions mieux d'y aller.

Je le contourne mais il me saisit par le poignet et me repousse gentiment contre l'arbre. Sa bouche se pose sur mon cou et je me demande intérieurement pourquoi il n'embrasse pas mes lèvres. Bon, je suis totalement perdue.

Bientôt, des frissons parcourent ma peau. D'une main posée sur ma taille, il me ramène contre lui alors que l'autre descend dangereusement dans mon dos. Cette fois-ci, il ne me mordille pas la peau mais sa bouche dépose une multitude de baisers dans le creux de mon cou. Mon corps entier s'embrase sous ses caresses. Il descend plus bas, sur la naissance de ma poitrine et je remercie mon haut bustier d'exister.

Mon souffle s'accélère, mon cœur bat tellement fort que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma cage thoracique. Je penche la tête en arrière, ivre de lui, ivre de nous. Le torrent de sentiments, tous euphoriques, qui m'assaillent me laissent frémissante contre l'écorce du bois dans mon dos.

Il s'arrête quelques secondes, dévisage ma bouche. Je lis dans ses yeux un désir ardent. Ses yeux ne sont plus si bleus qu'ordinaire, ses pupilles se sont dilatées et il lève la main pour caresser du pouce mes lèvres. Celles-ci s'entrouvrent légèrement alors que son doigt effectue des cercles. Puis bientôt, ma bouche s'ouvre entièrement et ma langue effleure son pouce.

Bon Dieu. Je vais mourir de chaud.

Il rentre son pouce de quelques centimètres sans lâcher mon regard. J'ignore la sensation dans mon bas-ventre qui s'agite, qui me rappelle que ce n'est pas oui, peut-être, je le désire mais plutôt, s'il te plaît désire-moi comme je te veux.

Tout est trop fort, trop intense. Les sensations sont nouvelles, la magie transperce l'atmosphère. Je suis ensorcelée par son regard, par la façon qu'il a de scruter la moindre parcelle de mon visage comme si j'étais une œuvre d'art. Cet homme me rend folle. Je suis au bord du gouffre, je me retiens contre le mur afin de ne pas tomber avidement pour lui. Mais c'est trop tard, je le sens au plus profond de mon être.

J'aurais beau tenter de le haïr, les sentiments, eux, ne s'effritent jamais. Ils sont éternels.

Il retire alors son pouce et me tend la main. La magie s'efface, le torrent d'émotions qui m'assaillaient se dissipe. Mon cœur, lui, ne se calme pas. Il ne se calmera jamais.

— Nous ferions mieux d'y aller. Un tournoi nous attend demain.

Je hoche la tête mais mon mouvement n'est pas aussi assuré qu'avant. Erkel le remarque et il s'approche pour presser ses lèvres contre mon front, comme la nuit dernière. Ce geste confirme mes pensées.

Cet homme me rend dingue.

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