𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟖 - Lᴇᴛᴛʀᴇ ᴅᴜ Mɪɴɪsᴛᴇ̀ʀᴇ

⸺ Enfin rentrés ! m'écriai-je aussitôt passé le pas de la porte tandis qu'Harry m'aidait à enlever mon – enfin, son – manteau. Ce dîner était interminable !

J'adressai un sourire moquer à mon hôte.

⸺ Tu as parlé avec Thomas et Finnigan pendant quatre heures. Quatre heures, Harry ! Je pensais vraiment que vous éliriez domicile sur vos fauteuils pendant le restant de votre existence !

⸺ Ne dis pas de bêtises, Drago, balbutia maladroitement l'Élu qui avait les joues rouges à cause de ses trois verres de Whisky Pur Feu qu'il avait vidé avec une hargne que je ne lui connaissais pas.

Il déposa sa veste sur le portemanteau puis se laissa tomber dans son canapé : il avait le regard vague et les yeux brillants d'épuisement.

⸺ Pourquoi as-tu autant bu, Potter ? le réprimandai-je vivement. Tu m'avais dit que tu ne tenais pas bien l'alcool... le réprimandais-je, furieux de le voir dans cet état après un dîner chez ses amis. C'était vraiment pathétique !

Il eut un petit rire.

⸺ Je ne suis pas bourré, Malefoy. J'ai juste bu trois verres. Je suis fatigué, c'est tout.

Je croisai les bras sur ma poitrine, loin d'être convaincu.

⸺ Mais bien sûr.

Il protesta avec humour, et je me surpris à rire avec lui. Il était presque arrivé à me convaincre qu'il était parfaitement sobre lorsqu'il s'endormit. Ce n'était, disons, pas vraiment convaincant dans la suite logique de son déni quant à son ivresse.

⸺ Tu es incorrigible, Harry, murmurai-je en lui lançant une couverture pour qu'il n'attrape pas froid. Vraiment incorrigible.

Je secouai la tête, désabusé. J'avais l'impression de devoir m'occuper de lui ce soir, comme un père qui veille sur son fils. Enfin, heureusement que Potter n'était pas mon fils. Mais il dormait sur son canapé, encore habillé, souriant dans son sommeil comme un bienheureux, aussi avait-il un air enfantin ma foi attendrissant. La rougeur de ses joues s'était intensifiée à cause de la fraîcheur de la pièce, aussi décidai-je d'allumer un feu dans la cheminée en prenant sa baguette - la mienne se trouvait toujours au Ministère pour inspection, elle me serait rendue dans les jours à venir. Je pris la baguette en houx et la dirigeais vers l'âtre : rien qu'à la toucher, je savais bien qu'elle n'était pas à moi, que son pouvoir m'échappait. Mais il y avait quelque chose de rassurant qui m'y liait, je le sentais dans le bout de mes doigts, aussi allumai-je un feu en murmurant « Incendio » de manière consciencieuse. Ce n'étaient pas de grandes flammes, mais c'était toujours mieux que rien. L'Élu grogna dans son sommeil. Je lui lançai un regard sceptique.

⸺ Allons, Potter, dors bien. Pour ma part, je vais me coucher.

Il remua sans m'entendre, puis j'éteignis la lumière avant de monter à l'étage.


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Il y a de ces matins où une lumière agressive vient vous ouvrir les yeux de force, semblant vous harceler pour que vous quittiez les bras de Morphée comme si c'était le pire des poisons. Il y a de ces matins où, malgré toute votre bonne volonté, quelqu'un ou quelque chose réussira à vous tirer du lit. Je pensais qu'aujourd'hui je ne pourrais pas dormir, mais force est de constater que l'Élu avait décidé de me laisser tranquille. La pénombre épaisse était telle que je n'avais qu'une envie : m'assoupir encore une fois et rester toute la journée dans ma chambre. Mais ç'aurait été impoli envers Potter, alors je me forçai à me lever et m'habiller - une chemise et un pantalon noir tout ce qu'il y a de plus simple - avant de descendre pour le saluer. Je pensais qu'il était tard, mais l'horloge moldue accrochée à son mur indiquait huit heures, aussi fus-je surpris. Harry était aux fourneaux, en train de préparer... qu'est-ce que c'était ? Du chocolat chaud, visiblement...

