→˚₊· ܴೈ 𝓙𝐨𝐮𝐫 𝟏𝟔 : 𝒎𝒂𝒌𝒊 𝒙 𝒓𝒆𝒂𝒅𝒆𝒓
ÉPISODE 16
— maki x reader —
MAKI EST LE GENRE d’élève qu’on jalouse.
Jamais je n’ai pu tolérer la présence de cette jeune femme au sein de notre classe. En ma qualité de fantôme, j’ai toujours défendu avec acharnement nos droits. Il y a quelques années, je me suis battue pour faire aboli la pratique de l’exorcisme. Au côté de mes fidèles camarades, j’ai levé le poing et ai exprimé ma colère face à ce qui n’était autre qu’une forme de meurtre rendue légale par la communauté cachée des créatures magiques.
Je me suis levée. J’ai protesté. Nous avons vaincu. Aujourd’hui, de telles pratiques sont illégales.
Alors jamais je ne pourrais tolérer l’existence de membres de la famille Zenin au sein de notre prestigieuse université. Je ne peux pas accepter qu’en flottant sous les lustres de cristal, à côté des chandeliers, devant les tableaux d’époque et moulures gothiques, je puisse croiser des membres héritiers de la plus influente des familles d’exorcistes de la région.
De plus, elle ne se contente pas d’être une exorciste, non. Elle est aussi la meilleure élève de notre classe, loin devant moi. Malgré son absence totale de pouvoirs magiques, elle maitrise tout le monde dans toutes les matières. Et cela me donne envie d’hurler.
Elle est belle, avec ses cheveux émeraudes et ses yeux perçants dissimulés derrière ses lunettes. Un seul regard en sa direction suffit à réaliser qu’elle est une véritable guerrière. Et elle en impose naturellement, faisant comprendre d’un simple geste qu’elle commande et nul n’a son mot à dire.
Alors il est plutôt logique que je la déteste. Une belle exorciste qui me bat dans toutes les matières où j’avais l’habitude d’exceller… Quelle insulte.
— Encore perdue, dans tes pensées, le fantôme ? raille-t-elle.
Mes poings se crispent tandis que je continue de flotter sans lui prêter attention. Qui y a-t-il de pire que de devoir vivre sous le même toit qu’une femme dont la famille est connue pour massacrer les gens de votre espèce ? Se voir imposer un devoir commun avec elle.
Bien que mes professeurs soient, pour la majeure partie d’entre eux, réputés et novateurs, je dois bien avouer être désarçonnée par le dossier imposé par Sieg Jäger. Celui-ci veut que, faisant binôme avec une créature originellement opposée à nous, chaque élève rédige un travail sur l’histoire de la haine entre ces deux races.
Les vampires et les loup-garou, les elfes et les humains, les gorgones et les sirènes, les fantômes et les exorcistes…
Il s’agit sans conteste du devoir qui a suscité le plus de mauvaises réactions au moment de son annonce. Pour cause : qui aurait envie de consacrer plusieurs soirs de sa semaine à épousseter de vieux livres et s’engageant dans des conversations houleuses avec des élèves qu’ils haïssent ? Je n’arrive même pas à croire que cette université puisse prétendre vouloir mon bien et accepter des exorcistes, un métier interdit par la loi et dont l’objectif est de nous éliminer, moi et mes pairs.
— Tu vas bien devoir me parler un jour, commente Maki.
Je ne réponds pas. Je n’ai aucune envie de lui adresser la parole.
— Ah, les fantômes, rit-t-elle doucement, j’ai rarement croisé aussi susceptibles que vous. Un rien vous met dans des états pas possibles…
Je ne réagis pas, flottant au-dessus des escaliers. Je sais qu’elle n’attend qu’une seule chose : que je parte au quart de tour.
— Tu vas sérieusement bouder ? Pourquoi ? Parce que je t’ai volé ta place au sommet de la pyramide ? Ou parce que j’ai dit au professeur que tu n’étais pas à la hauteur pour un travail avec moi ?
Ma mâchoire se contracte. En plus de tuer mes pairs, de m’avoir volé mes places et d’être anormalement séduisante, Maki aime me rabaisser. Pas une semaine ne passe sans qu’elle ne se permette de lancer une pique.
J’ai appris à l’ignorer.
— Nous allons nous rendre à la bibliothèque pour savoir ce que les gargouilles ont à nous donner comme manuels. Et on ira les lire de notre côté et annoter les parties intéressantes. Puis, nous échangerons nos notes pour établir un plan…
— Hors de question, me coupe Maki d’une voix rude.
Ma mâchoire se contracte. Elle s’est arrêtée de marcher, atteignant le sommet des escaliers qui la mènent à une porte de bois. Je me tourne vers elle tandis qu’elle frappe à plusieurs reprises sur la surface plane.
