𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟗𝟗
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 𝟗 𝟗
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L’obscurité est douce, contre moi. Elle s’allonge et se blottie juste là, autour de mon corps, prenant place dans un long moment apaisant. Elle me berce dans ses ténèbres, délicates et douces.
Soudain, elle remue. Dans l’écran de mes paupières closes, j’en distingue une ardeur rougeâtre l’illuminant de l’intérieur. Elle s’élève, crépitant.
La chaleur se fait plus tendre encore.
Mes yeux s’ouvrent, découvrant le ballet de flammes grimpant dans les airs. Elles tournoient et ondulent délicatement. S’élèvent sereinement.
— Tu es réveillée…
Un chuchotement, contre mon oreille. Puis des lèvres embrassent la peau en-dessous. Tournant la tête, je découvre deux iris smaragdines qui se plissent en un sourire.
Mirifique est le visage de Toji, à la lueur des flammes.
— Tu es là…, je murmure dans posant une main délicate sur sa joue. Tu es revenu.
— Je reviendrais toujours.
Sa paume se pose par-dessus la mienne. Nos fronts se touchent et je ferme les yeux, inspirant son odeur.
Que j’aimerai rester ici à jamais, là, au cœur des flammes apaisantes, en sécurité. Contre l’homme que j’aime, ma moitié.
Allongée sur lui, mon torse contre le sien, je me redresse quelque peu. Il me contemple de ses émeraudes, détaillant chaque trait de mon visage, laissant son doigt caresser les détails de mon faciès en un touché chaleureux.
— Je t’aime.
Son murmure coule le long de mon corps et caresse ma peau. Je dépose un baiser sur ses lèvres. Doux, à peine marqué.
A la manière d’un songe.
— Quelles sont belles, chuchote-t-il lorsque je recule.
— De quoi ? je demande, un sourire curieux aux lèvres.
— Les ailes du Phénix.
Mes yeux s’écarquillent et je me contorsionne, médusée, découvrant les sources de ses flammes, autour de nous. Un rire ahuri franchit mes lèvres quand je prends conscience que la splendeur que je vois est à moi, reliée à mon corps.
Immenses, deux ailes blanches s’étendent. Constituées de plumes d’une pureté maculée, elles scintillent presque. Seulement, les bords de ces pétales coruscants sont roussis, comme peints de lueurs écarlates.
Du feu. Mes ailes sont enflammées en un spectacle inégalé.
— Je… Elles sont à moi ? je demande, sentant un capiton d’euphorie éclater dans mon corps.
Me retournant vivement, je croise le regard de Toji qui acquiesce à toute vitesse, un sourire germant sur ses lèvres. Je pose mon front contre le sien et éclate de rire.
Il m’embrasse doucement. Sa main caresse mon crâne.
— Styx ne désigne pas d’Anges mais de Phénix. Ton pouvoir est similaire au mien mais quelques variations existent. Ceci dit, étant donné le lien étroit de nos âmes…
Je ne saisis d’abord pas ce qu’il dit. Il se redresse alors et je me recule dans les flammes, le regardant s’assoir. Là, une ombre grandit dans son dos.
Ses ailes percent sa chair et se déploient, sombres et magnifiques. Quand, soudain, je réalise qu’elles ne sont plus les mêmes qu’auparavant, nées des ténèbres absolues. Noires.
Leur bord a roussi et des flammes y dansent.
— Nous… Nous avons les mêmes ailes… Moi, blanches. Toi, noires.
— Les Phénix ne sont pas des Anges a proprement parlé mais de mauvaises traductions, il y a des siècles, leur ont attribuées un surnom… L’Ange de la Vie.
Mes sourcils se haussent. Je connais cette légende.
— L’Ange de la Vie et de la Mort n’est pas censé être…
— L’Ange Eternel.
J’observe ma moitié et mon tout à la fois, ce regard émeraude qui se plisse en un sourire doux. Et je ne peux m’empêcher de tendre une main vers ses ailes, recueillant un peu de ses flammes.
Elles coulent sur mes doigts à la manière d’un liquide. Assurément, ce feu provient du Styx.
