1. Chocolat Blanc Chaud
Le café ne désemplissait pas aujourd'hui, comme à peu près tous les après-midi. Depuis qu'il travaillait ici, Kirschtein n'avait pas connu une seule journée sans que le Coffee Bloom ne soit bondé. Placé au centre de la grande avenue, à cheval entre les bureaux des Hommes d'affaires et les universités des étudiants, la boutique se trouvait suffisamment au bon endroit pour qu'une queue se crée avant l'heure d'ouverture, et que les horaires de fermeture ne soient presque jamais respectées.
Le châtain soupira en nettoyant le rebord du comptoir. Ce travail ne lui déplaisait pas, mais il était épuisant.
— Aller, Jean, l'encouragea Armin en préparant la commande qu'il venait de prendre. C'est bientôt ta pause.
— Ouaip, soupira de nouveau Kirschtein. Mais faut encore que j'attende Marco. Il m'a dit qu'il risquait de terminer un peu tard aujourd'hui, à cause de ses exam’s.
Au même moment, la cloche de l'entrée retentit.
— Bonjour, fit mollement le garçon en relevant la tête dans un mouvement lent, trahissant sa lassitude.
Mais soudain, un hoquet de surprise le sortit mit brutalement fin à sa somnolence. À peine ses yeux s'étaient-ils posés sur la nouvelle cliente qu'il fut instantanément foudroyé.
Hypnotisé, il suivit du regard cette asiatique qui venait d'entrer, qui ne l'avait salué que d'un bref hochement de tête en signe de politesse, et qui allait s'assoir à une table près de la vitrine.
Jamais il n'avait vu une femme aussi belle. Il en resta stupéfait. Ses cheveux corbeaux encadraient un visage aux contours parfaits ; sa peau, pâle, faisait ressortir ses lèvres aux proportions généreuses ; et son regard, aussi noir que du charbon, avait cette expression presque insolente qui ne faisait que mystifier davantage l'aura de la jeune asiatique.
— Ah, tu es déjà là ? Je ne t'avais pas remarqué !
La voix de son collègue blond à côté de lui sortit Jean de sa rêverie. Il l'aperçu alors s'adresser à la mystérieuse jeune femme.
— Je sers cette cliente et je suis à toi, Mikasa, continua Arlet.
— Ne t'en fait pas, Armin. Il faut encore qu'Eren arrive.
Elle s'appelait donc Mikasa.
Jean recentra son attention sur la brune. Quand la cloche de l'entrée retentit de nouveau, il aperçut les lèvres de cette dernière s'étirer légèrement. Le châtain sentit sa respiration s’accélérer.
Un diamant.
Oui, ce sourire flottant sur le visage ovale de la jeune femme faisait étinceler sa peau opaline. Mais quand Kirschtein aperçut qu'il était adressé au garçon brun qui venait d'arriver, une dague transperça son coeur.
Il soupira, secouant négativement la tête en signe de désapprobation.
T'es déçu alors que tu la connais même pas, se sermonna-t-il. T'as vraiment un problème, vieux.
— Jean, la voix de Marco le fit sortir de ses pensées. Je suis enfin là, tu vas pouvoir prendre ta pause.
Le châtain acquiesça d'un signe de tête.
— Encore désolé, continua le brun en nouant son tablier.
— T'inquiète, répondit Kirschtein avant d'attraper son blouson et de se diriger vers la sortie du personnel.
Une fois dehors, il prit une profonde inspiration. Doucement, il expira l'air qui remplissait ses poumons, et observa le nuage de buée qui s'était formé, se dissiper.
Il sortit son téléphone et avança le long de la ruelle pour regagner la devanture du café. Il s'assit ensuite sur le petit rebord de la vitrine, dans le coin externe dépourvu de vitre, veillant ainsi à ne pas masquer la vue des clients. Il risquait sinon de se faire sévèrement réprimander par son patron.
Mécaniquement, il fit dérouler les publications Instagram des comptes auxquels il était abonné. Un nouveau soupir de lassitude traversa ses lèvres. Oui, Jean était blasé. Ou plutôt, du haut de ses vingt-cinq ans, le châtain s'ennuyait à mourir et commençait à perdre tout intérêt pour la vie quotidienne. Pourtant, ses études de journalisme l'intéressait, son job étudiant était plaisant quoi qu'un peu sportif, et son groupe d'amis ne manquait jamais de distraction grâce aux absurdités quotidiennes de Sasha et Connie.
