𝐐𝐔𝐈𝐍𝐙𝐄











— 𝐂 𝐎 𝐋 𝐋 𝐈 𝐒 𝐈 𝐎 𝐍 —









𝐂𝐨𝐥𝐥𝐢𝐬𝐢𝐨𝐧 : (𝐧.𝐟) - 𝐑𝐞𝐧𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞, 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐨𝐮 𝐦𝐨𝐢𝐧𝐬 𝐫𝐮𝐝𝐞, 𝐝𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐞𝐧 𝐦𝐨𝐮𝐯𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭, 𝐜𝐡𝐨𝐜 𝐝'𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐮𝐧 𝐨𝐛𝐬𝐭𝐚𝐜𝐥𝐞.









𝐃𝐢𝐦𝐚𝐧𝐜𝐡𝐞 𝟕 𝐀𝐨𝐮𝐭 𝟐𝟎𝟐𝟐

𝐏𝐥𝐚𝐜𝐞 𝐝𝐮 𝐂𝐚𝐬𝐢𝐧𝐨 

𝐌𝐨𝐧𝐭𝐞 𝐂𝐚𝐫𝐥𝐨 – 𝐌𝐨𝐧𝐚𝐜𝐨



L'après-midi s'écoule dans un brouillard de larmes mal contenues et de bandages tirés pour Hélène qui a l'impression de vivre un cauchemar éveillé.

Pascale et Carla n'ont pas fait de commentaire sur l'absence de Charlotte, mais la mine torturée de la Toulonnaise n'a pas manqué de les aiguiller sur les événements survenus plutôt dans la matinée. Hélène se sent mal à l'aise en présence des deux femmes, un peu comme si elle avait trahi leur confiance à elle aussi alors elle tente tant bien que mal de lutter contre la culpabilité, les suivants sans rechigner dans toutes les boutiques hors de prix, essayant des vêtements qu'elle ne pourra jamais se payer.

Le temps lui semble affreusement long et en même temps, à chaque fois qu'elle croise le regard bienveillant et inquiet de la mère de famille, elle ne peut s'empêcher de penser qu'elle aussi finira par la détester lorsqu'elle connaîtra l'horrible vérité.

Parce qu'elle avait vraiment envie de l'embrasser. Hélène voulait embrasser Charles, de toutes ses forces, de toute son âme.

Elle voulait tellement goûter au fruit défendu, l'espace d'un instant, elle aurait été prête à tout pour connaître la sensation exquise de ses lèvres contre les siennes. Le goût de la vie, de la paix, même pour un bref instant avant d'être engloutie tout entière dans les flammes de l'Enfer.

Mais elle n'a pas embrassé Charles et la voilà à présent partagée entre deux sentiments aux antipodes qui la déchire de l'intérieur. Ce besoin presque de vital de savoir si lui aussi ressent cette attirance foudroyante qui lui martèle le cœur en dépit de sa conscience. Cet appétit vorace de plus, de proximité, de contact, la nécessité presque absolue de le sentir près d'elle pour pouvoir respirer, vivre, avancer.

Et de l'autre côté, cette culpabilité sans nom de l'avoir poussé à la faute, de s'être laissé glisser dans la faille béante créée par le traumatisme dans le cœur du pilote et d'en avoir profité. D'avoir espéré quelque chose qui lui sera à jamais défendu et, dans son besoin égoïste de guérison, absolution, d'avoir poussé au bord du précipice deux êtres qui s'aiment.

Hélène est dégoûtée d'elle-même et, en même temps, elle en veut au monde entier de ne pas être capable d'avancer par ses propres moyens, d'être encore bloquée dans ce cercle infernal malgré tous ses efforts.

La brune à la tête ailleurs, elle parle à peine et ne participe que peu à la conversation. Elle est désolée pour Pascale et Carla qui tentent de maintenir un semblant de convivialité, mais elle ne se sent pas la force de créer d'autres mensonges pour préserver une vérité déjà effondrée.

Elle esquisse à peine un sourire lorsqu'elles la complimentent sur la robe de couturier au prix décadent qu'elles l'ont convaincue d'enfiler malgré ses réticences à la vue des épaules dénudées. Hélène fait face aux deux femmes, fuyant du regard tous les miroirs, les bras nerveusement croisés sur sa poitrine amincie par son état de santé négligé.

- Est-ce que tout va bien, ma chérie ? Finis par demander Pascale.

