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Expirant la fumée, vidant ainsi mes poumons de la totalité de l'air au goût de nicotine qu'ils ont pu amasser même si ma respiration ne s'est pas calmée, toujours saccadée. J'inspire sur ce bâtonnet, savourant son odeur qui apaise mes soubresauts, calme la brutalité de mon cœur cognant à travers ma poitrine rougie. J'observe le nuage qui quitte mes narines et vole à travers notre chambre sombre, où seuls ses ronflements et mes reniflements orchestrent le silence.

J'aurais bien aimé lui cracher cette vapeur toxique sur son visage d'ange, l'étouffer par son odeur nocive et utiliser son corps comme cendrier. Il utilise bien le mien pour se soûler et se vider, je peux bien lui rendre la pareille avec mon addiction. Chacun a sa dépendance, lui, son eau-de-vie, et moi, ce tue-vie.

Je me redresse sur mon coude pour m'asseoir contre le mur. Ce mur témoin de nos ébats, ce mur qui a soutenu mon corps, alors qu'il en prenait soin par ses coups de reins.

Oui c'est ça, il en prend soin à sa manière. C'est sa façon de me montrer son amour, il m'aime tellement qu'il doit le démontrer par les actes. Son amour déborde au point où il en vient à me le prouver avec ses mains qui me marquent, colorent mon corps de son amour, me rendant une œuvre d'art, qu'il expose dans les murs de notre chambre ainsi que sur les meubles de notre appartement.

J'attrape mon tee-shirt, balancé auparavant sur le sol, en me penchant vers lui, pour habiller mon corps en tenue d'Adam, avant de me relever en m'appuyant sur la table de chevet et de me redresser sur mes jambes encore tremblantes. Je m'avance vers la porte en titubant pour quitter cette pièce, envahie par l'odeur de sueur, d'alcool, de cigarettes et de sexe.

Je lui lance un dernier regard par-dessus mon épaule avant de sortir de cette pièce, pour m'aventurer à tâtons à travers le couloir noir, avant de me retrouver dans le salon toujours sombre. Je connais le chemin du bout des pieds, chaque soir, ou chaque matin, selon le point de vue, la même routine se répète sans arrêt.

Mon tee-shirt arrivant à mi-cuisse, mes cheveux poisseux encore humides de sueur et ma précieuse cigarette coincée entre mes lèvres séchées, je pose mes avants bras sur la rambarde du balcon, pour m'y accouder. Ma tête relevée, je laisse le vent d'automne venir assécher ma peau, caresser mes bleus et emporter la fumée quittant mes lèvres pour l'emmener loin. Le soleil au loin commence lentement son ascension, venant illuminer timidement la ville de ses rayons d'aube.

Une troisième cigarette plus tard, ou une cinquième, je ne sais pas, je ne compte plus, un frisson parcourt mon échine alors que je me tends. Non ce n'est pas le froid qui tape mon pauvre corps et qui le fait réagir ainsi, mais la chaleur qui s'y colle. Et voilà qu'avec l'aube, le peintre vient observer son œuvre sur laquelle il a travaillé toute la soirée à perfectionner.

Sous les rayons encore froids, il revient soigner les coups de pinceau brutaux, constater si la toile tient encore debout ; il revient pour vérifier si le cadre est toujours en bon état.

Une main vient entourer ma taille pour me coller à lui, me rappeler sa force, juste à la poigne sur mon corps, alors que l'autre main vient me retirer cette énième cigarette à peine commencée, pour l'écraser juste à côté de mon avant-bras, sur la rambarde, effleurant mon épiderme. Me brulant juste un peu, pas suffisamment pour y laisser une marque indélébile, mais juste assez pour réchauffer la peau de mon bras.


Tu ne souhaiterais pas tomber malade hein, chaton ? susurre-t-il à mon oreille alors que sa main se pose sur ma cuisse nue. C'est dommage que ces jolies jambes soient à l'air libre et que tout le monde puisse profiter du spectacle depuis ce balcon, dit-il en remontant doucement sa poigne à travers mes côtes. 