— Je crois que l’heure est venue que l’Ange Eternel mette fin à cette merde, je chuchote en me relevant.
Le feu habillant mon corps chute alors, laissant place à un chiton blanc. Celui de Toji est noir.
Nous nous regardons quelques instants puis acquiesçons.
Là, le menton levé, nous posons pied hors des flammes. La salle du trône nous apparait alors. Brillante, large, immense.
Vide.
Un hurlement retentit à côté de nous. Nous marchons jusqu’au balcon, protégée d’un rideau opaque. Ce dernier se soulève, laissant voir le spectacle qu’offre Elio Evilans.
Debout sous l’arcade de la loggia, les mains posées sur la rampe traversée de lierre, il fait face aux jardins impériaux. Ceux-là, enflammés, illuminent la nuit noire qui tombe sur la sinistre guerre.
— N’AYEZ CRAINTE, CHERS VILLAGEOIS, CAR JE VOUS PROTEGERAIS ! NOTRE IMPERATRICE A PEUT-ETRE ETE ASSASSINEE, MAIS PAS NOTRE VOLONTE !
Des applaudissements, sifflets et cris retentissent, en contrebas. Je devine que la population s’est amassée dans le jardin.
Et ce, malgré le feu.
— LES DRAGONS QUI NOUS ONT ATTAQUES ONT ETE TUES ! ET L’INSTIGATEUR DE CET ODIEUX COUP D’ETAT AINSI QUE SON COMPLICE SONT EN PRISON ! MAIS ILS N’Y RESTERONT PAS…
Elevant les mains comme pour se nourrir des cris retentissants, il proclame soudain :
— DEMAIN, NOUS LES EXECUTERONS !
La foule hurle de plus belle, sautant sur place. J’échange un regard avec Toji, comprenant que notre tâche sera plus compliquée que ce que nous pouvions bien croire.
Si nous tuons Elio, la foule croira à un autre Coup d’Etat, et elle ne se laissera pas faire.
— MAIS A PRESENT, TUONS LE PLUS IMPORTANT DES TRAITRES ! CELUI QUI A TORTURE MA CHERE EGARCA !
Un hurlement retentit. Mon sang se glace. Me décalant doucement derrière les rideaux, j’observe ce qu’il se trame en contrebas. Toji se fige en m’imitant.
Autour d’une estrade, une femme a été attachée à un bucher. Les mains dans le dos, sa robe noire volant sous une brise douce, elle pousse un autre hurlement.
— JE SUIS EGARCA ! REGARDEZ-MOI ! JE SUIS VOTRE IMPERATRICE !
Mais les villageois frappent l’estrade, tentant de la faire tomber. Ils se pressent en une marée humaine autour de la pauvre femme.
— Elio leur fait subir une illusion, chuchote Toji à mon oreille. Ils ne remarquent pas Egarca et la confondent avec son tortionnaire.
— Pourquoi nous ne sommes plus victimes de ces hallucinations ?
— Disons que devenir ensemble l’Ange Eternel nous a fait gagner quelques galons.
Mon sang se glace. L’ultime bassesse d’Elio.
Tuer sa femme en utilisant comme arme la foule qui croit l’aimer.
— JE VOUS LAISSE CHOISIR… BÛCHER OU LYNCHAGE ?
— Nous devons agir.
— Mais si la foule réagit au décès d’Elio en tuant Egarca ?
— On volera jusqu’à elle.
J’acquiesce. Toji dit vrai. Il nous faut agir, sauver notre alliée.
Un dernier regard. Nous acquiesçons.
Avant de pénétrer la loggia.
Côte à côte, nous avançons. En silence, nous progressons sur la pierre du balcon, nous nourrissant de ce moment si tendu, aux relents de guerre et brise enchantée de victoire pressante.
La distance entre nous et Elio s’amoindrit. Il est si emporté par son délire, riant en écoutant la foule lui hurler son châtiment de prédilection, qu’il ne nous voit même pas.
Jusqu’à ce que les villageois lui hurlent de faire attention, que des ennemis sont là, tout près.
