Chapitre 18

— Regarde ça ! Ton entrevue avec Darren a fait le tour du pays. Le peuple exigerait même une interview spéciale avec lui. Les gros titres paraissent déjà : le cœur de la princesse déjà conquis ?

Anthos remue le journal sous mon nez en riant aux éclats et moi, je me contente de le poursuivre autour de la table. Hedge est assis un peu plus loin et se contente de nous jauger d'un air mauvais. Il s'amuse à faire tinter ce qui lui sert de bijoux et s'exclame à tout-va :

— Je ne comprends pas très bien en quoi cette interview est une mauvaise idée.

Je m'arrête, furibonde.

Nous sommes le lendemain de cette petite soirée ratée et j'ai eu le malheur d'ouvrir la porte sur les journalistes, leur laissant libre court à leur interprétation de me voir en compagnie de Darren. J'ai eu le droit à tout type de questions grossières, mais l'une d'entre elles m'a fortement amusée : « Votre Altesse, auriez-vous perdu votre pureté ? ».

Comme si ma virginité pouvait les intéresser. Je dois admettre que j'ai envoyé bouler celui-ci.

— C'est vrai quoi, soutient Hedge, pourquoi pas vivre ce tournoi à fond ? Donne au peuple ce qu'il veut.

— Oui, bien sûr, Hedge, excellente idée ! je grogne. Je vais faire cette petite entrevue avec Darren, puis tout le monde nous officialisera en couple voire fiancés, et je me marierai sous des beaux jours d'été en compagnie de mon âme sœur.

Il se gratte l'oreille d'un air perplexe. Hedge ne peut pas comprendre, il est le fils d'un couple d'assassins. Tout ce qui lui paraît normal me sera toujours anormal.

— Darren n'est pas si abominable que tu le crois, lance Anthos à l'autre bout de la pièce.

Il a repris son ton sérieux. Moi, je suis en colère. Furieuse d'avoir été utilisée de la sorte par cet imbécile.

— Je le déteste.

— Et tu as une bonne raison de le détester ? m'interroge Hedge. Parce que moi, je hais plein de gens pour un tas de raisons différentes. Ma maîtresse d'école quand j'avais huit ans qui m'a forcé à copier des lignes par exemple, ou cet imbécile de boucher qui n'a pas voulu me prêter sa hache le temps d'une matinée. J'avais quelque meurtre à commettre ce jour-là. J'ai dû finir le travail à la main, c'était digne d'une scène d'horreur.

Hedge pousse un soupir comme s'il se rappelait du bon vieux temps. Moi, je grimace.

— Vous êtes vraiment des bizarres à Meridia. J'ignore comment Père et Mère se sont liés d'amitié avec les tiens.

À dire vrai, je connais l'histoire par cœur. On me l'a tellement raconté et raconté qu'elle ne quitte plus mon esprit. Par le fruit d'un heureux hasard, mes tendres parents en sont venus à sauver Meridia d'une guerre mondiale. Comme quoi, on sauve parfois les pires de son espèce.

— En tout cas, le plus croustillant reste l'épreuve à venir, lance Anthos d'un ton joyeux. Deux épreuves se sont déjà succédées mais celle-ci sera à coup sûr ma favorite !

Je m'efforce de ne pas me plaindre et il faut avouer que c'est une tache complexe. Anthos me tend le dépliant annonciateur de toutes les épreuves à venir, bien que formulées sous forme d'énigme afin que les spectateurs restent dans la surprise.

— « À vos marques... prêts... plouf ! ». Pas besoin d'être un génie pour comprendre que c'est ce fichu paternel qui s'est chargé d'intituler les épreuves.

Je me masse le crâne. Le tournoi a à peine commencé depuis une semaine que je suis déjà prise de maux de tête incontrôlables. La saison va être éprouvante.

Et ma matinée vient à peine de commencer puisque mes parents ont pensé, à tort, que j'avais besoin de compagnie.

• • •

— Je m'appelle Enora, Votre Altesse Royale. Et je suis là pour vous servir.

Assise au bord de mon lit, je dévisage ma dame de compagnie pour les prochaines semaines. Comme si je ne manquais déjà pas de compagnie avec Anthos, Hedge et Freya.

Quoiqu'il en soit, ce visage me dit quelque chose. La chevelure d'Enora est interminable, si bien qu'elle a été obligée de regrouper sa tignasse en une longue tresse. Sa peau est halé, comme si elle était originaire des pays du sud. Et étonnamment, ses yeux sont d'un vert qui m'aveugle. Elle est d'une beauté inimaginable.

— Votre visage me dit quelque chose.

