chapitre 2
o2 : un petit retourné pour oublier, un corner pour se distraire
☽ ▵▿▵▿▵▿▵▿▵▿▵▿ ☾
La nuit a enveloppé Cherryton depuis déjà une bonne heure, les illuminations de Noël prennent donc le relais pour éclairer les rues et faire briller de mille feux les yeux des passants.
Assise dans le métro qui la ramène près de chez elle, Madeline a beaucoup de choses en tête. Cette journée de travail a été intense, comme si le premier Décembre sonnait le top départ des achats de Noël pour tous les clients qu'elle a reçu aujourd'hui. L'affluence de cet après-midi a été si élevée qu'elle n'a pas eu une minute pour souffler. La blonde est donc bien soulagée d'être à présent en week-end, ce qui va lui permettre de prendre un repos bien mérité. Et comme tous les vendredis soirs, elle adresse une pensée reconnaissante à Amy, qui a toujours insisté depuis l'ouverture de la boutique à ce que Madeline ait un vrai week-end de repos.
Mais fin de journée de travail ne veut pas dire qu'elle va pouvoir s'enfouir sous sa couette toute la soirée et n'en ressortir que demain matin, loin de là ! La jeune femme doit encore aller chercher son frère à son centre d'entraînement, réfléchir au repas de ce soir, appeler sa mère et bien d'autres occupations. Sans oublier qu'il y a une chose qui refuse de quitter ses pensées depuis ce matin : l'étrange étui que lui a donné Kai.
Le simple fait d'y repenser fait se contracter l'estomac de Madeline, qui ne voit pas d'un très bon œil tout ce mystère autour de cet objet. Le pire dans tout ça, c'est qu'elle ne comprend pas. De quoi s'agit-il ? Comment se fait-il que ça la concerne ? Pourquoi Kai est celui qui lui a remis cet étui, avec autant de sérieux ? Et pourquoi Julian semble être complice de tout ça ?
Autant d'interrogations qui ne trouveront pas toutes de réponses à l'intérieur de ce cylindre bordeaux, c'est certain. Alors pour ne pas s'embarrasser maintenant avec ça, Madeline repousse cette histoire dans un coin de sa tête. Pour l'heure, elle préfère ne plus y penser un moment et gérer ça plus tard.
Le métro atteint la station Iris Discent, sortant la jeune femme de ses pensées. Elle se lève et quitte sa rame, cherchant à laisser ses préoccupations sur le siège du véhicule. Elle remonte les escaliers noirs et arrive sous le préau en verrières qui laissent apercevoir les étoiles étincelantes dans le ciel. Là, elle pousse un soupir d'aise et sent immédiatement ses épaules se décontracter, un sentiment chaud de bonheur familier se diffuse dans sa poitrine.
Le banc du piano blanc est vide, n'attendant plus qu'elle. Madeline jette un coup d'œil à sa montre pour s'assurer de ne pas faire attendre son frère.
- 18h47 ... j'ai le temps, murmure-t-elle
Alors elle n'hésite pas plus longtemps et s'installe face au clavier noir et blanc. Un sourire étire le coin de ses lèvres, anticipant le plaisir que va lui procurer ce moment. Ce moment où elle peut plonger dans la musique, ne faire qu'un avec les touches, fermer les yeux et ne penser qu'aux notes qui se dégagent du piano, faire le vide autour d'elle pour ne plus être connectée qu'à la petite Madeline amoureuse de cet instrument comme s'il n'y avait personne d'autre autour ... ça, c'est l'un des moments qu'elle préfère dans une journée.
Ses doigts survolent ces touches qu'ils ont déjà rencontré des dizaines et des dizaines de fois et font résonner contre les verrières du préau les premières notes de « Jingle Bells Rock ». Et oui, c'est bientôt Noël après tout !
En jouant ce morceau, Madeline livre son cœur et y met toute sa personne. Exécuter cette succession de notes semble inné, si naturel que plusieurs personnes s'arrêtent pour l'écouter et la regarder. Certains dodelinent de la tête, d'autres se contentent de sourire ou de battre la mesure avec leur pied. Mais tous sont attentifs, avides d'entendre le talent de la jeune blonde s'exprimer.
