→˚₊· ܴೈ 𝓙𝐨𝐮𝐫 𝟗 : 𝒎𝒖𝒛𝒂𝒏 𝒙 𝒓𝒆𝒂𝒅𝒆𝒓

ÉPISODE 9
— muzan x reader —




















             LE PROFESSEUR MUZAN mérite de mourir.

             Jamais auparavant je ne m’étais faite remarquer par un enseignant. J’aime rester dans mon coin, ne pas me faire remarquer, surtout depuis que des pirates chasseurs de sirènes m’ont attrapée, il y a quelques années. Roronoa Zoro, spécialisé dans le sauvetage de créatures marines, m’a libérée. Il m’a ensuite montré Halloween High, une université où je ne craindrais rien, selon ses dires.

             Cependant, en rencontrant notre professeur d’Histoire de la Magie Noire, j’ai réalisé que mon sauveur aurait sans doute mieux fait de tourner sa langue plusieurs fois dans sa bouche avant de l’utiliser.

             Lors de mon premier cours, étant arrivée un peu tard dans l’année, je l’ai surpris en train de s’en prendre à une humaine. J’ai bien tenté de m’interposer mais sa sentence est tombée immédiatement. Irrévocable. Il m’a lancé un sortilège.

             Ce dernier n’était pas des moindres. Disparaissant de mon siège, je me suis retrouvée plongée au cœur de l’océan tandis que des flaques noires voletaient autour de moi. Du pétrole. Il m’avait envoyé au cœur de ma plus grosse peur.

             Les marées noires.

             Je me suis réveillée quelques heures plus tard, tremblante de peur dans l’infirmerie. Le médecin de garde, un renne, m’a prescrit une bonne dose de thé calmant provenant d’un arbre ancestral afin que je cesse de frissonner.

             Cependant ma vengeance été terrible. Il m’a forcé à voir ma pire crainte, me retrouver au cœur d’un courant glacé, sans personne autour de moi, regardant les flaques tombant et les quelques rares créatures mourant. Constatant le spectacle des poissons s’étouffant dans la matière. Alors j’ai juré de lui faire peur, à lui aussi.

             En lui forçant à constater qu’il n’était pas aussi invincible qui le croyait. Pour se faire, j’ai demandé à un triton de ma connaissance, Gojo, de me prêter son trident. Il me l’a fait parvenir en me faisant jurer d’en prendre le plus grand soin. Puis, tapis dans l’ombre du lac devenant phosphorescent à la nuit tombée, j’ai chanté.

             Debout dans l’eau, parmi les brumes s’étirant à sa surface, mon corps illuminé par la lumière émanant du lac, j’ai fait résonner ma voix juste en-dessous de la tour où se trouve le bureau de Muzan.

             Son visage est apparu à la fenêtre et, esquissant un sourire en coin, il a sauté par-dessus cette dernière.

             Je me souviendrais toujours de ses jambes le réceptionnant avec souplesse tandis que ses yeux rouges sanglants se dardaient sur moi dans l’obscurité de la nuit. Silencieux, il avait l’air d’un prédateur. Et sa voix, d’un grondement sourd lorsqu’il m’a alors déclaré :

— Seuls les faibles d’esprit se laissent avoir par le chant des sirènes. Croyais-tu réellement pouvoir te venger si facilement ?

             Je n’ai pas répondu, regardant simplement ce démon, debout devant moi. Son costume noir contrastait avec son teint blafard et des mèches bouclées jaillissaient de son chapeau. Il a d’ailleurs ôté celui-ci, libérant une splendide chevelure noire qui est tombée sur son buste.

             Puis, voyant que je continuais de chanter, il s’est approché. Son corps a pénétré l’eau phosphorescente, la lumière du lac s’est projetée sur sa silhouette. J’ai remarqué ses bras se contractant sous sa chemise.

— Les sirènes font de leur pouvoir leur plus grande faiblesse en agissant comme si leurs voix pouvaient les tirer de toutes les situations, a-t-il susurré en s’arrêtant devant moi.

             Mais il n’a pas eu le temps de réagir. Le trident de Gojo s’est planté dans son dos, mue par la force de mon chant. Les trois dents sont ressorties par devant tandis que du sang a envahi ses lèvres. Le liquide rouge s’est mis à couler sur son menton.

             Or il n’a pas eu l’air atterré, au contraire, il a semblé même agréablement surpris. Ses lèvres se sont arquées en un sourire et il a haussé les sourcils.

— Enfin une élève digne de ce cours, a-t-il alors commenté.