Mais ce qui manquait au garçon, c'était l'amour. Il avait déjà eu deux ou trois petites amies si on prenait en compte ses amourettes de lycéen, mais Jean était un éternel romantique qui désespérait de ne pas trouver l'unique qui enflammerait son cœur de sentiments puissants et immuables. Quand il avait vu l'asiatique, sa beauté lui avait coupé le souffle. La brune ressemblait en tout point aux critères que s'était listé le garçon quant à la femme idéale. C'en était troublant.
Mais voilà. Comme d'habitude, Vénus était déjà prise.
Kirschtein soupira une énième fois.
Mais tout à coup, il vit la porte du café s'ouvrir brutalement de l'intérieur. Il sursauta devant la sortir agressive du mystérieux homme aux yeux verts qui lui avait piqué la personnification de la femme de ses rêves.
— Tu te fous vraiment de moi, Mikasa ! s’exclama-t-il.
En entendant le prénom de la brune, Jean se redressa.
— Eren, attends !
À son tour, l'asiatique sortit précipitamment du café.
Vulcain se nommait donc Eren.
— Comprends moi, c'est une opportunité uniq…
— Je m'en fous, le coupa le brun. On s'était promis de le faire ensemble !
— Eren, on avait même pas douze ans... Et puis rien ne nous oblige de le faire un peu plus tard, quand on aura chacun plus d’expérience...
— Je m'en fiche, fait ce que tu veux, cracha le brun avant de tourner les talons.
— Eren, attends-moi ! implora l’asiatique.
— Laisse-moi tranquille, bordel, pesta une nouvelle fois le garçon sans se retourner.
Ses mots froids eurent pour effet de pétrifier la brune qui se stoppa net.
Dans l'ombre et sans qu'aucun des deux jeunes gens ne l'aient remarqué, Jean avait assisté à toute la scène sans oser signifier sa présence. Pourtant, quand il avait entendu le ton exécrable qu'avait employé le dénommé Eren pour s'adresser à la jeune femme, il avait eu bien du mal à ne pas intervenir pour en coller une au garçon. Mais il s'était retenu, se disant que ce type aux yeux verts ne valait pas le coup de s'attirer des ennuis.
Il entendit l'asiatique soupirer. Jean se sentit mal à l'aise. Il aurait aimé l'aborder, mais il ne savais pas comment s'y prendre ; car après tout, ils ne se connaissaient pas.
Au bout de quelques secondes à la regarder discrètement, et jugeant que plus il attendait pour lui parler, plus son action pourrait être mal interprétée, il se décida tout de même à signifier sa présence :
— Euh, tout va bien ? demanda-t-il timidement en sortant un peu de l’ombre.
En écoutant la voix du châtain, Mikasa sursauta. Elle ne l'avait absolument pas remarqué.
Elle se tourna vers lui :
— Oui, soupira-t-elle de nouveau, bien que ses deux grands noirs embrumés trahissaient le contraire.
En croisant ses iris assombris, Kirschtein sentit son coeur se briser. Tout de suite, il eut une violente envie de rassurer entre ses bras, cette femme qui lui était pourtant totalement inconnue.
— Jean, arrêtes de tirer au flanc et ramène tes fesses, s'écria soudain une brunette en apparaissant derrière la porte réservée au personnel. Ta pause est terminée !
— J'arrive, Sasha ! s'écria le châtain sans pour autant se tourner vers sa collègue.
Il ne quittait pas l'asiatique des yeux. Il n'avait absolument aucun envie de la laisser, mais il y était obligé. Alors à contre cœur, il retourna au travail.
Tout en nouant son tablier autour de sa taille, il jeta un bref coup d'oeil à la vitrine. À l'extérieur, il pouvait encore apercevoir Mikasa qui n'avait pas bougé. Une boule enserra sa gorge.
En commençant à préparer les commandes que lui avait apporté Marco, il préféra prévenir Armin :
— Dis, l'interpella-t-il alors que le blond était concentré à saupoudrer de cacao le frappucino d'une cliente. Je crois que ta copine c'est disputé avec son mec…
Arlet le dévisagea, un air d'incompréhension plaqué sur le visage.
— Ma copine ? répéta-t-il en fronçant les sourcils.
Il suivit alors le regard du châtain en direction des baies vitrées du café.
