𝐃𝐄𝐔𝐗











— 𝐂 𝐎 𝐋 𝐋 𝐈 𝐒 𝐈 𝐎 𝐍 —









𝐂𝐨𝐥𝐥𝐢𝐬𝐢𝐨𝐧 : (𝐧.𝐟) - 𝐑𝐞𝐧𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞, 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐨𝐮 𝐦𝐨𝐢𝐧𝐬 𝐫𝐮𝐝𝐞, 𝐝𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐞𝐧 𝐦𝐨𝐮𝐯𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭, 𝐜𝐡𝐨𝐜 𝐝'𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐮𝐧 𝐨𝐛𝐬𝐭𝐚𝐜𝐥𝐞.









𝐕𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞𝐝𝐢 𝟐𝟐 𝐣𝐮𝐢𝐥𝐥𝐞𝐭 𝟐𝟎𝟐𝟐

𝐂𝐢𝐫𝐜𝐮𝐢𝐭 𝐏𝐚𝐮𝐥 𝐑𝐢𝐜𝐚𝐫𝐝

𝐋𝐞 𝐂𝐚𝐬𝐭𝐞𝐥𝐥𝐞𝐭 – 𝐅𝐫𝐚𝐧𝐜𝐞



Debout aux abords de la piste, Hélène observe avec attention le passage des voitures à quelques dizaines de mètres d'elle. À ses pieds, prêts à être brandi en cas de besoin, les différents drapeaux signalétiques.

Le départ de la course vient à peine d'être donné, les plus rapides entament leur quinzième tour et la jeune femme est attentive aux informations délivrées par la direction de course et la voix de Pierrot qui résonne dans ses oreilles. Les conditions climatiques sont optimales, pas une goutte de pluie n'est tombée sur le sud de la France depuis plus de trois semaines et tous les pilotes ont pu prendre le départ au meilleur de leur capacité.

Dans son dos, le reste de l'équipe attend comme elle un changement dans le rythme de la course ou l'émergence d'un éventuel problème. Personne n'espère que cela arrive, évidemment, mais ils doivent tous se tenir prêts à intervenir dans la seconde suivant un appel de la radio. De là où elle est, Hélène voit à peine passer les voitures, dissimulées par le mur de pneus qui sépare la piste du poste des commissaires. Malgré tout, le bruit, l'odeur, tous ses sens baignent au cœur de la course, remplaçant sa vision. Selon elle, il n'y a pas de meilleurs endroits au monde pour ressentir la course.

Bien sûr, elle ne saisit pas tous les tenants et les aboutissants des qualifications, le virage numéro 10 se trouve bien trop loin pour qu'ils puissent capter les commentaires des journalistes ou les cris du public et elle doit user de toute sa concentration pour distinguer les couleurs des monoplaces qui passent devant elle à une allure folle. Mais c'est aussi cela qu'elle aime, rien ne l'empêche de regarder le replay plus tard, mais être là, sur le bord de la piste, c'est un sentiment indescriptible qu'elle ne remplacerait pour rien au monde.

Elle est en nage, chauffée à blanc dans sa combinaison fluorescente, le lourd casque blanc qui recouvre sa tête ne contribue pas vraiment à la rafraîchir. Ses cheveux bruns, rassemblés en une courte queue de cheval basse à l'arrière de sa tête, collent le long de sa nuque et elle tire avec difficulté sur le col de sa veste pour tenter d'y faire pénétrer un peu d'air frais, sans succès. Hélène déteste les fortes chaleurs, un comble lorsque l'on habite depuis toujours dans le sud de la France, mais elle a hérité de sa mère une peau claire extrêmement sensible aux rayons du soleil qui lui font préférer les espaces ombragés aux bains de soleil.

Une vague d'air chaud lui balaie le visage lorsque le gros du peloton entre dans le virage, disparaissant aussi vite qu'un mirage. Le compteur installé dans leur voiture indique le dix-huitième tour sur les cinquante-trois que compte la course et Hélène se détourne un instant, juste le temps d'attraper une bouteille d'eau dans la glacière stockée dans le coffre.

Le bruit retentissant de la tôle pliée la fait se redresser moins d'une seconde plus tard. Tendue, elle se tourne tout entière vers le virage numéro 11 d'où s'élève un immense panache de fumée noire qui indique le début d'un incendie. Aussitôt, Bruno tourne le volume de la radio au maximum, cherchant à glaner des informations et sur la marche à suivre. À en juger par la taille du nuage de fumée qui semble s'agrandir de secondes en secondes, plusieurs véhicules sont impliqués dans l'accrochage.

Quelques instants plus tard, la radio grésille dans leurs oreilles à tous, indiquant le déploiement du double drapeau jaune et elle fait signe à Damien de s'exécuter sans attendre. Deux drapeaux jaunes, c'est mauvais signe, Hélène le sait et un nœud d'appréhension tombe au fond de sa gorge. Elle ne doit pas bouger, son rôle est d'assurer la sécurité du virage numéro 10. La brune sait d'expérience qu'une équipe complète se trouve au virage numéro 11, réputé pour être le plus technique du tracé, il n'empêche que ses muscles la démangent d'agir.

