𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟔
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C H A P I T R E 1 6
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赤い糸赤い糸
赤い糸
LA TENSION ETAIT VIVE. L'air semblait crépiter et la chaleur avait drastiquement augmenté. Nul n'osait rompre le silence s'étant installé, les lèvres demeuraient liées et les respirations, appréhensives.
Dans l'encadrement de la porte, un verre où gisait un liquide doré à la main, Eren demeurait inerte. Ses cinq autres doigts rangés dans la poche de son costume tandis que les deux émeraudes de ses iris détaillaient la scène s'offrant à lui.
Entièrement nue, assise à genoux sur le fond de la baignoire, ses deux jambes encadrant celles de Livai, son épouse était, encore une seconde auparavant, blottie dans les bras de l'homme. Mais les deux s'étaient à présent raidis et avaient placé quelques centimètres entre leurs corps. Ils respiraient difficilement, toujours secoués par leurs orgasmes respectifs.
Elle continua de reculer, se plaquant bientôt à l'autre bout de la baignoire. Ses iris demeurèrent ancrées dans celles d'Eren qui ne la quitta pas une seconde des yeux. Il ne savait s'il était furieux ou amusé. Peut-être les deux.
— Eren, je..., commença-t-elle, son bras allant se placer sur sa poitrine par réflexe.
A sa gauche, elle sentit Livai se mouvoir. Sans doute celui-ci souhaitait-il s'habiller et sortir des lieux, histoire de se défaire de la situation embarrassante dans laquelle ils s'étaient empêtrés.
Mais il se raidit bien vite lorsqu'un cliquetis mécanique résonna dans les lieux.
— Restes où t'es, Rumpletitiskin.
Saisie, la femme d'Eren regarda la main de celui-ci qui, auparavant dans sa poche, tenait maintenant un beretta rivé en direction du crâne du noiraud. Et il avait visiblement ôté le cran de sécurité de l'arme.
— Eren ! s'exclama-t-elle en le voyant faire.
— Tu crois me faire peur ? souleva Livai en se redressant sur ses deux jambes, visiblement peu regardant du fait qu'il se retrouvait nu comme un ver devant deux personnes.
La jeune femme leva les yeux au ciel. Elle aurait dû se douter que ces deux-là allaient s'adonner à un concours d'égo mais, là, le moment était tout sauf bien choisi. Sérieusement, deux abrutis à poil et un autre partiellement ivre tenant une arme...
Je sais qu'on est aux Etats-Unis mais quand même, songea-t-elle en analysant la situation.
— Je me fiche de te faire peur. Et je me fiche aussi de l'accord qu'on compte signer. Je vais poser une question à ma femme et si la réponse est non...
Le regard d'Eren se détourna enfin de celui de son épouse pour se poser sur le noiraud. Celui-ci avait déjà enfilé son pantalon et tenait sa chemise dans une main, son éternel air impassible de nouveau plaqué sur ses traits.
— ...alors je te crève.
Le sourcil de Livai se haussa en une moue dubitative. Visiblement, il ne donnait pas vraiment crédit à ces menaces.
Mais le brun s'en fichait. Qu'importe ce que le noiraud comptait faire, comment il le percevait ou même de quelle façon il regardait sa femme. Si jamais elle répondait par la négative à sa demande, il lui prouverait que son statut de mouton noir au sein de la famille Jäger importait peu, que sa réputation de criminel mollasson incapable de violence était fausse.
Car il le détruirait. Il lui prendrait tout ce qu'il avait, le torturerait et le laisserai à bouffer au chien.
Oui.
Il le plongerait en Enfers.
— (T/P), saches que tu peux répondre à cette question sincèrement, il ne t'arrivera rien. Personne ne te fera rien.
Il ne la regardait pas, ses yeux demeuraient sur Ackerman qui semblait particulièrement ennuyé par la tournure des évènements.
— J'y veillerai personnellement.
Livai leva les yeux au ciel, soufflant sans chercher à cacher son ennui. Les scènes dramatiques dans le style des séries télévisées américaines avaient tendance à l'ennuyer.
— Bon, j'ai couché avec ta femme, on va pas non plus écrire une thèse dessus ? lança-t-il en reboutonnant sa chemise sans porter plus d'intérêt que cela à l'arme braquée sur lui.