             Mais, craignant qu’il ne me lance un nouveau sortilège, j’ai profité du venin imbibant les dents du trident et le paralysant momentanément pour m’enfoncer dans le lac, m’éloignant assez du professeur pour me cacher.

             Le lendemain, j’ai rempli un formulaire pour quitter son cours et l’ai signé. Madame Harmot, une pieuvre s’occupant de la gestion des cours, m’a informé qu’elle donnerait se même papier à Muzan pour qu’il le signe et que je n’aurais donc plus à me rendre dans sa classe.

             Je n’ai plus jamais eu de nouvelles de tout cela. Alors, me contentant de l’éviter dans les couloirs et ne plus me rendre dans son cours, j’ai passé les dernières semaines en paix.

             Le lendemain du jour où je l’ai perforé avec un trident, une vampire travaillant aux cuisines — la petite-amie du chef — a expliqué à ce dernier que le professeur Muzan lui avait paru bien faible et que, durant toute l’heure, ses veines avaient viré au noir, signe qu’il était en plein processus de guérison et qu’il était anormal que celui-ci mette autant de temps.

             Le cuisinier, Sanji, étant un ami, il en a discuté avec moi. Je lui ai expliqué qu’après le sortilège qu’il m’avait infligé, il était normal que je m’en prenne à Muzan et que je n’avais pas anticipé que le venin sur les dents du trident ralentirait sa régénération. Le cuistot m’a alors conseillé de faire attention et de continuer à éviter le professeur afin de ne pas être subir une froide et cruelle vengeance.

             J’ai accepté. Je ne comptais pas revoir le démon de toute ma vie, de toute façon. Mais un imprévu est arrivé. Et je fixe celui-ci, sur mon bureau.

— Ah oui, effectivement, tu peux dire que t’es dans la merde.

             Brutalement, je me tourne vers le premier ami que j’ai appelé à la rescousse. Ses cheveux mentholés coiffés en brosse couvrent son visage carré. Son seul œil me fixe, l’autre ayant été éborgné par le pirate qui m’a enlevée, il y a quelques années.

             Zoro regarde à nouveau la lettre posée sur mon bureau de bois. Sanji, assis sur mon lit à baldaquin aux rideaux rose pâle, pousse un profond soupire.

— J’arrive pas à croire que tu te sois mis dans une merdre pareille. Je t’avais prévenu, pourtant !

— Mais j’ai rien fais ! je me défends aussitôt. Depuis que j’ai rencontré Muzan et l’ai empalé, j’ai tout fait pour l’éviter ! Je ne veux pas connaitre la vengeance de ce démon.

— Tu vas pourtant devoir t’y résoudre, commente Zoro.

             Malgré le fait qu’il soit plus vieux que la majeure partie des élèves, il étudie ici et a tendance à avoir un certain poids sur les autres professeurs. Mais je doute qu’il puisse argumenter en ma faveur auprès de Muzan.

             Mes yeux se posent à nouveau sur cette lettre. Celle-ci est manuscrite, couverte d’une écriture fluide et italique, assez élégante. Calligraphique. Je la saisis et la lis à nouveau.

« Chère (T/P),

Après l’incident s’étant déroulé au lac, je brûlais d’impatience de vous revoir dans ma classe afin de pouvoir en discuter plus longuement. Ma surprise a donc été grande — et mauvaise — lorsque Mme. Harmot m’a fait parvenir un formulaire signé par vos soins et déclarant que vous ne vouliez plus assister à mon cours.

J’ai promis à notre chère créature que j’y jetterai un coup d’œil et ai soigneusement gardé cette missive. Les semaines ont passé et j’ai espéré vous revoir pour mettre les choses au point. Mais il semble que vous soyez déterminée à me fuir. Or, si j’apprécie la combattante que j’ai cru déceler en vous, je ne puis en dire autant de la lâche que vous vous révélez être.

Je vous attendrai ce soir dans mon bureau. Venez et je validerai l’arrêt de nos cours ensemble. Esquivez et Mme. Harmot se fera un plaisir de vous forcer à m’honorer de votre présence chaque jour jusqu’à la fin de l’année.

Avec mon respect le moins sincère,

Muzan Kibutsuji. »

             Je soupire une énième fois, luttant contre l’envie de pleurer nerveusement.

— Vous pouvez rien faire pour moi ? je lance.

— Navré mais tu vas devoir assumer tes actes, ma grande, lance Zoro. Sois forte.

— Si ça peut te rassurer, il n’a pas le droit de te torturer.