Lorsqu'elle termine son morceau, quelques applaudissements la félicitent. Elle les accueille d'un sourire reconnaissant, touchée à chaque fois par cette poignée de personnes qui lui témoigne une once d'admiration. Tandis qu'elle se relève et s'éloigne du piano, une vieille dame un peu voûtée mais au sourire chaleureux s'approche d'elle.
- Vous êtes très douée, ma petite, la complimente-t-elle
N'étant pas extravertie de nature, Madeline n'est cependant pas timide. Si elle n'aborde habituellement pas les inconnus, elle n'a pas de problèmes pour poursuivre une conversation une fois celle-ci engagée.
- Merci, c'est gentil, sourit-elle
- Ce n'est pas la première fois que je vous entends jouer du piano ici, ajoute la vieille dame. La fois dernière, vous aviez joué une chanson de Doris Day il me semble
- « Dream a little dream of me » oui, c'est une des chansons préférées de ma mère, acquiesce Made
- C'était magnifique cette fois-là aussi !
Cette dame respire la joie de vivre malgré son grand âge, la chaleur qui l'habite ne la rend que plus attendrissante. C'est sûrement le genre de mamie à faire les meilleures compotes du monde à ses petits-enfants ... elle a une tête de mamie compote en tout cas, pense Madeline avec un sourire.
- Vous avez une grande carrière devant vous, j'en mets ma main à couper, renchérit mamie compote
- Oh gardez votre main, je ne suis pas pianiste professionnelle, la contredit Madeline en secouant la tête. Je ne suis pas assez douée pour ça
- Bien sûr que vous l'êtes ma petite !
La vieille femme affirme ça avec tant de conviction que la blonde s'en trouve troublée quelques instants. Dire qu'elle ne s'est jamais rêvée en pianiste professionnelle relèverait du mensonge, mais prétendre être assez douée pour ça serait une folie ... n'est-ce pas ?
- N'ayiez pas peur du changement, laissez-vous porter par la flamme qui est au fond de vous, ajoute la vieille dame
Ses mots touchent Madeline en plein cœur, elle la remercie une fois de plus avant de s'excuser, écourtant cette rapide entrevue. Mamie compote lui adresse un dernier sourire et laisse filer la blonde, qui ne peut pas se permettre d'être en retard au risque de s'attirer les foudres de son frère.
Elle remonte Mulburry Street jusqu'à l'appartement qu'ils partagent, au troisième étage de leur immeuble. Elle salue rapidement Cookie, blottie bien confortablement entre deux coussins, va chercher une barre de céréales aux Chocapics - il n'y a pas d'âge pour le goûter - qu'elle engloutie en deux minutes, s'empare de ses clefs de voiture et ressort de chez elle presque aussi vite qu'elle est entrée.
Là, elle dévale les escaliers pour rejoindre le sous-sol où est garée sa voiture. Et oui, le métro ne peut pas toujours tout solutionner et dans ces cas là, un moteur est nécessaire. Comme pour aller chercher Jeff par exemple.
- Direction le centre d'entraînement de Brestham, se dit Madeline en actionnant la clef
La ville de Brestham n'est qu'à une vingtaine de kilomètres de Cherryton et c'est là que Jefferson exerce son métier de footballeur professionnel. L'équipe de Brestham évolue au sein de la Championship, le championnat anglais de deuxième niveau, et Jeff y est attaquant.
Aussi souvent qu'il le peut, il aime prendre le bus pour se rendre au centre d'entraînement, comme quelqu'un d'ordinaire. Mais les horaires ne coïncident que rarement avec l'heure de fin des entraînements, c'est donc régulièrement que Madeline va chercher son jumeau aux alentours de dix-neuf heures trente.
Aussi loin que remonte sa mémoire, elle a toujours connu Jeff avec un ballon dans les pieds. Très souvent, ils jouaient tous les deux à se faire des passes ou à marquer des buts entre n'importe quels objets du moment qu'ils étaient deux pour former un but. En grandissant, Jefferson a développé une véritable passion pour le sport au ballon rond et sa sœur l'a aidé à entretenir cet amour, comme deux gamins qui jouent dans la cour de récréation. Aujourd'hui, elle est très fière de voir son frère réussir et s'accrocher pour tutoyer les sommets de son art.