Hélène plisse les lèvres dans un maladroit sourire contrit qui ne parvient à convaincre personne, pas même elle.

- Je vais bien, elle sourit. J'ai juste du mal à bien dormir en ce moment.

Elle élude volontairement la question en détournant son attention vers la vendeuse qui lui propose d'ajuster la robe qui menace de glisser. Cependant, elle ne manque pas le froncement de sourcils qui vient assombrir le visage de la blonde. Sans doute, lui a-t-on déjà trop servit cette excuse par le passé.

- Cette robe te va à ravir, tu devrais la garder, souffle-t-elle. Je te l'offre.

La brune esquisse un pauvre sourire gêné tout en resserrant un peu plus ses bras contre sa poitrine, frigorifiée malgré la chaleur de l'été.

- C'est très gentil, mais ce n'est pas nécessaire, elle refuse.

- Ça me fait plaisir et puis on dirait que cette robe est faite pour toi.

- Je vous assure, vraiment, elle insiste. Non merci.

Hélène voit bien que Pascale n'en démord pas, elle se sent de plus en plus oppressée, entourée de vendeuses qui la touchent de toute part pour ajuster le vêtement à sa silhouette.

Lorsque l'une d'elles frôle accidentellement son épaule blessée en manipulant le tissu, elle n'y tient plus. Dire qu'elle prend la fuite est faible, Hélène saute littéralement de la petite estrade sur laquelle elle se trouvait, faisant fi des exclamations outrées de toutes les vendeuses qui la presse de ne pas abîmer le précieux vêtement qui met si bien en valeur tous les défauts de son corps, mettant en avant son insoutenable laideur.

Elle court jusqu'à la cabine la plus proche, claquant la porte derrière elle dans un message clair pour quiconque voudrait la suivre. Là, elle se laisse tomber dans un coin, les larmes dévalent ses joues et elle plaque une main contre sa bouche pour tenter de contenir au mieux ses sanglots déchirants.

Son cœur l'a fait affreusement souffrir et, pour ne pas abîmer le tissu, elle gratte son bandage jusqu'au sang, griffant sa main meurtrie jusqu'à ce que cette douleur vibrante prenne le pas sur toutes les autres.

Elle ne sait pas exactement combien de temps elle passe là-dedans, prostrée dans le coin de cette cabine d'essayage, ni comment Pascale s'y prend pour empêcher le service de sécurité de défoncer la porte pour venir récupérer la robe de force, mais elle finit par la rejoindre, seule.

Hélène se ramasse un peu plus sur elle-même, honteuse de se montrer ainsi devant la mère de Charles, surtout après toute la douceur qu'elle lui a témoignée durant ses derniers jours. Encore une fois, elle ne se sent pas à la hauteur.

Maladroitement, elle tente de sécher ses larmes et d'essuyer son nez pour ne pas salir la robe qu'elle porte toujours.

- Chérie, est-ce que je peux approcher ?

Presque bêtement, la brune hoche la tête alors que la femme s'agenouille à ses côtés, à même le sol, veillant à ne pas la toucher sans son accord.

- Je suis désolé, balbutie la brune. Je ne voulais pas causer de problème.

- Tout va bien. Je suis une de leur meilleure cliente, ils vont fermer les yeux.

Elle laisse échapper un bref soupir de soulagement. Un nouveau scandale est la dernière chose qu'elle souhaite avoir à gérer actuellement.

- Est-ce que tu veux bien m'expliquer ce qu'il s'est passé ? Questionne la maman.

Hélène glisse un rapide regard vers la femme pour se rendre compte qu'elle fixe le mur en face d'elle, pour ne pas la mettre mal à l'aise, pour lui laisser le temps d'organiser ses paroles ou simplement de garder le silence si elle le souhaite.

- L'une des vendeuses a touché mon épaule, pas intentionnellement, précise-t-elle. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris, mon cerveau a vrillé. Personne n'avait jamais touché cette zone à par le personnel médical jusqu'à maintenant, c'est comme si la brûlure s'était réveillée...

De nouvelles larmes lui échappent alors que Pascale la regarde enfin, ses yeux emplis de compassion et d'inquiétude portés sur elle avec la prévoyance d'une mère.

- Oh Hélène. Je suis tellement désolé d'avoir insisté pour que tu l'essaies, je n'aurais pas dû.

