𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐎𝟏
𔘓
C H A P I T R E 1
𔘓
Lorsque l'air s'échauffe et que le soleil projette ses rayons avec plus d'assiduité, les jours s'allongent. Quand les arbres perdent leurs manteaux de feuilles et que la lune sourit, la nuit se fait plus présente.
Les anciens contaient d'idoines discours sur ce phénomène. Une anecdote ou coquecigrue, je ne le sais point.
Mais, pour sûr, le récit d'un combat qui me hante.
Quelques regards comminatoires et provocations impavides, une poignée de primesautières insultes crachées en se croisant... Là est la façon dont je me représente les rencontres entre le Marchand de Sable et le Marchand de Son.
Le premier, déposant du sable sur les yeux des enfants, chatouillait leurs paupières, les poussant à les fermer. Il leur permettait ainsi de glisser dans le doux monde des songes, les faisant dormir.
Le deuxième, à l'aide d'une lumière et d'un grelot, les réveillait doucement. Sa tâche était de les extirper du sommeil dans lequel son confrère les avait plongé.
Le rôle de l'un n'avait aucun sens sans celui de l'autre. Le Marchand de Sable ne pouvait exister sans celui de Son. L'inverse aussi.
Et pourtant, ils se haïssaient.
Le Marchand de Sable souhaitait des nuits plus longues afin que les enfants puissent dormir convenablement. Le Marchand de Son exigeait qu'on les laisse profiter de leur journée en les réveillant, au contraire, plus tôt.
L'hiver, le Marchand de Sable parvient à faire durer la nuit. L'été, celui de Son obtient gain de cause.
Leur grief ne s'apaise jamais.
Il m'arrive de repenser à tout cela, lorsque je ne trouve pas le sommeil. Assise sur mon lit, exténuée mais incapable de dormir, mes mains tenant ma tête, je ris amèrement en songeant encore à cette histoire.
Si le Marchand de Sable tient tant à ce que nous dormions longuement, pourquoi ne passe-t-il jamais me voir, moi ?
Mes insomnies se répètent et mes paupières me semblent constamment lourdes. Je ne suis, en réalité, même pas sûre de vouloir m'endormir.
Car mes nuits ont tendance à être ponctuée de cauchemars lorsque Morphée me trouve.
Alors, maintenant, je ne sais exactement s'il s'agit du manque de sommeil, d'un agacement naturel ou bien d'un caprice d'enfant. Je parierais tout de même plus pour mon incapacité à ressentir de l'embarras, même dans les pires situations sociales.
Ce matin, en arrivant au travail, je n'aurais pourtant jamais cru me retrouver dans une telle position.
— MISTER SANDMAN ! PALALA, GIVE ME A DREAM, YOUHOU ! MAKE IT THE CUTEST THAT I EVER SEEN ! YIHAAA !
Une main se referme sur mon mollet mais j'agite la jambe, la chassant.
— GIVE HIM TWO LIPS, YEAAAAAH ! LIKE ROSES AND CLOVEEER ! THEN TELL HIM THAT HI...
— MADEMOISELLE (T/N), DESCENDEZ IMMEDIATEMENT DE CETTE TABLE !
Je sursaute, cessant de chanter.
L'homme qui vient d'hurler me dévisage avec hargne. Les rares cheveux blond vénitien sur son crâne font ressortir son teint cramoisi, formant un portrait assez inconfortable à regarder. Il est si rouge...
J'ai la sensation qu'il s'étouffe.
Il doit d'ailleurs effectivement manquer d'air car, dans un mouvement de colère, il desserre la cravate beige nouée par-dessus son costume brun.
— Salut, Monsieur Gérard ! je lance dans un large sourire, agitant la main.
L'intéressé continue de me foudroyer du regard, n'ayant visiblement pas apprécié le concert improvisé que je viens de donner.
— Je n'aurais jamais cru dire cela un jour, marmonne-t-il en épongeant son front couvert de sueur. Mais vous vous trouvez dans l'enceinte d'une chaine télévisée, les gens travaillent ici alors descendez de cette table et arrêtez de chanter !
— Vous enfreignez ma liberté artistique, je proteste en croisant les bras.
— Et vous, vous empêchez vos collègues de travailler !
J'observe ces derniers.
Debout en plein milieu de cette openspace — sur une table — j'ai un point de vue inédit et presque omniscient sur cet étage de l'immense immeuble de notre chaine télévisée.
De la moquette grise aux murs tout aussi déprimant en passant par les trois différents ilots de bureaux bruns répartis dans la pièce, j'ai une vision nette de cette salle dans laquelle je travaille depuis trois années.
Habituellement, je suis assise à l'un des cinq bureaux sur lesquels je me tiens debout, maintenant. Plus loin, trois autres sont consacrés aux correcteurs et, de l'autre côté, les quatre derniers forment le coin des graphistes. Autour de nous, trois fenêtres se trouvent séparées de multiples rangées de classeurs en tout genre.
Ce bureau a toujours été assez déprimant.
— Je crois au contraire que je les divertis, je proteste.
— Vous êtes dans le déni ! Regardez-les !
