𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟐 - ᴛᴏᴍʙᴇ́

Le lendemain matin, Harry me réveilla de bonne heure. Il semblait agité - ce qui ne changeait donc pas vraiment de d'habitude - et dut me secouer par les épaules avant que je ne me redresse, m'asseyant dans mon lit en tentant de masquer le rouge qui s'était emparé de mes joues. Le Survivant attendit fébrilement que je ne me frotte les yeux et qu'il ait toute mon attention avant de me fourrer La Gazette du Sorcier sous le nez.

Voilà longtemps que j'avais arrêté de lire ce torchon. Harry le recevait et le lisait quotidiennement, mais je n'avais jamais rien fait pour en faire de même : il me relayait les grosses nouvelles, la plupart du temps.

⸺ Quoi ? grognai-je en passant mes longs doigts blancs sur le papier.

Il s'agita, visiblement gêné, et mon regard tomba sur le titre du jour. Scandé en avant-première, le journal semblait le hurler : L'Appel humanitaire de l'Élu. Le poids dans ma poitrine se relâcha, et je cherchai les mots. J'aurais pu dire une infinité de choses. Mais je ne fis que sourire en pensant à ce que ces mots changeraient au sein de notre société... et de ma vie. Je tournai la tête vers Harry et y vis le même enthousiasme que moi : un rire joyeux m'échappa, et je le pris dans mes bras. Je m'accrochai à lui, reconnaissant, débordant de gratitude, et je sentis son sourire dans mon dos.

Et alors je compris quelque chose.

C'était lui.

La personne sans visage ni nom dont j'ai sans cesse rêvé depuis le début de mon adolescence... c'était lui.

C'était la bonne personne.

Celle dont j'étais amoureux.

Celle que je ne souhaiterais quitter pour rien au monde.



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⸺ Drago, me dit-il quelques matinées plus tard, alors que nous terminions notre petit déjeuner. J'espère que tu ne m'en veux pas...

Il semblait soucieux.

⸺ Pour quelle raison t'en voudrais-je, dis-moi ? fis-je sur le ton de l'incompréhension.

⸺ Je ne t'ai pas consulté avant de me dresser contre le juge et d'enfin faire entendre ma voix dans les médias, médias que je fuis depuis la mort de Lord Voldemort. Cela va forcément entraîner des répercussions sur ta vie, j'aurais dû te demander avant. J'ai agi sans vraiment réfléchir, sous le coup de la colère. Mais comprends-le, je ne supporte plus la manière dont la société te traite. Déjà, à chacune de mes convocations individuelles, je me retenais de rétorquer... et là, hier, tu étais là. Je crois que les paroles du juge ont pris un sens complètement différent. J'ai compris que ce n'était plus possible.

J'hochai la tête et tentai de réprimer mon sourire.

⸺ À vrai dire, Harry, je t'en suis reconnaissant. Tu m'aides depuis mon procès, mais individuellement. Là, tu as fait quelque chose pour moi que je n'aurais jamais pu imaginer : tu m'as redonné mon titre d'humain. Tu m'as rappelé que j'avais une dignité, et que j'étais légitime, légitime de vivre dans ce monde, d'y avoir ma place. Que j'avais le droit de passer outre le regard des gens. Je ne pourrai jamais te remercier, pour cela.

Il m'adressa un sourire, et je compris que je ne voulais pas être sauvé de ma noyade dans ses yeux, ni de la tempête de l'amour qui me tordait les entrailles et me mettait le cœur au bord des lèvres. Je m'assumais enfin.

Nous rangeâmes la nourriture que nous avions sortie, et je ne pus m'empêcher de le fixer avec insistance. Je ne pouvais plus lutter contre mes sentiments, même si je savais pertinemment qu'ils n'étaient pas réciproques, mais Harry était une bonne personne. C'était cela que j'appréciais, chez lui, et je ne pouvais plus le nier. Il était résolu à m'aider, et je lui en étais reconnaissant.

Il fallait que je m'autorise à l'aimer, pour pouvoir accepter de ne plus rien ressentir par la suite. Parce qu'au fond de moi je le savais : me faire de faux espoirs ne ferait que me détruire, et tenter de réprimer les battements de mon cœur au croisement de son regard ne ferait que rendre ma déferlante émotionnelle que plus infernale par la suite. Et pourtant, malgré moi, je ne pus m'empêcher de m'imaginer que sa main posée sur mon épaule n'était pas qu'amicale...

⸺ Drago ? Drago ?

Mon nom répété plusieurs fois par Harry me fit sortir de mes pensées. Assez, cesse donc de divaguer, me ressassai-je.

⸺ Oui, excuse-moi.

Mes joues avaient rougi de gêne, je serais prêt à le parier. Le brun secoua la tête.

⸺ Il y a quelque chose que tu ne me dis pas, je me trompe ?

Je repris de l'assurance et me détournai en réajustant le col de ma chemise.

⸺ J'ai aussi une vie, en dehors de ce que tu sais sur moi, Harry.

Il plongea son regard dans le mien, encore une fois, et, de nouveau, je m'y noyai.