- Ce n'est pas de votre faute, je n'en ai pas parlé, vous ne pouviez pas savoir.

- Tu te trompes, une mère sait ces choses-là.

Elles échangent un regard ému et Hélène n'est pas certaine de comprendre toutes les émotions qui traversent le regard de la femme blonde, mais elle distingue sans mal cet amour inconditionnel et pur qui la touche en plein cœur et fait de nouveau jaillir en elle le poison de la culpabilité. Coupable, elle baisse les yeux, incapable de soutenir le regard clair de Pascale Leclerc.

- Hélène ? Est-ce qu'il y a autre chose ? Questionne-t-elle.

La Toulonnaise dissimule tant bien que mal son visage dans ses mains avant de souffler avec désespoir.

- Je suis une personne horrible Pascale. Vous allez me détester, elle tremble.

- Raconte-moi et laisse moi en juger par moi-même.

Et comme un pansement qu'on arrache, Hélène avoue tout. Elle ne cache rien de son malheur, de sa souffrance et des démons qui la hante depuis cette nuit où elle s'est réveillée dans ce lit d'hôpital avec la conviction d'être morte.

Elle ne cache rien de sa joie d'avoir pu revoir Charles, de sa désillusion et de la souffrance qui ne cesse de l'assaillir depuis le début de ce week-end. Pascale ne l'interrompt pas une seule fois, écoutant chacune de ses paroles avec attention, lui donnant tout le temps nécessaire pour vider son sac bien trop rempli et pour comprendre l'ampleur de la situation que lui a caché son fils depuis des semaines.

Et quand finalement, prise d'une grande fatigue, Hélène conclut son récit, à peine consciente du déluge d'informations inquiétantes qu'elle vient de dévoiler à la mère de famille, elle a enfin l'impression de se sentir un peu mieux. Pour la première fois depuis des jours, elle se sent mieux grâce à une autre personne que Charles. C'est un sentiment étrange et presque réconfortant qui l'aide à respirer un peu mieux.

Pascale ne dit toujours rien, le regard perdu dans le vide et Hélène se sent soudainement coupable, tout son soulagement dissipé, de s'être déchargée d'un si lourd fardeau sur les frêles épaules de la cinquantenaire.

- Pascale ? Je suis désolé, ce n'était pas à moi de vous...

- Est-ce que tu veux manger une glace ?

Interloquée, elle lève les yeux vers la Monégasque en train de se relever, époussetant distraitement son pantalon.

- J'ai besoin d'une glace, explique-t-elle. Est-ce que tu veux m'accompagner ?

Hélène hésite un bref instant avant d'acquiescer sans trop savoir si elle doit s'inquiéter.

- D'accord.

Elle accepte la main que la femme lui tend et se redresse, veillant à ne pas marcher sur la robe.

- Prends tes affaires et partons d'ici, invite-t-elle.

La brune opine du menton et s'empresse d'enfiler ses vêtements, laissant derrière elle la robe à laquelle est jette un bref regard peiné avant de quitter la boutique, évitant soigneusement les regards curieux des vendeuses qui, comme l'a dit Pascale, ne la retiennent pas.

Cette dernière se trouve dehors, les lunettes accrochées au nez, penché sur son téléphone qu'elle range lorsque la Toulonnaise sort du magasin, remplacée par un beau sourire encourageant.

- Carla n'est pas là ?

- Elle a dû partir, explique la femme. Et puis je crois que passer un peu de temps toutes les deux ne nous fera pas de mal.

Hélène valide et elles prennent en silence la route vers le glacier le plus proche où elles prennent place en terrasse profitant de l'ardent soleil monégasque.

Malgré son manque d'appétit, Hélène se fait un devoir de dévorer sa glace entièrement pour ne pas inquiéter la mère de famille qui la dévisage sans cesse depuis que leurs commandes sont arrivées. Le goût de la glace menthe chocolat réveille son organisme presque à l'arrêt, insufflant dans ses veines une dose de sucre plus que nécessaire.

La brune sent bien que Pascale veut parler, qu'elle cherche ses mots depuis qu'elles ont quitté le magasin sans savoir par où commencer. Aussi, elle lui laisse le temps de réfléchir, piochant lentement dans son sorbet.

- Pour commencer, lâche-t-elle finalement. Tu dois savoir que malgré toute l'affection que je te porte, je ne peux pas cautionner la part d'infidélité que ta relation avec mon fils implique pour Charlotte.

