𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟒
𔘓
C H A P I T R E 5 4
𔘓
J’ai songé à m'asseoir sur un fauteuil différent de celui de James afin de lui laisser de l’espace. Mais son bras s’est enroulé autour de mon corps, m’asseyant avec lui.
Maintenant avachie sur lui, ma tête reposant sur son épaule, j’attends. Il caresse sa tasse depuis quelques minutes maintenant, sans un mot. Ses grands yeux ambrés détaillent le vide tandis que les miens observent l’évolution de la cicatrice blanche lui barrant le visage à hauteur du nez.
Je ne veux pas le presser. Le sujet est déjà bien assez douloureux.
— Ecoute…
Il se penche et repose sa tasse sur la table basse. Sa main saisit alors mon mollet et il fait basculer mes jambes sur ses cuisses. Je m’empêche de sourire à ce geste, charmée par le contact de nos corps.
Son bras s’enroule autour de ma taille, m’empêchant de basculer en arrière, déséquilibrée.
— C’est mieux comme ça.
Son commentaire me touche.
Je suis assise sur le canapé, perpendiculairement à son corps. Mes jambes sont en travers des siennes et son bras s’enroule autour de mon dos. Ma tête tombe sur son épaule tandis que sa main caresse ma cuisse.
Comme si ce contact le ressourçait, il prend une profonde inspiration.
— Je… Discuter avec les policiers n’a pas été une tâche facile. J’ai passé mon temps à me demander pourquoi je trahissais ma famille…
Je ne dis rien. Mais je pense.
Je pense que mon coeur se brise en le voyant penser à sa famille après ce que cette dernière lui a fait. Je pense que j’ai de la peine pour lui. Je pense qu’ils sont ceux l’ayant trahis et non l’inverse. Je pense que je veux lui montrer ce qu’est le véritable amour. Je pense que je veux lui prouver qu’ils ne le méritent pas.
— Tout cela a été long… Parce que le lieutenant m’a laissée dans une salle et m’a dit qu’elle ne viendrait pas me chercher. Que je pousserais la porte de son bureau quand je serais prêt et que, peu importe ce qu'elle ferait, elle abandonnerait tout pour m’écouter.
Mon coeur est gros. Le front plaqué à son cou, je ferme les yeux. Comme si le contact de nos chairs pouvait le ressourcer, je tente de lui insuffler toute la force dont je suis capable, sans même bouger.
— Alors ça a été long… De me lever pour aller la chercher.
J’entends dans sa voix combien il est épuisé.
— (T/P) ?
— Oui ? je réponds aussitôt, ma main se posant par-dessus la sienne, caressant ses phalanges.
— C’est vrai ?
Je me redresse afin de le regarder dans les yeux. Ces derniers suivent mes mouvements, détaillant le moindre de mes gestes. Mais il finit par chuchoter :
— Que ce n’est pas de ma faute ? C’est vrai ou elle veut me pousser à témoigner ?
Il me faut une grande force et maîtrise de moi-même pour ne pas éclater en un hoquet bruyant. Mes yeux écarquillés s’imbibent de larmes.
Une mèche tombe devant les yeux de James.
Je la replace derrière son oreille. Mon doigt frôle alors sa cicatrice. Je m’y attarde, la caressant à peine. Je n’ose que la frôler de la pulpe de mes doigts.
— James… Bien sûr que non. Tu n’as jamais été fautif.
J’abandonne un baiser délicat sur sa gabelle. Il ferme alors les yeux et je pose mon front contre le sien. Nous demeurons quelques instants comme ça.
Le silence est doux, apaisant.
— Toute ta vie, tu as entendu que tu l’étais. Mais ce n’est pas ta faute. Tu sais que je ne suis pas du genre à mentir pour faire plaisir… Et tu n’as strictement rien à te reprocher.
Je pose mon menton sur sa tête et il inspire mon cou. Des larmes coulent le long de mes joues.
— Tu as littéralement été si courageux et parfait. Tu as fait ce qu’il fallait. De A à Z.
Doucement, je me recule afin de prendre son visage en coupe. Son regard humide se plante dans le mien. Je déteste la façon qu’ont les larmes de couler sur ses traits.
— Ce qu’il s’est passé ne s’est pas juste passé mais t’a été infligé. Tu as subi. Tu n’as rien commis. Alors tu n’es pas fautif. Sous aucun prétexte. Ce qui t’es arrivé n’a rien à voir avec l’enfant que tu étais. C’est l’adulte qui te faisait face qui était responsable.
Ses paupières se ferment, laissant couler des larmes. Je les essuie tendrement.
