𝐔𝐍.

Arrête tes conneries Toru ! s'exclama Hori dans une piètre tentative de jouer son rôle d'adulte responsable, qui tomba très vite à l'eau, puisqu'elle était elle-même pliée de rire devant les grimaces de sa cadette.

Visiblement, l'autorité ne lui réussissait pas.

« Note à moi-même : Ne jamais avoir de gosses »

Oh regardez ! s'écria soudain Linh en pointant du doigt un vendeur de glaces, visible au milieu de la foule uniquement grâce à son enseigne lumineuse accrochée en hauteur.

Bon... d'accord... céda rapidement Hori en cherchant son portefeuille sur elle.

T'en fais pas, j'ai la carte de papa ! l'interrompit malicieusement Linh.

Acquiesçant dans un rire amusé, Hori leur indiqua de lui prendre le parfum caramel, tandis qu'elle irait leur chercher un coin éloigné de la foule et à l'ombre du soleil tapant.

Je t'appellerai ! s'exclama Toru avant de définitivement disparaître dans la foule.

Hori fit demi-tour se mettant sur la pointe des pieds pour chercher un endroit isolé. Elle n'était pas spécialement grande, mais son mètre 68 lui suffisait amplement. Seulement, en l'occurrence, il ne lui permettait pas de voir bien loin.

Merde. jura-t-elle dans sa barbe, cherchant un moyen de se repérer.

C'est ce moment précis que choisit un groupe de trois garçons, apparemment en train de fuir quelque chose, pour la bousculer brusquement, la déséquilibrant. Manquant de tomber, Hori fut néanmoins projetée sur un ou deux mètres, et termina sa course en percutant de plein fouet un passant n'ayant rien à voir avec l'agitation.

Merde, désolée. marmonna-t-elle en s'écartant de la personne qui s'avéra être un homme de petite taille -à peine plus grand qu'elle- aux cheveux teints de blanc et au regard appuyé.

Ce genre de regard qui vous donnait l'impression d'être à découvert, complètement mis à nu. Hori fut parcourue d'un désagréable frisson le long de l'échine et s'empressa de détourner le regard.

Elle réalisa alors qu'elle s'était exprimée en coréen par automatisme, et s'excusa une nouvelle fois, cette fois-ci en japonais, avant de le contourner pour tracer son chemin, chassant bien vite cette rencontre insignifiante de son esprit.

•••

Hori retrouva ses deux sœurs sur un petit banc à quelques rues de la place de Shibuya, et elles commencèrent à déguster leurs glaces en papotant de tout et n'importe quoi.

Tandis que Toru racontait son dernier exploit sportif, un filet de lumière colorée traversa le ciel à toute vitesse, avant d'exploser dans un bruit qui les fit sursauter toutes les trois en même temps. Un autre suivit, puis un autre, et un autre, et bientôt un immense feu d'artifice prit place dans le ciel.

Hori avait très rarement eu l'occasion d'en voir, et celui-ci était vraiment gigantesque. Elle doutait de pouvoir un jour en revoir un tel, c'est pourquoi elle s'abreuva du spectacle prenant place au dessus de leurs têtes, délaissant sa glace qui fondit et coula sur le banc sans qu'elle ne s'en rende compte. Du coin de l'œil, elle aperçut Toru sortir son téléphone pour filmer, et la félicita mentalement d'y avoir pensé.

Seulement, ce feu d'artifice n'avait rien d'ordinaire. Hori le comprit rapidement : quelque chose d'étrange était en train de se produire. Un bourdonnement augmenta progressivement dans ses oreilles jusqu'à devenir insupportable.

Puis, d'un coup, plus rien. Le silence. Le feu d'artifice s'était stoppé. Et toute l'effervescence des quartiers de Shibuya avec. Hori fronça les sourcils; où étaient donc passés tout les passants de Shibuya ?

Elle se tourna brusquement vers sa droite -l'endroit où étaient censées se trouver ses sœurs-, et constata avec soulagement qu'elles étaient bien là, la même expression de stupeur peinte sur le visage.

Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? balbutia Toru, en tentant par tous les moyens de rallumer son téléphone qui venait de s'éteindre brusquement, sans raison, alors même qu'il était chargé à blocs et neuf de quelques mois.

Hori jeta rapidement un coup d'œil au sien, et constata qu'il était dans le même état.

Laisse tomber, le mien aussi.

Pareil. confirma Linh.

Qu'est-ce qu'il se passe ? répéta une nouvelle fois Toru.

J'en sais rien, on dirait une sorte de panne de courant. supposa Linh.

Hmm, une coupure d'électricité sur toute la ville ? C'est possible ça ? interrogea Hori dubitativement. Surtout qu'on dirait que les habitants de Shibuya ont aussi disparus.

Personne ne lui répondit, tout simplement parce que personne n'avait la réponse.

Tokyo était vide. Plus personne ne peuplait ses rues. Et Hori commençait à se demander si elle n'avait pas consommé une drogue hallucinogène.

Rassurez-moi, je suis pas la seule à ne voir plus personne là ? s'enquit-elle auprès de ses sœurs, une étrange boule coincée dans la gorge.

Non, moi aussi. souffla Toru.

Comment c'est possible ? renchérît Linh d'une voix tressaillante.

Hori ne répondit pas, elle se contenta d'avancer au milieu de l'immense place de Shibuya, qui était encore peuplée de centaines de passants à peine quelques instants plus tôt. Sans son effervescence qui lui était propre, la place était bien différente. Plus froide, plus austère, plus effrayante. Hori sentit une goutte de sueur glacée couler le long de sa colonne vertébrale. Elle n'aimait pas ça du tout.

Ça doit être une caméra-cachée... marmonna Toru non-loin d'elle. C'est bon, on a compris la blague ! Vous pouvez sortir ! Ah ah ah, on s'est bien marrés ! Maintenant revenez tous !

La main de Linh sur son épaule la stoppa. Le silence se fit, pendant ce qui leur sembla de longues minutes, puis, comme liées par un accord silencieux, Linh et Toru relevèrent la tête d'un même geste vers leur aînée :

On fait quoi Hori ?

La concernée déglutit difficilement, en posant les yeux sur ses deux cadettes. Elle ne s'était jamais considérée comme une adulte responsable, et constater que ses deux sœurs étaient prêtes à suivre ses décisions l'effrayait plus qu'autre chose. Elle passa nerveusement une main dans ses cheveux rouges en se détournant de ses sœurs pour réfléchir.

On pourrait commencer par rentrer à l'appart ? proposa-t-elle. Peut-être que les choses évolueront entre-temps. On pourra aussi chercher des signes de vie.

Linh et Toru acquiescèrent et elles se mirent toutes trois en chemin.

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