Et c'est reparti. Il se réveille de bonne humeur et encore plus amoureux, encore plus avide qu'hier soir ; son haleine me le prouve. Je peux sentir l'odeur du rhum m'envahir et prendre la place de la nicotine, remplaçant cette fumée nocive par une autre plus sucrée, plus amoureuse.

Je peux le sentir ; il m'aime à la manière possessive à laquelle il me tire vers lui, pour m'entraîner à l'intérieur sans prendre la peine de fermer la vitre par laquelle j'ai tenté de respirer.

Je peux le sentir ; il m'aime à la manière dont il me pousse sur notre canapé en mordant mes lèvres, alors qu'il m'arrache mon tee-shirt encore plus fougueusement que la veille. Ce pauvre tee-shirt qui se retrouve une seconde fois maltraité et jeté sur le sol, près des rideaux qui se lèvent doucement au gré du vent.

Je peux le sentir, qu'il m'aime à la manière impatiente qu'il a de me le démontrer par ses mains ; à la manière dont il m'enfonce profondément sur le tissu du canapé, à chacun de ses coups, alors que ma voix cassée s'élève à travers le silence matinal.

Il m'aime à m'en étouffer, ne me laissant pas le temps de reprendre mon souffle à chacune de ses ondulations, à chacune de ses caresses profondes qui tordent mon corps, cambrent mon dos.

Il m'aime à m'en faire perdre la tête avec ses grognements, avec ses mots aussi crus que son amour, qui font déborder mon cœur ainsi que le sien, d'amour.

Oui, ce n'est rien que de l'amour, sa manière de me prouver qu'il m'aime toujours.

Alors que les coups de vent se font plus forts, relevant les rideaux, les faisant danser sensuellement, l'ombre de son corps sur le mien projeté sur le mur d'en face par les rayons de soleil montant, s'accélère aussi, accompagnant les rideaux, valsant au gré de la symphonie de nos respirations hachurées. Le froid s'immisçant entre nos chairs suantes vient accentuer les sensations, me provoquant une traînée de frissons qui longe mon corps.

Les rideaux au second plan tentent de suivre la cadence, mais le vent qui les balance à travers la pièce ne semble pas aussi endurant que lui, mon homme, celui qui peint mon corps à coups d'amour. La brise matinale, épuisée par cette compétition, finit par se calmer pour l'observer me surplomber, me prouver son amour avec passion, avec violence.

Mes hanches s'imprègnent de l'empreinte de ses doigts et mon cou, celui de ses dents ; de nouvelles traces que je contemplerai plus tard au miroir, alors que j'allumerai une énième cigarette pour les sanctifier, pour leur ajouter du charme. Rien de mieux que de les observer à travers la nuée de nicotine qui quitte mes poumons et les enjolive.

Un dernier coup, la dernière fois que je m'enfonce profondément dans ce canapé, alors que les rideaux stagnant, semblent nous observer et écouter son grognement qui envahit notre salon. Il s'affale sur moi, m'empêchant de reprendre mon souffle alors que ses mains relâchent enfin leur prise et ses lèvres quittent la peau de mon cou violacé.

Quelques secondes, une minute ou vingt, je ne saurais dire, plus tard, il se relève pour s'asseoir, en bousculant mes jambes légèrement tremblantes pour passer sa main sur ses mèches brunes, en soupirant.

Il se met sur ses jambes. J'observe ce dos sur lequel mes yeux se sont tant de fois baladés, admirant ses omoplates marquées par sa musculature. Il est vraiment un homme qui prend soin de lui, de son image. C'est ce qui m'avait attiré chez lui, lors de nos années estudiantines. Ces années où l'on cherchait à se plaire, jouant au jeu de qui tombera le premier, qui charmera le premier. J'ai bien évidement perdu, mais il est à moi. Je suis la seule qu'il aime, la seule qu'il marque, la seule avec laquelle il se vide et se soûle.

La seule qu'il aime ainsi, violemment, passionnément, brutalement, intensément, fougueusement, à en faire pâlir mon âme, à en faire rougir ma peau.

Il m'aime à sa manière, je ne peux lui en vouloir.