Au lieu de ça, elle serre les poings et se mord la lèvre tout en fixant le panache de fumée qui continue de s'étendre vers le ciel. Le temps qui semble s'écouler au ralenti lui paraît affreusement long aussi, lorsque la radio de son casque grésille, elle se redresse de toute sa hauteur, prête à agir dans la seconde.

- Hélène ?

Elle retient un hoquet de soulagement à l'entente de la voix de Pierrot, celui-ci semble tendu, elle le comprend à l'intonation de sa voix.

- J'écoute !

- Drapeau rouge, laisse quelqu'un sur place et rend toi avec le reste de ton équipe prêter main forte au virage 11.

- C'est compris !

La radio arrête de grésiller et c'est pire que tout ce qu'elle redoutait. Un drapeau rouge est symbole d'accident grave et le fait qu'on l'envoie sur place veut dire que l'équipe qui s'y trouve est dépassée, donc que plusieurs voitures sont impliquées. D'un geste rapide, elle fait signe à André, qui fonce vers le drapeau rouge tandis que les autres grimpent en voiture.

Les mains tremblantes, Hélène s'installe derrière le volant sans prendre la peine d'attacher sa ceinture de sécurité et enfonce la pédale de l'accélérateur, faisant bondir la voiture vers l'avant, obligeant tous les passagers à se cramponner fermement.

Il ne leur faut pas plus de quelques secondes pour parcourir à pleine vitesse la distance séparant les virages 10 et 11 et le spectacle qui s'offre alors à eux dépasser toutes les pires craintes d'Hélène.

- Bordel de merde, souffle Bruno à ses côtés.

Si elle n'avait pas le souffle coupé, elle aurait sans doute acquiescé au juron de son ami, au lieu de cela, elle reste parfaitement muette et arrête la voiture le long de la bordure extérieure de la piste. Devant eux, un carambolage monstre impliquant au bas mot cinq peut-être six voitures, dont une partie a pris feu. Autour d'eux, ce sont des dizaines de commissaires de pistes qui courent, extincteur et kit de premier secours en mains pour essayer de limiter le carnage.

Il faut quelques secondes à Hélène pour reprendre contenance et enfiler son sac d'urgence tout en cherchant du regard Paul, le chef de poste du virage numéro 11 qu'elle finit par repérer quelques mètres plus loin, entourés de pilotes enroulés dans des couvertures de survie. Profitant de sa petite taille, elle laisse son équipe derrière elle pour se glisser entre les pilotes immobiles et rejoint son collègue faisant abstraction du bruit tonitruant de l'hélicoptère qui tourne au-dessus de leurs têtes. Elle reconnaît certains des pilotes présents, mais le temps presse et ils ont déjà été pris en charge.

- Ah enfin, vous voilà, soupire Paul. On a besoin d'extincteurs supplémentaires en attendant que les pompiers arrivent avec de plus grosses citernes, explique-t-il.

Hélène se contente de hocher la tête tout en indiquant la marche à suivre à son équipe qui s'exécute sans attendre. Dans la cohue générale, elle a du mal à entendre les explications de Paul qui ne s'arrête pas de déblatérer à toute vitesse, dépassé par l'ampleur de l'incident. La tête encore froide, la brune prend sur elle d'exposer les éléments à sa disposition, tentant de capter l'attention de son collègue.

- Les drapeaux rouges ont été mis en place, tous les autres pilotes ont dû rentrer au stand, commence-t-elle. Est-ce que tu as récupéré ceux qui manquent à l'appel ?

Paul lui jette un regard désemparé et elle comprend rapidement qu'il est totalement dépassé et ne lui sera d'aucune utilité. Autour d'elle, l'agitation est à son paroxysme, sans perdre une seconde, elle se précipite vers le petit groupe de pilotes qui s'est déplacé et attend la Safety Car derrière les barrières de sécurité. Grimpant sur la barrière de pneus, elle attrape le bras de Pierre Gasly dont l'arcade sourcilière abîmée saigne abondamment.

- Est-ce que tous les pilotes sont là ? Hurle-t-elle.

Il lui jette un regard surpris avant de se tourner vers le reste du petit groupe qui n'a rien compris de la question de la brune. Hélène se mord la langue avant de poser à nouveau la question, cette fois-ci en anglais pour être certaine de se faire comprendre de tous. Elle les regarde échanger quelques mots entre eux avant que Carlos Sainz, qu'elle n'avait pas encore vu, fende le petit groupe jusqu'à elle et ne hurle dans un anglais qu'elle a du mal à comprendre à cause du bruit :

- Je ne sais pas où est Charles !

- Charles Leclerc ? Elle demande.

Il acquiesce et elle recule légèrement avant d'appuyer sur l'interrupteur de sa radio.

- Pierrot, est-ce que Charles Leclerc est rentré au stand ?

La réponse met quelques secondes à venir, accentuant le stress de la brune qui n'ose pas regarder le pilote en face d'elle dans les yeux.

