𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟎 - Aᴄᴄᴀʟᴍɪᴇ ᴅᴀɴs ʟᴀ ᴛᴇᴍᴘᴇ̂ᴛᴇ

Je me réveillai brusquement, ouvrant les yeux dans un sursaut. La lumière du jour pointait à travers les volets qui n'était pas fermée, et je me rendis compte que j'étais toujours habillé. Secouant la tête pour fermer mon esprit à mes souvenirs de ma visite à Azkaban, j'entendis un grognement. Harry, qu'est-ce qu'il fichait ici ? Je le secouai par l'épaule, et il s'éveilla difficilement.

⸺ Mmmph... grogna-t-il d'une voix pâteuse. Quoi ?

Je lui adressai un regard triste.

⸺ Tu es resté dormir là, hier soir ?

Il hocha la tête.

⸺ J'ai voulu partir, mais tu gémissais et crais de peur dans ton sommeil. J'ai jugé bon de rester pour te surveiller afin que tu ne te fasses pas mal en te cognant la tête ou les bras, mais j'ai fini par céder à la fatigue. Comment te sens-tu ? Tu as besoin de parler d'hier ?

Je secouai énergiquement la tête.

⸺ Ne me parle plus jamais de cet évènement, s'il te plaît.

Il repoussa les couvertures et s'assit dans le lit, portant toujours ses vêtements du jour précédent. Il me fixa, levant les sourcils de manière incrédule.

⸺ Tu sais, enfouir nos émotions et souvenirs douloureux ne sert qu'à nous faire encore plus de mal. Il faut que tu puisses t'exprimer, en parler.

Je baissai la tête puis la relevai, me plongeant dans le regard pénétrant d'Harry.

⸺ Je suis très bon en occlumancie. Je peux manipuler mes souvenirs.

Il fit la grimace. Je sentis qu'il allait me faire une réflexion - et il aurait eu raison, l'occlumancie n'est pas une solution face à la détresse - mais, finalement, il hocha la tête.

⸺ Très bien. Si tu as besoin de parler, ou juste d'exprimer tes sentiments, je suis là, d'accord ?

⸺ Mes sentiments ? Ce désespoir, cette impression d'être perdu, ça ne va pas durer sur le long terme, Harry. Ça va aller. Je suis fort.

⸺ Tu sais, être fort, ce n'est pas rien ressentir. Être fort, c'est avoir des émotions et les assumer.

⸺ Épargne-moi tes phrases philosophiques fantasques, je t'en prie. J'ai juste besoin d'être seul pour l'instant.

Cette phrase sonnait faux. Atrocement faux. L'Élu le sentit aussi bien que moi, et, pourtant, il se leva, m'adressa un sourire mélancolique et me prévint qu'il descendait dans la cuisine pour petit-déjeuner. Je ne répondis pas, et il ferma la porte. Une larme mourut sur ma joue, mais mes pleurs ne furent guère plus importants cette fois-ci. Me levant en me jurant d'oublier le jour précédent et de vivre convenablement, je pris une douche presque brûlante et enfilai des habits ayant appartenu à Harry au lieu des miens. Sa présence était plutôt réconfortante, je devais l'avouer. Il était... lui. Il n'y avait pas de mot pour le décrire. Peut-être que si j'avais appris à le connaître avant, nous aurions pu être... amis ?

Je me mordis la lèvre inférieure, jetai un dernier coup d'œil à mon reflet dans le miroir, puis je descendis dans la cuisine. Je cherchai immédiatement Harry du regard. Je ne pourrais pas l'expliquer, mais... je l'aimais bien, finalement. Il était très à l'écoute, très... patient ? Je pense que c'était le terme. Vivre sous sa garde était finalement bien moins horrible que ce que je ne craignais, je dois bien le dire. Durant nos dernières années à Poudlard, j'étais tellement préoccupé par la Guerre et le statut de ma famille par rapport au Seigneur des Ténèbres que j'avais passé plus de temps à fuir les autres - même Harry - qu'à tenter d'en parler.

⸺ Salut, Drago. Ça va mieux ?

J'hochai la tête, tirai une chaise et m'y assis dessus.

⸺ Merci, dis-je brusquement, sans réfléchir.

L'Élu sembla aussi surpris que moi-même et se retourna en posant le petit-déjeuner sur la table. Il me regarda, dépourvu d'expression, puis un sourire naquit sur son visage, étirant ses fines lèvres et plissant la peau entourant ses yeux brillants. Je crus qu'il finirait par détourner les yeux et parler d'autre chose, mais, au bout de nombreuses secondes où je sentis son regard plus que je ne le vis, il entrouvrit les lèvres. D'une voix pleine de reconnaissance et d'incompréhension, il me lança :

⸺ Merci pour quoi, exactement ?

Ce fut à mon tour de sourire et je secouai la tête.

⸺ La réponse qui serait la plus émouvante et la plus niaise serait « pour tout », mais « tout », c'est un peu fort. Non, Harry, je voudrais juste te remercier de m'avoir accueilli, sauvé d'Azkaban, d'avoir été à mes côtés. Tu es... un ami ?

Je pus percevoir la surprise sur ses traits.