— Oh, tu veux parler de Mikasa ? s'exclama soudain le blond avant de prendre une mine grave.
Jean acquiesça d'un signe de tête.
— Eren n'est pas son petit ami, expliqua Armin. C'est son frère.
En entendant cela, le châtain eu subitement l'impression qu'on venait de libérer son corps d'une lourde chape de plomb. Sans même s'en rendre compte, il prit une profonde inspiration, comme si ses poumons n’avaient pas été au contact de l'oxygène depuis longtemps.
Alors ce Eren n'était pas son copain.
En apprenant cette si merveilleuse nouvelle, si l'asiatique n'avait pas paru aussi peinée de la dispute avec son frangin, Jean se serait rué à l'extérieur pour lui demander son numéro.
Décidément, il ne connaissait pas ce dénommé Eren, mais son agacement lui soufflait qu'il ne pourrait pas s'entendre avec le garçon.
Le soupir d'Armin à ses côtés le sortit de ses pensées.
— Je savais que je n'aurais jamais dû les laisser seul,... se désola le blond.
— Hm ?
— Mikasa a reçu une opportunité d'emploi qui l'oblige à mettre en suspend le rêve qu'Eren et elle ont depuis longtemps : celui d'ouvrir leur propre boîte.
Arlet soupira de nouveau.
— Je savais qu'Eren le prendrait mal…
— Cet abruti devrait plutôt être ravi pour sa sœur, non ?
Son ami grimaça.
— Disons qu'Eren à un caractère assez... Particulier, souffla-t-il.
Jean ne loupa pas le regard attristé qu'avait le petit blond en observant la brune.
— Va la voir, proposa soudain le châtain.
— Hein ?
— Ça se voit qu'elle est pas bien, reprit Jean. Va la voir. Je ferai la fermeture.
— C'est gentil, mais c'est déjà toi qui a fermé le café, hier. Ça craint si tu le fais encore ce soir. Surtout que c'est blindé auj…
— T'inquiète, assura le châtain. Et puis Marco sera là pour m'aider. Pas vrai, Marco ?
— De quoi ? s'exclama le brun en arrivant pour récupérer les boissons commandées par les clients.
— Armin a un truc urgent à régler et il doit partir plus tôt, expliqua Jean. Tu peux rester avec moi, ce soir, pour faire la fermeture du café ?
— Bien sûr, assura Bott en adressant un large sourire à son collègue blond. Ne t'en fais pas, Armin, je n'ai pas cours demain, alors ça ne me pose aucun problème.
Arlet acquiesça d'un signe de tête.
— Merci les gars, fit-il avant de se ruer dans les vestiaires.
Quand il rejoignit Mikasa, Connie qui passait le balais près du comptoir, s'exclama :
— Eh, elle était pas censée être blonde, sa Annie ?!
— J'avoue, s'écria Sasha à son tour.
— Bande d'abrutis, c'est pas Annie, ça, les coupa Jean. Elle s'appelle Mikasa, elle.
— Il est en crush sur quelqu'un d'autre ?! s'extasia la mangeuse de patates.
— Eh béh, il cache bien son jeu, railla Connie.
— Mais non, c'est juste une pote, s'agaça Jean.
— Comment tu sais tout ça ? s'étonna Marco.
— C'est lui qui me la dit, expliqua brièvement le châtain.
Il jeta un bref coup d'oeil vers la baie vitrée. Quand il aperçut l'asiatique esquisser un bref sourire en apercevant le blondinet, Kirschtein sentit son coeur s'apaiser. Ce soir, elle serait entre de bonnes mains.
༒
— Yo, Armin, lâcha Jean en arrivant dans les vestiaires.
Le châtain venait de sortir de cours, et comme quatre fois par semaine et un samedi sur deux, il s'apprêterait à passer le reste de son après-midi à servir les clients du café où il travaillait. Cela faisait déjà trois ans qu'il côtoyait le comptoir du Coffee Bloom, et même si ce boulot ne lui apportait strictement rien quant au futur métier auquel il se destinait, il avait au moins l'avantage d'offrir un bon salaire. Et puis c'était grâce à lui qu'il avait rencontré Armin, Marco, Sasha et Connie. Tous les quatre avaient même fini par se mettre en colocation.
— Encore merci pour hier, s'exclama Arlet.