— Sachant qu’il se fiche du règlement, ça ne me rassure pas vraiment, non.

             Je soupire, laissant tomber mon visage sur le torse du chasseur. Celui-ci m’entoure de ses bras épais dans un geste que je lui sais inhabituel. Zoro n’a jamais été du genre câlin. Cependant, il sait se montrer plus tendre lorsque la personne devant lui souffre vraiment.

             Je souris contre son pectoral droit.

— Je me demande ce que dirait ta pirate si elle savait que tu me serres comme ça, je chantonne.

— T’es insupportable ! lâche-t-il aussitôt en me repoussant.

— Quelle pirate ? demande Sanji.

             Je lève la tête vers le blond dont les sourcils sont froncés. Je suis ravie de ce qu’il est devenu, lorsqu’il s’est entiché de la vampire devenue son assistante. Avant, chaque femme le faisait saigner du nez et pas une ne pouvait passer devant lui sans qu’il ne se jette à ses pieds. Moi comprise.

             Mais, depuis qu’il a découvert le véritable amour, il semble qu’il ne fasse plus attention à personne d’autre. Là, par exemple, il n’a pas éclaté en interrogations débordant de fièvre où il demanderait si la pirate en question est belle.

— Une nana dans notre cours d’études des créatures marines. Zoro et elle sont censés se détester mais je connais assez notre pirate pour savoir que, quand il se met réellement en colère, c’est qu’il est intéressé, je chantonne.

— Tu te rends bien compte que ce que tu dis n’a pas le moindre sens ? objecte ce dernier.

             J’éclate de rire.

— Ah oui ? Tu es toujours blasé pour tout et n’importe quoi ! Je t’ai vu te battre contre les pires ordures du monde marin et, à l’exception de quelques jurons, tu n’as jamais haussé le ton, tu t’es toujours simplement défendue.

— C’est parce que je ne combats pas les femmes et que du coup ça me frustre ! Parce qu’elle mériterait vraiment une correction ! cingle-t-il.

— Ah oui ? Si c’est que ça, je peux l’embrocher avec le trident…

— Ne t’avise même pas de…

             Sa voix meurt dans un grondement sourd et il déglutit péniblement. Me jetant un regard noir, il contracte la mâchoire.

— Laisse tomber, gronde-t-il.

             J’éclate de rire et Sanji m’imite. S’il existe bien quelque chose que j’aime faire, c’est mettre Zoro hors de lui. Et la carte de la sulfureuse pirate qu’il ne peut pas quitter des yeux fonctionne plutôt bien.

             Mais ma joie est de courte durée. Mes yeux se posent à nouveau sur la lettre.








— Je vais de toute évidence devoir me résoudre à affronter Muzan.






































             La salle de classe de Muzan est encore plus terrifiante lorsque seulement illuminée des lueurs de la lune. Là, les trois rangées de tables se faisant face semblent habitées par des silhouettes fantomatiques. Au centre, l’endroit où il se déplace pour faire cours, ses chaussures glissant sur le parquet, est illuminé de plein fouet. Pour cause, tout le mur occupant le fond de la salle est percé de fenêtre.

             Aucun tableau ne se trouve ici. Il se contente de parler durant des heures.

             Frissonnante, je marche jusqu’au centre de la salle. Il ne semble pas être présent. Cela dit, il n’a pas précisé d’horaires particuliers pour le rencontrer. Peut-être suis-je ici trop tôt ? Ou même trop tard ? Qu’importe.

             Autant saisir cette chance et quitter les l…

— Pile à l’heure.

             Je sursaute et me retourne. Il se tient debout dans l’encadrement de la porte. Ses yeux rouges sanglants brillent dans l’obscurité. Il referme derrière lui. Je déglutis péniblement en le voyant faire. Il reste quelques instants au même endroit.

             Puis, lentement, il marche dans ma direction. Je peine à respirer en le sentant s’approcher. Une sueur froide coule le long de mon front. Je ne suis pas sûre de pouvoir endurer sa vengeance.

— Comment vous portez-vous, mademoiselle (T/N) ? demande-t-il simplement.

             Je ne réponds pas, la gorge sèche. Il rit doucement face à mon mutisme et me dépasse, rejoignant son bureau posé devant les fenêtres. Je n’ose même pas me retourner pour le regarder, raide comme un piquet.

— Allons, allons, mademoiselle, vous n’allez pas nous offrir ce si triste spectacle durant tout cet entretien ! Enfin, où est passé la splendide guerrière qui m’a planté un trident un plein dans le dos ?