— Cela est normal, Votre Altesse, nous avons crié en cœur que votre frère était un imbécile il y a de cela quelques jours.

Ses joues se mettent à rosir comme si elle était gênée. Et moi, je me rappelle tout juste de ce moment. Comment ai-je pu oublier cette fille en l'espace de quelques jours à peine ?

— Mais vous étiez domestique. Pas dame de compagnie.

— Je suis toujours votre humble servante, Votre Altesse.

Elle s'abaisse dans un geste gracieux et je détaille sa modeste tenue. Un tablier crème a été noué autour de sa taille au-dessus d'une robe qui me paraît avoir été fait dans un tissu bien trop terne pour son teint.

— Enora, vous êtes officiellement ma dame de compagnie, ce qui signifie, non pas que vous me servez, mais que vous me tenez compagnie. Ainsi, je vous prie de cesser de prononcer ce titre absurde. Je m'appelle Reyna. Je hais toutes ces commodités.

Elle ose un petit sourire et semble se détendre un peu. J'imagine que c'est toute l'importance de mon titre qui la rend nerveuse, et je le serais à sa place. Il est vrai que je n'ai jamais imaginé ma vie autrement de celle que j'ai depuis toujours. Cette fille n'est peut-être pas si différente de moi, tout compte fait.

Enora s'assoit alors sur mon lit sans me le demander explicitement, et j'en suis ravie. D'aucuns auraient vu ce geste comme un manque de respect profond envers la princesse, moi je vois cela comme un signe d'amitié.

Je m'allonge de tout mon long sur mon lit, et l'interroge curieusement :

— Quels sont tes pronostics vis-à-vis du tournoi ?

J'ai encore quelques heures à tuer avant la prochaine épreuve alors si je peux l'utiliser pour me lier d'amitié avec Enora, je ne vais pas refuser.

— Gunter était mon favori jusqu'à ce que je comprenne qu'il n'était qu'un moyen pour vous d'éloigner le reste des prétendants, admet-elle.

— Enora, nous ne sommes pas encore amies mais il y a des choses qui ne se disent pas. Gunter est un vrai prince charmant ! Que j'imagine très fortement épouser.

Elle se redresse et hausse les sourcils.

— Soyez sincère, Reyna. Vous le regardez à peine.

Je ronchonne. Comment se fait-il que tout le monde ait déjà deviné mon plan ? Si l'on s'aperçoit que Gunter n'est pas vu comme un réel prétendant à mes yeux, Père sera furieux et il m'assignera le premier venu !

— Je le regarde, au contraire. L'amour n'est seulement pas encore venu me chercher.

— L'amour ne vient pas "chercher", rit-elle. Il survient au moment où l'on s'y attend le moins.

— J'en doute fort. Selon les choix de vie qu'on impose, ou bien je n'aurai jamais le droit à l'amour, ou bien celui-ci se devra d'être choisi. Je n'aurai pas la chance d'être frappée par l'amour, Enora. Je ne peux que l'effleurer de loin sans jamais y accéder, car si un jour, mon cœur se retrouve attiré à un autre, cela ne sera jamais l'époux qu'on m'aura attribué.

— Vous êtes encore libre de choisir, princesse. Moins de vingt prétendants sont à vos pieds.

— Et si l'amour n'est pas dans ces vingt prétendants ?

Elle ne répond plus et son regard se peine. C'est bien ce que je pensais, je n'aurai pas le droit au bonheur.

— Vous serez libre de refuser le mariage, tente-t-elle de me rassurer.

— Mais je suis la princesse royale d'Imir, et refuser n'est pas une option pour moi. Je l'ai su dès le moment où l'on m'a amenée dans cette affaire. Le mariage m'attend, qu'il soit maintenant ou plus tard, choisir n'a jamais été une possibilité.

Je me redresse à mon tour, enroulant mes bras autour de mes jambes repliées. La peine me traverse. Je n'avais jamais dit cela à voix haute mais maintenant que les mots sont sortis, je réalise à quel points ils sont réels.

La main d'Enora se pose sur mon épaule et elle murmure simplement :

— Je vous comprends, ma dame. Et je compatis à votre souffrance.

Je tourne la tête vers elle. Une dame de compagnie n'était, tout compte fait, peut-être pas une si mauvaise idée.






_________

helloooo

je reviens après 5 mois d'absence pour poster oups

j'ignore si je serai régulière, et je m'excuse d'avance pour les incohérences/erreurs qu'il peut y avoir

j'espère pouvoir prochainement écrire la suite, en tout cas réécrire me tenait à cœur et j'ai pris plaisir à écrire ce chapitre

à bientôt <3
bizz

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top