— T'inquiète, je t'ai dis, répliqua Jean en nouant son tablier. Comment va ta pote ?
— Bien, mais je pense qu'il va falloir quelque jours à Eren pour digérer l'idée...
Le châtain leva les yeux au ciel avant de lâcher un rire sans joie.
Ce mec est vraiment égoïste, pensa-t-il à l'intention du garçon aux yeux verts.
Il ne connaissait pas toute l'histoire ; à vrai dire, il ne connaissait rien du tout de ce qui avait pu amener ce fameux Eren à une telle colère. Mais peu importait. Pour Jean, aucune raison n'aurait été assez valable pour parler aussi mal à la brune.
Soudain, Jean sentit son téléphone vibrer. En voyant le numéro de Sasha s'afficher, il fronça les sourcils.
— Qu'est ce qui t'arrive, patate girl ? lâcha-t-il en décrochant.
— Euh... Armin est avec toi ?
— Attends, je te met sur haut-parleur, le châtain s'exécuta, vas-y, il t'écoute, continua-t-il en croisant le regard intrigué du blond.
— Armin ?
— Sasha ? Il y a un problème ?
— Disons que si je te dis que des bulles sortent de la machine à laver, tu penses que ça peut-être considéré comme un problème ? s'exclama la voix peu assurée de Sasha.
En entendant cela, les yeux des deux garçons s'écarquillèrent.
— Putain, mais qu'est-ce que t'as encore foutu ?! pesta-Jean.
— Eh, m'engueule pas, la tête de cheval, répliqua la jeune fille. C'est à Armin que je parle !
— Oui, mais c'est sur mon téléph...
— Sasha, le coupa Arlet. Tu as mis quel produit, quand tu as fait tourner la machine ?
— Celui qui était posé dessus, l'espèce de bouteille verte, répondit Brauss. Connie m'a dit que c'était ça que vous aviez acheté quand vous avez fait les courses, le week-end dernier.
— Ok. Ça, c'était le liquide vaisselle... soupira Armin. Je savais que j'aurai jamais dû demander à Connie de ranger les courses...
— Je me disais aussi que d'habitude la bouteille était pas faite comme ça...
— Elle se disait ça, en plus, répéta Jean avec sarcasme, en pensant à la future très probable facture qu'ils allaient recevoir pour réparer la connerie de sa colocataire.
Rectification : c'était à cause de ce boulot, que des gens aussi arriérés que Sasha et Connie faisaient désormais partie de son quotidien.
— Bon, j'arrive, touche à rien, s'exclama Armin. Je suis désolé de te laisser encore tomber... s'empressa de rajouter le blond à l'intention de Jean.
— Tss, c'est pas ta faute mais celle du ventre sur patte et du crâne d'oeuf, maugréa le châtain en raccrochant.
— Je fais au plus vite, promit Arlet en enlevant précipitamment son tablier. Ah, et j'oubliais, continua-t-il en attrapant son manteau, Mikasa doit passer aujourd'hui. Si je ne suis pas encore revenu, tu peux lui dire de m'attendre ?
En écoutant cela, Kirschtein sentit son coeur s'affoler dans sa poitrine. Il allait donc la revoir. Le garçon tenta tout de même de ne rien laisser paraître et acquiesça d'un simple signe de tête.
— Merci, s'exclama brièvement le blond avant de se ruer vers l'extérieur.
Quand Jean atteignit le comptoir, il aperçut Springer en train de préparer un café.
— Eh, le chauve, quand tu vois écrit "liquide vaisselle" tu ranges la bouteille où ? lâcha-t-il avec dédain.
En écoutant le ton de son colocataire, Connie fronça les sourcils.
— Qu'est-ce que tu raconte, le cheval ?! Dans la cuisine, pourquoi ? répondit-il, un brin agacé par la remarque sur sa coupe de cheveux.
— Alors pourquoi t'as foutu la bouteille que vous avez acheté avec Armin sur la machine à laver ?
— Hein ?!
— Qu'est ce qui se passe ? demanda Marco en arrivant pour déposer une commande.
— Il y a que cet abruti a rangé le liquide vaisselle à la place du produit pour la machine à laver, et que l'autre ventre sur pattes a été assez bête pour pas s'en apercevoir, s'écria Jean. Et maintenant, notre machine à laver « fait des bulles » ! continua-t-il en lâchant un rictus sans joie.
