──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑𝟓
L E J E U D E
— C A R T E S —
EREN MET énormément de temps à revenir. Cela ne me surprend guère. Un cri a retenti, il y a une dizaine de minutes, depuis le salon.
« Oh, mais pincez-moi ! Eren Jäger ? Comme tu as grandis ! »
Assis à genoux sur le sol, je continue de plier les immenses piles de linges qu’a amassé Eren. Elles apparaissent moins grandes ainsi et, surtout, tiendront plus facilement dans les bacs à linge, ce qui nous occasionnera moins de voyages.
En jetant la cocaïne aux toilettes, tout à l’heure, j’ai trouvé dans son armoire un paquet non entamé de bicarbonate de soude ainsi qu’un coffret d’huiles essentielles non ouvert qui semble lui avoir été offert par sa mère avec un diffuseur.
Retournant dans la chambre, j’ai arraché les draps du lit ainsi que la couette et les ai pliés avant de les mettre dans la pile à laver. J’ai ainsi fait la même chose avec le reste des vêtements.
Me relevant dans un soupir, je regarde le matelas à nue. L’alèse qu’il avait mise dessus l’a protégé des tâches car je n’en vois aucune. J’ai quand même saupoudré de bicarbonate sa surface et, tout à l’heure, nous l’aspirerons.
— Et bah, putain, c’était du boulot…
Des bibelots en tout genre sont disposés sur le sol. Nous nous en occuperons après. J’entreprends tout de même d’extirper quelques assiettes sales et verres que je pose sur le côté.
Après avoir déplacé le linge, nous ferons pareil avec les déchets puis la vaisselle que nous laverons. Ensuite, peut-être dans quelques jours, nous trierons les bibelots.
Soudain, la porte s’ouvre. Me plaçant à genoux, je fais face à Eren qui écarquille les yeux.
— Oui, je sais ! je m’exclame. Mais, même s’il est sale, il prend moins de place quand il est plié, le linge ! Tu vois, il n’y en a pas tant que ça… Peut-être même qu’avec les trois paniers à linge, on aura qu’un seul voyage à faire !
Il ne répond pas, les yeux écarquillés.
— Et j’ai trié les déchets donc quand on aura lancé les machines, on mettra le verre dans un bac, le plastique dans un autre et le reste dans des sacs poubelles qu’on entassera dans le dernier.
Il se met à marcher. Mais son silence m’angoisse. Il pose les bacs pliés sur le sol.
— Pour le matelas, je crois que y’a une étape que tu vas aimer ! J’ai mis du bicarbonate de soude et pour faire sortir les impuretés, on m’a toujours dit que ce serait bien de sauter à pieds joints partout sur la surf…
Tombant à genoux devant moi, il saisit mon visage entre ses mains et m’embrasse.
Surprise, j’écarquille les yeux tandis que ses lèvres happent les miennes. Le baiser dure quelques instants. Simple, sans mouvement.
Mais profond.
Il recule doucement. Sa main demeure sur ma joue et il caresse ma pommette, me regardant.
— J’ai tellement de chances de t’avoir…, chuchote-t-il.
Mes sourcils se haussent et il dépose un baiser sur le bout de mon nez.
Puis, sans plus de cérémonie, il se retourne et saisit un panier qu’il déplie. Je le regarde empiler le linge, interdite.
Sa déclaration était aussi tendre que brutale.
— Je... Attends, je chuchote. Mets-les dans l’autre sens, ça nous prendra moins de place.
Il me regarde, hébété.
Encore frissonnante de son baiser, j’avance, incertaine, jusqu’au bac. A genoux devant celui-ci, je saisis le linge que je change de position. Au lieu de les empiler, je les coince côte à côte dans la longueur.
Le brun me regarde faire, en silence. Un instant, je pense qu’il essaye de comprendre les mouvements de mes mains.
Je me tourne pour lui parler mais ma gorge se serre.
C’est moi, qu’il regarde. Ses yeux observent mes lèvres avant de retrouver mes pupilles.
— Désolé, chuchote-t-il. J’étais distrait.
Mon estomac se soulève et je frissonne.
— Tu… Tu n’as pas à t’excuser… Tu as peut-être besoin d’une pause ou…
— Oh putain, oui.
Là-dessus, il fond sur moi. Je pousse un cri de surprise quand nous basculons tous les deux en arrière.
Il atterrit au-dessus de moi, un sourire doux étirant ses traits.
Ses cheveux chatouillent mon visage, caressant mes joues et je bouge la tête, tentant de m’en défaire. Il ne remue pas d’un seul centimètre, me regardant me débattre avec ses mèches.
— C’est très drôle à regarder…, chuchote-t-il.
— Espèce de trou du cul.
Il éclate de rire et je ne peux pas m’empêcher de l’imiter. Puis, je saisis un de ses poignets. Il se laisse faire, se maintenant grâce à son autre bras. Je fais glisser l’élastique autour de la base de sa main jusqu’à ses doigts.