— Il est hors de question que je me coltine la super recette de révision d’une nana que je bats à plat de couture.
La porte s’ouvre de l’intérieur et elle entre immédiatement, me laissant seule dehors. Je fais de mon mieux pour ne pas hurler, furieuse. Je ne faisais qu’exposer mon projet car elle n’a pas proposé quoi que ce soit depuis que nous nous sommes mises ensemble. A part de nombreuses blagues sur moi, elle n’a littéralement rien dit quant à notre devoir.
Je voulais juste mettre un terme à ses enfantillages et le reconcentrer sur le devoir sans laisser dégénérer notre entrevue en une quelconque dispute. Mais je suppose que c’était trop demandé pour elle… Son impolitesse et manque d’éducation commence à sérieusement m’agacer.
Traversant le mur, je la rejoins dans la pièce où elle est entrée. Elle s’y trouve, seule. Je hausse les sourcils en remarquant le tableau noir couvert de toiles d’araignées, au fond de la salle et qui fait face à des quantités de tables couvertes de draps blancs et rideaux pourpre dissimulant les fenêtres.
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
— Une salle hantée par un fantôme perturbé mais les Zenin l’ont exorcisée, il y a quelques années alors elle nous a été confiée, déclare-t-elle avant d’ajouter fièrement. Je suis la proprio de ce bijou !
Je déglutis péniblement et la foudroie du regard.
— Espèce de sale connasse.
Je n’ai pu me retenir. Non seulement elle me relate avec fierté une anecdote où les siens ont massacré dans une séance particulièrement douloureuse l’un des miens. Mais elle m’amène en plus sur les lieux, comme pour savourer sa victoire.
Ses yeux s’écarquillent derrière ses lunettes et elle se retourne aussitôt, surprise par son insulte.
— Je savais que tu n’étais pas quelqu’un de bien et recommandable. Ton métier est d’éliminer les gens comme moi. Mais de là à venir te pavaner en me montrant ce que toi et ta famille faites… Je ne plaçais aucune forme d’espoir en toi mais tu me déçois quand même.
Elle ouvre la bouche pour répondre mais sans lui laisser le temps de le faire, je fonce dans le mur et m’en vais à toute vitesse.
ꕥ
Je n’ai pas vu Maki depuis deux jours. Même en classe, je ne m’y suis pas rendue, prétextant être malade. Mais, au lieu de cela, j’ai écumé les livres et grimoires sur le règlement que j’ai pu trouver, tentant de cerner une clause qui pourrait obliger Sieg à briser notre duo.
Je n’arrive pas à croire qu’elle ait pu aller aussi loin… Quelle genre de mégère montre fièrement à une personne les dégâts que sa famille a fait à son peuple ?
— Un fantôme qui se lave les mains… Je n’ai jamais rien vu d’aussi stupide.
Je lève la tête et aussitôt, ma mâchoire se contracte. Décidément… Elles ont décidé de me saouler.
Deux yeux étirés parés de longs cils me fixent autour d’un nez recourbé. Le visage malicieux et féminin de Mai Zenin, la sœur cadette de Maki, se découpe dans le miroir, à la lueur des chandeliers. J’ai décidé de venir me rafraichir ici mais il est évident qu’elle en a profité pour me suivre.
Je ne peux pas toucher l’eau mais quand je fais mine de me laver les mains, il me semble que j’agis comme une vivante et, d’une certaine manière, j’oublie presque que je ne le suis pas. Il s’agit d’un petit rituel que je m’offre pour décompresser. Je fais semblent de venir boire de l’eau ici et me nettoyer les paumes.
Voir une exorciste juste derrière moi dans le miroir ne fait que perturber ce moment.
— Qu’est-ce que tu veux, Mai ? je grogne.
— Moi ? Rien de spécial… Peut-être des remerciements pour avoir planté ma sœur au beau milieu de son dossier. Elle aime bien penser qu’elle vaut mieux que tout le monde parce qu’elle a de bonnes notes. Comme si ça faisait tout… Au moins, ça la remettra un peu en place.
Mes sourcils se froncent. Je ne connais pas les relations entre les différents membres de la famille Zenin. Mais il est vrai que bien des rumeurs existent sur la folle compétition faisant rage entre ses fils et filles. Chacun voudrait battre les autres.
J’ai pour habitude de n’accorder aucun crédit aux ouï-dire. Mais la réaction de Mai me laisse à penser que ceux-ci étaient plutôt véridiques.
— Je n’abandonne pas du tout le projet, je réponds, vexée que l’on puisse s’imaginer que je ne tiens pas mes engagements. Je suis quelqu’un de sérieux et droit, je tiens mes promesses.