En écoutant les rires tonitruant de Springer, Kirschtein fulmina :
— Je vois pas ce qu'il y a de drôle ! C'est de ta faute, espèce de débile, cracha-t-il en attrapant le garçon par le col.
Mais les rires de ce dernier redoublèrent d'intensité en imaginant la tête dépitée que devait faire Sasha en ce moment même.
Comprenant que c'était inutile d'espérer tirer quoi que ce soit de son ami, Jean le relâcha en soupirant de désespoir.
— Et où est Armin ? Il pourrait peut-être faire quelque chose ? demanda Marco, lui aussi peu emballé à l'idée de devoir acheter une nouvelle machine à laver.
— Il est parti rejoindre Sasha, expliqua Jean en commençant à préparer les commandes que lui avait apporté le brun. En espérant que son génie nous sauve…
— Je vois pas où est le problème, intervint soudain Connie qui venait de reprendre son sérieux.
Enfin, son "sérieux", autant qu'il était possible pour le chauve d'en avoir.
— Après tout, du savon, ça reste du savon, continua Springer.
Kirschtein le foudroya du regard. Ce geste eut pour effet de faire repartir son colocataire en fou rire.
— T'es vraiment con, ma parole, c'est pas possible, pesta Jean. Tiens, rends toi utile et va porter ça à la table numéro neuf, fit-il en tendant un plateau où trônaient deux délicieux chocolat viennois.
Springer s'exécuta mais n'arrêta pas son hilarité pour autant.
Kirschtein soupira de désapprobation. Parfois, il avait vraiment l'impression d'être le seul censé parmi toute sa bande de bras cassés. Car si Armin et Marco pouvaient paraître raisonnables, tous les deux étaient en réalité de véritables geek qui pouvaient passer toutes leurs vacances enfermés dans leurs chambres, sans quitter leur ordinateur des yeux.
La clochette de la porte d'entrée retentit et Jean releva la tête pour saluer le nouveau client. Quand il s'aperçut que c'était Mikasa, les battements de son coeur se mirent brusquement à s'accélérer et le châtain eut du mal à respirer. Aujourd'hui, elle était encore plus belle qu'hier. Elle avait laissé sa doudoune bordeaux au placard, pour un caban noir qui élançait sa longue et fine silhouette. Seule une écharpe rouge délicieusement enroulée autour de son cou apportait de la couleur au tableau sombre qui faisait rayonner sobrement l'asiatique.
La jeune femme prit place à la même table que la veille et lança un rapide coup d'oeil au comptoir. Jean baissa la tête. Le châtain avait le mauvais pressentiment que s'il croisait ses yeux noirs, alors son âme serait à jamais prisonnière de ses iris.
Kirschtein réfléchit un instant. Armin n'allait sûrement pas revenir avant de longues minutes, et le petit blond l'avait chargé de prévenir son amie. Il devait donc aller lui parler.
Mais le châtain se sentait idiotement mal à l'aise à l'idée d'aborder la jeune femme alors qu'ils ne se connaissait théoriquement pas ; ou, dans le cas où elle se souviendrait de lui, elle l'aurait sûrement catalogué comme le gars qui avait assisté à une scène qu'il n'aurait pas dû voir. Alors il lui vint une idée. Jean ne savait absolument pas ce que la jeune femme pouvait aimer boire, mais il laissa à son instinct la liberté de deviner. Alors il se mit à préparer un cappuccino ; simple, mais gourmand.
Une fois la boisson terminée, il s'avança d'un pas faussement assuré vers l’asiatique.
— Salut... dit-il timidement en posant la tasse devant elle.
Cette dernière le dévisagea.
— Armin m'a chargé de te prévenir qu'il serait en retard, expliqua le châtain. Je t'ai préparé ça en attendant, mais si tu préfères une autre boisson, je peux te faire autre chose... dit-il en se grattant l'arrière de la tête.
— C'est quoi ? demanda Mikasa en jetant un bref coup d'oeil à la tasse.
— Un cappuccino, mais t'inquiète, je le met sur le compte d'Armin, s'empressa de rajouter Kirschtein.
Il vit l'asiatique acquiescer d'un bref signe de tête.
— Tu as raison, il n'avait qu'à pas me faire attendre, répondit-elle. Merci.
On ne pouvait pas dire que le ton employé par la jeune femme était particulièrement chaleureux, mais il n'était pas froid pour autant. Mais rien que d'entendre un remerciement de sa part, suffit à Jean pour se sentir comblé.