Il m’observe tandis que je cale l’objet entre mes dents. Un sourire étire ses lèvres et ses yeux se plissent. Concentrée, je lève ses cheveux sur le sommet de son crâne en tendant les bras. Puis, à l’aveugle, je les noue.
Le chignon que je viens de faire ressemble approximativement à rien.
— Magnifique, je chuchote.
— Digne des plus grands ?
— Digne des plus grands.
Un rire franchit ses lèvres et il se penche, déposant un baiser sur les miennes. Mon estomac se tort et il s’allonge à côté de moi.
L’imitant, je roule sur le flanc pour lui faire face.
— J’y pensais tout à l’heure…, chuchote-t-il. Mais le voyage où Hafeez veut nous emmener…
— On va être dans la merdre.
Le travail est à rendre la semaine prochaine et nous n’avons toujours rien fait.
— Je crois bien qu’on va devoir passer du temps ensemble.
— Oh non, je lâche sans conviction. Encore ?
Il rigole doucement en caressant ma joue. Un silence prend place, doux, tandis que nous nous regardons.
Il s’éternise et mes yeux se perdent dans le vide.
— Tout va bien ? demande-t-il.
Je frissonne.
— Je…
Je m’apprête à lui mentir quand je croise son regard sincèrement inquiet. Réalisant que le fait de me laisser voir cette chambre et évoluer dedans est un geste conséquent pour lui, je saisis que je ne peux dire autre chose que la vérité en le regardant droit dans les yeux.
— Je… J’espérais qu’en me forçant, cela s’arrangerait… Mais je n’ai plus aucune confiance en Noor.
Il m’observe, sa main s’entrelaçant dans la mienne.
— Et le pire c’est que ce n’est pas réellement de sa faute ni de la mienne. Je suppose qu’une amitié ne peut pas survivre à de telles épreuves, pas quand elles arrivent en même temps…
— Noor avait besoin d’aide mais n’a pas osé te le dire car elle savait que tu faisais face à tes propres démons, chuchote-t-il. Et malheureusement, même si elle a essayé de lutter contre ça, la haine qu’elle a reçue a façonné une rancœur en elle.
J’acquiesce, le cœur gros.
— Je sais qu’elle ne voulait pas me faire du mal mais les paroles qu’elle a dites, même sur le coup de la colère, resteront.
— Tu as essayé d’en parler avec elle ?
Je secoue la tête de droite à gauche.
— Je n’ai pas envie…
— Tu as peur qu’elle se mette en colère.
Je nie à nouveau.
— Non, je crois plutôt que…, je chuchote tandis que ma gorge se serre. Je crois que je suis consciente que nous ne pourrons jamais récupérer ce que nous avions et… Tant que je ne lui en parle pas, nous pouvons continuer à faire semblant, rester dans le déni…
Une larme roule sur ma joue.
— Mais la vérité c’est que notre amitié est morte depuis longtemps et que nous ne faisons plus que prétendre.
Ma gorge se serre.
— Et je n’ai personne à blâmer, je…
J’éclate en sanglots.
Aussitôt, Eren m’attire contre lui. Mon visage se loge contre sa poitrine et sa main se pose sur ma tête. Dans l’ombre de son étreinte, dans sa chaleur, je me laisse aller.
Ma poitrine se secoue violemment tandis que je pleure à chaudes larmes.
— Je veux pas la perdre…
— Je sais, chuchote-t-il.
— Mais je l’ai déjà perdue.
— Je sais.
J’aimerais dire qu’il ne s’agit plus que de force. Qu’il me faut simplement emmagasiner assez de force pour me battre pour nous. Mais tout cela est faux.
Je n’ai plus confiance en elle. Je n’ose plus me confier à elle par peur d’être jugée. Je n’ai plus l’insouciance qui me caractérisait quand je la côtoyais.
— Noor c’était comme une bulle, je chuchote. Lui parler me coupait du monde, je pouvais parler du monde sans que celui-ci m’entende. Elle lavait mes doutes et…
Il caresse ma tête.
— …Et je n’avais pas remarqué à quel point ce qu’on avait était fragile.
Il continue à caresser affectueusement ma tête.
Le silence s’éternise et nous reculons. Je le regarde et remarque que ses yeux sont humides. Noor est son amie aussi.
Il a vu combien le harcèlement l’a détruite. Au point qu’il me haïssait, lorsqu’il m’a connue.
Mais il a vécu l’addiction et sait pertinemment combien cela peut détruire une relation avec nos proches.
Noor m’avait soutenu trop longtemps malgré mon alcoolisme. Il était normal qu’elle craque un jour.
Je ne lui en veux pas.
— Je crois que je vais aller lui parler, je chuchote.
Il acquiesce, caressant ma joue.
— Je le crois aussi.
le dialogue redouté
approche :/
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