Le brun ne sembla pas grandement apprécier cet acte ultime de provocation.
L'arme d'Eren s'abaissa brutalement, visant cette fois-ci l'entrejambe du noiraud. S'il voulait vraiment le faire souffrir, mieux valait qu'il vise ce point-précis. Surtout si sa femme répondait à sa question par la négative, il comptait bien le faire lentement dépérir avant de l'abattre comme un chien.
Et, aussi confiant Livai pouvait-il être, il déglutit tout de même paisiblement en voyant cette nouvelle cible et ne chercha plus à sortir de la pièce.
Là, enfin, Eren se tourna de nouveau vers sa femme. Le visage tiré en une moue impassible qui lui était inhabituelle — lui conférant un air inquiétant — il posa ses iris sur celle qui avait habillé son corps de sa robe de chambre en soie noire et s'était assise sur le bord de la baignoire.
Elle respirait avec peine, légèrement anxieuse. Et surtout assez surprise du portrait que dépeignait maintenant son époux.
Ses cheveux bruns détachés sur ses épaules et sa cravate légèrement défaite lui conféraient un air détendu que le verre de whisky dans sa main accentuait. Mais la ligne droite que formaient ses fines lèvres roses, la colère dans ses iris émeraudes et, surtout, l'arme figée dans sa main rappelaient à tous dans les lieux qu'il était avant tout un être né dans le clan Jäger.
Un héritier.
Et, surtout, un époux.
— Etais-tu consentante ? demanda-t-il simplement.
Les muscles de la jeune femme se figèrent et Livai écarquilla les yeux. Ils s'attendaient à bien des choses, mais pas cela.
Oui. Ils pensaient qu'il exploserait, qu'il demanderait si cette partie de jambes en l'air avait été moins bonne que celles auxquelles il l'avait habituée, qu'il vociférerait. Peut-être même à ce qu'il balance son verre contre le mur et le regarde s'écraser avec des yeux injectés de sang.
Mais pas cette voix douce. Pas cette question. Pas cette inquiétude dans ses iris.
Non. Pas cela.
— (T/P)..., répéta-t-il tendrement d'une voix rendue vacillante par la colère et l'inquiétude.
Même Livai abandonna son air impassible et méprisant, haussant légèrement les sourcils.
— Etais-tu consentante ?
La tension était électrique et la chaleur, dense. La surprise autant que l'émotion enserrèrent la gorge de la jeune femme.
Elle l'avait trompé. Elle avait couché avec un autre homme alors qu'elle était mariée à Eren. Sous prétexte de sa proposition de divorce, se rassurant dans l'idée qu'il avait de toute façon décidé de mettre de la distance entre eux, qu'ils faisaient une pause dans leur relation, elle s'était jetée dans les bras du premier venu.
Et sa seule préoccupation était de savoir si elle allait bien ?
Tous les murmures de ses amis lui revinrent, les paroles prononcées à l'encontre d'Eren durant leurs années de mariage, les reproches insistants.
« Il n'y a rien de bien chez ce mec, tu devrais t'en débarrasser. Il n'est là que parce que tu es une petite poupée malléable » avait lancé Ymir, un soir, au Palace.
« Eren est mon ami et c'est un bon ami. Je suis vraiment reconnaissant de le connaitre. Mais nous ne pouvons pas nous mentir et prétendre qu'il est un bon époux » avait prononcé un jour la voix d'Armin quand le brun avait refusé pour la énième fois qu'elle consulte un psychologue.
« Putain, Galatée, ce mec t'aime pas et ça me saoule de te voir te morfondre pour un connard pareil » avait lâché Jean suite à une dispute entre eux à laquelle il avait assisté.
Voilà ce que tous n'avaient jamais vu. Voilà la raison pour laquelle, au fond, elle n'avait jamais douté de l'amour d'Eren pour elle.
Voilà pourquoi, maintenant, elle avait envie de se frapper.
— Je..., commença-t-elle en fuyant son regard.
Mais la moindre des choses était encore de l'affronter. Alors, ignorant ses folles pulsations cardiaques et la douleur sciant sa poitrine, elle déclara simplement d'une voix se voulant ferme :
— Oui, j'étais consentante.