— Bon... Bah... reprit le châtain, en tout cas, n'hésite pas si tu as besoin de quoi que ce soit…
L'asiatique acquiesça d'un nouveau signe de tête avant de porter la boisson à ses lèvres. Kirschtein allait s'en aller, mais à peine avait-il tourné les talons que la jeune femme prit la parole :
— Au fait, désolé que tu aies assisté à ça, hier, dit-elle placidement.
Jean se retourna vers elle, à la fois surpris qu'elle se souvienne de lui mais également qu'elle lui fasse des excuses.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, mentit le garçon en prenant faussement l'air d'avoir oublié sa dispute avec Eren.
C'était subtil mais Mikasa esquissa un bref sourire, comme si elle le remerciait mentalement d'avoir oublié volontairement ce souvenir.
Jean sourit à son tour avant de, cette fois, regagner véritablement le comptoir.
— Ça y est, t'as enfin fini de draguer, la tête de cheval ? s'exclama soudain Sasha qui était assise au comptoir côté client.
— Qu'est ce que tu fous là, toi ?! s'étonna le châtain. T'as pas tes conneries à réparer ?
— Au final, Armin à dit qu'il y avait plus de peur que de mal, expliqua brièvement la mangeuse de patates en saisissant un cookie. Du coup, on est déjà de retour.
— Pose ça, la sermonna Jean en lui piquant le gâteau des mains.
— Eh ! protesta la brunette.
— Si tu veux en manger, t'as qu'à commander, rétorqua le châtain sans une once de pitié pour le ventre affamé qu'était son amie.
— Mikasa !
Il sentit Armin le frôler en toute hâte pour rejoindre précipitamment la brune.
— Désolé de t'avoir fait attendre... continua le blond entre deux essoufflements.
Arlet avait dû courir pour rejoindre le plus rapidement son appartement avant qu'il ne se transforme en soirée mousse géante, mais également pour revenir au plus vite, soucieux de ne pas faire attendre sa meilleure amie. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le blondinet n'avait absolument pas une bonne endurance.
— Je te paye ton cappuccino, pour me faire pardonner... continua-t-il.
— C'est déjà fait, répondit l’asiatique.
Armin la dévisagea.
— Ton collègue l’a mis sur ton compte avant même que j'ai besoin de le lui demander, elle appuya ses propos en désignant Jean du regard.
Arlet se retourna et en croisant les yeux noisette du châtain, il rigola.
— Tant mieux, fit-il. Au fait, je ne t'ai même pas présenté, continua le blond.
Kirschtein se redressa en écoutant les propos de son collègue. S'il la présentait à eux, il avait là une occasion en or de se rapprocher de la jeune femme.
— Mikasa, je te présente Jean, le châtain acquiesça d'un bref signe de tête, Sasha, continua Armin en pointant du doigt la brunette assise au comptoir.
— 'lut, répondit Brauss avec un rapide signe de la main, la bouche obstruée par le muffin qu'elle ingurgitait goulûment.
— Et là-bas, t'as Connie, reprit le blond avant de murmurer, le chauve, mais il ne faut pas le dire trop fort, sinon il risque de se vexer…
Jean lâcha un rire moqueur.
— C'est pourtant la vérité, railla-t-il.
— Et enfin, Marco, le brun que tu vois en terrasse.
— Je comprends pas comment on peut boire quoi que ce soit en terrasse pendant cette saison, frissonna Sasha.
Armin rigola.
— Ce sont tes coloc's, c'est ça ? demanda Mikasa.
— Oui, lui répondit Armin en souriant.
— Et toi, c'est quoi ton nom ? demanda Sasha en regardant l’asiatique.
— Ah oui, se reprit soudainement Armin. Du coup, je vous présente Mikasa. Mon amie d’enfance.
— Eh, mais c'était toi la fille d'hier ! s'exclama soudain Connie qui ramenait les tasses vides de la table qu'il venait de débarrasser.
— Wow, quel perspicacité, le crâne d'oeuf, se moqua Sasha. Fais gaffe, de la fumée sort de ton cerveau, là, continua la mangeuse de patates en s’esclaffant.
— Fait pas la maligne, rétorqua le chauve. Parce que je te rappelle que c'est pas moi qui ai foutu du liquide vaisselle à la place de la lessive !