— Tu comprends ?
Il acquiesce. Son corps tremble, contre moi.
Alors je me jette sur lui, entourant sa tête de mes bras et l’enfouissant dans mon buste. Il m’étreint aussitôt avec vigueur, comme s’il craignait que je disparaisse.
Puis, il éclate en sanglots.
Sa main agrippe mon tee-shirt et son crochet glisse sur mon dos. Quelques gémissements franchissent ses lèvres. Je ne sais pas quoi faire pour arrêter la douleur.
Alors je le sers simplement contre moi.
— Je suis là, mon cœur. Je suis là.
Doucement, je le berce. Il pleure à chaudes larmes, me gardant contre lui. Je ferme les yeux, passant mes doigts dans ses cheveux et les caressant.
— Me lâche pas, chuchote-t-il.
— Jamais. Jamais je ne te lâcherais.
Il continue de pleurer contre moi quelques instants. Ma poitrine est humide mais je m’en fiche. La seule chose qui compte est sa souffrance.
— Ils… Ils disent qu’ils faisaient partis de leurs suspects… Ils disent qu’ils vont bientôt les arrêter.
Précautionneusement, il s’écarte de moi. Ma main caresse sa joue quand il lève les yeux sur mon visage.
— T… Tu crois qu’ils ont fait ça pour moi ? Pour me protéger ?
Une pierre tombe dans mon estomac.
“Qu’auraient dit les gens, s’ils avaient su ?”
“Tu sais que je ne suis pas du genre à mentir pour faire plaisir…”
Son regard pleure davantage que ses yeux. Imprégner de décennies de souffrances intériorisées. L’enfant en lui ne tient plus debout. Mais il vit encore, quelque part. Il vit pour l’innocence qu’on lui a ravi, les parents qu’il n’a pas eu, la candeur qu’il aurait dû conserver.
Et si je peux lui en donner ne serait-ce qu’un peu…
— C’est possible… Qui sait ?
Un léger sourire étire ses lèvres. Il repose son front contre ma poitrine. A l’instant où son regard se détourne de mon visage, je laisse ce dernier s'affaisser.
Je viens de lui mentir. Mais je suis convaincue qu’il n’a pas besoin de sentir son âme se fissurer un peu plus encore.
☆
James n’a de cesse de rire.
Blottie contre lui, j’esquisse un sourire fier. Il me fallait lui remonter le moral, qu’importe la méthode. Et je dois avouer que diffuser le film Shrek était une chouette idée.
L’écran de fin prend place après une musique endiablée chantée par l’âne et je me redresse vivement sur le canapé. En le regardant, je hausse un sourcil fier.
— Et toi qui disais que tu ne voulais pas voir le film… Qu’il ne “te tentait pas” !
— En même temps, je ne savais pas de quoi ça parlait ! Je ne l’ai jamais vu !
— QUE NENNI ? je hurle à plein poumons.
Il soupire.
— C’est pas si…, il s’interrompt pendant sa plaidoirie. Tu ne crois pas que tu en fais légèrement trop, là ?
Une jambe levée, arquée en angle droit, je pointe mes doigts en sa direction, gardant la paume parallèle au sol. Puis, retroussant les lèvres, je montre les dents.
Il pousse un soupir.
— Et dire que ce n’est même pas la première fois que tu me fais un coup de ce style…
Face à mon air interrogatif, il ajoute :
— Quand je suis venu te demander de travailler avec moi, à la crêperie. Tu ne t’en souviens pas ?
— Ah oui, après m’avoir fait injustement virer de mon emploi prestigieux de journaliste ?
— Tu…
Ses sourcils se froncent.
— (T/P), tu m’avais traité de misogyne et climato sceptique, tu cherchais à te faire virer.
Je fais semblant d’essuyer une larme sous mon œil. L’épongeant de ma manche, je marminne d’une voix déformée par de faux sanglots :
— Je… Tu as torpillé ma carrière.
— Et j’en suis profondément désolé, raille-t-il d’une voix profondément ennuyée en levant les yeux au ciel. Comment pourrais-je me faire pardonner ?
Un sourire vile étire mes lèvres.
Voyons… Que pourrais-je lui demander d’indécent ? Une nouvelle garde-robe ? Non, il serait trop content de se balader aux côtés de quelqu’un habillé décemment. Alors un restaurant ? Trop facile. Un nouvel animal ? Je déborde déjà entre mon chien, mes rats et ma torture.
— Mais attends…
Mes yeux s’écarquillent quand la réalité me frappe soudain, violente.
— ESPECE DE MENTEUR ! je hurle en le pointant du doigt, me redressant, courroucée.
