𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟒
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 3 4
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LA MAIN DE l’Ange de la Mort est toujours posée sur l’épaule de Lycus. Cette dernière ne bouge pas d’un centimètre, visiblement pétrifiée. Les autres ne semblent pas non plus prêts à la défier.
Après tout, ils sont des prêtres et elle, c’est une divinité.
— Alors, que comptiez-vous faire à ma sephtis ? susurre l’Ange, penchant la tête par-dessus l’épaule de Lycus pour croiser son regard.
Je frissonne.
La dernière fois que j’ai vu cette déité, je l’appelais Némésis et voyais en elle une créature aimante. Cependant, aujourd’hui, je découvre que tout n’a été que mensonges durant près d’une décennie.
Autour de nous, tous les prêtres se sont levés. Seulement aucun ne bouge, respectant le statut de divinité de l’Ange.
Les anges sont originellement des humains ayant été sacrés par les Dieux. Ils ne sont pas au même niveau que les Dieux et Déesses mais sont tout de même des créatures devines.
Et l’Ange de la Mort est donc plus puissante, seule, que les douze personnes autour de moi réunies.
— Allons, ma chère, lance-t-elle en posant son regard sur moi. Finis ce que tu avais à dire.
Ma gorge se noue soudain.
Jamais je n’ai supporté le moindre contact visuel avec cette divinité. Qu’importe l’humeur de cette dernière ou même la douceur avec laquelle elle m’a toujours traitée, me laissant poser ma tête sur ses cuisses ou caressant doucement ma joue, quelque chose m’a toujours ébranlé, dans ces iris émeraudes.
Un éclat indéchiffrable.
— Je t’en prie, insiste-t-elle.
Je crois que je peine encore à croire que la femme qui m’a sauvée la vie, là-bas, soit l’Ange de la Mort. J’ai du mal à pleinement réaliser que les bras qui m’ont rattrapée, lorsque je me suis effondrée, à bout de souffle sur cette colline, n’étaient pas ceux de Némésis.
Cependant, il me faut le digérer.
Depuis dix ans, régulièrement, je m’endors et me réveille sur une île paradisiaque. Là-bas, une femme discute doucement avec moi, lave mes mains dans l’eau d’une rivière, me serre dans ses bras, caresse ma tête… A une période de ma vie, je ne vivais que dans l’espoir qu’elle profite de mes rêves pour m’enlever.
Je me rappelle de mes premiers mois dans la forêt d’Hylar. Tétanisée de vivre seule dans cette chaumière, je barricadais toujours mes portes et m’endormais en tremblotant. Mais je me réveillais alors sur cette fameuse île, la tête posée sur les cuisses de cette femme qui la caressait doucement.
Elle me murmurait que tout allait bien se passer. Elle me promettait qu’elle me sauverait, quoi qu’il lui en coûte. Elle séchait mes larmes en m’assurant que, bientôt, un gardien apparaitrait dans ma vie.
Peu de temps après, j’ai rencontré Ménélas.
— N’ai pas peur, insiste-t-elle.
Je tremble.
Je lui faisais confiance. Je l’aimais comme je n’avais jamais aimé quiconque. Je ne vivais que pour la voir. J’avais besoin d’elle.
Et tout ce temps, elle me mentait.
— Lycus ne peut pas te faire le moindre mal. Tu sais que je veille sur vous. Sur toi.
Je ne sais trop pourquoi, si la façon dont elle me regarde l’a emporté sur ma tétanie ou si je crois tant ses paroles que je me sens soudain invincible. Mais soudain, mes entrailles se défont. Ma nervosité s’envole.
— Lorsqu’un Dieu interdit à son prêtre d’utiliser sa pierre, cela signifie qu’il le renie. Alors cela signifie qu’Artémis elle-même ne considère plus Lycus comme la prêtresse cancer.
Toutes les têtes se tournent vers l’intéressée. Bien que toujours tendue, n’osant remuer le moindre muscle sous la poigne de l’Ange de la Mort, elle me fixe avec hargne.
Sa mâchoire se contracte et ses poings font de même.
— Je suppose que c’est pour ça que tu agis comme si tu étais une déesse, hein ? Pour faire payer à Artémis son jugement ? Tu espères que les cancers se détourneront d’elle pour t’honorer, toi ?
— Est-ce vrai ? demande Yevhen, ses épaules se soulevant difficilement à mesure que sa respiration se fait lourde.
Mais Lycus ne répond pas. Ses iris me fixent avec rage tandis qu’elle reste immobile. On eut dit que la fureur entière de son corps se concentrait dans ses iris.
— Tu n’es plus la prêtresse cancer. Et ce, depuis dix ans.
Là. Un claquement. Lycus cède.
Un hurlement rageur franchit ses lèvres tandis qu’elle lève la main dans ma direction, prête à m’envoyer une décharge mortelle de son pouvoir. Je me crispe, anticipant le choc. Mes yeux se ferment tandis que des cris de stupeur retentissent, autour de moi.