Les graphistes me fixent depuis leur coin, passablement ennuyés. Cependant les correcteurs, eux, dissimulent le sourire étirant leurs lèvres.
Quant aux quatre autres personnes normalement assises avec moi, elles sont éparpillées dans la pièce. Deux boivent à la fontaine, un autre cherche un dossier parmi les étagères et la dernière, elle, est juste à côté de moi.
Elle est celle qui a essayé d'attraper mon mollet pour me faire descendre, pendant que je chantais.
— Je ne vois que des visages radieux, je proteste en mentant éhontément.
Monsieur Gérard soupire, levant les yeux au ciel.
— Descendez de cette table et laissez vos collègues travailler ! On est dans un journal, ici, pas dans un cirque !
— Je refuse ! je scande.
En toute honnêteté, je ne sais toujours pas comment l'idée de monter sur le bureau d'un collègue et de hurler une chanson à huit heures du matin m'est venue en tête. Peut-être les insomnies récurrentes ont eu raison de ma retenue, je suis sans doute trop fatiguée pour faire des choix éclairés et dotés de bon sens.
Ou alors je souhaitais emmerder mes patrons.
— Je sens la fièvre musicale monter en moi ! Allez, une chanson ! Une autre ! Faut que ça sorte ! Donnez-moi un titre !
— Wildest Dream !
— Ne l'encouragez pas ! fulmine notre supérieur en jetant un regard noir à mes collègues.
Seulement ses grondements sont vains. Mes collègues, connaissant ma situation, frappent dans leurs mains pour m'encourager, marquant le rythme. Certains s'y refusent mais la plupart rient.
Là est mon heure de gloire. Le spectacle commence.
— SAY YOU'LL REMEMBER ME ! STANDIN' IN A NICE DRESS ! STARIN' AT THE SUNSET, BABE ! RED LIPS AND ROSY CHEEKS ! SAY YOU'LL SEE ME AGAIN ! EVEN IF IT'S JUST IN YOUR ! WILDEST DREAMS, AH, HA ! WILDEST DREAMS, AH, HA !
Ponctuant mon chant, j'ouvre les bras à la manière d'un cycliste franchissent la ligne d'arrivée, prête à recevoir les applaudissements. Ceux-là ne se font pas prier, déferlant sur moi en ovations. Quelques sifflets retentissent même, saluant ma performance.
Cela ne dure quelques secondes. Le silence revient doucement et je regarde mon supérieur avec un sourire malicieux.
— Alors ? Je suis virée ?
Levant les yeux au ciel, il pousse un simple soupir avant de tourner les talons.
Mes collègues huent en chœur tandis que monsieur Gérard disparait dans son bureau, fermant la porte derrière lui. Mes épaules s'affaissent en réalisant que mon plan n'a pas porté ses fruits.
— Désolé, (T/P) ! Ce sera pour une autre fois ! me lance Ahmed, continuant de chercher son dossier dans les étagères.
Je pousse un cri de frustration, donnant un coup de pied dans le vide.
— Mais c'est pas possible... IL FAUT FAIRE QUOI POUR SE FAIRE VIRER, ICI ?
Tombant à genoux, je pousse un râle plaintif en fermant les yeux. Une main tapote mon épaule dans un geste se voulant réconfortant.
Les secondes s'écoulent et j'entends chacun retourner à ses occupations. Le bruit des téléphones retentit ainsi que celui des ordinateurs s'allumant. Je sais que je devrais les laisser travailler, maintenant.
Mais désespérée, j'insiste :
— Sérieux, les gars. Je prends n'importe quelle idée.
— Urine dans les plantes du patron. Méthode testée et approuvée.
Silence.
Plus personne ne parle. J'ouvre les yeux, atterrée. Toutes les têtes sont tournées vers Ronald qui vient de prendre la parole.
Je soupire.
— Impossible. Il n'a pas de plantes.
— Sérieusement ? s'indigne une graphiste, de l'autre côté de la pièce. C'est la seule raison qui t'en empêche ?
Mes sourcils se froncent et je hausse les épaules.
— Bah... Tu veux quelle autre raison ?
La rouquine écarquille les yeux et brandit le plat de ses mains, comme si la réponse lui semblait évidente :
— Je sais pas... Peut-être le fait que c'est absolument écœurant ?
— Il en faut plus pour m'arrêter.
— Espèce de tarée, soupire-t-elle.
Comprenant que tous ont repris leurs occupations et que le brainstorming est terminé, je descends enfin du bureau. Le silence se fait à nouveau, seulement ponctué du bruit des doigts sur les claviers. Je marche en direction de l'ascenseur, au fond de la salle.
Nul n'est étonné de me voir m'en aller maintenant. Après tout, depuis plusieurs jours, mes matinées se résument à cela. J'arrive au bureau, me donne en spectacle en espérant être renvoyée, essuie un refus et repars chez moi.
— Salut, la compagnie, je lance quand les portes de l'ascenseur s'ouvrent devant moi.
— Au revoir, (T/P) !
— Bon courage, ma belle !
— Salut !
