──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟒𝟐
L E J E U D E
— C A R T E S —
La journée a été éreintante, pour Eren. Je le vois à la manière qu’elle a eu de marquer son visage. Des cernes creusent ses yeux qu’il a gardé ouvert tout le long du voyage. De la graisse orne la racine de ses cheveux châtains. Une odeur se dégage de son sweatshirt.
Doucement, je replace une de ses mèches derrière son oreille.
En arrivant tout à l’heure, Eren m’a proposé de m’emmener dans son hôtel. Il a réservé une suite luxueuse et espérais pouvoir m’offrir un massage ainsi qu’une séance de spa. Avant, il a aussi proposé de m’emmener au restaurant.
Touchée, j’ai volontiers accepté, lui demandant de me laisser le temps de me rafraichir. Filant dans la salle de bain, j’ai ouvert ma trousse de toilettes. Dégainant brosse à dent, nettoyant, produit pour peau et maquillage, je me suis faite une beauté.
A toute vitesse. Mais trop lentement, à priori.
— Tu devais être épuisé, mon amour, je chuchote.
Quand je suis rentrée dans la chambre, il se trouvait assis sur une chaise, à côté du lit. Sa tête renversée, il s’est endormi dans cette position.
Il devait être profondément éreinté car il n’a même pas réagi lorsque, poussant la chaise, je l’ai fait rouler sur le lit. Il a atterri sur le flanc, en travers du matelas. J’ai dénoué ses cheveux pour que son chignon ne le gêne pas, ôté ses chaussures, retiré ses bagues.
Remontrant la couverture à ses épaules, je dépose un baiser sur son front. Il remue dans son sommeil, grognant. Je souris en le regardant s’installer mieux.
Il avait définitivement besoin de dormir.
Sortant un carnet de ma valise, j’en arrache une page avant d’inscrire un mot dessus :
« Je sors faire des courses dans le supermarché en bas de l’hôtel. Ne t’affole pas. Reste te reposer. »
Saisissant la carte de ma chambre ainsi que mon téléphone, je m’en vais. Veillant à fermer la porte aussi doucement que possible derrière moi, je jette un dernier regard à la silhouette endormie d’Eren.
Au même moment, mon téléphone vibre dans ma poche. Le saisissant, j’aperçois le visage de Noor s’afficher sur l’écran. Mes sourcils se froncent et je décroche.
Mon estomac se noue nerveusement et je porte le téléphone à mon oreille.
— Al… Allô ? ma voix se serre et se perd.
— Allô, (T/P) ?
J’entends dans sa voix qu’elle est aussi appréhensive que moi. Je ne sais pas exactement pour quelle raison elle m’appelle mais elle doit en avoir gros pour ravaler sa fierté et me contacter.
Alors, marchant jusqu’à l’ascenseur, j’atteins ce dernier.
— Je peux t’aider ? je demande.
— Oui, enfin… Non. C’est moi qui aimerais t’aider. Je sais que tu as affirmé que tu ne viendrais plus sonner à ma porte, mais…
Je sens son hésitation. Seulement ma curiosité est piquée au vif. Je toussote, m’éclaircissant la gorge.
— Dis-moi.
Je dois avouer que ma curiosité est piquée.
— Jean m’a parlé de votre… conversation.
Mon estomac se noue. Les portes de l’ascenseur se referment et la cage bouge.
— Cela ne me regarde pas mais, sache que la vérité est différente de ce qu’il t’a dit. Je te vois, de loin. Tu as l’air vraiment épanouie, depuis que tu es avec Eren.
Mon cœur bat à toute allure et du sang pulse dans les veines de mes tempes.
— S’il-te-plaît, ne renonce â ce que tu as pour les bêtises que te raconte Jean.
— Noor, c’est vraiment gentil de ta part mais j’en ai parlé avec Eren et j’aimerais que ça reste entre nous, je chuchote.
— Non, je… Je comprends, mais…
Sa voix se serre, partant dans les aigües. Elle se tait quelques instants avant de soupirer.
— Non, oublies… C’était stupide.
— Non, ça ne l’est pas, je la rassure tandis que les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Je sais ce que tu essayais de faire et ce n’était pas stupide du tout. C’était gentil.
Elle essaye de se racheter. Je suppose qu’elle se sent encore coupable.
— Noor, tu ne me dois rien.
— Oui, mais…
Je comprends sa douleur. Pas un instant elle ne s’imaginait que je mettrais un terme à cette amitié et elle peine encore à réaliser que cette dernière est finie. Mais il lui faut accepter ce qu’il s’est passé.
Je ne lui fais plus assez confiance.
— D’accord, finit-t-elle par céder dans un soupir ému. Demande-lui juste quand il a décidé de quitter Charlotte. Pourquoi.
Mes sourcils se froncent. De quoi parle-t-elle ?
— Au revoir, (T/P).
— At…
Mais la communication se coupe. Frustrée, plantée au beau milieu de l’hôtel, j’observe mon écran de téléphone. Je ne sais pas réellement quoi penser de la conversation que nous venons d’avoir.