Alors évidemment, ça ne la dérange pas du tout de rendre service à son frère en le récupérant après sa journée. Ça fait partie de leur quotidien chargé et un peu fou, c'est aussi un petit moment qu'ils partagent à travers le tumulte de leur vie.
Ce n'est donc pas étonnant que Madeline ait développé certaines habitudes lorsqu'elle arrive au centre. Elle arpente les couloirs qu'elle a déjà parcouru mainte fois, salue quelques membres du staff de l'équipe et coéquipiers de son frère, qui la connaissent tous depuis le temps qu'elle vient supporter son jumeau. Elle passe devant la porte des vestiaires, où sont en train de se changer ceux qui ont hâte de retrouver leurs familles pour la soirée ou ceux qui sont simplement avides de se détendre chez eux, mais elle ne s'y arrête pas.
Elle continue de marcher jusqu'au terrain, où elle est certaine de retrouver son frangin. S'il le pouvait, il dormirait sur cette pelouse, un ballon en guise d'oreiller.
Jefferson est bien là, s'entraînant à exécuter des retournés en compagnie de deux de ses coéquipiers, Andrew et Oliver. Ils sont eux aussi attaquants et joueurs au sein de l'équipe de Brestham, Andrew étant déjà présent quand Jefferson a été transféré dans l'équipe et Oliver est arrivé quelques mois plus tard. Tous les trois, ils forment un trio infernal, autant sur le terrain qu'en dehors.
C'est d'ailleurs à Andrew de s'essayer à leur petit exercice. Jeff lui lance le ballon, Andrew se retourne pour être dos au but, lance sa jambe et touche le ballon de la pointe du pied. Malheureusement pour lui, son geste mal dosé ne fonctionne pas et envoie la balle très haut dans les airs. Très très haut.
- Je crois que ton ballon vient d'atterrir sur la lune, raille Madeline
Andrew retombe au sol sur le dos et tourne la tête vers elle, faisant le même mouvement que les deux autres. La balle heurte le plafond du stade et retombe dans les gradins, ce qui sera toujours moins loin à aller chercher que sur la lune.
- Très drôle, Harvey, lance le malheureux
- Fais gaffe, je te rappelle qu'on a le même nom de famille, lui dit Jeff en saluant sa sœur d'une accolade
Enfin, en voulant saluer sa sœur d'une accolade. Elle s'écarte de lui en le jogeant du regard, examinant ses vêtements trempés de sueur.
- Tu me diras bonjour quand tu auras pris une douche, lui assène-t-elle
- Mady ! s'exclame Oliver en courant vers elle
Les jumeaux échangent un coup d'œil complice et amusé, pensant à la même chose au même instant. Oliver est singulier de bien des manières : c'est le plus grand de l'équipe, ses yeux sont verrons et il est le seul sur terre à surnommer la blonde « Mady ». Et surtout, il a un léger béguin pour elle.
Avant d'arriver à la hauteur des jumeaux, il s'arrête et se tourne vers Andrew.
- Toi, va chercher ta balle stratosphérique sinon le coach va te mettre de corvée pendant un mois
- Roh ça va, j'y vais !
Andrew s'élance vers les gradins, à la recherche de sa balle perdue. Oliver rit sous cape, il finit par rejoindre Madeline et Jefferson.
- Comment tu vas ? Ça faisait longtemps qu'on ne t'avait plus vu ici ! se lamente-t-il en servant un sourire éclatant à la blonde
- Une éternité ... deux semaines, tout au plus, raille-t-elle
- C'est bien ce que je dis, beaucoup trop longtemps sans que mon chemin ne croise le tien
Pas le moins du monde effarouchée par la tentative de flirt d'Oliver, Madeline secoue la tête en riant. Elle est habituée aux dragues plus ou moins subtiles du coéquipier de son frère, le temps lui a appris à en rire. Si Oliver peut passer pour un séducteur en apparence, il n'est cependant pas un forceur ni un gros lourd dont on cherche à se débarrasser au plus vite.
En réalité, il a tout pour lui : grand, bien bâti, ses yeux dépareillés - l'un marron noisette et l'autre vert - lui apportent un charme indéniable, et pour finir, un joli minois bien dessiné et structuré. En plus de ça, c'est un homme posé, protecteur envers ses compagnons et très bien élevé. Madeline s'entend bien avec lui, malgré qu'elle ait repoussé plusieurs fois ses tentatives. Il n'est simplement pas ... fait pour elle.