⸺ Excuse-moi, je suis fatigué, je vais remonter pour dormir un peu.

Excuse bidon qui ne trompa Harry pas plus que moi, mais il me laissa faire sans émettre d'objection : il fallait que je puisse réfléchir. À moi, à nous deux, à mes émotions, mon futur. Je pense qu'il le comprit également, parce qu'il me lança à la volée qu'il se rendait aux locaux de la Gazette pendant une petite heure pour discuter avec les journalistes et les rédacteurs en chef. Je le saluai et me laissai tomber sur mon matelas, tomber à mon image ces derniers temps.

J'étais d'abord tombé dans un désespoir indescriptible durant mon séjour à Azkaban, puis dans une désillusion déchirante à l'annonce de mon procès : je me voyais déjà privé de mon âme par le Baiser d'un Détraqueur. Je suis tombé de haut lorsque que j'ai appris que je vivrais chez Harry durant une année entière, puis tombé dans une détresse paniquée après la visite à mon père. Enfin, je suis tombé de la manière la plus sournoise et la plus destructrice qui soit : je suis tombé amoureux.

Ma vie n'avait, au final, été qu'une longue chute.

Et je ne savais pas quelle serait sa fin.

Je me surpris à pleurer, et, ça non plus, je n'y vis pas la fin : je m'étouffai dans des sanglots incontrôlés, fondant en larmes encore et encore en ne sentant malgré tout pas mes sentiments se tarir. Je pleurais en silence, et je n'entendis pas Harry rentrer, ni la porte de ma chambre s'ouvrir ; je ne perçus la présence d'un brun près de moi que lorsqu'il s'assit sur mon matelas.

⸺ Drago, pourquoi pleures-tu ?

Je m'assis à ses côtés et me pris la tête dans les mains : je devais être pitoyable. J'étais pitoyable. La barrière que je mettais entre mes pensées et mes paroles était la dernière chose qui me séparait de l'apaisement complet : avouer à Harry ce que je ressentais pourrait enfin me libérer d'un poids. Mais s'il ne comprenait pas, s'il ne m'aimait pas, s'il en venait à être dégoûté de moi... laisserait-il sa campagne pour me défendre tomber ? Je ne voulais pas. Il me protégeait depuis le début, et c'était sans doute grâce à lui que j'étais encore en vie et supportais le regard des gens.

Non.

Ce n'était pas possible.

Il fallait que...

Je ne pus me résoudre d'aller au bout de ma pensée, et Harry se tenait près de moi, silencieux, attendant que je prenne la parole.

Ce que je finis par faire maladroitement. Je débitai mon discours avec une rapidité surprenante, sans parvenir à contrôler les tremblements qui se faisaient ma voix.

⸺ Écoute, Harry... je ne sais pas comment formuler ça. C'est juste que... j'ai appris à te connaître, à passer au-dessus du jugement que je te portais. Tu es une belle personne, j'en suis convaincu. Et quand j'ai vu et pris conscience de jusqu'où tu serais prêt à aller pour me protéger et me faire reconnaitre comme personne digne par la société, j'ai compris quelque chose... c'est juste que, quand je te vois, quand je te parle, quand je pense à toi, dans ma tête, je me rends bien compte qu'il y a un truc qui ne va pas. Un truc qui part en vrille. Ça fait des flashs, des couleurs, des émotions, des rêves, des espoirs. Je ne sais pas d'où ça sort ni où ça me mènera, je sais juste que je t'aime. Je suis tombé amoureux, et je n'arrive plus à me défaire de ce sentiment. Je ne m'en suis rendu compte que récemment, mais ça me bouffe de l'intérieur, l'amour c'est d'une violence tendre trop insupportable.

Une fois mon discours improvisé achevé, je me rendis compte du ridicule de mes paroles. C'était si puéril ! Harry prit quelques respirations, ne semblant pas comprendre. Puis il releva la tête vers moi.

⸺ Écoute, Drago... murmura-t-il.

Je tendis l'oreille, prêt à recevoir un refus poli mais catégorique.

Au lieu de ça, Harry posa sa main sur ma joue. L'instant d'après, je sentis ses lèvres se poser sur les miennes, et mes yeux se fermèrent.

Il y a des choses que des mots seulement ne peuvent exprimer. Tout ce qui se passa ensuite était flou dans ma tête : je me rappelle les baisers, la chaleur brûlantes de nos langues pressées l'une contre l'autre, nos bouches se scellant et se séparant hâtivement. Je me rappelle la douceur de nos peaux nues, des fourmillements qui s'étaient emparés de moi quand j'avais senti le bout de ses doigts sur ma nuque. Je ne sais plus comment nous nous sommes retrouvés tous les deux, là, au milieu d'une tempête de passion et d'émotions, en plein milieu d'une matinée de fin d'hiver.

Je ne connais pas mon futur.

Je ne sais pas de quoi il sera fait.

Je n'ai qu'une certitude : Harry a réussi à me redonner de l'espoir et à me sortir de mon Gouffre de mutisme et de détresse.

Et je resterai avec lui.

Toujours.

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