Les yeux d'Eren restèrent un instant sur ses traits, tentant d'analyser la véracité de sa déclaration. Puis, une fois sa conclusion en tête — à savoir qu'elle disait vrai —, il acquiesça simplement en rangeant l'arme dans le holster accroché à son pantalon.
Mais elle n'eut le temps de souffler ou même de se lever en le voyant amorcer un geste pour quitter les lieux qu'une voix moqueuse l'interrompit.
— Dommage, j'aurais bien aimé voir un Livai sans couilles. Remarque, ça aurait pas changé de d'habitude.
Tous se raidirent. Les visages se tournèrent vers celle qui venait de s'appuyer dans l'encadrement de la porte.
— Putain, soupira le noiraud en reconnaissant la silhouette svelte sous ses yeux.
Des cheveux crépus coupés courts et teints en rose sur un visage fin traversé de yeux affutés, un nez aplati surplombant une bouche pulpeuse et haussée en un sourire joueur, des cils habillés d'un mascara noir, mettant particulièrement en valeur un regard rieur... Oui, il la connaissait.
Elle et son tailleur blanc onéreux qui épousait ses formes généreuses, illuminant l'éclat de sa peau noire.
— Qui êtes-vous ? demanda Eren, visiblement agacé.
Haussant un sourcil finement tracé en direction du noiraud, la nouvelle venue sembla indiquer à l'homme de façon implicite que c'était à lui de répondre à cette question.
— Je..., commença-t-il d'un air ennuyé. C'est Cassidy.
Elle pencha la tête sur le côté, faisant danser ses créoles dorées.
Il ajouta alors avec un geste vague de la main :
— C'est ma femme.
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— Attendez ! Attendez !
Le tintement de micro-ondes résonna dans la cuisine silencieuse, suivit de près par les talons de la dénommée Cassidy sur le carrelage. Et, tandis qu'elle rejoignait l'appareil, l'ouvrant et en retirant son contenu, les trois autres têtes l'observaient depuis l'ilot central.
Assise à côté d'Eren, sa femme n'osait le fixer et préférait détailler l'épouse de Livai qui renversait maintenant le contenu du sac qu'elle avait mis à chauffer dans un saladier. Les bras croisés, le noiraud, depuis sa position en face de celle avec qui il venait de coucher, contracta la mâchoire lorsque l'odeur du pop-corn au beurre se répandit dans les lieux. Le brun, de son côté, patientant que Cassidy rejoigne la chaise vide sous ses yeux, ne laissait rien paraître de ce à quoi il pouvait bien réfléchir.
Amenant le saladier maintenant rempli de pop-corn sur la table, la seule souriante parmi le quatuor prit place sur la chaise lui étant attribuée. Et, saisissant une poignée de sa nourriture, lâcha avant la fourrer dans sa bouche :
— C'est bon, je suis prête, engueulez-vous.
Un haussement de sourcil étira le visage du lieutenant de la Rose Noire. Celui-là n'échappa à Livai qui, les bras toujours croisés, n'en dit rien et se contenta d'attendre que l'un des deux en face de lui ne prenne la parole.
Mais la première avait honte et le deuxième, sa main toujours fermée sur son verre à présent vide, était indéchiffrable.
A la seule exception d'un regard profondément épuisé, on ne pouvait rien tirer de son visage impassible.
Cassidy, voyant le silence que continuait d'observer le trio autour d'elle, poussa un soupir ennuyé en levant les yeux au ciel. Avalant sa bouchée, elle fronça les sourcils et adopta une moue dépitée.
— Vous êtes sérieux ? Je dois vraiment lancer les hostilités ? lâcha-t-elle.
Nul ne lui répondit. Ils n'avaient vraiment pas la tête à cela.
Aux yeux des Jäger, elle n'était qu'une femme sortie de nulle part et visiblement trop enjouée compte tenu du fait qu'elle avait trouvé son époux, nu, au fond d'une baignoire et surplombé par une autre personne.
— Bon..., céda-t-elle.
Prenant une profonde inspiration, elle se tourna vers Livai dans un geste théâtral qui ne fit même pas ciller celui-ci. Gardant les yeux rivés droits devant lui, il conserva un visage fermé. Inexpressif.
Mais elle ne s'arrêta pas là et, forçant ses traits en une moue attristé, plaqua le dos de sa main sur son front et saisit l'épaule de son mari pour le secouer :
— Livai, comment as-tu pu !? scanda-t-elle d'un ton bien trop dramatique pour être sincère. Me tromper avec un neuf alors que tu es un trois ! Et me tromper tout court !
