𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝐎
✧
𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 𝟓 𝐎
✧
TOJI EST PRISONNIER du Tartare.
Je n’ai le temps de m’attarder sur cette pensée qu’un sursaut me prend. Mon nez me brûle soudain, ayant inspiré de l’eau. Quelqu’un vient de me jeter un verre au visage.
Brutalement, je me redresse. Les yeux écarquillés, je mets quelques secondes à réaliser ce qu’il se passe. Ma poitrine se secoue difficilement quand je croise une silhouette me montrant son dos.
Quelques boucles blondes tombent sur une nuque disparaissant sous un kimono brun. Mes sourcils se froncent. Cette posture droite, fière, même de dos, m’est familière.
Lorsque je réalise qu’il est la personne m’ayant réveillée avec ce verre d’eau, je regarde ledit verre qu’il tient dans sa main.
Des tatouages parsèment celles-ci.
— Sullyvan ?
— Lui-même, me répond cette voix énigmatique je commence à trop bien connaitre.
Mon cœur se serre difficilement et mon estomac se contracte. Je réalise que je suis allongée sur un lit et recule à toute vitesse jusqu’à sa tête, cherchant à mettre le plus de distance possible entre ma personne et lui.
Mes paumes habillées de sueur serrent les couvertures et ma gorge se serre.
Les Harpies. Des êtres torturants les plus vils damnés aux Enfers. Des créatures inspirant la crainte aux Dieux en personne. L’incarnation de la vengeance de l’Olympe…
Il les a vaincues sans même les approcher.
Qui est cet homme ?
— Je… Que me voulez-vous ? Où suis-je ?
Regardant partout autour de moi, je localise une fenêtre circulaire ancrée dans un cadran de mosaïque par laquelle filtrent les rayons du soleil. Ils caressent le lit dans lequel je me trouve, paré d’un capuchon de rideau transparent.
Autour de moi, les tons bruns et ocre dominent à travers les meubles de bois, les larges peintures à l’effigie des tribus du désert.
— Tu te trouves dans ma propriété. Cette chambre est celle de ma fille qui a eu la gentillesse de te confier sa pièce. Tu la remercieras comme il se doit.
Il ne me regarde même pas, demeurant dos à moi. Sa main repose le verre vide sur une commode ouvragé lui faisant face puis il ouvre un coffret posé dessus, jouant avec son contenu.
— La remercier ? je m’offusque. Je n’ai pas demandé à être ici.
— Tu me cherches et je le sais. Je t’ai accueilli.
— Tu m’as enlevée !
Tournant la tête, il me jette un regard par-dessus son épaule.
D’obsidiennes, deux iris si noires qu’elles ne semblent qu’un amas de nuit me regardent. Profondes, presque tétanisantes, elles imposent la vérité à la manière d’un cri de guerre.
Assurément, il est le soldat de Nyx.
Partant de ce regard façonné à-même les ténèbres, un nez droit tombe, surplombant des lèvres statiques. Immobiles. Méprisantes.
Aucune cicatrice. Pourtant, la vie a marqué ses traces en sa manière de consolider son visage.
Sullyvan est un enfant maudit. Et cela se lit sur ses traits.
— J’ai fait ce qu’il y avait à faire, annonce-t-il d’une voix grondante. Tu n’es pas blessée ni enchainée. Je ne considère pas avoir été plus brutal que la mission ne le nécessitait.
— La mission ?
Il se tourne à nouveau, fermant le coffret. Puis, en quelques pas, ses pieds se déplaçant sans bruit sur le sol de mosaïque, il s’assoit sur un coussin. Ses bras se posent sur ses genoux écartés.
Je l’observe faire, la gorge serrée. Soit, je suis venue le chercher. Seulement je ne le fais que parce qu’il s’agissait-là d’un ordre impérial. J’étais protégée par les Pages Ancestraux puis, les Harpies.
Seule, je ne fais pas le poids.
Encore plus après l’avoir vue maitriser des créatures du Tartare d’un simple geste de la main.
— Les Pages Ancestraux n’auraient pas fait le poids contre moi mais t’auraient tout de même menée à ta perte. Inutile de les laisser tuer l’amante d’un vieil ami.
Abandonnant son index sur ses lèvres, il marmonne, la mine songeuse :
— Je suis solitaire. Pas cruel.
Ma gorge se serre. L’amante d’un vieil ami ? Est-t-il réellement en train de parler de Toji ?