— Q…
Elio se retourne vivement et écarquille les yeux en me découvrant. Figé, elle balbutie :
— T… Toi ? Non. C… C’est impossible… Tu es censée être morte !
Je lis la frayeur dans ses prunelles tandis qu’il recule, s’éloignant de moi. Cependant son dos percute le torse de Toji et il hurle en le voyant.
Ses yeux glissent sur nos ailes et il tombe à genoux, joignant les mains en prière.
— N… Non ! Je ne savais pas qui vous étiez ! Je… Je suis désolé… S’il-vous-plaît, épargnez-moi ! Je ferais tout ce que vous voudrez !
Un rire franchit mes lèvres.
— Sullyvan.
— Q… quoi ? demande-t-il, surpris.
Toji répond à ma place.
— Je n’ai jamais compris pourquoi Lycus l’avait attaqué. Je veux dire, il n’y avait pas de sephtis, dans ses villageois. Seulement, peut-être qu’elle a cru qu’il y en avait car un certain Ange lui en avait donné l’impression.
Il secoue la tête à toute vitesse.
— N… Non ! Cette femme était folle ! C’était une vraie folle ! Elle aimait juste tuer ! Je vous jure !
— Ah oui ? Ce n’était pas lié au fait que tu ne supportais pas qu’un Ange soit plus puissant que toi ? Que Sullyvan ait à son côté une titane qui le rendait, la nuit, invincible ?
Il cesse de trembler, nous regardant quelques instants. Tour à tour, il nous observe.
Soudain, il disparait.
En une fraction de secondes, il déploie ses ailes et file dans le ciel.
Nous nous retournons, le découvrant en train de flotter au-dessus des villageois. Ses larges ailes déployées, attirant des cris de son peuple qui découvre qu’il est un Ange, lui qui l’avait si bien caché.
Mais il n’en a que faire, éclatant de rire.
— Jamais vous ne pourrez prouver quoi que ce soit face aux Dieux ! Et ils ne me jugeront pas sans preuve ! Alors si vous croyez que…
— Tu oublies une chose, Elio, je déclare dans un sourire.
Ses sourcils se froncent.
— Sullyvan… Tu l’avais attaqué de jour. Mais il fait nuit, maintenant.
Elio n’a que le temps d’afficher un air intrigué.
Ses yeux s’écarquillent soudain quand une lance jaillit de son torse. La pointe maculée de sang nous apparait tandis que la tige s’étend, dans son dos. Ses lèvres se décollent et du sang en coule.
Les villageois hurlent de terreur.
— Pour mon peuple, résonne soudain une voix.
Péniblement et oscillant, Elio se retourne, découvrant Sullyvan, flottant dans les airs. Ce dernier l’observe sombrement après l’avoir transpercé. Je reconnais la lance qui a failli le tuer, quand il est allé chercher Hector et Egarca.
L’Ange de la Lumière fixe celui de la Nuit quelques instants avant de s’effondrer au sol.
Son corps claque le jardin, soulevant un nuage de cendres. Sullyvan le rejoint, s’accroupissant à côté de lui. Il pose la main sur la tige de la lance.
— Et ça… C’est pour ma fille.
Brutalement, il remonte l’arme, déchirant le corps d’Elio en deux. Annihilant chaque vie, chaque pouvoir en lui.
Là-dessus, il se lève et acquiesce en notre direction. Nous l’imitons.
— Madame Egarca ?
— Votre Majesté ?
Les villageois, défaits de l’illusion d’Elio, réalisent peu à peu qui se trouve en face d’eux. Aussitôt, une femme gravit la scène et tranche les liens de la femme.
Celle-ci la remercie d’une caresse sur la joue avant de se tourner vers son peuple.
Il y a quelques choses de solennel dans la façon qu’ont ses liens de tomber au sol. Son torse se bombe avec élégance.
Le menton droit, fier, elle déclare :
— Peuple de l’Empire, j’ai entendu votre appel.
Toji et moi échangeons un regard. Nos doigts s’entremêlent.
La guerre est finie.
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enfin, il est moooort
j'espère que ce chapitre
vous aura plu !
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