𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐 - Jᴜɢᴇᴍᴇɴᴛ

Je suivis l'homme au travers d'un couloir sombre et étroit. Ma robe, signe distinctif des prisonniers de Guerre incarcérés à Azkaban, salie et déchirée par endroits, traînait derrière moi. Je ne devais pas pleurer. Je devais être fort. Ne pas laisser transparaître mes émotions. Mentir au monde, comme toujours. Mais pour la première fois, être honnête dans mes paroles.

L'homme s'arrêta brutalement devant une porte à l'air cérémonieuse, avant de se tourner vers moi en me fusillant du regard.

Je ne cillai pas. Il ne fallait pas. J'étais fort. Du moins, j'essayais de m'en convaincre.

Je n'eus pas le temps d'esquisser un geste qu'il pointa sa baguette sur moi et fit un mouvement sec du poignet. Aussitôt, je sentis mes mains se faire enserrer par deux menottes lourdes et glaciales, frottant contre la saleté qui imprégnait ma peau. Je devais avoir l'air pitoyable. Mais je ne voulais pas l'être. J'étais fort. Je gagnerais ce procès. Quoi qu'il en coûte. Garder mon masque impénétrable.

L'homme ouvrit la porte et me poussa dans la grande salle lumineuse où mon destin m'attendait de pied ferme. Je manquai de tomber en avant. Rentrant la tête dans mes épaules, je m'avançai jusque sur la petite plateforme où les accusés devaient se trouver. Un vieil homme aux cheveux blancs et à l'air strict se trouvait au milieu d'un florilège de différentes personnes, parmi lesquelles journalistes, juges, avocats, spectateurs et témoins. D'aucuns me fixaient d'un air narquois, sans doute satisfaits de me voir en si mauvaise position.

⸺ Votre nom ? gronda-t-il pour la forme.

Pour ne pas avoir l'air de me laisser démonter, je levai les yeux au ciel en grognant.

⸺ Vous connaissez très bien mon nom. Pas la peine de vous répandre en formules inutiles, allez droit au but.

La foule commença à chuchoter, et j'entendais les rumeurs insultantes commencer à se répandre parmi les sorciers.

⸺ Silence ! hurla le juge à la masse humaine. Qu'avez-vous à dire ?

Inutile de détailler ici le fond de mes pensées. Je lui fis un descriptif détaillé de l'affaire en me retenant de le provoquer. Suivi d'un florilège d'insultes les plus imaginatives les unes que les autres à son intention.

Passèrent ensuite à la barre diverses personnes voulant me soutenir. Dont ma mère.

⸺ Votre nom ?

⸺ Narcissa Malefoy, née Black. Épouse de Lucius Malefoy, mère de Drago Malefoy, sœur d'Andromeda Tonks, née Black, sœur de la défunte Bellatrix Lestrange, née Black, fille de Cygnus Black III et de Druella Rosier. Liste non exhaustive. Je suis ici pour défendre le présent accusé.

⸺ Jurez-vous de dire la vérité, et uniquement la vérité ?

⸺ Oui, asséna-t-elle sans hésiter, une lueur de défi dans le regard.

Elle me défendit avec panache et bravoure. Je n'avais jamais été proche d'elle, mais le ton de sa voix et les gestes grandiloquents et provocants qu'elle esquissait lorsqu'elle parlait ne laissaient aucun doute sur le lien qu'elle partageait avec moi.

⸺ Bien. Nous en avons fini avec votre témoignage.

⸺ Non ! tonna-t-elle, la voix tremblante. J'ai autre chose à dire. Ceci ne concerne pas Drago, mais mon mari, Lucius.

⸺ Nous vous écoutons, grimaça le vieil homme en abattant son marteau de juge sur sa table pour rétablir le silence de la foule.

⸺ Je voudrais apporter mon témoignage sur une affaire personnelle. Je tenais à le faire avant son procès, car je sais pertinemment que je serais incapable de vous révéler ce que je m'apprête à vous révéler devant lui.

Sa voix faiblissait, mais lorsqu'elle releva la tête, ses yeux brillaient de détermination. Qu'avait-elle donc à dire ? Je sentis mes mains trembler d'impatience.