Soudain, ma poitrine se serre et je me redresse brutalement. Entre le sommeil et les rêves, la frontière a affranchit ma panique. Mais celle-ci revient maintenant.
— Le Tartare ! Il est au Tartare !
Ses yeux de Sullyvan se posent sur moi. Mais il ne répond pas.
— S’il est ton ami, aide-moi ! Je l’ai vu en rêve ! Il est au Tartare !
Le blond continue de m’observer, silencieux.
— Tu écoutes ce que je dis ? Tu as dit qu’il éta…
— Qu’il était un vieil ami, oui. Nous nous sommes liés dans la haine de Lycus. Nous lui devons tous les deux notre propre création, après tout… Notre état de malédiction.
Mon ventre se noue. Le regard de Sullyvan se fait lointain.
Toji est devenu un Ange de la Mort après un chantage odieux pratiqué sur ordre de Lycus. Sullyvan, lui, est né d’un sortilège interdit de la même personne.
Je suppose que là est la raison pour laquelle, malgré le fait que Mael et Lycus soient ses génitrices, ils ne les considèrent pas comme ses mères.
— Toji est…
— Non, il n’y est pas, me coupe-t-il brutalement.
Mes sourcils se froncent.
— Je sais ce que j’ai vu, je lâche. Il se faisait torturer ou…
— Le Tartare est un lieu fermé. On ne peut en aucune façon communiquer avec l’extérieur.
— Mais…
— Crois-moi. J’y suis né. Je sais comment les choses s’y passent. Toji n’est pas au Tartare. Le monde le saurait, sinon.
Mon souffle se coupe. Je ne sais trop quoi dire.
Sullyvan est radicalement différent du portrait que je m’étais dressée de lui. Moi qui l’imaginais, sournois, malsain et manipulateur découvre quelqu’un d’assez calme qui, quoi qu’évidemment impatient, plutôt serein.
Il ne m’a pas enchainée ni blessée. Les ravages qu’ont causé les grains de sable sur mon corps semblent s’être entièrement effacés. Comme s’ils n’avaient jamais existé.
Je n’insiste pas sur le sujet.
D’une part, je commence à réaliser qu’il dit vrai. Le Tartare est réputé pour être l’endroit le plus sécurisé des quatre royaumes. Sur terre, en mer, aux Enfers ou dans l’Olympe… Rien ne bat cette sureté. Alors peut-être ma tête me torture-t-elle.
Ma colère contre lui est grande, mais aussi bouleversée de révélations comme ce que j’ai infligé à son épouse. Je suppose que j’ai peut-être cru le rencontrer en rêve alors que ce n’était réellement que mon imagination qui cherchait à me rassurer...
Me faire le revoir quand je ne sais réellement pas où il est.
D’autre part, une parole précise prononcé par les Harpies me revient en tête.
— Je… Pourquoi ? je murmure. Pourquoi souhaites-tu faire ce que tu as prévu de faire ?
Sullyvan me regarde, aucune émotion n’habillant ses prunelles.
Je n’oublie pas qu’il compte commettre un génocide.
Soudain, un sourire venimeux étire ses traits :
— Et pourquoi pas ?
La noirceur de son regard m’arracherait presque un sursaut. Ma gorge se serre et je le fixe, soutenant ses prunelles ténébreuses tant bien que mal.
Je ne saisis plus rien.
Avec malice, il m’a révélée la vérité sur les intentions de Toji, le fait qu’il avait cherché à m’attirer à lui pour mieux me détruire. Puis, il a laissé entendre que Toji éprouvait certains sentiments pour moi puisqu’il m’aurait sauvée des Pages Ancestraux afin de ne pas laisser « l’amante d’un vieil ami » mourir.
Et à présent, il rit sur une tuerie de masse qu’il compte perpétrer.
— Je crois que je suis tombée sur les deux hommes les plus compliqués, meurtriers, fêlés, sournois et dangereux existants.
— Nous ne sommes pas des hommes mais des anges.
— Sérieusement ? je lâche. Il n’y a que ça qui t’a dérangé dans mon accusation ?
Il hausse les épaules d’un air distrait.
— Je suis assez conscient de qui je suis.
Ravie de l’apprendre.
M’observant quelques instants dans un silence inconfortable, Sullyvan pousse un soupir.
— Ce serait si mal ? demande-t-il.