Brauss cessa immédiatement son hilarité pour foudroyer son meilleur ami du regard.
— Et la faute à qui, hein ?! T'avais qu'à ranger les courses au bon endroit, espèce d’idi...
Sasha reçut un chiffon en pleine figure qui l'empêcha continuer sa phrase.
— Taisez-vous, tous les deux, les rabroua Jean. Vous faites trop de bruit.
Le duo de comique jeta un oeil autour d'eux et croisa quelques regards mécontents.
— Et vas te changer, patate girl, continua le châtain. C'est l'heure de ma pause, donc l'heure pour toi de prendre ton service.
Le garçon appuya ses propos en dénouant son tablier. Il attrapa ensuite le café qu'il venait de se préparer et délogea la brunette pour prendre sa place.
— Je devrais m'y mettre, moi aussi, intervint précipitamment Armin.
— Je vais travailler, en attendant, fit Mikasa. J'ai pas mal de trucs à rendre pour la semaine prochaine…
— C'est vrai que c'est la dernière ligne droite, répondit Arlet. Après tu sera enfin diplô…
— Armin, arrête de tirer au flanc, s'écria Sasha sans ménagement.
Le blond sursauta.
— Pardon, lâcha-t-il, mal à l'aise, à l'intention de sa meilleure amie.
Puis il se mit précipitamment au travail.
Du coin de l'œil, Jean observait discrètement l'asiatique. Des feuilles étalées un peu partout sur la table, elle semblait en grande concentration. Mais la pause du châtain passa beaucoup trop vite à son goût. D'un pas nonchalant, Kirschtein reprit alors son poste derrière le comptoir, et se remit à préparer les commandes des clients apportées par Marco et Connie. Quand ce fut à Armin de prendre sa pause, le petit blondinet partit rejoindre son amie qui arrêta momentanément son travail.
— Tu veux boire autre chose ? demanda Armin. On a une nouveauté à la carte, cette année.
— Oh, tu veux parler du chocolat blanc chaud ? intervint subitement une Sasha saliveuse.
— Non merci, répondit calmement Mikasa, je ne vais pas de taxer tout ton argent non plus. Sinon ton grand-père me tuerait, continua-t-elle en adressant un petit sourire à son meilleur ami.
Jean fit claquer sa langue dans un rictus sarcastique.
— Ne vas croire qu'il est généreux, lâcha-t-il. Le patron nous autorise à consommer gratuitement.
— Sauf Sasha, intervint Connie en rigolant.
— Je trouve ça totalement injuste, se plaignait la brunette.
— C'est pas injuste, répondit Kirschtein du tac au tac, c'est plutôt une question de survie pour le café !
Armin lâcha un petit rire.
— Sasha est assez... Gloutonne, expliqua-t-il à Mikasa.
— J'avais cru comprendre, répondit-elle d'un ton amusé.
La brune était agréablement surprise de découvrir les amis du blondinet. Elle connaissait Armin depuis l'enfance. Et à cause de sa timidité, elle savait qu'il lui était difficile de créer des liens. Mais les gens que son meilleur ami lui avait présenté aujourd'hui lui plaisaient.
Certes, ils étaient un peu bruyants et elle n'avait pas non plus raté les regards manquant cruellement de discrétion du châtain. Mais à part ça, tous semblaient apprécier Armin à sa juste valeur et entouré d'eux, ce dernier paraissait totalement dans son élément. Elle était rassurée.
— Je vous fais deux chocolats blanc chaud, du coup ? proposa Jean.
— Oui, s’il-te-plait, acquiesça Armin d'un signe de tête.
— Ça marche.
Le châtain s'empressa de lancer les machines, désireux de ne pas faire attendre l’asiatique.
Quand il apporta les boissons, Armin s'empressa de porter la sienne à ses lèvres. Le blondinet n'en donnait pas l'impression, mais il était un véritable gourmand.
— Eh, s'exclama-t-il en haussant les sourcils. C'est pas la recette originale. Tu as rajouté quelque chose, non ? continua-t-il en dévisageant le châtain.
Ce dernière se frotta la nuque, d'un geste gêné.
— Oui, j'arrête pas de me dire qu'avec un peu de cannelle, ça pouvait être sympa... expliqua-t-il. C'était une mauvaise idée ?
— Non, c'est très bon, répondit Mikasa en buvant une gorgée à son tour.