Hélène ressent un violent pincement au cœur alors qu'elle se contente d'acquiescer, comprenant parfaitement le reproche de la femme.

- Cependant, elle poursuit. Je trouve également la pression qu'ils font tous les deux peser sur tes épaules est parfaitement injustes et le comportement de Charles me navre profondément.

Elle soupire, peinée, et Hélène se sent soudainement coupable de ternir l'image de Charles auprès de sa mère après tout ce qu'ils ont fait pour elle.

- Ce n'est pas...elle tente. Je ne voulais pas...

- C'est pour ça que je pense que tu as le droit de savoir que la dégradation de leur relation n'a rien à voir avec toi, elle termine.

La Toulonnaise hausse les sourcils, bouche bée. Comment ça ? Elle imagine mal comment sa présence ne pourrait-elle pas être le déclencheur. Face à elle, Pascale cherche soigneusement ses mots.

- Évidemment, je ne suis sans doute pas au courant de tout, Charles a toujours été un garçon très secret concernant ses émotions et les événements de ces dernières semaines ont certainement dû rebattre les cartes, mais leur relation rencontrait déjà des difficultés bien avant que tu n'apparaisses dans leurs vies.

- Mais enfin, bégaie Hélène. Ils n'ont pas du tout l'air...

- Ils sont ensemble depuis trois ans, évidemment n'importe quelle dispute ne risque pas de mettre un terme à leur relation, mais ces derniers temps les choses s'étaient tendues suffisamment pour que Charles revienne provisoirement s'installer à la maison.

Hélène fronce les sourcils, incapable de savoir ce que cette nouvelle déclenche chez elle.

- Et...elle hésite. Qu'est-ce qui les a poussés à prendre leurs distances ainsi ?

Elle sait parfaitement que sa question est indiscrète et que rien n'oblige Pascale à lui révéler les détails de la relation amoureuse de son fils, mais c'est plus fort qu'elle. Lorsque cela concerne Charles, elle n'est plus maîtresse de ses émotions.

- Disons simplement que Charlotte se sent prête pour l'étape supérieure, explique Pascale. Elle veut un chien, des enfants, une maison, la vie parfaite en quelque sorte.

- Et ce n'est pas ce que Charles veut ? Elle questionne.

Pascale soupire tout en se pinçant l'arête du nez, en pleine réflexion.

- Je sais que mon fils aime vraiment Charlotte, il n'a jamais été du genre à se lancer une relation sans sentiments forts. Mais depuis la mort de son père, Charles a beaucoup de mal à laisser les autres prendre une place trop importante dans sa vie.

La mère de famille souffre réellement de cette situation, Hélène peut clairement le voir à défaut de pouvoir réellement le comprendre, n'ayant jamais perdu un être cher. Elle ne peut qu'essayer de se mettre à leur place.

- En s'engageant, je pense qu'il a peur de lui donner une place trop importante et d'être de nouveau blessé si quelque chose devait arriver. J'ai bien essayé de l'aider, mais il ne m'écoute pas.

Hélène hoche la tête, un petit sourire compatissant aux lèvres, elle-même n'écoute pas beaucoup les conseils prodigués par sa mère. Elle laisse Pascale poursuivre, buvant ses paroles.

- Charlotte n'arrive pas à comprendre son refus et la situation n'a fait que ce tendre depuis. Le fait que tu arrives au milieu de tout ça avec ta relation particulière et ambiguë avec Charles, elle te perçoit comme une menace et ils reportent tous les deux leurs insécurités sur toi.

La brune réfléchit longuement aux paroles de la blonde avant d'arriver à la conclusion qu'elle n'a pas de meilleures explications aux sautes d'humeur incompréhensibles de Charlotte et au comportement insensé de Charles.

Elle n'est en réalité que le grain de sable est venu enrayer la machine déjà cassée. Cette situation la rassure autant qu'elle la fait culpabiliser parce que quelque part, elle ne fait rien pour l'arranger.

- Je ne sais pas quoi faire, conclut-elle finalement.

En désespoir de cause, elle laisse retomber son front contre la table, épuisée et abattue.

- Je crois que ta meilleure option reste une discussion honnête entre adultes, commente Pascale.

