2- Un désordre monstre

CAMILA

Sept mois plus tôt

— Cam, ta montre. Elle vibre, quelqu'un essaie de t'appeler.

Je lève les yeux vers Éric, ignorant l'appel, les mains tremblantes alors que je barricade la porte avec tout ce qui me tombe sous la main.

— On s'en fiche ! Tu crois que c'est vraiment le moment ? répliquais-je sèchement.

— Si on veut s'en sortir, il faudrait peut-être appeler tes parents, non ? On est déjà dans une situation critique.

— Et tu crois que ça m'aide, ça ?! dis-je, agacée, tout en faisant les cent pas dans la pièce.

Je pousse un grognement d'exaspération et me tourne brusquement vers lui.

— Cam...

— Ils vont me tuer, Éric. Mon père va me passer un savon monumental et m'enfermer. Quant à ma mère... elle va m'asséner ce regard de pure déception et me dire, « Camila, tu me déçois énormément ». Tu sais quoi ? Je préfère encore une raclée de mon père que ça.

Je me laisse tomber au sol, mes mains tachées de sang tremblant sous mon regard que j'essuie maladroitement sur mon jean. Je tente de calmer ma respiration, mais les souvenirs s'entêtent à revenir. Éric s'accroupit à mes côtés, attrape ma main et la serre doucement, essayant de m'apaiser.

— Écoute-moi. Est-ce si terrible ? Tu as fait ce que tu devais faire. Il l'a mérité. Il t'a poussée à bout, et tu as agi en conséquence. Maintenant, reprends-toi.

— Tu crois qu'il est mort ? demandais-je, terrifiée, la voix brisée par la honte et la peur.

— Il y a peu de chances qu'il s'en sorte, répond-il, visiblement mal à l'aise. Mais là n'est pas la question. Tu dois appeler ton père et lui expliquer ce qui s'est passé.

— Non, c'est impossible. Je ne peux pas. Il... il ne comprendra pas.

— Alors appelle ta mère.

Je secoue la tête avec force, un rire nerveux m'échappant malgré moi.

— Non, crois-moi, Éric. Tu ne veux pas entendre ce qu'elle me dira. La seule à avoir déjà affronté son jugement, c'est ma sœur. Et crois-moi, elle en garde encore des séquelles.

Il soupire longuement, visiblement à bout de patience.

— Alors, qu'est-ce qu'on fait, Camila ?

Je lève les yeux vers le plafond et aperçois une trappe dissimulée au-dessus de nous. Une idée germe dans mon esprit.

— On s'enfuit. On passe par là, dis-je en pointant la trappe du doigt.

— Sérieusement ? Tu plaisantes, j'espère.

— C'est ça, ou affronter toute la famille D'amico. Moi, j'ai déjà pris ma décision. Alors, aide-moi ou écarte-toi.

Avant qu'il ne puisse répondre, des coups violents résonnent contre la porte que j'avais tenté de barricader. Mon cœur s'accélère. Je me tourne vers Éric, qui me regarde avec inquiétude.

— Camila...

Les coups redoublent d'intensité, et je serre les poings. Je devais agir, vite.

Retour au présent

Je restai immobile, le regard fixé dans le vide, perdu dans mes pensées. Mon esprit s'embrouillait alors qu'Isaac, debout face à moi, m'observait d'un air perplexe. Il devait vraiment me trouver étrange. Bouge, fais quelque chose ! me répétais-je en silence. Pourtant, je restai figée, incapable de faire le moindre geste, redoutant qu'il ne remarque la montre à mon poignet.

— Termine ce que tu fais et on sort, déclara-t-il brusquement, son ton laissant peu de place à la discussion.

Je sursautai légèrement avant de bégayer.

— Où... Où est-ce qu'on va ?

Il me jeta un regard impatient, visiblement irrité par ma lenteur.

— Je dois faire un détour quelque part.

Sans me laisser le temps de réagir, il saisit ma veste et me la lança au visage. Surprise, je l'attrapai maladroitement avant de me précipiter pour le suivre.