Mes sourcils se froncent. Il comprend que je ne saisis pas.
— Les sephtis n’ont jamais eu le moindre pouvoir. S’il te tue, tu deviendras immortelle, pourra te métamorphoser, te téléporter, aura une force immense, tu… Tu seras littéralement une putain de déité.
Ma poitrine me tiraille à la simple énonciation des attributions du duc.
— Allons. Le remplacer ne serait pas si mal !
Je hausse les épaules.
Un sourire viscéral étire ses lèvres. Il me jauge quelques instants avant de laisser filer un rire inconfortable.
— Oh pitié, non… Ne me dis pas que c’est ça…
Penchant la tête sur le côté, il m’observe.
— Ce n’est pas le fait d’avoir été sur le point d’être changée en Ange de la Mort qui te dégoûte, n’est-ce pas ? C’est l’idée qu’il t’ait charmée pour arriver à ses fins ?
Je ne réponds pas, soudain bien embarrassée. Il éclate d’un rire sonore. Je me renfrogne, assez honteuse.
Mais il finit bien vite par reprendre son sérieux.
— Je ne comprends pas pourquoi cela te fait rire. Si tu voulais que je sois changée en Ange de la Mort, pourquoi ne pas l’avoir laissé parvenir à ses fins ?
— Je ne le voulais pas.
Arborant une mine boudeuse, Sullyvan regarde le sol quelques instants avant d’étayer :
— Il y a longtemps, Toji et moi avons passé un pacte qu’il n’a pas encore honoré. J’ai besoin de l’Ange qu’il est pour accomplir mon dessein. S’il t’avait passé le flambeau et avait cessé d’être un Ange, il m’aurait été d’une absolue inutilité.
Ma gorge se serre. Amère, je crache :
— Et comme je suis une sephtis, je suppose que venir me voir après pour me demander de l’aide dans le plan de massacrer une nouvelle fois les sephtis aurait été gênant ?
Ses sourcils se froncent brutalement.
— Les sephtis ? répète-t-il.
Sa surprise me prend de court. L’observant quelques instants, je lâche :
— Bien… Comme celle qui t’a créé, je suppose que nous sommes la cible de ton génocide ? Nous… Le peuple maudit des Dieux.
— Crois-moi, je sais ce que c’est que d’être maudit et vous ne l’êtes pas.
Sa voix est sombre quand il crache ces mots.
Hébétée, je ne dis rien. Doucement, j’attends qu’il reprenne la parole. Il se montre hésitant, regardant le sol avec colère.
— Les Sisnasas sont un Ordre créé pour détruire les « maudits ». Les gens comme toi… Et les gens comme moi.
Il passe une main sur son visage.
— Il y a longtemps, une femme s’est donnée mission de décimer ce peuple… La Prêtresse Nime.
Ce n’est pas la première fois que j’entends ce nom.
— Moi… Je veux simplement poursuivre sa volonté.
— Quoi ? je lâche, incrédule, attirant son attention. Alors le peuple que tu veux massacrer… Ce sont les Sisnasas ?
Il me jauge quelques instants, une ombre planant sur ses traits.
— Tu n’as aucune idée de ce qu’ils m’ont pris.
Sa voix, grondante, m’arrache un frisson.
Quelques instants, j’encaisse le choc de ses révélations. La chaleur du désert s’amplifie sous la force de son aura. Une force grondante exulte de Sullyvan en permanence.
— Alors où est Toji ? je chuchote. S’il n’est pas au Tartare et que tu as besoin de lui… Où est-t-il ?
Les yeux de Sullyvan me jaugent.
— J’ai menti.
Il observe ma réaction, interdite.
— Il ne t’a pas charmée par intérêt. Nyx m’a révélée que, même avant que tu subisses la cérémonie de l’Ash, il était profondément amoureux de toi. Un amour si sincère que, même s’il se souviendrait plus de toi après, il te retrouverait d'une façon et t’aimerait à nouveau... Ce qu'il a fait.
Mon souffle se coupe.
— Alors… Je t’ai enlevée en espérant que cela mènerait à sortir de sa cachette, où qu’il soit.
Ma gorge se fait sèche.
Quoi ?
✧
oula, oula...
que de révélations !
et surtout... ça fait
deux fois qu'on apprend
que toji et tp, avant tout
ça...
bah c'était déjà quelque
chose quoi ~
✧
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top