             Je sursaute presque. Sur les derniers mots, sa voix s’est brutalement assombrie, ne devenant plus qu’un grondement d’outretombe. Et lorsque les démons ont cette voix, cela ne peut signifier qu’une seule chose. Je ferme les yeux, priant les dieux, en l’entendant faire.

             Il s’est transformé.

— Regarde-moi.

             Face à cette voix caverneuse, je ne peux que me soumettre. Mais je n’étais pas prête à affronter la vision qui s’offre soudain à moi.

             Ses longs cheveux tombent sur ses épaules dénudées. Mais ils ne sont plus noirs, non. Ils ont revêtu une couleur de givre qui fait ressorti la rougeur de ses yeux. Habillé seulement d’un pantalon, son torse musclé laisse voir d’innombrables tatouages semblant avoir été gravée dans le sang. Des veines noires encadrent son regard. Des canines acérées jaillissent de sa bouche. Ses ongles se sont aiguisés et ont doublé de volume.

             Mais surtout, sur son ventre, une large cicatrice noirâtre est visible. Celle que je lui ai infligé, il y a de cela plusieurs semaines. Je ne peux pas croire qu’elle ne soit pas encore guérie.

             Il est terrifiant. Je n’en suis pas vraiment étonnée, les livres disent tous que les démons les plus effrayants sont ceux de sang.

             Mais je ne m’attendais tout de même pas à un tel spectacle.

             Sublime dans sa façon de me faire peur, il semble l’incarnation des plus grands désirs et plus sombres phobies à la fois. Il me semble que d’un seul regard, il peut savoir comment me faire hurler de douleur ou de plaisir. Je sens. Je sais. Je ne suis qu’une proie, entre ses griffes.

             Et il me regarde, un faible sourire aux lèvres.

— Tu m’as déçue, ma chère, commente-t-il.

             Je déglutis péniblement. Mes jambes menacent de céder sous mon poids. Je suis plus à l’aise dans l’eau, lorsque mes guiboles se lient et devienne une splendide queue rouge irisée d’or. Surtout que celles-ci me permettraient de fuir loin, très loin du danger.

— Même s’il s’agissait d’un coup en traitre, dans le dos, tu as réussi à t’en prendre à moi, me perforer, me blesser gravement ! J’espérais donc que tu serais aussi prête à assumer les conséquences de tes actions…

             Je tremble presque, sentant sa rage faire crépiter l’air.

— Sais-tu que nous, démons, choisissons de guérir ? Que certains font le choix de demeurer blesser, comme une punition pour leur faiblesse ? Et que d’autres le font…, il susurre de sa voix d’outretombe en regardant son ventre barré d’une cicatrice large et noire, …pour punir l’autre.

— Que voulez-vous ?

             Je n’ai pas su contrôler ma voix. Je ne peux supporter plus longuement cette tension. Il sourit, faisant un pas dans ma direction.

— Que pourrais-je donc vouloir ? Si ce n’est que tu assumes tes torts, (T/P).

— Je ne suis pas en tort ! Mais j’assume vous avoir fait du mal !

             Son sourire s’élargit et il penche la tête sur le côté, ses cheveux dansant devant ses tatouages de sang.

— Et bien ça alors… Même transie de peur, tu n’es pas fichue de te soumettre, commente-t-il. Je crois que si je n’étais pas aussi furieux, j’apprécierai cela chez toi.

             Mes yeux s’imbibent de larmes de peur.

— Vous vous demandez réellement pourquoi j’ai réagi comme ça ? je réponds, atterrée. Vos réactions sont disproportionnées ! Je vous ai tenu tête et vous m’avez infligé un sort traumatisant !

— Et au lieu d’aller pleurer auprès du directeur Rayleigh comme n’importe quel autre élève normal, tu as préféré me planter dans le dos avec un trident ?

— Il n’est pas disponible ! Personne ne le voit jamais !

— Je sais de source sûre qu’il dine tous les soirs avec une démone qui est dans l’une de tes classes alors cesses de me raconter des saladesje te prie.

             Respirant difficilement, comme si le simple fait de me défendre m’avait essoufflée, j’observe les yeux rouges sanglant du professeur. Puis, vaincue, je murmure :

— Dites-moi ce que je dois faire pour ne plus avoir à faire cours avec vous.

— Faire ? Tu ne vas rien faire. Tu vas te contenter de subir.

             Sa phrase me fait l’effet d’une claque.

— Subir ?