Le « neuf » concerné ne releva pas la remarque sur son physique ni celle sur l'allure du noiraud. Non. Même si elle écoutait la conversation, ce n'était que d'une oreille distraite.
Elle devait discuter avec Eren de toute urgence. Seule.
— Tu m'as trompé dix-sept fois, Cassidy.
— Vingt-quatre, le corrigea-t-elle. Mais avec dix-sept personnes différentes, t'as raison.
Il ne rétorqua pas. Nul ne réagit.
— Mais c'est pour ça que c'est pas drôle ! lâcha-t-elle en faisant la moue. Nous deux on n'en a rien à foutre de se tromper l'un l'autre ! Y'a rien de sensationnel dans nos disputes !
— Cassidy..., la rappela à l'ordre son époux.
— Une lesbienne nymphomane qui avait besoin d'un alibi auprès de sa famille homophobe et un criminel notoire qu'avait besoin de certaines connexions dans le FISC et les agences fédérales pour éviter les emmerdes avec la justice, un mariage parfait ! lâcha-t-elle en faisant de grands gestes. On va nulle part, avec ça !
Ses ongles manucurés saisirent un pop-corn avant de l'enfourner dans sa bouche rieuse.
— Moi je veux du pep's, des cris, des insultes, du verre brisé ! Je veux que ça pète ! Que ça...
— T'as un sérieux problème, Cassidy, la coupa Livai d'une voix froide.
Elle engloutit une nouvelle fois de la nourriture.
— Je sais, ma mère me disait souvent ça quand elle était vivante, déclara-t-elle.
Un silence. Bref.
— Elle le dit plus maintenant qu'elle est morte, poursuit-elle.
Là-dessus, sans tenir compte de l'atmosphère tendue ni du silence observé par le couple Jäger, Cassidy Ackerman éclata d'un rire particulièrement sonore et sincère. Se recourbant sur la table et plissant ses yeux, elle laissa sa poitrine se secouer tandis qu'elle tapait du poing pour rythmer son hilarité.
A côté d'elle, Livai ne dit rien.
En face de lui, l'autre femme ne fit pas de même.
— Ça suffit, annonça-t-elle en se levant brutalement.
La chaise produit un raclement. Toutes les têtes se tournèrent vers elle. Même Eren qui la regarda pour la première fois depuis qu'elle lui avait affirmé avoir consenti aux rapports avec le noiraud. Et, lorsqu'elle vit la peine profonde dans les iris de son époux, une épaisse épine vint lui crever le cœur.
Mais sa voix ne trembla pas lorsqu'elle demanda, le fixant intensément :
— Je veux te parler. S'il-te-plaît.
Aussitôt, un autre raclement retentit à sa droite. Mais elle ne décrocha pas un seul instant ses yeux de ceux de son époux pour regarder les gestes du noiraud. Sa sclérotique rougeâtre, trahissant son envie de pleurer, ses iris brillantes car imbibées de larmes, elle les voyait.
Et elle s'en maudissait. Qu'avait-elle fait ? Comment pourrait-elle réparer sa faute ? Arriverait-elle seulement à la réparer, un jour ?
Livai, qui s'était levé, saisit sa femme par le poignet.
— On y va.
Elle ouvrit la bouche pour protester. Il la devança.
— Maintenant.
Son ton était ferme, froid. Et elle dut réaliser combien la situation était grave ou, plutôt, qu'elle gênait le noiraud car elle se leva sans broncher. Saisissant le bocal de pop-corn, elle suivit l'homme en faisant résonner ses talons sur le carrelage.
La porte s'ouvrit puis se referma. Le silence revint. Total. Encombrant, en un sens.
Encore debout devant son mari assis, elle n'avait cessé de fixer Eren dans les yeux. Elle détestait les larmes dans ses iris, la peine qu'il tentait de contenir, l'expression impassible qu'il affichait pour ne pas craquer. Oui. Elle haïssait tout cela.
— Eren..., dit-elle d'une voix étranglée. Parle-moi...
Sa gorge était serrée et elle aussi sentait son regard se mouiller mais ne dit rien. Ses traits se crispèrent et elle fit de son mieux pour ne pas éclater en sanglot.