- Mais comment ? Charlotte m'a littéralement jeté de l'appartement et je doute que Charles veuille me reparler un jour après ce que j'ai faillis faire, elle soupire.

- C'est mal connaître le pouvoir de persuasion d'une mère.

À peine quelques instants après qu'elle ait prononcé ces mots, le vrombissement grave d'une voiture résonne dans la rue attirant tous les regards sur la Ferrari 488 Pista qui vient s'arrêter juste devant le glacier.

Hélène écarquille les yeux alors que la vitre passager s'abaisse et que d'un signe de main Charles lui fait signer de le rejoindre. Elle tourne son regard incrédule vers la mère de famille qui lui adresse un grand sourire confiant.

- Quand est-ce que vous avez... ?

- Je l'ai appelé pendant que tu étais en train de te changer. Il n'a pas été difficile à convaincre, assure-t-elle.

Pascale agrémente sa phrase d'un clin d'œil qui lui fait immédiatement penser à son fils alors qu'une petite fossette apparaît dans le creux de sa joue.

Hélène hésite, avise tous les sacs que transporte la blonde avant de lancer un nouveau regard en direction de la voiture toujours stationnée contre le trottoir. Pascale semble comprendre son hésitation puisqu'elle lui presse gentiment la main en signe d'encouragement.

- Tu devrais y aller, ne t'inquiètes pas pour moi. Vous avez besoin de mettre les choses à plat et de prendre une décision, c'est important.

Contre sa volonté, les yeux de la brune s'emplissent de larmes d'émotion alors qu'elle lui adresse un sourire maladroit et touché, ne parvenant pas à trouver les mots justes pour lui exprimer sa toute reconnaissance.

- Merci beaucoup, sa voix chevrote. Merci d'avoir été aussi gentille avec moi malgré tout ça.

Avec douceur, la mère de Charles essuie une larme tombée sur la joue de la jeune femme, lui adressant un sourire reconnaissant.

- C'est normal, ma chérie. Tu as sauvé mon bébé, je t'en serai éternellement reconnaissante.

Elle lui sourit de nouveau et un coup de klaxon de l'autre côté de la rue lui rappelle la présence du pilote garé en double file.

- Allez, file, souffle Pascale. Il t'attend.

Hélène rassemble les quelques affaires qu'elle a eu le temps de récupérer avant que Charlotte ne la jette dehors tout à l'heure et se lève, trottinant à petites foulées vers la splendide voiture du pilote que des passants prennent en photo autour d'elle.

La main sur la portière, la brune se rend compte que c'est certainement la dernière fois qu'elle voit Pascale puisque peu importe la manière dont tournera sa discussion avec Charles, il ne voudra sans doute plus la revoir. Elle aurait dû mieux la remercier pour son accueil et sa gentillesse.

Hélène se sent presque ingrate, elle hésite à faire demi-tour, mais à l'instant où l'idée lui traverse l'esprit, elle croise le regard de Charles et plus rien n'a d'importance.

Même à travers la vitre teintée, elle parvient sans mal à distinguer les traces de larmes mal dissimulées sur son visage tiré. Hélène pince les lèvres en s'asseyant, toute sa confiance en elle envolée.

Charles lui adresse à peine un regard alors qu'il démarre, lui demandant dans un souffle de rentrer l'adresse de son appartement dans le GPS. Ils n'échangent pas un mot avant d'avoir dépassé Nice et la brune regarde par la fenêtre pour ne pas voir les jointures crispées du pilote agrippées au volant.

Elle n'ose pas parler, ne sait pas par où commencer, comment s'excuser. Tous ces mots qu'elle aimerait tellement lui dire restent désespérément bloqués dans sa gorge et tout ce qu'elle peut faire, c'est tirer et griffer le bandage malmené de sa main abîmée.

Le silence perdure jusqu'à Cannes, étouffant, insoutenable dans le petit habitacle confiné et à cet instant, elle préférerait être n'importe où ailleurs qu'ici.

- Ton épaule te fait mal ?

La brune relève les yeux, surprise par sa question.

- Habituellement, non, elle souffle. Je n'ai pas pris mes médicaments ce matin.

L'évocation des événements de la matinée semble le faire se crisper un peu plus et Hélène regrette d'avoir laissé la situation se détériorer à ce point.

- Toutes tes affaires sont dans le coffre, il explique. On peut s'arrêter à la prochaine aire d'autoroute si tu veux.

