𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟒

















𔘓

C  H  A  P  I  T  R  E    4 4

𔘓







tw : pédocriminalité

  










         

— Je suis tellement désolée ! Mais je t’assure que je reviens te chercher dans deux heures !

           Accroupie dans l’encadrement du cagibi me servant de chambre, Candice affiche une moue navrée. Terrifié par ses parents, James n’a pas réussi à protester longuement. Il a suffit que sa mère lui hurle qu’elle avait honte de lui, de son divorce, pour qu’il baisse la tête.

           Son ex-femme, pas malicieuse mais addicte à l’appréciation des deux vipères comme un drogué l’est à sa came, n’a non plus daigné réagir.

           Cependant, une fois seules, elle s’est empressée de me dire qu’elle viendrait me chercher à dix heures du soir pour que nous échangions nos places. Cela ne la dérange pas de dormir ici, d’après elle.

           Et elle a ajouté qu’elle devait faire cela pour ses amis.

           Ces deux derniers mots ont serré mon cœur d’une façon que je ne m’explique pas bien. Cependant, j’ai prétendu ne rien ressentir, me contentant de sourire avec douceur.

— Allez ! Essaye de te reposer un peu ! sourit-t-elle en agitant sa main.

           Là-dessus, la porte se referme.

           Derrière la cloison, je peux entendre le bruit de ses talons s’éloignant. Mes yeux roulent dans leurs orbites.

— Putain, mais dans quel bourbier je me suis encoré fourrée, moi !?

           Bien que la façon qu’a James de baisser les yeux face à ses parents, absolument terrifié, me gonfle de colère, je ne peux continuer à les provoquer éternellement. Je dois aussi penser au bonheur de mon copain.

           Alors j'accepte de mettre mon mouchoir par-dessus. Bien que cela me coûte.

— Elle commence à me fatiguer, cette famille.

           Me laissant tomber en arrière, je pousse un long soupir rauque. Mon dos s’enfonce dans le matelas miteux tandis que je regarde au-dessus de moi.

           Le plafond est terriblement bas. L’idée que de toute façon, enfant, il était bien plus petit me traverse. Et je ne sais si elle m’apaise ou me terrifie.

           Les fils électriques sortent du mur, une ampoule fait office de lampe. Elle grésille par instant dans un bruit sinistre. Son état défaillant projette des ombres cacophoniques qui s'étirent en un théâtre de cauchemars sous mes yeux.

           Quelques balais sont poussés, au fond. Ils s’entassent dans un bric à brac de produits ménagers sur lequel trône un livre. Un instant, je me dis qu’il s’agit là d’un bien étrange rangement.

           Puis, je réalise. Des larmes piquent mes yeux. Il se servait de cet amas comme d’une table de nuit.

           Me redressant, je regarde le matelas et saisis son drap. Un mauvais pressentiment s’empare de moi et je ne peux que frissonner. Tout cela est tétanisant.

           Soudain, un hoquet violent franchit mes lèvres.

           Le drap froissé dans la main, je n’arrive qu’à trembler. Les yeux écarquillés, je fixe le matelas que je viens de mettre à nu, jauni par endroit et profondément encrassé.

           Mais surtout, je ne peux me détourner de toutes les traces de sang le couvrant.

— Oh… Oh… Oh mon…

           Piétinant le sol et trébuchant, je recule à toute vitesse. Mes mains glissent sur le mur et ma chair rompt lorsque mille échardes pénètrent mes doigts. Mais je n’arrive pas à crier de douleur.

           Mon cœur bat si fort qu’il en étrangle ma gorge.

           Que s’est-t-il passé, ici ?

— Oh… 

           Ne parvenant à m’arracher à la vision de ce matelas, je tends maladroitement les mains dans mon dos afin de parvenir à trouver la poignée.

           Ma peau touche le métal froid et je me glace. Franchement, j’appuie sur elle. La pièce s’ouvre à la volée et je déboule dans le couloir.

           Un hurlement franchit mes lèvres quand je perds l’équilibre.

           Le décor bascule autour de moi et je tombe sur le dos. Mon centre de gravité s’étiole et mes jambes rompent sous mon poids. 

           Au moment où je m’apprête à percuter le sol, celui-ci se fait bien moins dur. Un bras se glisse sous mes omoplates et mes fesses percutent des cuisses.

           Aussitôt, l’odeur de James se répand en moi.

           Mes yeux s’ouvrent sur ceux, puissamment ambrés, de mon amant qui vient de m’empêcher de chuter. Je me laisse immédiatement happer par les vapeurs de son regard capiteux, échouant dans les méandres de son être.

           Mon cœur se détend légèrement, la douleur se dissipe. J’esquisse un geste vers sa joue, déposant ma main avec douceur dessus.

— James…

           Mais je ne tiens plus.