— Je trouve aussi, renchérit Armin.
Rassuré de n'avoir pas complètement foiré sa recette, Jean retourna derrière le comptoir.
Une fois de plus, ce fut un après-midi chargé. Le vent automnale annonçait les futurs flocons hivernaux, et tous se pressaient dans les cafés pour se réchauffer. Ainsi, quand une table se libérait, il fallait faire au plus vite pour la nettoyer et permettre à d'autres clients de s'y installer. Mais tandis que Marco s'occupait de la terrasse également bondée malgré le froid, c'était à Conny d'entretenir l'intérieur. Cependant, la concentration de Springer laissait à désirer, et bien souvent le chauve passait le plus clair de son temps à rêvasser plutôt qu'à faire son travail.
En voyant le nombre de tables inoccupées sur lesquelles traînaient encore des tasses et des assiettes sales, Jean soupira d’agacement.
— Eh, Conny, l’interpella-t-il.
Le chauve sursauta avant de dévisager son ami.
— Remplace moi pour faire les boissons, t'avance pas en salle et tu nous fais perdre du temps, continua le châtain, un brin exaspéré de voir à quel point son collègue était dans la lune. Je m'occupe du service.
Springer acquiesça d'un bref signe de tête. Il tendit alors son plateau à Jean qui s'empressa de se mettre au travail. En passant devant Armin et Mikasa, il vit que les deux avaient finit leurs chocolat chaud, et décida de les débarrasser de la vaisselle inutile. Il arriva en plein milieu de leur conversation :
— Alors, tu as pu un peu lui parler un peu, depuis hier ? demanda Armin.
Mikasa hocha négativement la tête.
— Non, fit-elle. Il n'est pas rentré de la nuit. Je pense qu'il a dormi chez Historia.
Volontairement, Kirschtein prit tout son temps pour débarrasser leur table.
La brune soupira.
— Si tu savais comme j'angoisse à l'idée de rentrer ce soir…
Armin tapota affectueusement le bras de son amie.
— Tu n'as qu'à dormir à l'appart', ce soir, lui proposa-t-il.
En entendant le blond, Jean n'en cru pas ses oreilles.
— Je pense qu'il n'y aura pas de problème, continua Armin, hein, Je…
Mais le blondinet fut couper par le châtain qui s'écria subitement :
— Aucun problème ! Je peux même te laisser ma chambre, si tu veux. Je dormirai sur le canapé !
Devant la mine perplexe de l'asiatique, Kirschtein prit soudainement conscience de ce qu'il venait de dire.
Merde ! jura-t-il intérieurement.
Il s'était emballé et ses mots avaient dépassé sa pensée.
Mikasa se leva d'un geste lent, tout en soupirant :
— Je suis touchée par ton hospitalité, quoi qu'un peu douteuse étant donné qu'on ne se connaît pas vraiment, mais je vais renter chez moi, dit-elle en regardant le châtain, avant de recentrer son attention sur Armin. Plus vite j'affronterai Eren, plus vite je lui ferai passer la pilule. Enfin, espérons le, continua-t-elle en ramassant son manteau.
Armin acquiesça d'un signe de tête. Jean, de son côté, n'osa rien dire. Il avait tellement rougit de honte après avoir parlé trop vite, que se joues brûlantes le tiraillaient affreusement.
— Je vais y aller, reprit-t-elle en enfilant son manteau. Je t'appellerai demain, Armin.
— Aucun problème, assura le blond.
La brune se tourna de nouveau vers le châtain.
— Merci pour le chocolat et le cappuccino, fit-elle simplement avant de tourner les talons.
Elle adressa un bref signe de tête à Conny et Sasha derrière le comptoir, en guise de salutation, puis elle partit.
Ce n'est qu'une fois la silhouette de la jeune femme hors de sa vue, que Jean reprit contact avec la réalité.
Putain, pesta-t-il de nouveau. Mais je suis vraiment con, ma parole !
❁❁❁
Hey~
Nous voilà cette fois pour une JeanKasa. Ce premier chapitre vous a-t-il convaincu ? J'espère haha !
Ce sera une fanfiction courte de quatre chapitres qui, comme pour le reste de mes histoires, seront publiés tous les vendredis.
Je vous fais plein de bisous,
Prenez soins de vous 💕
Crunch~
Merci à ma correctrice andreajustwrite
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