- Il est trop tard, je les prendrai chez moi.

Elle voit bien les coups d'œil qu'il lui jette, à elle et à sa main maltraitée qu'elle n'arrive pas à soigner.

- À propos de ce matin...

- Je te dois des excuses, il coupe. Ce que j'ai fait était déplacé, je t'ai fait du mal.

Il semble chercher ses mots quelques instants avant de reprendre avec un sourire peiné.

- Je te fais du mal depuis que l'on s'est rencontré, il affirme.

- Charles, c'est faux !

La brune n'est pas d'accord, mais il ne semble pas près de l'écouter. Il secoue la tête pour marquer la négation le regard fixé sur la route devant lui.

Délicatement, du bout de ses doigts tremblants, Hélène effleure sa main crispée sur le volant.

- Regarde-moi, elle souffle.

- Je suis en train de conduire.

- Juste un instant.

Et il l'écoute, même le temps d'une seconde, juste assez longtemps pour qu'elle puisse accrocher son regard bleuté torturé. Juste le temps de lui ouvrir son cœur.

- Je ne regretterais jamais de t'avoir sauvé, tu le sais ça ?

Il accroche de nouveau son regard, hésitant et se penche légèrement dans sa direction. Ils se regardent et comme à chaque fois, Hélène sent son cœur palpiter dans sa poitrine.

- Et moi, je m'en voudrais toujours d'avoir détruit ta vie.

Elle hausse un sourcil, surprise.

- Tu n'as pas détruit ma vie Charles.

C'est au tour du pilote de laisser échapper un bref rire triste.

- Regarde-toi, regarde-nous. Comment tu peux encore dire ça après ce week-end ? Peu importe ce que je fais, tu finis toujours par souffrir au final.

- Mais cela ne veut pas dire que je regrette, elle murmure.

- Non, parce qu'il y a ce truc en nous qu'on n'arrive pas à accepter ou à endiguer malgré tout le mal qu'il nous fait. Mais un jour, tu iras mieux et tu verras les choses autrement.

Hélène ferme les yeux et recule dans son siège, blessée par les paroles du Monégasque. Comment pourrait-elle regretter d'avoir sauvé une vie, d'avoir sauvé sa vie ? C'est une idée si absurde qu'elle pourrait presque la faire rire si elle n'avait pas tant envie de pleurer.

- Alors qu'est-ce qu'on fait ? On vide nos sacs et après quoi ? On se dit adieu ?

- Je crois que c'est la meilleure chose à faire.

- Mais moi, je n'ai pas envie de te dire adieu.

Les mots lui ont échappé, mais elle ne les regrette pas, ils ne sont que la pure vérité. Charles se crispe à ses côtés et puis, sans qu'elle ne s'y attende, quelques instants plus tard, il glisse ses doigts dans les siens, gardant l'autre main sur le volant.

Délicatement, il enroule ses doigts autour de sa main, caresse l'intérieur de son poignet de la pulpe de ses doigts avant de revenir se concentrer sur le bandage, sur lequel il n'oppose aucune pression, par peur de la blesser.

Silencieusement, il attire la main blessée jusqu'à ses lèvres, qu'il dépose contre sa peau, à travers le pansement. Hélène se laisse faire, fascinée par la vision de Charles traitant sa main comme s'il s'agissait du plus précieux des trésors, enivrée par la sensation de ses lèvres.

Comment est-il seulement possible de vibrer à ce point pour quelqu'un et d'avoir pourtant terriblement envie de pleurer parce qu'elle sait que c'est la fin.

- Je n'en ai pas envie non plus, trésor, il murmure contre sa peau. Mais avons-nous réellement le choix ? Tu dois guérir, avancer, je ne peux pas t'entraîner avec moi.

- Et toi ? Qui t'empêchera de sombrer ?

Il lui adresse un bref sourire qui n'atteint pas ses yeux ternes, le regard porté sur la route qui défile à grande vitesse.

- Charlotte m'aidera, elle l'a toujours fait, nous devons être fort, ensemble.

Hélène pince les lèvres, la culpabilité revenant au galop.

- J'aurais dû m'excuser auprès d'elle.

- Je lui dirais, elle comprendra.

Il affirme cela avec tant de certitude, la Toulonnaise esquisse un bref sourire peiné. Elle n'a rien à ajouter.