J’ai bien compris que les ex-petites-amies d’Eren étaient un sujet douloureux pour lui. Je ne sais exactement qui était Charlotte mais, si elle était la dernière, je préfère ne poser aucune question.
Le sujet est douloureux pour lui et je le conçois. Je me sens déjà coupable de l’avoir forcé à m’en parler.
Un soupir me prend et je range mon téléphone.
— Good evening, me salue le portier en ouvrant la porte.
Je souris, le dépassant. Seulement mes lèvres retombent aussitôt que je franchis le seuil. Le froid du soir arrivant me mord et je frissonne.
Je suis encore sous le choc des révélations que m’a faite Eren.
Je suis furieuse.
J’ai connu l’addiction. Si Noor n’avait pas veillé sur moi, je ne sais dans quelle situation j’aurais pu finir, juste pour boire. Peut-être une similaire à Eren. Alors je suis furieuse.
Contre cette ordure qui a profité de son état. Contre son père qui n’a jamais été qu’un connard. Contre toute cette situation.
J’ai tellement mal pour lui.
Comment a-t-elle pu oser ? Profiter d’une personne prisonnière d’une telle détresse… L’humain me répugne.
— Good evening, je chuchote en arrivant dans une épicerie.
Le caissier me sourit. Mon cœur siffle tandis que je commence à choisir des aliments, en rayon. Mes doigts tremblent et mes yeux s’imbibent.
Cette connasse n’a pas intérêt a croisé ma route.
♤
♡
PDV
E R E N
♧
Où est-t-elle ?
Mes sourcils se froncent et je me retourne. Les draps sont doux mais il manque quelque chose pour que je sois réellement confortable.
— (T/P) ? j’appelle.
Cependant elle n’est pas là.
Je me relève brutalement, mon cœur battant à toute allure. Non. Ce n’est pas possible. Où est-t-elle ? Est-t-elle partie ? M’a-t-elle abandonnée ? A-t-elle honte ?
Non. Je ne veux pas.
C’est précisément pour cette raison que je ne voulais pas lui en parler. Apprendre que son petit-ami se prostitue… Elle a dû être répugnée par moi.
— Merde, qu’est-ce que j’ai fait ? je lâche, prenant ma tête entre mes mains. Oh non, qu’est-ce…
Le bruit du déverrouillage de la porte retentit. Cette dernière s’ouvre et je me redresse brutalement.
Elle apparait. Debout dans l’encadrement, des sacs en carton chargés dans chaque main. Un sourire fend son visage et ses yeux s’illuminent quand elle me voit levé.
Bon sang, ce qu’elle est belle.
— Tu es réveillé ? T’as pas vu mon mot ? T’aurais dû te recoucher !
Un mot ? Quel mot ?
Je tourne la tête et aperçoit la page d’un carnet déchiré, sur la commode. Sa jolie écriture orne le bout du papier et je lui jette un regard à la dérobé tandis qu’elle commence à déballer les courses.
Ne résistant pas, je me lève. Dos à moi, elle sort quelques ingrédients et mes mains se posent sur ses hanches, mon torse se plaque à son dos.
Glissant mon visage dans le creux de son cou, j’inspire une bouffée de son parfum. Elle sent si bon.
Je dépose un baiser sur sa tête.
— Je t’aime.
Je la sens tressaillir contre mon corps. Ses yeux s’écarquillent quand elle se tourne vers moi. Puis, un sourire aux lèvres, elle murmure :
— Moi aussi, je t’aime.
Je vois des larmes perler dans ses yeux. Son visage se pose dans ma main lorsque je caresse sa joue. Elle sourit contre moi.
Bon sang, je suis chanceux.
— Dis… Est-ce que tu as honte ?
Ma question semble la prendre de court. Je ris nerveusement, reculant d’un pas.
— Je veux dire… Apprendre que j’ai couché pour une dose, ça doit être décevant, pas vrai ? Répugnant ou…
— Eren.
Sa voix est sombre lorsqu’elle m’appelle. Me tournant vers elle, je la vois faire un pas. Aussitôt, elle saisit mon visage entre ses mains.
Ses paumes fraiches m’apaisent.
— La seule chose répugnante, c’est elle. L’addiction est une maladie. Elle a profité de quelqu’un de malade. Jamais je ne serais écœurée par toi.
Des larmes perlent dans ses yeux.
— Je suis juste tellement horrifiée qu’elle t’ait fait ça.
Son pouce caresse ma pommette et je sens mon cœur se calmer à ce toucher.
— Eren, écoute-moi bien ? Tu n’as rien à te reprocher. D’accord ?
Une larme coule sur sa joue.
Cette vision me fait un effet étrange. Je crois que je me sens apaisé. J’avais besoin d’entendre ces mots. Que quelqu’un me comprenne.
Quelque chose d’humide caresse ma joue. Je pleure aussi. Elle essuie ma larme. J’ai besoin de la sentir contre moi.
La serrant dans mes bras, je dépose un baiser sur son crâne.
Oui. J’avais définitivement besoin d’entendre cela.
et on retrouve un peu de
calme
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