Chapitre 10
Je dors encore quand les premières alarmes retentissent.
Je grogne en me demandant alors ce qui se passe sans vouloir me réveiller.
Je suis cependant forcée d'ouvrir les yeux et de me lever quand l'alarme stridente ne cesse pas de se répercuter dans le bâtiment et mes oreilles.
Je me frotte les yeux pour tenter d'y voir plus clair et m'approche encore un peu vacillante de la fenêtre.
Je fronce alors les sourcils en remarquant des lumières de véhicules aux abords du Refuge. Des éclats de voix me parviennent de l'extérieur mais je ne comprends pas encore la gravité de la situation, mon cerveau a encore du mal à fonctionner rapidement...
Quelqu'un tambourine alors à ma porte en hurlant qu'il faut partir, fuir, qu'ils nous ont retrouvé.
Je commence à réaliser ce qui est en train de se passer. Ça devait forcément arriver : Gènaro nous a retrouvé.
Dans ma tête, tandis que le bruit sifflant des alarmes de sécurité me vrille les tympans, c'est aussi le chaos. J'ai du mal à réfléchir mais ne perd pas une minutes pour fourrer mes maigres affaires dans un sac en tissu.
Je balaye une dernière fois la chambre du regard. A peine ai-je trouvé un endroit où me poser qu'il se fait attaquer... Je n'ai définitivement pas de chance.
Je me précipite vers la porte que j'ouvre à la volée. Dans le couloir, c'est la panique totale, tout le monde se bouscule, hurle, pleure, veux fuir.
Je cherche désespérément Florian ou même Valentine des yeux mais je ne les vois nul part, sûrement déjà happé par la foule.
A mon tour, je suis le flot d'enfants et d'adolescents qui file vers les escaliers. Malgré l'affolement qui secoue la foule, il me semble qu'ils savent où aller en cas d'assaut, tout le monde fuit vers le rez-de-chaussée et nous nous retrouvons bientôt dans la cantine.
Les plus âgés font passer tous les jeunes derrière le bar où se trouve sûrement un passage menant autre part.
Bien que la fébrilité et l'inquiétude se lisent sur tous les visages, leurs gestes sont calculés. Un plan a été mis en place pour ce genre de situation. Il aurait été utile qu'il soit expliqué dans les feuilles d'informations posées dans les chambres.
« Tu es là ! s'écrit alors une voix dans mon dos suivit par une prise qui me prend aux épaules et me retourne.
Je me retrouve nez à nez avec un Florian complètement paniqué qui semble recouvrir peu à peu son souffle.
- Je t'ai cherché partout, soupire-t-il, tu sais où nous devons aller maintenant ?
- Aucune idée, je murmure, où est Valentine ?!...
- Elle est dans le début de la file, me répond-il, on aura le temps de tous passer avant que Gènaro ne se pointe ?
Ses yeux sont voilés de détresse tandis qu'il jette des regards inquiets autour de nous dans l'espoir de voir la file et la masse incroyable de monde diminuer d'un seul coup.
- Je n'en sais strictement rien, Florian, je soupire aussi déboussolée que lui, je ne suis ici que depuis un jour, comme toi.
- Je te signale quand même que c'est toi la Touché, rétorque Florian, avant-hier je vivais parfaitement normalement.
Ah. Ça fait mal. Je me doute qu'il dit ça sous le coup de l'angoisse mais ça ne m'empêche pas de prendre sa remarque en plein cœur.
- Je ne voulais pas vous mêler à ça, je réponds, je l'ai déjà dit, j'aurais voulu éviter de vous embarquer dans cette histoire !
Il baisse la tête, fatigué et se masse la nuque.
- Ecoutes, je ne suis pas sûr d'avoir ma place dans cet endroit, me confit-il embarrassé, je ne veux pas t'abandonner ici, c'est vrai, mais bordel, je n'ai rien à faire là !
Je lève mes yeux vers lui sans sourire.
- Je sais. Et c'est pour ça que je n'aurais jamais dû accepter ton aide.
- Quoi ?
- Profite de la confusion pour partir.
- Non, Ary', je ne voulais pas dire qu...
- Pars, s'il te plaît.
Il veut s'expliquer mais je me dégage et me faufile dans la foule.
Je ne sais pas si je marche à contre-courant et pour tout dire, je m'en fiche. La seule chose qui résonne dans ma tête c'est sa voix : Ary'. Même ma mère ne me donnait pas de surnom.
Tu vas me manquer Florian.
Mais c'était ma règle : ne s'attacher à personne, faire cavalier seul et ne dépendre que de moi.
Je me retrouve alors à la fin de la file où j'aperçois Mindy et Sheila qui discutent nerveusement, Bella toujours juchée sur l'épaule de sa maîtresse.
Je les regarde de loin, ne voulant pas m'approcher.
La foule avance très lentement et désormais seule, je ressens alors une lourde solitude qui me pèse dans la gorge et dans le ventre. Il était temps de couper les ponts avec Florian, je commençais à vraiment l'apprécier.
Petit à petit, la masse de personne diminue mais j'entends aussi les alarmes continuer de siffler et les lumières à travers les baies vitrées.
Dépêchez-vous...
Alors qu'il ne reste qu'une vingtaine de personnes à faire passer, les vitres explosent dans une myriade de fragments différents qui finissent éclatée sur le sol.
Dans un hurlement général, les derniers adolescents se jettent à terre. Pétrifiée un moment, je finis par me mettre à genoux pour voir arriver des escadrons d'adultes en noir qui, très organisés, nous entourent.
Tout me parvient en écho étouffé : les mouvements des adultes, les cris et les pleures... J'ai l'impression d'être complètement vide. J'ai donc finis par me faire attraper ?... Impossible. Je dois rêver...
C'est comme si mon cerveau n'avait pas enregistré toutes ces informations si négatives.
La force qui m'attrape les poignets me fait l'effet d'une décharge électrique. La vitesse normale du temps reprend ses droits. Mes yeux s'ouvrent en grand, les couleurs du soir et des gyrophares, le hurlement des sirènes, le sol lisse contre mes mollets nus, tout cela m'assaille tel un poids mort invisible s'abattant sur mes épaules.
On m'attache les poignets avec des sortes de filaments en métal et on me prend par le bras pour me relever.
Autour de moi, le même schéma se reproduit sur les autres captifs.
Sheila hurle de douleur lorsque son animal lui est retiré. Bella a été neutralisée, endormie par une fléchette, se trouvant désormais dans les bras d'un homme un noir.
Je me demande comment la situation a pu dégénérer à ce point et en si peu de temps. Jeanna a-t-elle déjà fuit ? Certainement.
Notre groupe de vingt est amené vers la sortie, toujours encadré par les adultes habillés de noir. Impossible de fuir.
Lorsque je veux tenter d'invoquer une flammèche, je me rends alors compte que mes pouvoirs sont bloqués. Cette fois, je panique vraiment. Mon pouvoir ?! Ma seule source de réconfort ?!! Hors de portée ?!!! Je me serai effondrée si l'homme me surveillant ne m'avait pas retenue...
Je voudrai pleurer et me vider de ce chagrin mais rien ne se passe, je suis condamnée à garder ma souffrance pour moi. Encore et toujours.
Mes menottes retiennent mon pouvoir mais impossible pour moi de pleurer. La chance ne veut vraiment pas de moi.
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