De longues minutes s'écoulent encore, dans un silence apaisé, le calme paisible de ceux qui s'apprêtent à se quitter.

- Charles ?

- Oui trésor ?

- J'aime bien ce surnom, elle sourit.

Il lui sourit en retour, sans rien ajouter.

Et puis, sans qu'elle ne s'en rende compte bercé par le rythme réconfortant de cette voiture, la chaleur vibrante de la main de Charles contre la sienne, Hélène se laisse doucement glisser, profitant de cette paix intérieure qu'il est le seul à pouvoir lui apporter.

Elle ne reprend connaissance que lorsqu'il passe délicatement les doigts dans ses cheveux, massant sa nuque endolorie par la position peu confortable dans laquelle elle s'est endormie.

- On est arrivé trésor, il chuchote.

La bouche pâteuse et les muscles fatigués, elle se redresse, reconnaissant vaguement les bâtiments de sa rue et la silhouette sombre de son immeuble au-dessus de leur tête. Au loin, le soleil a entamé sa longue descente sur l'horizon, apportant à la ville des airs de citadelle dorée.

- Je me suis endormie ? Elle baille.

- Tu étais fatigué, je n'ai pas osé te réveiller, il souffle.

Hélène hoche la tête, encore groggy de sa sieste improvisée et étire lentement ses muscles endoloris tandis que Charles fait le tour de la voiture pour venir lui ouvrir la porte.

Il lui offre un sourire gentlemen et elle pouffe d'amusement tout en acceptant la main qu'il lui tend pour l'aider à sortir de la voiture excessivement basse. Puis il se détourne pour aller ouvrir le coffre et elle l'observe évoluer autour d'elle avec aisance, chacun de ses mouvements délibérément lents ayant pour seul but de retarder la tant redoutée heure du départ.

Mais ils ont beau prier les dieux et le temps, celui-ci n'arrête jamais de s'écouler, emportant avec lui leurs dernières secondes de tranquillité.

Charles lui fait face, la dominant d'une bonne tête et l'obligeant à lever les yeux pour le regarder. Et c'est comme si tout ceci était déjà arrivé, le même immeuble, les mêmes sentiments tourmentés, les mêmes yeux gorgés de larmes salées.

La seule différence, c'est que le soleil termine de se coucher alors que la dernière fois, il peinait à se lever.

Hélène et Charles se font face, encore, toujours, à jamais. Le cœur au bord des lèvres et la certitude bien ancrée, contre laquelle il est si dur de lutter, que quoi qu'ils fassent, peu importe ce qu'ils disent, rien ne sera jamais vraiment terminé.

- Voilà, il souffle. Tout est là.

- Merci de m'avoir ramené chez moi.

- J'avais dit que je le ferai.

- Je sais, elle sourit. Mais, merci.

Et ils se regardent de nouveau, incapable de trouver les bons mots. Ils se regardent simplement et, quelque part, c'est suffisant.

Ils n'ont cessé de se heurter durant ce week-end qui n'a finalement duré qu'une seconde. Avec violence, avec douceur, avec toute la démence de leurs cœurs. Ils ont prouvé qu'ils pouvaient être bons l'un pour l'autre, mais pas pour l'instant, pas quand être ensemble signifie d'envoyer balader le reste de leurs vies.

Hélène regarde Charles, beau comme un dieu dans la lumière du crépuscule et Charles regarde Hélène divine enchanteresse, maîtresse de son âme.

- Prends soin de toi, Hélène, il exhale.

- Prends soin de toi aussi, Charles.

Elle a le cœur qui palpite si fort qu'elle se demande un instant s'il peut l'entendre, tout proche qu'il est. Prononcer son nom sonne comme un délicieux péché, un interdit qu'elle se permet d'outrepasser, une ultime fois avant la fin.

- Je t'appellerais, il promet. Quand les choses iront mieux.

- C'est une promesse ?

Il la dévisage un instant l'englobant toute entière du regard, presque incertain.

- Je retrouverais ma vie, tu retrouveras la tienne et puis nous deviendrons amis.

Elle esquisse un faible sourire sincère, il n'a pas vraiment répondu à sa question, mais elle se contentera de cela, c'est bien plus que ce qu'elle mérite.

- Je serai une super amie.

- Je n'en doute pas un instant, il sourit.