— Tu m’as provoqué, mademoiselle (T/N) et n’as rien assumé de tes actes en prenant la fuite, gronde-t-il en faisant un pas dans ma direction. Donc oui, tu vas subir mes punitions. Et la première sera des plus simples…

             Sa main saisit brutalement mon poignet. Fermement, il me force à toucher sa cicatrice. Dès que ma paume se pose sur son ventre, un vent glacé s’élève en moi et j’écarquille les yeux. De la bile remonte dans ma gorge. Un mélange de haine et de terreur s’empare de moi. Mais je ne parviens même pas à reculer.

             Tremblante, je reste debout. Mais mon corps devient bientôt trop lourd pour moi, me suppliant de me laisser tomber au sol. Je n’arrive pourtant pas à le faire, paralysée. Mon sang se glace dans mes veines, semblant se congeler et cesser lentement de circuler. Mon souffle se bloque.

             Soudain, l’air pénètre mes poumons avec une force vivifiante. Mon œsophage en est griffé, me perçant d’une douleur sourde. Je m’écroule enfin de tout mon long, sentant mon cœur se remettre à battre rapidement et mon sang reprendre sa course.

             Un instant, je suis morte. Je le sais.

             Mes yeux se lèvent vers Muzan qui m’observe depuis sa hauteur. Ses cheveux se foncent petit à petit et il saisit sa chemise abandonnée sur son bureau, l’enfilant. Essoufflée, je l’observe faire. Lorsqu’il a fini, les veines noires autour de ses yeux ont disparu et il est redevenu entièrement brun.

             Il me regarde à nouveau et je me relève, affaiblie.

— Qu’avez-vous fait ? je soupire, tremblante.

— J’ai récupéré ce qui me revenait, déclare-t-il de sa voix redevenue normale. En t’affaiblissant, je me suis renforcé.

— V… Vous n’avez pas le droit ! je m’exclame.

— Et tu n’as pas le droit de me poignarder.

             Mes jambes sont flageolantes. Tanguant dangereusement, je pose une main sur un pupitre pour me stabiliser. Il roule des yeux à cette vision.

— Tu es agaçante, soupire-t-il.

             Franchissant la distance nous séparant, il saisit brutalement mon visage. Sa paume se pose son mon menton et ses doigts agrippent ma mâchoire. Nos corps se frôlent. Ses canines brillent dans l’obscurité de la nuit lorsqu’il ouvre les lèvres.

             Je déglutis péniblement, effrayée quant à ses gestes à venir.

             Mais, soudain, sa main libre caresse mon front. Aussitôt, ses yeux rouges se mettent à briller et les battements de mon cœur se calment. Mes jambes me semblent plus forte. Il recule, remettant de la distance entre nous.

— Est-ce que vous venez de me donner de la force ? je demande.

— Je suis un monstre mais je ne suis pas stupide. Cette faiblesse aurait pu te tuer.

             Me montrant le dos, il feuillette quelques papiers dispersés sur son bureau. Je comprends alors que je ferais mieux de partir mais mes sourcils se froncent :

— A quoi bon me voler ma force pour me la rendre juste après ?

— Je voulais t’apprendre une leçon, lance-t-il. Que tu constates la douleur que j’ai éprouvé.

             Je repense au sourire calme qu’il affichait, cette nuit-là.

— Vous avez vraiment ressenti ça ? je demande, atterrée.

             Il se retourne. Ses yeux rouges se posent sur moi.

— Non seulement le trident est une arme divine, ce qui a un grand effet sur moi, mais il était en plus empoisonné. C’est pour ça que ma guérison a pris du temps, ce jour-là.

— Et que vous avez mal cicatrisé…

— Absolument pas. Je me suis infligé cette mauvaise cicatrisation car la plaie noire qui en a résulté renfermait ma souffrance et que je comptais te la faire goûter. Surtout quand j’ai appris que tu désertais mes classes.

             Etrangement, l’envie de prendre mes jambes à mon cou a disparu. Peut-être le moment où il a décidé de me donner sa force en constatant ma faiblesse m’a permis de constater qu’il ne compte pas réellement me faire du mal, au fond.

— Alors vous avez enduré une telle souffrance durant des semaines ? je songe en repensant amèrement à la douleur qui a failli me tuer. Pourquoi ne pas m’avoir convoquée plus tôt ?

             Il soupire et me regarde. Ses yeux rouges ne semblent plus animés de colère. Seulement d’une sincère déception.

             Malgré mon aversion pour ce professeur, j’en suis froissée. Mon cœur se serre et l’envie de baisser les yeux me prend.