C'était elle, la fautive. Elle n'avait pas le droit de pleurer.
— Eren, je suis désolée, je... Dis quelque chose, n'importe quoi, s'il-te-plaît...
Elle ne pourrait pas supporter son silence. Il fallait qu'il fasse un geste, prononce une parole. Qu'il casse de la vaisselle, qu'il pleure ou même qu'il lui hurle dessus. Juste quelque chose. Qu'il s'anime.
Et, à sa grande surprise, il le fit. Il haussa légèrement les sourcils avant de murmurer :
— Désolée ? Mais pourquoi ?
Le souffle de sa femme se coupa dans sa poitrine. Elle se pencha un peu plus vers l'homme qui ne cessa de fixer ses yeux.
— Comment ça, « pourquoi » ? demanda-t-elle d'une voix douce, presque inaudible, une moue interrogative sur le visage.
— C'est moi qui ai demandé à mettre de la distance entre nous, je ne peux pas me plaindre que tu vives de ton côté. J'ai demandé à ce qu'on rompe donc si tu décides de..., il ne parvint même pas à finir sa phrase, sa voix mourant dans sa gorge.
Légèrement surprise, elle fronça quelque peu les sourcils. Il ne lui en voulait pas ? Après l'avoir retrouvée dans les bras d'un autre, il ne lui en voulait même pas un peu ?
Non. Elle ne parvenait pas à le croire.
Surtout quand elle voyait les larmes dans les yeux d'Eren.
— Tu n'es pas en colère ? demanda-t-elle, prise de court.
Là, elle le vit. Presque imperceptible. Vif. Fugace dans ses yeux.
La colère du brun.
Aussitôt avalée par le désespoir.
— Bien sûr que si je suis en colère, lâcha le brun en se levant, forçant la femme à reculer de quelques pas et se mettant à marcher dans la pièce, comme pour se calmer. Qu'est-ce que tu crois ?
Un rire jaune, douloureux et blessé franchit ses lèvres. Elle l'observa faire les cent pas.
— Parce que je t'ai traitée comme une merde, que je suis une personne odieuse qui ne mérite pas d'être aimée, que j'ai pu vivre aux côtés d'une personne que j'ai aimée et qui m'a aimé alors que je ne le méritais pas durant deux années et que quand j'ai rompu avec elle, après avoir demandé à ce qu'on s'arrête, quand je l'ai vu dans les bras d'un autre...
Sa phrase mourut dans sa gorge. Il n'osait même pas regarder son épouse, tentant de retenir ses larmes et de ne pas flancher.
Il savait qu'il craquerait si leurs regards se croisaient.
— ...quand je l'ai vu dans ses bras, reprit-il. J'ai eu le culot de me dire qu'elle n'avait pas le droit de me faire ça.
Un autre rire franchit ses lèvres. Cette fois-ci, une larme coula le long de sa joue. Elle sentit son cœur se serrer dans sa poitrine.
— Ils avaient tous raison, en fin de compte. Je suis un être immonde, lâcha-t-il.
Elle aussi senti des gouttes sur ses joues. Car, alors qu'elle était en tort, qu'elle était celle qui, tout en voulant donner une chance à leur mariage, s'était jetée dans les bras d'un autre, qu'elle était celle qui lui avait tiré dessus, qu'elle était celle qui était allée se ranger chez l'ennemi, c'était lui-même qu'il insultait.
Sous les yeux, elle avait le résultat d'années où leur entourage avait eu le culot de le qualifier de toxique sans même remarquer qu'eux-mêmes l'étaient. Devant elle se présentait les conséquences de remarques répétées sur « le ton de la blague » et qui avaient achevé de détruire l'estime qu'Eren avait de lui-même.
« Un mari à chier, un homme d'affaire à chier, un fils à chier... Putain, tu cumules les qualités, petit frère » avait lâché Sieg un jour où Eren, après une nuit de cauchemars, était venu en retard à un rendez-vous professionnel.
« Jäger, t'as de la chance que ta femme soit encore là pour toi. Tu vises beaucoup trop haut. Et on sait tous ici qu'elle va te larguer » avait scandé Jean sur le ton de la blague à un diner d'affaire.