Et ils se sourient, naturellement, simplement. Ils ne se sont pas tous dits, toutes les vérités n'ont pas été prononcées, mais ils n'en n'ont pas vraiment l'utilité, pas alors qu'ils n'osent pas encore s'avouer cette fatalité qui fait pour son chemin dans leurs cœurs.

- Prends soin de toi trésor.

- Au revoir Charles.

Pourtant, ils ne bougent pas, debout devant la porte de son immeuble prêt à tout sacrifier pour que le temps s'arrête, juste une seconde de plus.

- N'arrête pas de me regarder.

Elle esquisse un doux sourire.

- Jamais, elle souffle.

Ils en sont là, quatorze jours plus tard, le même endroit, les mêmes sentiments, la même urgence.

Charles la regarde encore, une dernière fois et il s'en va.

Elle le regarde reculer sans jamais se détourner, contourner la voiture, s'éloigner, la quitter, encore. Mais elle ne peut plus, Hélène, elle n'en peut plus de le regarder partir loin d'elle, encore et encore.

La bonne personne, jamais au bon moment.

Alors elle fait taire son esprit, sa conscience tiraillée, les blessures si profondément ancrées en elle qu'elle a l'impression qu'elles ne partiront plus jamais, sa culpabilité dévorante et la peur d'être seule à nouveau, encore.

- Charles !

La brune trébuche sur son sac, tord sa cheville sur le bord du trottoir, mais cela n'a aucune importance. Elle contourne la voiture jusqu'à lui et se saisit du col de sa chemise froissée, rassemblant les vestiges de son courage pour faire ce qu'elle a désespérément envie de faire depuis la première fois que leurs yeux se sont croisés, dix-sept jours plus tôt, dans cette chambre d'hôpital.

Et juste comme ça, d'une simple poussée sur la plante de ses pieds, Hélène Chevalier embrasse Charles Leclerc.

D'abord, il ne réagit pas, trop surpris, choqué, mais à peine une seconde plus tard, il passe un bras autour de sa taille rapprochant leurs corps jusqu'à l'extase alors qu'il s'appuie sur la voiture dans un dos. Il glisse l'autre main dans sa nuque, inclinant délicatement le visage de son trésor jusqu'à l'angle parfait qui lui permet d'approfondir le baiser. Là, son pouce caressant doucement la mâchoire de la jeune fille, il presse leurs bouches l'une contre l'autre avec besoin, avec passion.

Hélène n'est pas en reste, ses doigts fourrageant dans les cheveux du Monégasque. Elle ne se rappelle pas d'avoir jamais été embrassée ainsi. Avec tant de besoins, tant d'avidité, tant de désir.

Embrasser Charles, c'est comme sauter dans le vide alors que l'on est en feu. Chuter et se consumer, respirer sans avoir la certitude que l'on pourra de nouveau respirer un jour, sentir son odeur contre elle, sur elle, lui appartenir.

Hélène embrasse Charles, malgré tout, malgré le monde, malgré les interdits, malgré les remords qui l'assailliront dès que leurs lèvres se sépareront.

Hélène embrasse Charles et c'est la meilleure chose qu'elle ait jamais faite.  



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Et BOOM, explosion !

Voilà un chapitre quinze particulièrement long, plus de 5 000 mots, le plus long pour l'instant qui permet à Collision de dépasser les 50k de mots et de devenir un gros bébé.

Beaucoup de choses dans ce chapitre, Pascale et Hélène tout d'abord. Je voulais prendre le temps de bien la développer avant d'introduire le parallèle avec la mère d'Hélène dans les prochains chapitres. Pascale à une vision un peu plus honnête de son fils et elle permet à Hélène de découvrir de nouveaux éléments.

La détérioration de la relation entre Charles et Charlotte ensuite, l'une veut s'engager, l'autre à peur de l'abandon, est-ce qu'ils sont coincés et comme ces tensions vont-elles se traduire dans la suite de l'histoire, il ne tient qu'à Charles de sauver son couple ou de le laisser couler.

Et finalement, le premier baiser ! C'est bien Hélène qui embrasse Charles la première alors qu'ils sont en train de se dire adieu !

Ce baiser, est-il une bonne chose ? Doivent-ils prendre leurs distances malgré tout ?

Beaucoup de questions dont les réponses risquent de ne pas venir avant quelques chapitres, il va falloir s'accrocher ! J'espère que le chapitre vous a plu et je vous retrouve mardi prochain pour la suite !

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