- C'est à se demander comment tu arrives à passer la semaine sans me voir, plaisante-t-elle
- Je me pose la question tous les soirs en me couchant seul, comme une âme en peine, soupire Oliver
- Euh sinon, je suis toujours là et je suis toujours son frère, rappelle Jefferson qui cherche à protéger sa sœur
- Oulah attention, Harvey bis va s'énerver, ricane Andrew
Ayant réussi à récupérer sa balle, il la lance à Jeff pour pouvoir poser son bras sur les épaules de Madeline, à son grand désespoir.
- Salut blondinette, ça fait plaisir de te voir ! sourit-il
- J'aurais bien dit la même chose, mais c'était avant que ta sueur dégueulasse ne ruine ma veste, réplique-t-elle
- Je sais que tu adores mes câlins, je ne veux pas te priver de ce bonheur
- Les câlins poisseux sont mes préférés évidemment, ironise-t-elle
Andrew est radicalement différent d'Oliver, il ressemble davantage à Jefferson sur le plan athlétique. Tous deux sont plus petits et moins carrés que leur coéquipier, ce qui n'enlève absolument rien à leur talent avec un ballon. Andrew lui possède des traits fins dignes des sculptures antiques et un visage naturellement emprunt de douceur. Pour contrebalancer et révéler un peu plus de sa personnalité, il a récemment teint ses cheveux châtains en blond platine, ce qui lui va à ravir.
Parce que oui, Andrew est tout sauf calme. C'est un véritable électron libre, un pitre toujours de bonne humeur qui apprécie amuser la galerie. Ça ne l'empêche pas de savoir être sérieux et attentionné, comme lorsque Jeff est arrivé dans le club de Brestham. Il l'a aidé à s'aclimater à cette nouvelle équipe, le prenant sous son aile tel un grand frère. C'est sûrement pour cette raison que Madeline a développé une amitié plus complice avec Andrew. Dans un sens, elle lui est reconnaissante d'avoir servi de relais en tant que figure familiale.
- Alors, prêts pour le match de dimanche ? demande la blonde
- On va gagner, affirme Oliver
- On va les éclater, renchérit Jefferson
- On va les dézinguer, termine Andrew
Madeline éclate de rire, entraînant les trois hommes avec elle.
- Au moins, vous ne manquez pas de motivation !
- C'est clair ! Si on gagne ce match contre Birmingham, on passe premier du classement, l'informe son frère
- Gros enjeux alors
- Et grosse pression, conclut Andrew
- Je croyais que rien ne pouvait faire peur au grand Andrew Griffiths ? On m'aurait menti, je suis déçue, se moque Madeline
- Un mythe s'effondre, renchérit Oliver
- C'est ça, j'aimerais bien t'y voir toi ! réplique le blond platine en poussant la jeune femme avec son épaule
Provoquer Madeline ? Il n'y a rien de mieux pour qu'elle vous fixe avec la ferme intention de prouver de quoi elle est capable, une lueur de rébellion brillante dans ses prunelles vertes.
Elle dérobe le ballon des mains de son jumeau, puis le place sur la pelouse avec minutie.
- Ça ne marchera pas, tu es trop excentrée, lui dit Andrew en croisant les bras
Bien déterminée à réduire l'assurance du blondinet factice à néant, Madeline se contente de lui faire un sourire plein d'ironie, messager d'un « tu vas voir ce que tu vas voir ».
- Ça ne rentrera pas
- Ça rentrera, déclarent Oliver et Jeff d'une même voix
Reculant de quelques pas, elle s'élance aussitôt et frappe. Le ballon exécute un effet spectaculaire, frappant le but en pleine lucarne. Elle se tourne vers ses compagnons, hausse un sourcil un brin supérieur tout en fixant Andrew avec une fierté insoumise.
- Wow, tu fais quoi dimanche après-midi ? lui demande Oliver en riant. On va peut-être avoir besoin de toi sur le terrain
- Je crois que tu as oublié un instant que c'était ma sœur, se moque Jeff en se penchant vers Andrew, tout sourire
- Blondinette cache son jeu aussi, ce n'est pas ma faute !