Le son de l'eau qui coule de la salle de bain calme et berce petit à petit ma respiration, mais ça ne suffit pas. Il me faut ma dose de nicotine pour taire cette voix, cette voix qui me chuchote qu'il finira par me détruire. Cette voix de la folie, il faut que je la fasse taire, elle ne dit que des conneries. Faudrait que je la bâillonne pour qu'elle cesse de me souffler sournoisement toutes ces folies.

Je laisse mon bras pendre du canapé pour glisser ma main sous celui-ci. Après avoir tâtonné parmi la poussière, je trouve enfin mon paquet. L'un de ceux qui sont éparpillés dans la maison, pour être sûre d'en avoir toujours à proximité.

J'en tire une de la boîte et attrape le briquet qui y est aussi. Mes mains tremblent un peu mais je réussis à mettre en feu le bout de cette barrette de nicotine, pour l'amener à mes lèvres et inspirer profondément. Je contemple le blanc du plafond alors que la fumée s'envole le rejoindre. Le vent entrant par la baie toujours ouverte, caresse mon corps nu. Je dirige mon regard vers cette porte ouverte, ouverte vers le monde et vers le ciel, alors qu'elle amène de l'air dans ce salon.

Un feuille orangée se fraie un chemin parmi les rideaux et s'immisce à l'intérieur, volant légèrement à travers la pièce. Je tends mon bras pour l'attraper mais elle se laisse tomber plus loin, sur la table basse en verre. Elle était libre, mais elle est venue de son propre grès s'enfermer et mourir sur le tapis de notre salon. 

Je recrache une nouvelle nuée alors qu'une odeur masculine de shampoing vient titiller mes narines. Il a fini de se préparer pour commencer sa journée. J'amène ma main où est coincée ma cigarette, alors que mes paupières se ferment en le sentant arriver.


T'as vraiment des airs de putain, couchée comme ça avec ce truc en bouche, parla l'homme avec qui je partage ma vie depuis trois ans. Aie au moins la décence de porter quelque chose sur toi. J'ai épousé une femme, pas une pute.


Je l'entends marcher vers l'entrée. Je n'ai rien à répondre, il a raison. Je n'ai pas à me pavaner ainsi, je dois au moins porter quelque chose, même si je suis beaucoup trop épuisée pour bouger. Je ne réplique pas mais inspire juste de nouveau profondément cette nicotine. Je la sens traverser ma trachée, caresser mon œsophage pour venir se loger provisoirement dans mes poumons. Je me lèverai plus tard, je vais juste me reposer un peu, dormir quelques minutes avant de me lever pour me laver et commencer ma journée à mon tour.

Et chaque inspiration profonde, emplie de nicotine, vient taire les cris de mon âme. Et chaque longue expiration, emplissant la pièce de fumée, vient effacer les marques de mon corps. Et chaque cigarette consommée, me permet de l'aimer un peu plus. Je suis dépendante de nos ébats au goût d'alcool, avec une fin de nicotine.

Des pas se rapprochent de nouveau, avant que sa voix ne brise le silence qu'il avait laissé.


Ah et t'as intérêt à être prête ce soir, et à l'heure, me crache-t-il. Belle comme tu savais si bien le faire avant que tu ne deviennes un zombie. Je veux pas que tu me fasses honte avec mes collègues, c'est une soirée importante. 


Et la porte claque.

Il m'aime, il veut que je sois la plus belle de la soirée, que tous ses collègues me remarquent. Il ne veut que mon bien.

Et ces quelques phrases sont sa manière à lui de me souhaiter une bonne journée ; il est toujours si attentionné.

La nicotine fait enfin son effet, mon cœur bat moins vite et cette voix s'est tue, laissant place à la douce musique des feuilles riant face aux chatouilles du vent, qui arrive à mes oreilles alors que je m'endors.



HEAVEN PAIN

Chapitre corrigé par MICDRHOPE

Hey, 

Qu'en avez-vous pensez, de ce premier chapitre ? N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé.

N'oubliez pas que je vous aime !

Et si vous êtes victimes de violence, d'abus ou autres, parlez-en ! Ne laissez pas ces douleurs en vous, n'oubliez pas que mes messages vous seront toujours ouverts.

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