« Eren, t'es littéralement la personne la plus à chier que j'ai jamais rencontré. Vraiment tu vaux rien et tout le monde ici est d'accord avec moi » avait éclaté de rire Ymir lors d'une fête en l'honneur de sa femme, faisant rire tous les invités qui ne s'étaient alors guère souciés d'à quel point le brun s'en était senti humilié.
« Fils, tu veux vraiment devenir homme d'affaire ? Changé l'entreprise pour en faire un secteur multimédia ? Quand tu es né, je crois me souvenir que tu avais un pénis entre les jambes donc pourquoi agis-tu en femme, soudainement ? » avait demandé Grisha, exaspéré par le projet d'Eren d'arrêter de vendre des armes à feu.
Chacun, à chaque fois, s'était dit qu'une petite boutade n'allait pas non plus le déranger. Mais c'était tout le temps, tous les jours, à chaque heure, venant de différentes personnes mais toutes dirigées vers la même.
Et, sans même qu'il ne s'en rende compte, il avait bientôt cessé de se regarder dans le miroir, n'osant affronter son reflet.
Au point qu'alors que sa femme avait couché avec un autre, et qu'importe la pause dans laquelle ils étaient, il se sentait coupable de cela. Il se pensait responsable, lui, de son acte à elle.
— J'aurais dû te dire la vérité, ne pas me dire que t'étais une terroriste. Je veux dire, même si les preuves t'incriminaient, j'aurais dû te faire confiance, j'ai été un mauvais mari, un très mauvais mari, lâcha-t-il en passant nerveusement la main dans ses cheveux. J'aurais jamais dû rien te cacher, on aurait surmonté cela ensemble. Et j'aurais pas dû te laisser filer, j'aurais dû me mesurer à eux et te protéger.
— Eren, seul contre le clan Jäger, tu ne serais pas allé loin. Tu m'as laissée partir pour l'éviter d'être tuée par eux. Et si jamais j'avais appris que ton passé cachait des zones d'ombres laissant penser que tu étais un terroriste, j'aurais sans doute aussi préféré faire comme si je n'avais rien vu, répondit-elle aussi tôt d'une vois fébrile, les sourcils froncés par la colère de le voir dans un tel état. Tu ne peux pas te blâmer d'avoir fait des erreurs humaines et compréhensibles...
— Je sais que t'essayes de me rassurer mais arrêtes, l'interrompit-il d'une voix douce.
Enfin, il se tourna vers elle. Des larmes couvraient son visage. Il semblait détruit. Et elle sentit son cœur se fendre dans sa poitrine.
— Si tant de personnes me disent que je ne suis pas quelqu'un de bien, c'est que c'est le cas, déclara-t-il.
— Non, répondit-elle d'une voix fébrile, enragée de constater combien il était mal en point. Si tant de personnes te disent que tu n'es pas quelqu'un de bien, c'est parce que ces connards sont plus occupés à se mêler d'un mariage qu'ils ne connaissent pas, à se prononcer sur une union sans savoir un quart de la vérité qu'à s'occuper de leur putain de vie de merde.
Elle vit les yeux d'Eren s'écarquiller légèrement.
— J'ai couché avec Livai parce que j'en avais envie, pas parce que tu n'es pas un bon mari, lâcha-t-elle. Et tu peux penser que je ne suis pas à blâmer parce qu'on fait une pause ou tu peux te dire que je suis en tort parce qu'on est censé se donner une autre chance mais je...
Elle craqua, ne parvenant à se contenir davantage.
— JE REFUSE DE T'ENTENDRE DIRE QUE TU ES UNE PERSONNE IMMONDE ! PARCE QUE TU T'ES RENDU COMPTE DE TES TORTS ET TU AS PRIS RENDEZ-VOUS CHEZ UN PUTAIN DE PSY POUR Y REMÉDIER ! QUAND TON PÈRE S'EST RENDU COMPTE DE SES TORTS DANS SON MARIAGE, IL A FAIT QUOI !? IL A JETÉ DINA ET MARIÉ TA MÈRE DONC IL N'EST SÛREMENT PAS LE MIEUX PLACÉ POUR TE FAIRE LA MORALE !
Elle était furieuse. Contre eux tous. Parce qu'ils avaient profondément blessé celui qu'elle aimait.