⸺ Bonjour, Potter, lançai-je d'une voix traînante. Je ne te pensais pas levé de si bonne heure après que tu te sois endormi sur le divan hier soir.

Il me dévisagea avec un sourire.

⸺ Je vais bien, merci. Et toi, comment te portes-tu ?

Je secouai la tête, amusé, puis tirai une chaise afin de m'y asseoir dessus. Harry semblait agité.

⸺ Je dois aller au Ministère, ce matin. Pour chercher ta baguette. Cela fait deux mois que tu es là, et le délai d'examen est passé. Inutile que tu viennes, tu sais que tu as des ennemis et il serait préférable que tu restes en sécurité.

Je levai un sourcil.

⸺ Et depuis quand te préoccupes-tu de ma sécurité ? Je sais me défendre tout seul.

⸺ Premièrement, je suis ton tuteur, tu te rappelles ? Et puis, deuxièmement, je n'aimerais pas que tu sois blessé, voilà tout. Excuse-moi, Drago, j'aurais aimé converser plus longtemps, mais je vais être en retard. Sers-toi du chocolat chaud, et puis tu sais ou se trouve la nourriture pour ton petit-déjeuner. Oh, et, s'il te plaît, reste dans la maison pendant mon absence, autrement nous aurions tous deux des ennuis avec le Ministère...

Il enfila son manteau, fuyant mon regard.

⸺ Allez, je file. À tout à l'heure, Drago.

La porte claqua avant que je ne puisse lui poser une question, et je restai de nombreuses secondes à fixer le vide, étonné par son comportement. Que se passait-il ? Potter avait toujours été étrange, bien sûr, mais là... il semblait perturbé. Me cachait-il quelque chose ? Évidemment, je ne connaissais pas toute sa vie, mais il y avait quelque chose me concernant qu'il ne me disait pas. C'était curieux, mais je me surpris à lui en vouloir un peu.

Oh, et puis merde ! Tu n'es qu'un égoïste, Drago ! Potter n'était pas le seul à cacher des choses... j'étais loin d'être en reste.

Lors de mes deux premières années, je l'avais cordialement détesté. Plus tard, j'ai appris à l'observer, pour mieux le briser, je pensais à l'époque. Mais je devais bien m'avouer que je prenais plaisir à lui lancer des piques, à l'insulter, à me moquer de lui. Parfois, j'avais l'impression que je pouvais le haïr à en crever. Mais tout ça ressemblait à un théâtre trop bien joué, entouré par une brume de non-dits que ni lui ni moi n'avions le courage de franchir. J'étais tellement immature à l'époque !

Bien évidemment, Potter devait être mon ennemi, alors Potter a été mon ennemi. Je n'ai jamais réfléchi à la relation que j'entretenais avec lui, j'ai toujours fait ce qu'on me disait de faire. Je suis sans doute passé à côté de tant de choses ! Amitiés, véritables ennemis, camaraderie, et probablement amours... Pansy n'avait jamais été une personne qui m'attirait. Mais bon, qui aurait pu vouloir de moi ? Lorsque mon père m'a fait m'enrôler de force dans les rangs des Mangemorts, je me suis promis de briser, faire du mal ou tuer le moins de monde possible. De garder toutes les personnes que je pouvais en vie. Bien sûr, j'en ai payé le prix, n'ayant pas été capable de faire passer Dumbledore de vie à trépas...

Je fermai les yeux et inspirai. Du calme, Drago. Ne repense pas à la Guerre. Tu es sorti d'Azkaban, tu es en sécurité ici. Chez Harry Potter, certes, mais en sécurité. Et probablement bien plus heureux que si tu étais resté en cavale après la Bataille de Poudlard.