Mais le choc ne vient pas. J’attends. Il ne se passe rien.
Le manteau du duc s’agite soudain autour de moi, comme pris dans un courant d’air. Du vent fouette mes joues en gifles glacées et j’ouvre enfin les paupières.
Je suis dans le jardin impérial.
Juste à ma droite, l’eau d’une fontaine s’écoule en un ruissellement continu. A ma gauche, les fleurs exultent leur parfum apaisant. Et, devant moi, les gigantesques ailes de l’Ange de la Mort planent telles une ombre.
S’est-elle téléportée ? Je ne l’ai même pas sentie me saisir… Mais elle m’a de toute évidence fait quitter cette tour pour m’emmener ici.
— Je… Pourquoi… Où…
— Il était grand temps que quelqu’un te tire de cet endroit. Tu n’aurais même pas dû y aller. Etant donné qu’elle n’est pas réellement une prêtresse cancer, Lycus n’a pas le pouvoir de demander ton exécution. Seule l’impératrice le peut.
Je frissonne. Elle n’est qu’à quelques pas de moi. Ses yeux émeraudes me regardent avec calme et je me sens naturellement apaisée en sa présence.
L’odeur enivrante du manteau du duc m’entête.
— Si tu permets, maintenant…, lance-t-elle. Je ne suis pas sûre que tu te fasses des amis si on te voit avec l’Ange de la Mort.
Je ne lui laisse pas le temps de s’envoler.
— Pourquoi ne m’avoir jamais dit qui vous étiez ?
Elle se fige, ses sourcils se haussant. La surprise traverse son visage, secondée par une douleur qui me fait regretter de lui avoir poser cette question.
Mais je demeure campée sur mes positions, attendant une réponse.
— Tu avais besoin de croire que les Dieux ne t’avaient pas abandonnée. J’aurais fait n’importe quoi pour te voir heureuse.
Mes sourcils se haussent, prise de court par cette révélation.
— Mais vous… Comment avez-vous le temps de traiter tous les sephtis de cette façon ? D’être aussi attentionnée avec chacun d’eux ?
— Mais je ne le suis pas.
— Vous voulez dire que j’ai votre faveur ? Pour quelle raison ? Pourquoi semblez-vous m’apprécier davantage que les autres ? Pourquoi veiller autant sur moi ?
Un sourire doux étire ses lèvres et elle fait un pas en ma direction. Je déglutis péniblement, constatant combien elle est impressionnante.
Non seulement elle est immense, mais elle exulte naturellement une aura empli de pouvoir et de grandeur.
Je m’apprête à faire un pas de recul, intimidée, lorsqu’elle pose sa main sur ma joue avec tendresse. Malgré moi, les images du duc faisant la même chose, juste avant d’embrasser mon front, me reviennent.
Ma gorge se fait sèche.
— Car c’est toi que j’ai rattrapé dans mes bras, sur cette île. Et c’est toi que j’y avais vu, auparavant, en train de construire ta maison. Car c’est toi que je vois partout et que je verrais où que j’aille. Tout simplement car c’est toi que j’ai toujours cherché et chercherait toujours.
Son pouce caresse ma pommette. Je déglutis péniblement. Ses yeux émeraudes se plantent dans les miens et elle m’observe avec douceur.
Une tendresse infinie.
— C’est toi. Et ce sera toujours toi.
Une larme coule sur ma joue. Elle l’essuie dans un sourire compatissant.
Je n’ai plus la force de répondre quoi que ce soit, la regardant s’en aller. Ses ailes se déploient, immense, dans le vaste jardin. Elle retire doucement sa main de mon visage tandis qu’elle s’élève du sol.
Je la contemple. Interdite. Emerveillée.
Bientôt, elle n’est plus qu’un point lointain dans le ciel. Mon cœur bat à tout rompre et je pose une main dessus, observant le sol.
Durant des années, j’ai attendu l’approbation des Dieux. L’idée que Némésis veille sur moi m’a contentée à une époque où je me croyais abandonnée car sephtis. Cependant, il ne s’agissait pas de la déesse de la colère divine.
Je crois que je me suis sentie trahie, lorsque j’ai appris la vérité. Il me semblait impensable que l’Ange de la Mort n’ait pas fait cela par simple amusement, moquerie. Dans un désir sournois de me malmener, me faisant croire que j’étais choyée et voulant se délecter de ma réaction le jour où je découvrirais qu’il n’en était rien.
Cependant aujourd’hui, quand Lycus m’a menacée, quand sa main s’est attardée en une caresse sur ma joue, j’ai su qu’elle était sincère. Plus sincère que n’importe qui l’a été avec moi.
Tout ce qu’elle a fait n’a jamais été que dans le but de me protéger.
Pour la première fois depuis des années, je me sens aimée.
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voici le trente-et-quatrième
chapitre de cette fanfiction !
j'espère que ça vous aura
plu !
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