- Non, déclare-t-il. Aucun des pilotes Ferrari n'est rentré au stand.

Dans ses veines, le sang d'Hélène ne fait qu'un tour et sans attendre elle se jette au pied du mur de pneus, ignorant les appels des pilotes dans son dos, pour courir jusqu'à Paul qui s'agite toujours au bord du brasier. Violemment, elle lui saisit l'avant-bras et le force à se retourner vers elle.

- Est-ce que tu as vu Charles Leclerc ? Lui hurle-t-elle.

Il plante sur elle de grands yeux paniqués sans pour autant répondre à sa question et cela ne fait qu'accentuer les craintes de la jeune femme qui interroge tous ceux qu'elle croise sans succès. En désespoir de cause, elle enfonce une nouvelle fois l'interrupteur de son casque.

- Où est la Ferrari de Leclerc ? Hurle-t-elle.

Ce n'est pas la voix de Pierrot qui lui répond, mais elle n'a pas le temps de s'attarder sur la question.

- Elle s'est écrasée contre le mur intérieur du circuit ! Mais on ne peut pas atteindre cette zone sans l'intervention des pompiers pour maîtriser le feu !

- Je pense qu'il est toujours à l'intérieur de sa voiture, finit-elle par souffler.

- Pardon ?!

- Charles Leclerc ! Je pense qu'il n'est pas sorti de sa voiture après le crash ! Confirme-t-elle.

Seul un silence glaçant lui répond de l'autre côté de la radio, confirmant l'ampleur dramatique de la situation. Dans l'esprit d'Hélène, debout face au brasier, les pensées se succèdent à toute allure tandis que ses mains gantées ajustent machinalement les bretelles de son sac à dos. Il n'y a pas trente-six solutions, soit Leclerc est inconscient, soit il est trop blessé pour rejoindre une zone en sécurité et dans la panique de l'instant, personne n'a remarqué sa disparition.

Dans ses veines, le sang pulse si vite qu'elle n'entend presque pas les hurlements de Pierrot qui braille des ordres à tout-va dans la radio, indiquant à qui veut l'entendre la marche à suivre. Dans un état second, Hélène balaie la scène du regard, repérant au loin Damien et Anne aux prises avec la carcasse d'une voiture dont elle ne distingue même plus l'écurie tant celle-ci est ravagée par les flammes.

Elle est étonnée par son propre calme alors qu'une unique constatation s'impose à son esprit :

- Il faut que j'aille voir, murmure-t-elle.

Puis, comme si le fait de l'avoir prononcé à voix haute rendait soudainement l'idée plus réalisable, Hélène répète à nouveau.

- Il faut que j'aille voir !

- Quoi ?!

Elle sursaute et se retourne vers Bruno qu'elle n'a pas entendu approcher.

- Leclerc est encore là-bas, hurle-t-elle. Il faut aller le chercher !

- C'est hors de question, hurle-t-il à son tour. C'est trop dangereux ! Tu vas te tuer !

- Mais il n'y a que moi qui puisse le faire !

Hélène sait qu'elle a raison, tous les autres commissaires sont trop grands, aucun ne pourrait se faufiler entre les débris jusqu'à atteindre la monoplace accidentée. À cet instant précis, dans son esprit, il n'y a qu'elle qui puisse le faire.

- C'est trop dangereux ! S'entête Bruno.

- Il va mourir si on ne fait rien !

- Arrête de jouer au héros ! Il faut attendre les pompiers !

Elle comprend l'inquiétude de son ami, mais le temps que les pompiers ne parviennent jusqu'à la monoplace de Charles Leclerc, il sera sans doute trop tard et Hélène n'imagine pas un instant vivre avec le regret de ne pas avoir tout tenté pour le sauver.

En désespoir de cause, elle se contente d'acquiescer et d'observer le mouvement soulagé des épaules de Bruno qui semble libérer d'un poids. De rage, elle serre les dents et fait demi-tour, lançant quelques mots à la va-vite.

- Je retourne à la voiture chercher mon extincteur !

Elle effectue quelques pas en direction du véhicule, juste de temps de s'assurer que le grand brun ne la suive pas et, à la seconde même où il détourne son attention d'elle, elle bifurque en direction du brasier, sans réfléchir abaisse la visière de son casque et fonce tête baissée vers le mur de flammes.

Alors qu'elle glisse jusqu'au sol, rampant avec facilité sous la carcasse d'une McLaren encore relativement épargnée, elle n'a que le temps d'entendre Bruno hurler son prénom avant que sa silhouette ne disparaisse dans les flammes et qu'elle ne se retrouve totalement seule au cœur du brasier.



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Les choses s'accélèrent et on découvre enfin le contexte de la première rencontre entre Charles et Hélène. Il me semble avoir parlé d'une entrée fracassante et c'est le moins que l'on puisse dire ! Charles à disparu, Hélène est une tête brûlée, la suite risque d'être mouvementée !

J'espère que ce chapitre vous a plut et à très vite pour le chapitre 3 ! 

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