— ET LE GRANDIOSE SIEG, TOUJOURS PRÉSENT POUR LANCER DES PIQUES SUR TWITTER, DOIS-JE TE RAPPELER QUE MONSIEUR PARFAIT A COUCHÉ AVEC LA MARIÉE AU MARIAGE DE SON MEILLEUR AMI !? MAIS APRÈS CELA, IL EST CLAIR QUE LUI IL EST LE MAITRE DANS LES RELATIONS SAINES ET PEUT OUVRIR SA BOUCHE POUR TE FAIRE LA MORALE. APRÈS TOUT, VENANT D'UN HOMME AVEC UN TEL SENS DE L'AMITIÉ ET AU GOÛT PRONONCÉ POUR LES FEMMES MARIÉES, C'EST TELLEMENT BIEN VENU !
Elle faisait des grands gestes et ne parvenait à cesser de crier. Tout, elle se défaisait de tout.
— ET LE SPLENDIDE JEAN KRISTEIN QUI A TOUJOURS UNE GENTILLE PHRASE POUR TOI, À DIRE QUE TU MÉRITERAIS QUE JE TE QUITTE, N'EST-IL PAS LE MÊME HOMME QUI EST SORTI AVEC QUATRE FILLES EN MÊME TEMPS !? GRANDIOSE, LE CHEVAL ! VRAIMENT CELUI QUI PEUT LE MIEUX EXPLIQUER CE QU'EST UN HONNÊTE PETIT-AMI !
Elle ne pouvait plus se taire. Pas après avoir ruminé tout cela durant tant d'années.
— ET YMIR, OH LA MAGNIFIQUE YMIR ! CELLE QUI A FAIT CROIRE À SON EX QU'ELLE AVAIT EU UN PUTAIN D'ACCIDENT DE VOITURE QUI L'AVAIT RENDUE AMNÉSIQUE POUR JUSTIFIER LE FAIT QU'ELLE NE L'AVAIT PAS APPELÉE DURANT SIX PUTAIN DE MOIS ! C'EST VRAI QUE C'EST LA MIEUX PLACÉE POUR TE PARLER DE SINCÉRITÉ !
Tout sortait de sa bouche. Elle extériorisait sa peine. La purgeait.
— ET MÊME ARMIN ! PUTAIN CE MEC C'EST LE SEUL NORMAL DANS CEUX QU'ON CONNAIT MAIS IL ME SEMBLE QUE LUI AUSSI A MENTI À SON EX PETITE-AMIE POUR LUI ÉVITER DE SOUFFRIR, HEIN !? BAH OUI PARCE QU'ELLE SAIT PAS QU'IL EST MEMBRE D'UN PUTAIN DE CLAN CRIMINEL ! ET IL OSE TE FAIRE LA MORALE PARCE QUE TU M'AS MENTIE EN CROYANT ME PROTÉGER !? NE FAIT-IL PAS LA MÊME CHOSE AVEC SES MEUFS, SES MECS, SES POTES ET MÊME SA PUTAIN DE FAMILLE !?
Sa main alla frapper la table dans un geste enragé.
— BORDEL DE MERDE TON ENTOURAGE EST FAIT DE CONNARDS DONNEURS DE LEÇONS QUI AURAIENT MIEUX FAIT D'UTILISER LEUR TEMPS INVESTI À FAIRE UN COMTPE-RENDU DE TES FAITS ET GESTES POUR BALAYER DEVANT LEUR PORTE !
Elle se tut enfin. Sa tirade était finie. Ses cordes vocales la tiraillaient tant elle les avait utilisées. Mais, depuis tant de mois à ronger son frein, elle était soulagée d'avoir vidé son sac.
Il était saisi. Parce que des larmes roulaient sur les joues de sa femme, que sa poitrine se secouait de sanglots et qu'elle semblait sincèrement secouée par la façon qu'il avait eu de se décrire.
Et ce fut en la voyant ainsi, si déterminée à lui prouver qu'il n'était pas un monstre, si déchirée par sa douleur qu'il réalisa que, soit, il l'aimait. Mais elle aussi l'aimait en retour.
Alors, franchissant les mètres les séparant d'un pas hésitant, il fixa les yeux rougis de son épouse, légèrement tremblant. Elle le regarda faire, sentant une certaine chaleur en le voyant s'approcher.
Il s'arrêta juste devant elle, la fixant quelques instants. Il n'aimait pas la voir triste.