Je secouai la tête. Il fallait que je cesse de vivre dans mes souvenirs.

Décidant d'essayer d'oublier mon passé pour le moment, j'attrapai le walkman de Potter et décidai d'écouter encore une fois Comme ils disent. En boucle. Je me noyais dans les paroles un peu trop tristes de la chanson, y prêtant l'oreille jusqu'à les connaître presque par cœur. Je devais ressembler à un monomaniaque détraqué, assis recroquevillé sur le canapé où avait dormi Harry, mais je m'en fichais. Je me sentais juste perdu. J'aurais dû sauter de joie et ne plus tenir en place lorsque l'Élu m'avait annoncé que le Ministère me restituait ma baguette. Au lieu de ça, savoir qu'il y avait autre chose, autre chose qu'il me cachait, me rendait plus triste qu'autre chose.

Je n'arrivais pas à être en colère. Je n'y arrivais plus. J'avais haï trop de gens par le passé. Beaucoup trop. Je m'étais haï avec une force et une conviction qui me faisaient parfois trembler. C'était toujours le cas, bien sûr, mais je m'efforçai de l'oublier. Enfouir tous mes sentiments à l'intérieur de moi semblait être le meilleur des moyens pour me donner l'impression que j'étais légitime de vivre...

J'ôte mes cils et mes cheveux
Comme un pauvre clown malheureux
De lassitude... 
Je me couche mais ne dors pas
Je pense à mes amours sans joie
Si dérisoires...
À ce garçon beau comme un dieu
Qui sans rien faire a mis le feu
À ma mémoire...

Les paroles de la chanson française tournaient en boucle dans ma tête et mes tympans. Venant d'une famille aristocrate, mes parents avaient jugé bon de me faire apprendre plusieurs langues étrangères dès le plus jeune âge, et mon précepteur m'ayant trouvé « une facilité déconcertante pour le français », je m'étais concentré sur cette langue en priorité, aussi comprenais-je chaque mot de cette chanson.

Et je me sentais de plus en plus étrange à chaque écoute. J'avais une curieuse impression de familiarité avec les sentiments décrits par cette musique... mais en même temps, ça me paraissait loin, si loin.

⸺ Drago ! cria une voix lointaine qui me fit sursauter.

J'arrêtai la musique et posai le walkman sur le bord du meuble en vitesse. Harry se dirigeait d'un pas las vers moi, me tendant ma baguette que je pris avec délicatesse. Je hochai la tête, tâchant de ne pas m'en servir tout de suite.

⸺ Merci, Potter. Merci infiniment.

Il m'adressa un semblant de sourire, ouvrit la bouche puis la referma, semblant hésiter.

⸺ Que se passe-t-il ? assénai-je avec une exaspération non feinte.

Avec des gestes – inutilement – lents et précautionneux, il tira une lettre frappée du sceau du Ministère de la poche de sa veste et me la tendit. Je le tirai d'un coup sec et la fit tourner dans mes mains.

⸺ C'est pour toi.

⸺ Qu'est-ce que c'est ?

Il baissa la tête.

⸺ Vois par toi-même.

Je défis rapidement le cachet et tirai la parchemin. Je passai du regard les formules administratives relativement ennuyeuses et lus le texte qui y figurait en me décomposant un peu plus à chaque seconde.


À monsieur Drago Malefoy.

Le dénommé Lucius Malefoy  connu comme étant votre père  est paru devant le Tribunal de Justice Magique il y a un mois. Nous irons droit au but, monsieur Malefoy : il a été condamné, pour Haute Trahison, meurtres, crimes contre l'humanité et violences conjugales, au Baiser du Détraqueur et à une incarcération à vie dans la prison d'Azkaban. La première sentence que nous avons citée plus haut allant se dérouler dans une semaine, nous vous avons accordé une entrevue avec le prisonnier. Nous vous attendons à l'entrée d'Azkaban demain à dix heures et demie du matin.

Veuillez croire, monsieur Malefoy, nos sincères considération et notre soutien dans cette épreuve,

Mafalda Hopkrik.

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