— Je nourrissais l’espoir que la guerrière que j’avais cru voir en toi se manifeste à nouveau et que tu viennes de toi-même à ma rencontre. Mais tu n’es de toute évidence qu’une lâche.

             J’acquiesce doucement, mon organe vital se faisant soudain bien lourd dans ma poitrine.

— Je vois…

             Il se retourne à nouveau, retournant à ses papiers. Et je me sens soudain bien bête. Soit, éprouvé de la peur n’était qu’une réaction normale après ce que je lui ai fait subir. Mais, les professeurs ayant mon dossier personnel, ils sont au courant de mon passé, de l’esclave que j’ai été jusqu’à l’apparition de Zoro. Tous le voient comme le sauveur et moi, la victime.

             Mais lui, il a vu mon potentiel. Malgré l’étrangeté de la situation, il ne m’a pas étiquetée comme la malheureuse sirène subissant tout en attendant de l’aide.

             Seulement maintenant, je ne l’intéresse plus.

— Je suppose que c’était le début ? A quelle autre punition inhumaine je dois m’attendre ?

             Il ne se retourne même pas lorsqu’il répond :

— Ferme la porte en partant.










             Effectivement. Je ne l’intéresse plus.






































             Le professeur Muzan n’a pas quitté mon esprit depuis notre dernier entretien. Zoro et Sanji ont semblé soulagé pour moi, lorsqu’ils ont appris que madame Harmot avait reçu une copie de mon exclusion de cours signée. Mais, étrangement, je n’ai pas partagé leur sentiment.

             Ce soir, la nuit est tombée. Le lac a revêtu une teinte phosphorescente et, tandis que je nage dedans, une vaste brume s’étend sur sa surface. Tout me rappelle cette soirée où j’ai attaqué Muzan. Oui. Il ne veut définitivement pas quitter mon esprit.

             Je le hais. Du plus profond de mon être. Pourtant, le perspective qu’il puisse avoir été déçu par moi me peine.

             Levant les yeux vers la tour où il enseigne, mon regard se pose sur la fenêtre de son bureau. Mes muscles se raidissent soudain. Il y est. Accoudé au balcon, un verre de vin rouge dans la main et un kimono noir habillant son corps.

             Ses longs cheveux noirs tombent autour de son visage et ses yeux rouges sont posés sur moi. Il m’observe.

             Mais je n’ai même pas le temps d’ouvrir la bouche pour lui parler. Il recule et ferme la fenêtre, quittant mon champ de vision. Mon cœur se fait lourd dans ma poitrine. Je sens bien que j’ai commis la pire erreur possible.

             Cet homme aurait su exploiter mon potentiel et m’aider à faire de même.

             Je fixe la fenêtre de longs instants avant de revenir à moi. Il suffit. Je ne peux pas continuer comme ceci. Je dois dompter mes émotions et cesser de me laisser dominer par ces dernières. La peur, la tristesse, la colère… Les vrais guerriers en font fi.

             Je dois reprendre les choses en main.

             Nageant jusqu’au bord, je rampe sur l’herbe tandis que ma queue se transforme en deux jambes distinctes. Puis, saisissant un peignoir de soie que j’ai caché sous un rocher, je l’enfile à toute vitesse avant de rejoindre une porte de service menant à une vaste salle du rez-de-chaussée.

             La matinée commencera bientôt. J’ai peu de temps avant que Muzan ne termine sa pause entre les cours nocturnes et ceux diurnes. Dévalant les escaliers, j’ignore les gargouilles que je croise en chemin et leurs commentaires sur mes vêtements.

             Les flammes des chandeliers s’allument sur mon passage, illuminant les marches que je saute et les couloirs dans lesquels je cours. Les rares vampires couche-tard sur le chemin de leur dortoir me regarde de travers quand je les double à toute vitesse, mes pieds nus claquant contre la pierre du sol.

             Dans un dérapage contrôlé, j’atterris devant la porte du bureau de Muzan. Celle-ci est ouverte. Il est assis à son bureau.

             Ses yeux se posent sur moi avant de se reconcentrer sur les parchemins qu’il corrige. Il m’ignore intentionnellement. Mais je ne le laisserai pas faire. Feignant de ne pas sentir mon estomac se tordant sous le stress, je m’approche de son bureau.

— Je sais que vous avez été déçu par moi mais je vous assure que la guerrière que vous avez cru voir existe réellement ! Montrez-moi ce que vous m’auriez montré si je ne vous avais pas fui ! Enseignez-moi ce que vous savez ! Vous êtes l’un des démons les plus tristement célèbres, vous avez vaincu des armées entières, rien ne me ferait plus plaisir que de vous avoir comme mentor.