Puis, dans un geste dont ils avaient tous les deux eu besoin, il enroula ses bras autour d'elle et la blottit contre sa poitrine. Vivement, elle alla s'y réfugier, fermant les yeux dans cette étreinte douce et réconfortante.
Là était sa maison. A cet endroit précis, contre lui.
— Tu es quelqu'un de bien, Eren, reprit-elle d'une voix éraillée par ses hurlements. Tu as ton lot d'erreurs comme tout le monde mais tu es vraiment quelqu'un de bien.
Elle marqua une brève pause.
— C'est pour ça que je t'aime.
Contre son oreille s'étendait le torse d'Eren. Et, à ces mots, elle entendit son cœur battre d'autant plus fort. Un sourire étira ses lèvres en constatant l'effet qu'elle faisait à son époux.
Ils restèrent ainsi quelques instants, dans un dense silence. A l'aise, blottis l'un contre l'autre, la tête d'Eren sur son crâne et sa joue pressée contre son pectoral. Après tant d'émotions, se retrouver leur faisait du bien.
Ils s'étaient manqués. Profondément. Ils avaient désespéré de se retrouver.
Mais, lentement, ils retrouvaient le chemin de la maison. Celle qu'était leur étreinte, leur mariage, leurs rires devant scrubs, la glace licorne et la glace schtroumpf...
Oui. Ils se retrouvaient.
Bientôt, deux coups doux à la porte se firent entendre.
Eren garda ses bras entourés autour du corps de sa femme mais se redressa avant de s'éclaircir la gorge.
— Entrez, lâcha-t-il tandis qu'elle tournait la tête pour voir la porte.
Cette dernière s'ouvrit, dévoilant une jolie rousse affublée de deux couettes et d'un épais pull gris. Elle l'a reconnue immédiatement. Elle l'avait déjà croisée au Palace, la première fois qu'elle s'y était rendue après que Livai en ait pris la tête.
Elle jouait alors aux cartes avec le geôlier qu'elle avait assommé plus tard, un dénommé Floch, le sympathique châtain qui l'avait accueilli — Farlan, si ses souvenirs étaient exacts — et une tête brune d'un nom d'Hanji.
Si sa mémoire était bonne, son nom à elle était Isabel.
— Livai a reçu un message de Kuchel et il pense que vous avez eu le même de Grisha, c'est important d'après lui.
Fronçant les sourcils, Eren tira son téléphone de sa poche arrière avant de le déverrouiller en toute hâte. Puis, ouvrant une notification de message venant en effet de son père, il lut à voix haute :
— « N'oublie pas l'avant-première de Diamond Star 2, après-demain. Malgré nos contretemps liés au clan, nous sommes avant tout des personnages publics. Taches de ne rien laisser voir de tes différends avec Galatée. »
Il haussa les sourcils.
— L'apparence avant tout, commenta-t-il d'une voix ennuyée.
La femme se détacha lentement de son mari, réalisant ce que signifiait ses paroles.
— Je vais être obligée d'être présente puisque j'étais un des personnages principaux de Diamond Star 1, affirma-t-elle. Sauf que je sais que le QG des sorciers dans le deuxième opus a été filmé dans le...
— ...le Palace, termina une voix depuis le seuil de la porte. Un quart des scène ont été tournées dans mon club.
Juste derrière Isabel, Livai venait d'apparaitre. Le visage fermé, il poursuivit :
— Donc, logiquement, les Ackerman sont aussi de la partie.
Il avança de quelques pas vers eux.
— On va devoir faire bonne figure et aller ensemble à cette avant-première.
Il marqua une brève pause. Tous se tendirent.
— Tous les trois. Devant les caméras et ce, pendant six heures. On va devoir soit faire semblant d'être de bons amis, soit de ne s'être jamais connus. Car vous pouvez être sûr que le meurtrier des membres de la Rose Noire sera là pour assiste au show et s'il devine quoi que ce soit de notre plan pour le contrer, il va sérieusement accélérer les meurtres, expliqua-t-il. En résumé, on joue les petites célébrités bien docilement sans se faire remarquer...
Un soupir franchit les lèvres de la femme, il l'ignora et termina tout de même son propos :
— ...Ou on pousse l'assassin de la Rose Noire à terminer le travail le plus vite possible.
赤い糸
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