— Ah oui ? sourit la noiraude malicieusement, les bras croisés en s’appuyant contre les portes en bois des cabines. J’ai pourtant cru comprendre que tu avais très mal vécu la petite visite de Maki dans notre salle des exorcismes…
Je déglutis péniblement et me retourne, lui faisant enfin face. Son sourire malicieux et sa voix moqueuse me rende furieuse. Elle agit comme si elle énonçait une mauvaise blague et non le meurtre et la torture d’un confrère. Mon regard se fait assassin et je contracte la mâchoire.
— Ne parle pas de ce que tu ne sais pas, je gronde.
— Et qui te dit que je ne sais rien ? Je suis une exorciste, après tout. Je sais tout de ce qu’il y a à savoir des créatures de ton espèce.
Si elle garde son sourire malicieux, je sens quelque chose changer dans son regard. Celui-ci se fait plus venimeux. Une véritable noirceur les envahit. Elle fait un pas dans ma direction, le dos voûté et les pas légers à la manière d’une prédatrice guettant sa proie.
— Je sais comment sont les fantômes et les démons, crache-t-elle. Je sais pourquoi je les traque et continuerais de les traquer. Je n’ai aucune considération pour eux et ne compte pas en avoir de sitôt.
— Tu crois vraiment m’impressionner ? je réponds en haussant un sourcil. Tu n’arrives même pas à la cheville de ta sœur et même elle ne peut rien contre moi.
Elle éclate de rire.
— « Même elle ne peut rien contre moi », répète-t-elle d’une voix caricaturale. Regardez-la, à se prendre pour une grande guerrière ! Mais tu n’es rien, fantôme. Juste une pleurnicharde à peine bonne à pleurer parce que la grande méchante Maki t’a montrée une pauvre salle de cours.
— Tu ne sais rien de ce que les fantômes et démons ont enduré, de leur persécution ! je tonne.
— JE SAIS QUE VOUS ÊTES DES MONSTRES ET NE MERITEZ MEME PAS D’EXIS…
Sa voix meurt soudain. Mes yeux s’écarquillent. Mai vient de se raidir, réalisant l’apparition d’un objet, sur son cou.
La pointe d’un bâton presse sa gorge avec force, visiblement prête à la transpercer et l’empêchant de s’approcher de moi. Prise au dépourvue, je remonte le manche et mes yeux s’écarquillent en m’apercevant de l’identité de celle le tenant.
Ses longs cheveux émeraudes tombent dans son dos telle une cascade de pierre précieuse. Ses omoplates saillant sous la fine chemise blanche de son uniforme sont contractées. Et elle tient fermement sa sœur en joug, ses yeux étirés lançant des éclairs derrière ses lunettes.
L’atmosphère était déjà tendue mais quelque chose vient d’y changer. Ce n’est pas simplement l’opposition entre deux sœurs perpétuellement en compétition. Ce n’est plus deux créatures différentes opposées depuis la nuit des temps qui se disputent, non.
C’est une exorciste qui vient de se dresser devant un confrère pour l’empêcher d’approcher un fantôme.
— Je t’interdis de parler d’elle comme ça, gronde Maki.
Mes yeux s’écarquillent et mon cœur rate un battement. Mon estomac se soulève en entendant la fermeté dans sa voix.
L’expression stupéfaite de Mai s’adoucit soudain et un sourire étire le coin de sa lèvre. Malicieux. Comme à son habitude.
— Oh, Maki…, chantonne-t-elle avec un rire teinté de méchanceté. Ne me dis pas que tu es tombée si bas.
— Tais-toi, rétorque aussitôt l’intéressée.
Mais elle n’obéit pas.
— Tu sais ce qu’est le pire, dans tout cela ? dit-t-elle-même.
Maki ne répond pas mais je me surprends à ressentir de la compassion quand une lueur dévastée traverse son regard.
— C’est que même si je te hais, une partie de moi continuais à se dire que c’était de bonne guerre, que ce n’était pas bien grave parce qu’au moins, t’étais une bonne exorciste… Mais quelle genre d’exorciste tomberait si bas ? Ferait une telle chose ?
— Je ne l’ai pas choisie.
Mai secoue la tête en reculant d’un pas, se défaisant du bâton. Je me doute qu’elles ne parlent pas seulement du fait que Maki se soit interposée mais d’autre chose que je ne comprends pas et qui fait débat.
— Cela n’a aucune importance.
La noiraude déclare simplement.
— Tu n’es plus digne de porter le nom Zenin et tu le sais.
Là-dessus, elle quitte la pièce. Maki et moi nous retrouvons seules. Aussitôt, la douleur de la fille me gifle. Je vois bien qu’elle a mal. Et je souffre aussi de réaliser que je ne peux sans doute rien faire pour elle.
— Maki, je murmure en l’approchant.