— Tu sais que ce que j’aime chez toi, c’est ta capacité à me donner un minimum de contexte avant de m'envoyer des fions ?
Je secoue la tête, outrée.
— Tu veux du contexte ? Tu vas en avoir du contexte ! Tu m’as engagé en me faisant miroiter des interviews régulières à hauteur de 10 000 balles ! Et combien en avons-nous fait ? Même si nous en faisons une maintenant, cela fait plus de huit mois que je travaille avec toi ! Cela signifie que tu me paierais 10 000 balles pour huit mois… Cela équivaut à un salaire de 1 250 ! C’est moins que le minimum légal !
— Prodigieux…
Je suis sidérée par cette réponse.
— De quoi ?
— Ta capacité à calculer vite lorsque de l’argent est en jeu.
Frustrée, je gonfle les joues.
— Dis-moi, (T/P), depuis combien de temps n’as-tu pas regardé ton compte en banque ?
— J’ai viré l’application sur mon téléphone pour pouvoir installer une caméra qui dit quel chien tu serais si tu étais un canidé.
Il ne prend même pas la peine de soupirer.
— Quand tu auras le temps, regarde-le.
— Pourquoi ? je demande, légèrement curieuse.
— Comment as-tu réussi à payer ton loyer et tes frais, au cours des derniers mois ?
— Je croisais les doigts quand je donnais mes chèques. Ça m’a plutôt réussi jusque-là.
Je considère un instant son visage déconfit.
— Bah quoi ?
— Tu sais, je t’aime de tout mon cœur. Mais l’idée que tu aies le droit de vote m’effraie parfois.
Je me lève dans un bond.
— OH LE MACHO ! TU DIS CA PARCE QUE JE SUIS UNE FEMME !
— Tu m’épuises, répond-t-il dans un rire.
Levant les bras, je m’apprête à faire une scène. Mais les siens s’enroulent soudain autour de mon corps, m’attirant contre lui. Je tombe sur ses genoux dans un sourire charmé.
Son visage s’enfouit dans le creux de mon cou et il y dépose quelques baisers. Je frissonne, sentant mon estomac se soulever.
Sa main se glisse sur ma joue et ses doigts lissent ma pommette. Reculant, il ancre ses yeux dans les miens.
— Tu es… époustouflante.
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.
— Promets-moi… de m’aimer à jamais.
Nulle envie de dire des bêtises ne me traverse. Non. Pas quand il tient mon visage de cette façon. Non plus quand ses yeux ambrés se plongent de cette façon dans les miens. Ses prunelles brillent telle une rivière ambrée.
Je frissonne.
Tout est superbe, chez lui. de la façon qu’on ses cheveux de tomber en une cascade ténébreuse dans son dos à celle qu’a sa cicatrice de luir à la manière d’un vers du passé, écrit à la hâte sur une chaire qui s’en souviendra à jamais de toute manière.
Ma main saisit son crochet.
— Je ne me vois pas faire autrement, James.
Ses yeux se ferment.
— Promets-le moi.
Son ton est implorant. Son souffle s’est figé. Il se mure dans cet instant, comme refusant de vivre, demeurant captif. Comme si la clef de cette cage était ma promesse.
Qu’il se refusait à exister tant que je ne l’ai pas délivré.
— Je t’aimerais à jamais, James. je te le promets.
Il m’enfouit dans ses bras, soupirant de plaisir.
— Merci (T/P). Merci tellement.
Je souris dans sa chaleur, profitant de son étreinte.
— Je suis à toi. Tu le sais, n’est-ce pas ? Jamais je n’ai aimé quelqu’un comme je t’aime.
Je sens les larmes monter en l’entendant prononcer de telles paroles. Voulant les cacher, j’enfonce mon visage dans le creux de son épaule. Mais quelques perles coulent sur mes joues, tombant dans son cou.
— Oh, ne me dites pas que je suis parvenue à mettre l’inébranlable (T/P) (T/N) dans un état pareil…
— Non, tu n’y es pas parvenue, je lâche sans aucune crédibilité, sanglotant.
— Oh, ma chérie…
Il rit doucement. Ses lèvres se posent sur mon crâne.
— Je ressens exactement la même chose que toi, (T/P).
Me reculant, je penche la tête en arrière pour le regarder. Il sourit en observant mes yeux larmoyant. De son crochet froid, il tâte ma peau imbibée d’eau.
Et il me semble que l’éclat dans ses yeux lui est insufflé par Éros lui-même lorsqu’il murmure avec tendresse :
— Je t’aime, (T/P).
𔘓
j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!
𔘓
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top