Ils restent tous les quatre sur le terrain, prenant un petit moment pour faire des jongles, s'essayer au tir au but, se faire des passes improbables. Se charrier, s'inventer des défis idiots, rire de tout et de rien ... en bref, s'amuser comme des gens tout à fait normaux. Comme une bande de potes qui apprécient taper dans un ballon autant que se sentir bien ancrés dans un groupe.
Au milieu d'un quotidien à cent à l'heure, des moments comme celui-là sont précieux. Ils transportent dans une bulle opaque où l'extérieur n'agit plus, n'a pas d'influence.
Ce n'est pas le même sentiment que lorsqu'elle se retrouve derrière les touches d'un piano, mais Madeline parvient très bien à oublier toutes les petites préoccupations futiles. Et même les plus importantes. Même celle qui se trouve toujours enfouie dans son sac à main.
Quand les techniciens qui gèrent la maintenance du stade finissent par éteindre les lumières, les plongeant dans le noir, les quatre amis doivent se résoudre à rentrer. La jeune femme attend patiemment que les trois footballeurs aient fini de se changer - et de se laver, pour le bien de ses narines - et redresse la tête quand ils émergent ensemble du vestiaire.
- On te voit dimanche ? lui demande Andrew sur un ton qui sous-entend clairement qu'elle risque d'avoir des problèmes si elle refuse
- Évidemment, il faut bien que quelqu'un surveille Jeff, raille-t-elle
Son jumeau lève les yeux au ciel et lui fait une démonstration polie de son majeur, auquel la blonde répond avec un grand sourire sarcastique.
- Super, tu vas nous porter chance, j'en suis sûr, sourit Oliver en lui faisant un clin d'œil
- Oh mais ce n'est pas de la chance dont on aura besoin, seulement de talent, dit Jefferson en prenant un air de super-héros, torse bombé
- Vous avez de la chance que je sois là alors, plaisante Andrew
Après quelques dernières plaisanteries échangées, ils finissent par se dire au revoir, regagnant leur vie respective. Madeline prend le volant, son frère s'installe côté passager.
Une demi-heure plus tard, les jumeaux sont rentrés chez eux, occupés à cuisiner leur repas de ce soir. Lasagnes maisons, la petite spécialité de Jeff.
- Comment était la journée à la boutique au fait ? demande-t-il à sa sœur
- C'était ... intense, on a vu beaucoup de monde. Le premier Décembre a vraiment des vertus magiques sur les gens, ils viennent toujours en nombre pour trouver le cadeau parfait. À croire que de changer de mois veut dire « dépêchez-vous de remplir votre hotte ou le Père Noël ne passera pas », rit-elle en mettant le couvert
- C'est vrai qu'on est déjà en Décembre ... Amy vous a fait porter vos bonnets de Noël, pas vrai ?
- Impossible d'y échapper, acquiesce la blonde
Jefferson se met à rire, même s'il sait très bien que revêtir un bonnet de Noël ne fait pas peur à sa sœur. Ça n'en reste pas moins drôle.
- Tu sais, je crois que les miracles de Noël existent vraiment. Graham a réussi à vendre sa première tarte à la rhubarbe et au géranium, reprend la blonde
- Non ... vraiment ? s'étonne son frère en arrêtant de remuer la viande dans la poêle pour dévisager sa sœur. Qui peut détester assez son palais pour acheter ça ?
- Apparemment, Kai Clavingan a des déficiences culinaires
Jeff appuye sa hanche contre le plan de travail, se mettant de biais pour voir Madeline. Il plisse les yeux, le regard dans le vide, fouillant dans sa mémoire.
- Kai Clavingan ... c'est le grand blond hyper athlétique qui traînait tout le temps avec-
- Julian Lington, c'est ça, acquiesce la blonde
- Wow ... ça fait un bail que je ne l'ai pas vu. Depuis qu'il a fini le lycée avant nous en fait, réalise le footballeur. Il était comment ? Il a changé depuis le temps ?
Un rire échappe à Madeline, elle secoue la tête en répliquant :
- À t'entendre, on dirait que ça fait vingt ans qu'on a fini le lycée
- Bah l'horloge tourne ma vieille, tu viens d'avoir vingt-six ans
- Toi aussi, je te rappelle
- Ne parle pas des choses qui fâchent, l'avertit-il. Bref, Kai a changé ?