— Laisse-moi tranquille.
Sans même me laisser le temps de répondre, elle quitte la pièce.
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— Je me doutais bien que je te trouverais ici.
Maki avait besoin de temps après ce qu’il s’est produit avec sa sœur. Alors je lui en ai laissé. La matinée est devenue un déjeuner qui s’est prolongé en après-midi avant de se muer en soirée. La lune apparait dans le ciel rosée. Mais rien n’est visible dans cette salle.
Bien que particulièrement inconfortable, la salle donnée à la famille Zenin est logiquement celle où j’avais le plus de chances de retrouver la jeune femme pour lui parler. Alors je m’y suis rendue. Et elle est effectivement ici.
Assise sur le sol, au pied d’une fenêtre cachée d’un rideau pourpre, elle ne lève pas la tête vers moi ni ne me réponds. Mon cœur se serre en la voyant si mal. Je flotte jusqu’à elle et me pose devant son corps, assise en tailleur.
Je tente de trouver son regard mais elle le garde sur le sol.
— Je suis désolée que tu ais dû affronter ta sœur à cause de moi et que ça ait compliqué les choses entre vous… Et, j’ajoute, hésitante, je suis aussi désolée d’être partie du principe que tu n’étais pas quelqu’un de bien simplement parce que tu es une Zenin. Tu m’as sans doute sauvée, aujourd’hui.
Elle ne répond pas tout de suite. Le silence s’éternise. Mais sa voix grave finit par résonner dans la salle :
— Les choses étaient déjà compliquée entre ma sœur et moi. Tu n’as rien compliqué. Et, en ce qui concerne ma nature d’exorciste…
Elle lève les yeux vers moi, visiblement hésitante.
— Je ne t’ai pas amenée ici pour te mettre mal à l’aise, à l’origine, déclare-t-elle. L’esprit qui était ici se nourrissait du malheur des gens. Il aimait bien choisir quelqu’un qu’il persécutait, notamment en lui créant des cauchemars traumatisants puis en faisant en sorte que ces cauchemars deviennent réalité.
Je déglutis péniblement.
— Je voulais juste te montrer pourquoi les exorcistes existent. Même si certains pensent comme ma sœur, beaucoup d’entre nous n’ont rien contre la plupart des fantômes et démons. Ce serait comme dire que les policiers humains traquant les criminels humains en veulent à tous les humains… C’est insensé.
Elle marque une brève pause.
— Je sais que vous n’êtes pas tous comme ça…, murmure-t-elle. T’es sans doute la personne la plus bienveillante que j’ai jamais rencontré.
Mon cœur rate un battement et ma gorge s’assèche. Je ne réponds rien tout de suite, transie par ses paroles directes et prise au dépourvue par son regard. Elle ne me quitte pas des yeux. J’en frissonnerai presque.
J’avoue que jamais je n’aurais soupçonné que des exorcistes puissent considérer les choses sous cet angle. L’idée que Maki le fasse m’apaise mais ces derniers compliments me mettent, eux, dans un tout autre état.
Mes entrailles remuent.
— Mais…, je commence en fronçant les sourcils, cherchant de quoi relancer la conversation pour dissimuler mon trouble flagrant, si c’est vrai pourquoi tu me déteste autant ?
— Je ne te déteste pas.
— Alors pourquoi tu me charries tellement et m’insulte ? Je ne t’ai rien fait ! je m’exclame.
Elle rit faiblement. Une vague de chaleur monte en moi à ce son.
— Ah, ça…, murmure-t-elle d’une voix suave en posant ses mains sur le sol devant elle.
J’écarquille les yeux. A quatre pattes devant moi de sorte que son visage reste à ma hauteur, elle me fixe. Je ne bouge même pas, comme médusée par le moindre de ses gestes. Je crois n’avoir jamais été aussi profondément charmée.
Doucement, elle s’avance jusqu’à moi. Je déglutis péniblement. Son nez frôle le mien. Un rictus étire ses lèvres. Elle regarde les miennes. Je fais pareil et elle chuchote :
— Ça, c’est juste parce que c’était le seul moyen d’avoir ton attention.
Puis, elle m’embrasse tendrement. Mes paupières se ferment et je pose mes m ains sur ses joues, elle glisse ses bras autour de ma taille et nous basculons en arrière. J’éclate de rire quand nous nous étalons sur le sol mais elle avale celui-ci en m’embrassant à nouveau.
Nos lèvres s’ouvrent. Sa langue touche la mienne. Je soupire contre elle. Mes mains se perdent dans ses cheveux émeraudes. Bientôt, nous nous séparons. Et je murmure en posant mon front contre le sien :
— Maintenant, tu as toute mon attention.
...
J'espère que cet os vous aura plu ? A demain avec Shanks !
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