⸺ Allez droit au but, Madame Malefoy.

⸺ Comme vous devez sûrement le savoir, puisque vous avez laissé faire ceci, grimaça-t-elle avec une pointe de provocation dans la voix, notre mariage était une union forcée. J'ai aimé Lucius de tout mon cœur, malgré ceci. Il a voulu me faire croire que c'était réciproque. Mais un beau jour, c'est parti tout seul. Une claque. Depuis, il ne s'est pas passé un jour sans que je ne me fasse frapper. Il évacuait sa rage et sa haine sur moi. D'abord, ça n'a été que des claques. Puis ensuite, cela s'est mué en coups de pieds. Puis coups de poings dans l'abdomen. Claques sur la tête. Insultes. Reproches. Menaces. Je voudrais que vous preniez cela en compte avant son procès.

Sa mâchoire et ses mains tremblaient.

⸺ Merci, Madame, fit le juge sans ciller, comme si tout ce qu'elle venait de raconter était d'une banalité stupéfiante. Nous nous en souviendrons.

Je bouillonnais de rage. Tout se mélangeait dans mon esprit. Pourquoi ne me l'avait-elle pas dit ? Pourquoi n'avais-je rien vu ? Pourquoi avait-il fallu que cela arrive ? Et depuis quand vivait-elle cet enfer ? Pourquoi les juges faisaient comme si cela ne les heurtait pas ? Pourquoi le monde était-il si injuste ?

⸺ C'est tout ? Pourquoi n'allez-vous pas le chercher maintenant pour lui faire répondre de ses actes ? hurlai-je.

⸺ Taisez-vous, Monsieur Malefoy ! cria alors le juge à son tour. Nous maintiendrons la date de son procès. Il passera devant ce tribunal dans un mois, jour pour jour.

Non. C'était tout simplement hors de question.

⸺ Je demande à ce que vous reconsidériez la proposition de Malefoy ! s'imposa une voix dans la foule qui fit taire tout le monde.

Je levai les yeux vers cette personne, et croisai le regard étonnamment bienveillant de Potter. Harry Potter. L'Élu. La personne qui m'avait entraîné dans ce pétrin. S'il avait accepté de serrer ma main en première année, nous n'en serions peut-être pas là aujourd'hui ! Oui, je te hais, Harry Potter.

⸺ Nous verrons si nous pouvons avancer la date de son procès, Monsieur Potter. Mais nous n'avons pas la capacité de le faire se présenter devant le tribunal maintenant, répondit le juge insupportable d'un air agressif à l'adresse de l'ancien Gryffondor. En attendant, nous allons nous concerter pour déterminer la sentence de Monsieur Drago Malefoy.

On vint me chercher pour m'enfermer une nouvelle fois dans la petite pièce dans laquelle j'avais attendu de longues et interminables heures avant de pouvoir passer à la barre pour exprimer mon ressenti.

J'attendis encore trois heures et demie. Les trois heures et demie les plus longues de ma vie.

J'étais au bord du gouffre, mais mon espoir me retenait encore un peu. Selon les paroles qui allaient sortir de la bouche hypocrite du vieux sorcier, j'y sombrerai ou pas.

⸺ Monsieur Drago Malefoy. Nous avons décidé de votre sentence. Enfin... Je dis cela... En réalité, nous allons vous laisser le choix.

⸺ Il est très aimable à vous d'essayer de me remonter le moral en me moquant de moi, mais je crois que je préfère être fixé sur ce qui m'attend sans me faire humilier une fois de plus, répliquai-je d'un ton ferme et sans appel.

⸺ Nous ne nous moquons pas de vous, Monsieur Malefoy. Nous allons vous laisser le choix.

⸺ Voyons voir cela, dis-je sans le croire une seconde.

⸺ Nous vous laissons la possibilité entre deux choses. La première étant une incarcération à vie à Azkaban sans Baiser du Détraqueur si vous refusez la seconde proposition...

⸺ Oh, dit comme cela être enfermé dans cette prison funeste a presque l'air l'une promenade de santé ! Allez-vous enfin être sérieux ?