             Sa plume se fige. Il a arrêté d’écrire. Ses yeux se lèvent avant de se poser sur moi, perçant dans l’obscurité de la nuit.

— Crois-tu réellement que je me préoccupe du fait de te faire plaisir, (T/P) ? cingle-t-il.

             Mes épaules retombent. Sa colère rend l’air épais et brûlant. Je recule tandis qu’il se redresse, posant les mains sur son bureau.

— Je t’avais dit que tu subirais alors subis ! Le pire pour les grandes gueules dans ton genre, celles qui s’entichent du grand méchant loup et espère attirer son regard mais aime le fuir après pour le rendre obsédé, oui, le pire chez ces manipulatrices qui se croient capable de séduire un démon c’est l’indifférence.

             Vaguement, je suis surprise par ses paroles. Mais son discours sur le fait que je tente de le séduire me parait bien dérisoire comparé à sa voix se faisant de plus en plus grave et les veines noires parcourant ses yeux étincelants.

             Il se transforme.

— Subis mon indifférence, gronde-t-il de sa voix caverneuse.

— J’interromps quelque chose, peut-être ?

             Je sursaute quand cette voix masculine retentit derrière moi. Me retournant, j’aperçois le visage anguleux de Sacha, un loup-garou de mon âge. Ses yeux verrons brillent sous l’aube naissante. Je me souviens de lui.

             Il est réputé pour être l’élève faisant le plus de lèche à Muzan.

— (T/P) s’apprêtait à s’en aller, répond d’ailleurs le professeur.






             Légèrement surprise et déçue, j’obtempère tout de même et tourne les talons.






































             L’eau m’apaise. Et je l’aime encore plus lorsqu’elle est claire, me permettant de tout voir des dangers autour de moi — notamment les autres créatures marines. Là est la raison pour laquelle je me sens si bien dans la piscine des professeurs d’Halloween High.

             Vaste et imbibée d’eau délicatement parfumée, elle est agréable à respirer. La profondeur est immense, s’enfonçant dans la terre. Elle a en réalité été créée au-dessus d’une ancienne ville sous-marine. De là où je suis, les vestiges d’anciennes maisons sont visibles. Mais je sais que personne ne s’y trouve.

             Les branchies sur ma nuque me permettent de survivre dans cet habitat. Cependant, je remonte bien vite à la surface, songeant qu’il serait dommage qu’un professeur n’arrive ici et me surprenne. Je ne suis pas censée être dans cette aile du bâtiment réservée aux enseignants. Mais, quand la population du lac est trop agitée, j’aime à venir ici.

             Atteignant la surface, je souris en inspirant une bouffée d’oxygène, les yeux clos. Mais, brutalement, une main ferme s’abat sur ma nuque. Mes paupières s’ouvrent soudain seulement je n’ai pas le temps de réaliser ce qu’il se passe. Mon corps est projeté au loin et s’écrase contre un mur.

             Le choc est si violent qu’il m’assomme presque. Un bruit effroyable retentit au niveau de mon dos. Lorsque je retombe au sol, je n’arrive plus à bouger. Mon cœur rate un battement et un vent de panique m’attrape.

             Se pourrait-il qu’il ait brisé ma colonne ?

— Muzan sera tellement content en apprenant que j’ai réglé son compte à la sirène qui l’a blessé ! Tout le monde savait que c’était une sirène mais personne ne pouvait dire qui, exactement. Je suis ravi de l’avoir trouvé en premier.

             Sacha. Le lèche-botte de Muzan. Je reconnais sa voix.

             Je n’arrive même pas à lever la tête pour le regarder. Mon corps est immobile, je respire péniblement. Une douleur sourde s’empare de moi, se mélangeant à la peur. Vite. Je dois fuir. Mais je n’y arrive pas.

— Je vais te dépecer et lui donner chacune de tes écailles ! lance l’étudiant tandis que de la bile remonte le long de ma gorge.

             L’envie de me gifler me prend. Muzan a dit qu’il n’agirait pas pour moi et Sacha agit manifestement pour lui plaire. Et pourtant, je n’ai qu’une seule envie.

             Qu’il apparaisse.

             Peut-être rejoindrait-il le loup-garou pour m’achever. Sans doute l’observerait-il sans rien faire. Peut-être même s’installerait-il et le conseillerait sur les coups à m’infliger pour me faire le plus souffrir.