⸺ Ami ? Je ne pensais pas t'entendre un jour dire ça.

Je secouai la tête en laissant échapper un rire triste.

⸺ Je ne pensais pas dire ça un jour non plus. Cependant, tu n'es pas juste un ami. Tu es... autre chose. Je ne sais pas décrire cela, et je regrette. Mais pour l'instant, soyons amis. Juste amis. C'est bien.

Avoir un ami, quelqu'un sur qui je pouvais compter et m'appuyer si besoin était réconfortant. Je n'en avais pour ainsi dire jamais eu dans la tempête qu'était ma vie ; en avoir un était comme une accalmie.

⸺ Juste amis.

Il m'adressa un grand sourire, puis décida de tourner le silence qui s'était installé à la dérision.

⸺ Je désespérais t'entendre dire un jour que j'étais autre chose que ton geôlier.

Je secouai la tête et, entre deux bouchées de patacitrouilles, je répondis :

⸺ Excuse-moi si j'ai pu être désobligeant au début de mon séjour ici. Je ne pense plus ce que j'ai dit. J'étais juste... perdu. En colère. En détresse.

⸺ Le Ministère a agi dans l'urgence et a fait n'importe quoi concernant les prisonniers de Guerre. Je comprends tes paroles et je ne t'en tiens pas rigueur, tu sais ? Mais allons, cessons cette discussion pleine de bons sentiments. Et si nous faisions de la peinture cet après-midi ? À la manière moldue. Tu pourrais en apprendre plus sur leur culture.

Surpris du tournant pris par la discussion, j'hochai la tête.

⸺ Ce serait bien, en effet. De la peinture sur toile ?

Le Survivant acquiesça, et, je ne sais comment, je me retrouvai quelques minutes plus tard dans l'atelier derrière sa maison à peindre en sa compagnie. Je dessinais le ciel, méticuleusement, avec précision, et j'entendais le bruit de la mine du crayons à croquis d'Harry gratter sur sa propre toile. Les vêtements trop grands que nous avions mis pour ne pas nous salir me faisaient songer aux frusques portées par les Weasley, et, aussitôt, mes pensées dérivèrent vers la Weaslette. Une jalousie sans nom m'envahit sans que je ne puisse expliquer pourquoi.

⸺ Que se passe-t-il ? Pourquoi donc cet air contrit, Drago ? me lança Harry.

⸺ Rien, rien, marmonnai-je en secouant la tête. Rien d'important.

⸺ À quoi pensais-tu ?

⸺ Aux Weasley, dis-je d'une voix rieuse, ce qui n'était pas complètement faux.

Trouver quelque chose de crédible pour éviter de lui dire que j'étais jaloux de la Weaslette pour je-ne-sais-quelle-raison, Merlin. Vite.

⸺ Je me demandais pourquoi je n'ai pas vu le bout du nez de Ronald depuis que je suis chez toi. C'était ton meilleur ami, il me semble.

Harry hocha les épaules.

⸺ Et il l'est toujours. Ron est parti en voyage afin de réfléchir à deux fois avant de s'engager comme auror au Ministère avec moi, mais nous conversons très régulièrement par voie épistolaire. Pour ma part, je le ferai, mais je vais attendre quelques temps. Et puis tu es chez moi pour une année, j'attendrai donc.

⸺ Harry, je ne veux pas être un obstacle à tes ambitions professionnelles. Je suis un adulte responsable, et toi aussi. Vis ta vie comme bon te semble.

Il me fixa avec reconnaissance.

⸺ Ne t'inquiète pas, tu n'es pas un obstacle. J'ai juste envie de prendre du temps pour moi après la Guerre avant d'envisager une carrière d'auror, c'est tout. Peins, Drago, ne te préoccupes pas de ma vie.

J'hochai la tête à mon tour et continuai à faire courir le pinceau sur la toile jusqu'à avoir fini les étoiles et le contemplai. C'étaient les mêmes étoiles qu'il y avait dans les yeux d'Harry lorsqu'il était heureux. Je fronçai les sourcils. Qu'avais-je avec lui en ce moment ? Enfin, ça n'avait pas d'importance. Je m'étirai.

⸺ Je vais rentrer, dis-je en rangeant mes affaires. Que peins-tu ?

Je pus nettement percevoir le rougissement du faciès de l'Élu lorsque je jetais un coup d'œil à son œuvre : il m'avait peint. Moi. C'était un portrait plutôt flatteur, je devais bien admettre que j'étais plutôt beau. Était-ce ainsi qu'Harry me voyait ? En regardant mieux, je vis que j'étais heureux. Heureux. Mais, en réalité, je ne l'étais pas. Je me rembrunis et rentrai dans la maison sans faire un seul commentaire. Je me lavai les mains et m'assis sur le canapé : j'étais perturbé. Vraiment. Pourquoi me peignait-il, par Merlin ? Ce n'était pas moi. Je n'étais pas bien comme sur le tableau du Survivant.

⸺ Drago ?

Les mains colorées par la peinture, Harry me prit dans ses bras et j'enfouis ma tête dans le creux de son cou, réconforté par une présence amie.

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