⸺ Taisez-vous ! hurla-t-il à mon adresse tandis que la foule s'agitait. Nous ne pouvons pas être plus sérieux. Vous remercierez l'auteur de la seconde proposition plus tard si vous l'acceptez.

⸺ Au lieu de vous amuser à faire monter le suspense et à me provoquer, pouvez-vous, si vous êtes capable de ne pas être agaçant ne serait-ce qu'une minute dans votre vie, me dévoiler ce qu'est cette seconde option ? Je crois que cela arrangerait tout le monde.

Il ne fallait pas me laisser démonter.

⸺ Soit. La seconde option est la suivante : un citoyen vous accueille chez lui pour l'année à venir. Il étudiera votre comportement pour vous aider à vous reconstruire une vie.

⸺ Oh. Cela me touche beaucoup, dis-je d'un ton dédaigneux et provocant au petit homme. Et qui sera cette personne si altruiste ? Personne, bien sûr. Qui voudrait d'un idiot de Mangemort chez lui pour l'année à venir ?

⸺ À vrai dire, ce ne sera pas n'importe quel citoyen. Il s'agit d'une personne en particulier, qui nous a gentiment proposé cette alternative à une incarcération.

⸺ Vous le remercierez de ma part, raillai-je en me retenant d'adresser un geste très peu aimable à la foule qui murmurait.

⸺ Que choisissez-vous ?

⸺ Qui est cette personne ? demandai-je, vexé que l'on se paie ma tête.

⸺ Vous ne le saurez pas avant d'avoir choisi.

⸺ Vous êtes stupide, répliquai-je. Il y a des personnes chez qui je serais beaucoup plus enclin à aller vivre que chez d'autres. Il est par exemple exclu que je mette ne serait-ce qu'un orteil chez les Weasley... Même si la probabilité que cette stupide proposition vienne d'eux est nulle.

⸺ Mais cela ne change rien. Répondez, ou bien nous choisirons pour vous.

⸺ Il est bien évidemment hors de question que je retourne dans cette prison de torture malodorante ! J'y vois mes pires cauchemars.

⸺ Choisissez-vous donc la deuxième option ? me demanda-t-il de sa voix insupportablement supérieure.

⸺ Oui ! Mais cela ne change rien : je continuerai à croire que vous êtes stupide !

⸺ Très bien. Vous allez attendre dans le hall du ministère. Votre tuteur viendra vous chercher.

⸺ Mon tuteur... Si vous me considérez comme un enfant faible et sans défense, dites-le-moi tout de suite histoire que vous perdiez votre petit sourire satisfait sous le coup de mes poings.

Il ignora royalement ma remarque et je l'insultai de tous les noms tandis que deux sorciers me tiraient vers la sortie. Je dus patienter dans une grande pièce richement décorée, où mon état et ma tenue paraissaient misérable. J'étais misérable. Tous ces riches bourgeois dont je faisais partie autrefois me dépassaient en me lançant des regards assassins. J'essayai tant bien que mal de me couvrir avec ma robe déchirée et fine qui me collait à la peau.

⸺ Bonsoir, Monsieur Malefoy, retentit une voix grave.

Je me levai puis me retournai vers les nouveaux arrivants. Un homme immense à la carrure épaisse se tenait à côté d'un jeune homme dont le visage était dissimulé sous une capuche de cape.

⸺ Voici votre tuteur, Monsieur Malefoy. Signez simplement ce papier, et vous serez libre. Sous sa garde pour l'année à venir.

Sans réfléchir, je pris le stylo qu'il me tendait et esquissai ma signature en grognant. Satisfait, l'homme partit en m'annonçant que mon année sous tutelle venait de commencer.

⸺ Qui êtes-vous ? demandai-je à l'homme à la capuche.

Il ne me répondit pas et prit mon poignet pour m'entraîner vers la sortie. Là, je réitérai ma question.

⸺ Qui êtes-vous ?

L'inconnu baissa sa capuche. Je sentis mes genoux flancher mais je tins finalement bon. Par Merlin !

⸺ Potter ? hurlai-je dans le calme de la nuit.

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