             Et pourtant, je le sais. Je veux qu’il soit là.

— Que se passe-t-il, ici ?

             Mes yeux s’écarquillent. Je parviens juste à tourner la tête. Comme si les dieux avaient entendu ma prière, Muzan est apparu. Et je le vois nettement, à côté du garçon.

             Ce dernier est debout à côté du démon. Il sourit et se penche en avant, exécutant une révérence.

— Maitre, je m’apprête à venger votre honneur.

             Les sourcils du démon se froncent et il promène ses yeux le long de la pièce. Soudain, ils croisent les miens. Son regard s’écarquille. Ses pupilles se réduisent brutalement à l’état de fentes. Et il me fixe quand il susurre :

— C’est toi… qui a fait ça ?

— Oui ! C’est m…

             Sa voix joyeuse meurt brutalement. Saisissant le loup par la gorge, il le projette contre un mur. Plus violemment que je l’ai moi-même été. Quelques bouts de carrelage se décroche et tombent autour du corps inconscient.

             Puis, il marche jusqu’à moi. Malgré la terreur qu’il m’inspirait autrefois, je me sens apaisée en le voyant arriver.

— As-tu mal quelque part ? lance-t-il en s’agenouillant devant moi.

             Sa paume chaude se pose sur ma joue. Tendre et délicate, elle m’apaise.

— Je… Je crois que ma colonne est brisée.

             Ses yeux semblent soudain s’alarmer. L’espace d’une fraction de seconde seulement. Puis, ils reprennent leur calme olympien quand sa main libre vient de poser sur mon dos. Elle me semble brûlante. Mais la brûlure n’est pas douloureuse, au contraire.

             Ses veines deviennent soudain visibles. Il se serre de son pouvoir. Bientôt, je parviens à sentir mes membres. Je tente de me retourner sur le dos et y arrive.

— Vous avez encore utilisé votre pouvoir pour me soigner ? je ris doucement. Drôle de façon de vous montrer indifférent.

— Sacha t’a blessé par ma faute. J’aurais dû mieux protéger ton identité.

             Je secoue la tête doucement.

— Je ne vous comprends vraiment pas.

             Allongée sur le dos, je l’observe, lui qui est encore agenouillé. Ses sourcils se froncent au-dessus de ses yeux rouges.

— Que peines-tu à comprendre ? demande-t-il.

— Pourquoi vouloir me punir de cette façon ? Si vous avez trouvé que vous poignardez était un geste guerrier et admirable, pourquoi me punir ? Et en m’ignorant, en plus ?

             Ses yeux glissent sur mon ventre, fuyant les miens et se plongeant dans ses pensées.

— Ce n’est pas pour ça que je t’ai puni.

             Il me regarde à nouveau. La sincérité de ses iris me prend de court. Mon cœur bat plus fort.

— Je t’ai puni de m’avoir empêché de te voir.

             Mon organe vital rate un battement et une dense chaleur s’empare de moi.

— Comment ça ?

— Je voulais te revoir. Je ne sais pas trop pourquoi. Je n’avais plus qu’une envie après que tu m’ais poignardé, c’était de te revoir. Pas même pour te punir. Je le voulais juste.

— Vous êtes sérieusement en train de m’expliquer que vous êtes tombé amoureux de moi quand je vous ai poignardé ? je ris.

             Mais lui ne rit pas. Il se contente de murmurer :

— Oui.

             Mes yeux s’écarquillent. Il ne rompt pas notre contact visuel.

— Les démons sont tarés, tout le monde le sait, se justifie-t-il.

— Pas autant tarés que la sirène qui essaye de les planter.

             Ses sourcils se froncent quand ma main se pose sur sa joue. Sans perdre un instant, je plaque mes lèvres aux siennes. Il semble d’abord surpris mais ses larges bras s’enroulent autour de mon corps, le pressant au sien.

             Sa bouche s’ouvre et sa langue touche la mienne. Je gémis contre lui, enroulant mes bras autour de sa nuque. Le goût épicé de notre baiser m’enflamme.

             Mais, bientôt, nous nous reculons l’un de l’autre. Mon front se pose contre le sien.

— Tu veux toujours que je t’entraine ? murmure-t-il.

— Tu promets de m’aimer même si je redeviens ton élève ?

             Il sourit doucement. Un rictus tendre, presque déstabilisant.














— Chérie, je promets de t’aimer quoi qu’il arrive.


























...
Une première semaine de terminé ! J'espère que ça vous a plu :)

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