──── 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟔









L  E    J  E  U    D  E
—     C    A    R    T    E    S     —


























             NOUS NE SOMMES finalement pas allés boire un verre. Eren a préféré prendre la direction de la chambre où, un paquet de chips chacun, nous discutons. En fond, un épisode d’une série défile. Nous ne l’écoutons même pas.

— Ecoute, ce que je sais c’est que j’en ai strictement rien à foutre, lance-t-il. Elle n’avait pas à se comporter comme ça. Et l’autre connard non plus.

             Je hausse les épaules. Cela fait plusieurs dizaines de minutes maintenant que nous discutons de tout cela et mon cœur se fait lourd dans ma poitrine. Néanmoins, je dois m’avouer soulagée par l’opinion du brun. Et peut-être même réconfortée.

             Cela fait plusieurs fois que mes disputes avec Noor me poussent à rentrer la tête dans les épaules et me flageller. A vrai dire, dire que je suis la seule que je blâme est faux. J’en veux constamment à la terre entière. A Noor de me prendre comme bouc émissaire. A moi de ne pas remarquer lorsqu’elle ne va pas bien. Au monde de lui donner raison.

— C’est une période compliqué pour elle… Elle a des problèmes, et…

— Putain, (T/P), on a tous des problèmes. C’est pas une raison pour faire chier le monde et se montrer odieuse comme ça.

             Pour la première fois, quelqu’un me soutient face à mon amie. Enfin, je ne suis pas sûre de pouvoir dire qu’elle est mon amie. Cette pensée me serre le cœur.

— Je n’aurais jamais cru que tu serais de mon côté. Après tout, Noor est ton amie, je remarque.

— Noor est même l’amie sur laquelle je peux le plus compter et je serais prêt à endurer beaucoup de choses pour elle. Mais elle merde avec toi. Et c’est pas nouveau.

             Je hausse les sourcils.

— Comment ça, c’est pas nouveau ? Tu veux dire que ce n’est pas la première fois que tu ne cautionne pas ce que Noor fait ? je demande.

             Il soupire, basculant la tête en arrière. Ses yeux se ferment et je ne peux empêcher les miens d’observer sa pomme d’Adam tressautant lorsqu’il déglutit.

— Noor est généralement gentille et compréhensive, mais… Je sais pas, avec toi, c’est différent. Elle a l’air de t’en vouloir à mort de pas comprendre ce qu’elle ressent alors qu’elle admet elle-même qu’elle ne t’en parle pas. Je sais pas, ça n’a aucun sens. Personne ne peut deviner quand quelqu’un ne va pas bien.

— A vrai dire, si…

             Il ouvre brutalement les yeux. Je baisse les yeux, observant l’intérieur de mon paquet de chips.

— Il y a une époque où j’y arrivais.

             Je le sens se redresser.

— Et qu’est-ce qu’il s’est passé ? demande-t-il.

— Je… J’ai commencé à boire. Rien n’était plus important que l’alcool, que moi, que mes tracas. Elle a enduré mon égoïsme. Et quand je suis devenue sobre, elle a enduré mes sauts d’humeur et a compris que tout continuerait de ne concerner que moi, mes problèmes, mon addiction…

             La vérité est qu’elle a toujours été là pour moi. Mais que je suis personnellement partie de sa vie il y a longtemps.

— Elle a vécu l’une des épreuves les plus douloureuses de sa vie et… Je n’ai pas été là. Tu sais… J’ai été vexée lorsqu’elle m’a dit que c’était dur d’aimer quelqu’un comme moi mais… Pour la première fois depuis des mois, elle allait se faire reconnaitre pour autre chose que sa religion, elle allait être quelqu’un à part entière et non juste une fille voilée. Elle allait exister pour ce qu’elle est et…

             Une larme roule sur ma joue.

— Et elle voulait que je sois là ! je m’exclame en fixant le plafond, tentant, en vain, de retenir mes pleurs. Mais à peine quelques secondes dans la salle et toute l’attention était sur moi. Comme avant, comme quand…

             Je ne termine pas ma phrase. Un soupir franchit mes lèvres et mes épaules s’affaissent. Je baisse les yeux. Il me regardait déjà, un léger froncement de sourcil pliant sa peau.

— Je pourrais être sobre depuis des années ou des jours, j’ai l’impression que je resterais toujours une alcoolique. Et Noor mérite mieux que ça. Tu sais… J’ai vraiment commis des choses affreuses quand j’étais alcoolisée. Et elle est restée. Je suppose qu’après s’être tant occupée de moi, elle a besoin d’être égoïste. Vraiment. Même si cela signifie qu’elle se montre injuste.