Je souris en me retournant, leur faisant face. Certains ont pris la peine de se détourner de leur ordinateur pour me sourire. D'autres se contentent d'un signe de main.
Les portes se referment et je soupire.
Mes collègues sont extrêmement gentils, pour la plupart. Tous comprennent ma situation, alors ils ne m'en veulent pas réellement pour le temps que je leur fais perdre chaque matin.
Seulement, j'espère réellement que ce cirque va bientôt prendre fin.
— Et c'est reparti pour un tour, je chuchote tristement en appuyant sur le bouton du rez-de-chaussée.
Après trois années de bons et loyaux services, j'ai malheureusement eu besoin d'argent en urgence. Alors, justifiant d'être capable de la rembourser plus tard, j'ai demandé une avance de salaire.
Qu'ils ont refusé.
Mettant en avant le nombre d'articles, d'heures supplémentaires et de paperasses effectuées, j'ai demandé une augmentation.
Qu'ils ont refusé.
Décidant que ce que je devais payer était plus important que ma carrière, j'ai demandé une rupture conventionnelle de contrat.
Qu'ils ont refusé.
Mon salaire ne bougera sous aucun prétexte. Mon contrat de travail m'interdit d'avoir un autre emploi. J'ai déjà vendu le peu de meuble que je détenais et, si je démissionne, on ne me dédommagera pas.
Alors je n'ai plus qu'une seule solution. Me faire renvoyer.
La chaine télévisée, pourtant richissime, refuse cela. Qu'importe le nombre de fois où j'ai interrompu des réunions, les dossiers que j'ai rangé au hasard, les célébrités devant être interviewées à qui j'ai raccroché au nez ou même le fait que je ne reste qu'une heure au travail avant de rentrer chez moi...
Ils ne comptent pas me payer des indemnités de départ alors ils ne me renverront pas.
— Salut, Jade ! je lance à l'agent de sécurité en franchissant les portiques marquant l'entrée de l'entreprise.
Dévalant les quelques marches menant au trottoir, je regarde le soleil encore timide. Nous ne sommes qu'au début de la matinée.
Seulement la clinique vétérinaire doit être ouverte.
Allant dans mon historique téléphonique, j'appuie sur le dernier numéro que j'ai appelé et porte l'appareil à mon oreille. Quelques tonalités retentissent.
— Cabinet vétérinaire Sourriseau, bonjour ?
— Oui ! C'est (T/P), je voulais juste savoir si...
— Non, mademoiselle (T/N), me coupe la voix féminine qui semble soudain beaucoup plus ennuyée. N'insistez pas.
— Mais vous ne savez même pas ce que je vais vous demander ! je m'exclame, outrée.
Un soupir me répond.
— Vous ne comptiez pas me demander d'opérer votre chien en me promettant de me payer plus tard, comme à chaque fois que vous m'appelez, c'est-à-dire deux fois par jour ?
— Je... Si...
Mes lèvres se pincent.
— C'est bien ce que je pensais, reprend l'assistante vétérinaire avec ennui. Alors, je me répète : nous ne sommes pas un bar, nous ne tenons pas d'ardoise.
Je sens ma gorge s'étrangler et mes yeux s'humidifier, comme à chaque fois que je parle avec cette dame. Elle n'a jamais été particulièrement sympathique mais, plus j'insiste, plus elle perd patience et plus elle en devient méchante.
Mon souffle se coupe et, paniquée, je couine :
— Mais, vous ne comprenez pas... Il doit vraiment être opéré ! Je ne sais pas si... Et si je réunis pas l'argent assez tô...
— Raison de plus pour travailler au lieu de me téléphoner. Au revoir.
La communication se coupe.
Quelques instants, je demeure debout sur les escaliers, ne bougeant pas. Mes mains tremblent au bout de mes bras mais j'attends. Je ne sais exactement quoi.
Finalement, déglutissant péniblement, je range mon téléphone dans ma poche. Mon cœur se fait gros tandis que je réalise qu'encore une fois, j'ai échoué.
Mes épaules s'affaissent. Je dois rentrer, maintenant.
Il m'attend.
𔘓
salut !
alors je reviens avec
le début de la réécriture
de cette fanfiction.
je tiens à m'excuser car je
me suis vraiment foirée au
niveau de l'organisation et
j'aurais dû poster une note
avant de dépublier tous les
chapitres.
avec les problèmes liés à
mon compte, je n'ai pas pu
poster la note en question et,
au moment où je vous écris
cette nda j'espère réellement
que je pourrais poster ce
chapitre car cela fait trois
jours que je ne peux plus
rien poster sur aucune ff.
quoi qu'il en soit, je tiens à
vous remercier pour votre
soutien lorsque j'ai parlé de
la réécriture sur mon profil
ou même sur instagram !
je suis désolée pour celles et
ceux qui étaient en train de
lire l'ancienne version, si ça
peut vous rassurer, cette ff
ne serait allée nul part, je ne
savais plus ce que je faisais
avec donc vous n'avez pas
raté grand chose.
en revanche celle-ci sera
écrite avec passion, je
vous le garantis !
𔘓
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