           Une larme coule sur ma joue et j’enfouis mon visage dans le creux de son cou, le serrant contre moi. Sa main se pose aussitôt sur le bas de mon dos.

— James, c’est horrible, je chuchote en hoquetant.

           Contre mon crâne, je sens ses lèvres déposant un baiser. L’obscurité de la nuit dépose un voile opaque sur la douleur. Mais nous savons ce qu’il en est.

           Glissant une main jusqu’à son crochet, je le serre contre mon cœur. J’ai compris, maintenant. J’ai saisi au moins en partie les raisons qui l’ont poussé à entailler si profondément ses veines.

— Je suis désolé que tu aies dû voir ça, déclare sa voix grave dans un vrombissement délicat.

— Ne t’excuse pas !

           Me redressant, je saisis son visage en coupe que je caresse dans des gestes hâtifs et maladroits. Inerte, il se laisse faire, fixant simplement les larmes sur mes joues.

           A la lueur de la lune, ses traits semblent plus doux encore. Mais je remarque la douleur suintant dans ses yeux.

           Et elle me tétanise.

— Ce n’est pas à toi de t’excuser, mon ange. ce ne sera jamais à toi de t’excuser pour ce qu’il s’est passé là-dedans.

— Mais…

— Non, James. Réellement.

           Quelques secondes, je me tais, observant sa réaction. Ce n’est que lorsqu’il baisse les yeux, réfléchissant, que je me sens obligée d’insister : 

— James ! Tu étais un enfa…

           Ma voix meurt dans ma gorge, étranglée par le sanglot qui me prend.

           Pinçant les lèvres et fermant les paupières, je m’efforce de prendre sur moi. Une grande inspiration gonfle mes poumons tandis que je me concentre quelques instants sur le fait de retrouver mon calme.

           Oui. Il me faut le retrouver. Pour lui. Car je ne suis sûrement pas celle qui doit être consolée, ici. 

           Alors j’ajoute plus doucement : 

— Inutile de chercher ce que tu aurais pu faire différemment. Tu ne méritais rien de ce qu’il t’est arrivé. Sois en sûr.

           Sa main se pose par-dessus la mienne que j’ai moi-même laissée sur sa joue. Il contemple le vide quelques instants, méditant sur mes paroles.

           Puis, doucement, sa voix s’élève lorsqu’il chuchote : 

— Ils n’ont jamais toléré ce qu’il s’était passé. Je crois que je n’aurais jamais dû leur en parler. Ils m’aimaient, avant. Et qu’importe combien j’essaye de me racheter, ils ne sont plus capables de trouver assez d’amour dans leur cœur pour me pardonner.

           Il déglutit péniblement.

— Quand j’étais petit…

           Son regard se pose dans le vide.

— J’avais un instructeur de piano qui disait aimer me faire “sentir” la musique. Il posait ses mains sur mon corps quand je jouais et lorsque j’ai dit à mes parents que cela ne me plaisait pas, ils ont dit qu’il était l’artiste, que lui savait ce qu’il fallait faire.

           Un spasme d’effroi me prend.

— Un jour, il a exigé d’être présent quand je me douchais. Il s’est touché devant moi et quand je l’ai dit à mes parents…

           Une larme coule le long de sa joue.

— …Ils m’ont traité de catin en apprenant que je l’avais laissé faire.

           Ma gorge se serre violemment et mes doigts tremblent. Je ne sais pas comment réagir, de quelle façon je peux bien le réconforter. Je n’ose rien faire.

— J… James…

           Aujourd’hui encore, il est convaincu d’être celui à blâmer dans cette histoire. Pas une seule seconde il ne réalise qu’il était la victime de cette immondice.

—  Ce… Ce n’est pas de ta faute.

— Ils disaient que j’ai sali sa réputation, ils…

           Son regard se pose sur la porte du cagibi. Il la fixe de nombreuses secondes avant de déglutir péniblement : 

— Ils m’ont puni pour cela.

           Une pierre tombe dans mon estomac. Sous le choc, je n’arrive qu’à le serrer contre moi. Mes yeux s’écarquillent et aucune pensée ne traverse mon esprit. je n’arrive qu’à ressentir.

           Une haine grave, viscérale et brûlante. Un liquide qui coagule dans mes veines et devient presque une identité. Une colère sans le moindre frein.

           Soudain, il éclate en sanglots. Mes bras s’enroulent plus délicatement autour de lui et je murmure quelques paroles apaisantes. Là, dépassant la sensation de mon âme fissurée, réalisant que je suis celle devant être forte, maintenant, je me dresse. Mes yeux se ferment et je le berce doucement, des larmes de colère dévalant mes joues.

           Enfin, une pensée me traverse, résonnant malgré le silence de la colère.

           Je vais les détruire.













𔘓

j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!

𔘓

























Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top