             Il acquiesce, les yeux brillants. Ces paroles valent pour lui aussi et il en a conscience. Je vois bien qu’il s’enterre dans son paquet de chips pour ne pas me faire voir la lueur dansant dans ses yeux. Il déglutit péniblement, visiblement touché.

             Regardant au loin quelques instants, il finit par se racler la gorge :

— Je n’ai pas été tout à fait honnête avec toi, (T/P).

             Je lève la tête. Je ne lui ai toujours pas parlé de ce que j’ai trouvé, ce matin. Le sachet de cocaïne dans ma poche est le sien. Mais, ne voulant le mettre dos au mur, j’ai préféré demeurer discrète à ce sujet.

             Je n’aurais jamais cru qu’il m’en parlerait de lui-même.

— Je n’ai absolument pas arrêté, lance-t-il. Rien n’a changé. Je consomme toujours.

— Bien sûr que si, ça a changé. Tu n’es plus dans le déni. Tu as compris que quelque chose n’allait pas et là est le pas le plus important.

             Il éclate d’un faible rire. Peu convaincu.

— J’aimerais en faire d’autres, de pas. Mais le truc c’est que je suis pas aussi fort que je le croyais.

             Ses yeux se posent sur moi. Mon cœur se serre en remarquant les larmes brillant dedans.

— Je n’y arriverais pas tout seul, chuchote-t-il.

             Je l’observe, acquiesçant lentement. Son menton tremble et il joue avec ses doigts, nerveux. Puis, dans un murmure, il lance :

— Aide-moi, s’il-te-plaît.

             Des larmes coulent le long de ses joues. Je me lève, mon cœur battant à toute vitesse. Tremblotant, il me regarde l’approcher et, dès que je suis à sa hauteur, enfouie sa tête dans mon ventre avant d’enrouler ses bras autour de ma taille. Mes yeux s’écarquillent, je mets quelques secondes avant de réaliser ce qu’il vient de se produire.

             Puis, mes mains se referment sur sa tête et je caresse doucement cette dernière, passant mes doigts dans ses cheveux. Il hoquète contre moi.














— Je vais t’aider, Eren. Je te le promets. Je t’aiderais quoi qu’il m’en coûte.








































— C’est tellement étrange… Et dire qu’on devait tous les deux partir aux Etats-Unis dans deux mois, déclare Eren.

— Cela ne va durer qu’un mois, on aura tout à fait le temps de s’engueuler à ton retour.

             Il rit doucement. Mais ses lèvres retombent assez vite en tournant la tête. Ses yeux viennent de se poser sur un vaste bâtiment aux allures de manoir d’époque trainant en plein milieu du centre-ville.

             La bâtisse est tout à fait charmante, avec ses balcons et ses parterres de fleurs. Mais la plaque noire gravée d’or certifiant « Centre de Désintoxication Amnesys » tranche avec le décor.

             Son sac dans une main, l’autre fourrée dans sa poche, il se tourne à nouveau vers moi.

— C’est pour le meilleur, Eren. Je te le promets.

— Je sais… Mais je n’ai aucune idée de ce que je vais retrouver à mon retour. Ni ce que toi, tu vas retrouver, d’ailleurs.

             Ses lèvres se pincent.

— Et si ça fonctionnait pas ? Tu sais, les films mentent. La plupart des gens ne parviennent pas à s’en sortir.

— Eren, la plupart des gens font effectivement des rechutes, comme moi, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont tous condamnés.

             Un sourire étire mes lèvres. Il acquiesce doucement, semblant enregistrer ce que j’ai dit.

— Bon, je suppose que le moment est venu de se dire aurevoir.

             Je reste plantée sur le trottoir, ne sachant s’il veut me serrer la main ou me prendre dans ses bras. Il semble le comprendre car il éclate de rire avant de poser son sac sur le sol et m’étreindre. Ma tête s’enfouit dans ses pectoraux et j’inspire son odeur, comprenant qu’elle me manquera davantage que ce que je m’autorise à accepter.

             Puis, nous reculons. Ses yeux émeraudes se plantent dans les miens et il attend quelques secondes, un sourire étirant ses lèvres. Celui-ci s’affaisse doucement tandis qu’il louche sur ma bouche. Ses sourcils se froncent. Je ne réagis même pas, comprenant.

             Sa main se pose sur ma joue. Mes paupières se ferment.

             Ses lèvres se pressent aux miennes dans un mouvement infiniment doux. Nous demeurons ainsi quelques instants, figés dans ce moment.

             Puis, il recule et déclare simplement :














— A dans un mois, (T/P).


























me tuez pas svp

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