- Pas tellement, il est toujours aussi blond, grand et baraqué juste ce qu'il faut, répond-elle en caressant Cookie que les effluves de viande ont sorti de son sommeil. Et il était avec Julian, pour ne pas changer
Une fois de plus, Jeff redresse un regard surpris sur sa sœur.
- Tu vas finir par faire cramer les lasagnes avant même qu'elles soient prêtes, à force de me regarder avec ton air de merlan frit, lui lance-t-elle
- Julian est revenu ?
- C'est lui que j'ai vu en premier. Il revient habiter en ville provisoirement, sa mère le réclamait depuis des années. Il m'a dit qu'elle avait réussi à convaincre tout le monde de faire Noël en famille
- Alors Blair et Zadig vont rentrer à Cherryton, eux aussi ? s'étonne Jeff en reprenant plus activement sa préparation
- On dirait bien. La famille Lington en ville, ça fait longtemps que ce n'est plus arrivé
Madeline regarde son frère napper des couches de pâtes à lasagnes de sauce tomate, de béchamel et de viande sans vraiment le voir. Son esprit est ailleurs, aussi bien dans un autre endroit que dans un autre temps.
- Blair est l'aînée, c'est elle qui est partie en premier. Tu crois qu'elle a des enfants ? C'est la plus vieille après tout, commente son jumeau
- Ça ne m'étonnerait pas, elle a toujours été douce et proche de sa famille
- Et Zadig, tout le monde sait ce qu'il est devenu, rit Jeff
- Le monde entier est au courant ! s'exclame Madeline
- Il a le même âge que nous, ça m'étonnerait qu'il ait des enfants ... ça serait la plus grosse surprise de cette année, grimace-t-il
Le simple prénom du frère cadet de Julian se suffit à lui-même, les souvenirs intarissables de cet individu singulier sont gravés dans la mémoire des jumeaux. Surtout pour Madeline, qui a partagé la même classe que Zadig pendant tout le lycée. C'est d'ailleurs pour ça qu'un petit sourire amusé et nostalgique étire ses lèvres, elle passe une main dans son carré blond en songeant aux frères Lington.
- Si je me souviens bien, Julian et Zadig ne s'entendaient pas toujours bien, dit-elle
- Ils étaient tellement différents ! se rappelle Jefferson
- Leur Noël va sûrement faire des étincelles, rit Madeline. Au fait, tu te souviens qu'on va faire le sapin avec maman et papa demain ? Tu vas être à l'heure ?
- T'inquiète, les veilles de match sont toujours plus light. Le coach nous fait reposer, on se concentre sur la tactique. Je devrais être à la maison vers quinze heures
À la maison. C'est toujours la manière dont ils appellent la maison familiale et ça ne changera jamais.
Jefferson enfourne le plat de lasagnes, met un minuteur sur son portable avant de se tourner vers sa sœur.
- Et ben, quelle journée. Il s'est passé quelque chose d'autre que tu me gardes en réserve ?
Bien sûr qu'il s'est passé autre chose, une chose en forme d'étuis bordeaux que la blonde n'a pas touché depuis qu'elle l'a rangé dans son sac. Cette petite chose qui émerge de nouveau dans son esprit, rapportant les dizaines de questions avec elle.
Madeline ignore encore tout de ce qu'est cet objet mais peu importe de quoi il s'agit, elle ne veut surtout pas inquiéter son frère avec ça. Il a bien assez de choses à penser, ce n'est pas la peine de le distraire. Alors elle secoue la tête et répond sans détour :
- Non, rien d'autre. C'est déjà bien suffisant
Si seulement elle savait que Jefferson tait exactement la même chose qu'elle. Que la tâche de naissance qu'ils partagent tous les deux, bien que celle de Jefferson soit plus petite et moins marquée, a des conséquences qu'ils subiront ensemble. Qu'il garde lui aussi un étuis bordeaux caché dans son sac de sport. Loin des yeux, loin de cœur et loin des inquiétudes, n'est-ce pas ?
☽ ▵▿▵▿▵▿▵▿▵▿▵▿ ☾
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top