— Isaac ? appelai-je, tentant de comprendre ce qu'il avait en tête.

— Camila ? répondit-il sèchement en me jetant un coup d'œil rapide.

Il continuait à se préparer avec une efficacité presque militaire. Il enfila un Glock dans son holster, puis ajusta un autre pistolet sur le harnais qui lui ceignait l'épaule. Je l'observai, nerveuse, déglutissant bruyamment. Mes yeux fuyaient les siens.

— Je dois appeler mon père, murmurai-je soudain, la gorge nouée. Tu dois me laisser passer un coup de fil.

Il s'arrêta net, levant un sourcil moqueur.
— Tu plaisantes, j'espère.

Je pris une inspiration tremblante.
— Est-ce que j'ai l'air de plaisanter ? rétorquai-je, essayant de paraître plus assurée.

Son regard s'assombrit.
— Tu me poses vraiment la question ?

Sa voix glaciale me coupa le souffle. J'ouvris la bouche pour répliquer, mais aucun mot ne sortit. J'étais figée, pétrifiée sous son regard inquisiteur. Il attendait que je cède.

— Bien. Si tu n'as rien d'autre à dire, on y va, conclut-il d'un ton tranchant.

Je serrai les lèvres et me contentai de le suivre, le cœur battant à tout rompre. Je priais intérieurement pour que quelqu'un remarque ma disparition ou, à défaut, qu'une âme attentive perçoive mon malaise une fois sur place.

En approchant de la voiture, Isaac se tourna vers moi, ses traits durs et implacables.
— Tu la fermes une fois à l'intérieur. Tu restes près de moi et ne fais rien pour te faire remarquer pour ta propre survie.

Il coupa court à toute objection en se penchant vers moi, attrapant ma ceinture d'un geste rapide. Sa main effleura mes cuisses, et je me raidis instantanément, troublée par ce contact inattendu. Mon souffle se bloqua un instant, mais il ne sembla pas y prêter attention.

Tandis qu'il verrouillait la portière de ses bras, son regard perça le mien.
— Est-ce que je me suis bien fait comprendre ? demanda-t-il d'un ton menaçant.

— Oui, répondis-je faiblement.

— Bien, alors on y va.

Il ouvrit la portière, et je m'installai en silence, les nerfs à vif. Lorsque la voiture s'arrêta enfin devant un bâtiment imposant, Isaac avait déjà pris de l'avance. Je descendis à contrecœur, le suivant d'un pas hésitant.

L'intérieur du bâtiment était plongé dans une lumière tamisée, rythmée par une musique lente et sensuelle. Je balayai la pièce du regard, notant la présence d'autres personnes assises autour de petites tables, des verres à la main. Mon attention fut bientôt attirée par l'estrade au centre, où plusieurs femmes dansaient sur des barres de pole dance, leurs mouvements fluides captivant les regards.

Isaac se retourna soudain, scrutant mon expression. Ses yeux croisèrent les miens, et je sentis mes joues s'enflammer. Je détournai précipitamment le regard, fixant le dos d'Isaac pour ne pas croiser les regards des danseuses ou des clients.

Il s'approcha d'un homme qui semblait attendre, mais l'interaction fut rapidement tendue.
— Eh, fais attention à ce que tu fais... intervint l'homme, agacé.

Isaac, imperturbable, l'attrapa par la tête et le repoussa sèchement sur le côté.
— Dégage, ordonna-t-il.

— Mais ça va pas ?! s'écria l'homme, outré.

— J'ai dit : bouge, répliqua Isaac en avançant sans se retourner.

Une tension palpable s'installait. Des hommes apparurent des quatre coins de la salle, encerclant Isaac. Mon instinct me criait de rester en retrait.

— Je suis venu voir Mo, déclara-t-il en levant calmement une main pour dévoiler son arme.

L'un des hommes fronça les sourcils sans chercher plus d'explications.
— Suis-moi. Et elle, c'est qui ?

Isaac ne broncha pas.
— Elle est avec moi, répondit-il d'un ton neutre.

Je me contentai de suivre, ma gorge sèche, essayant de ne pas attirer l'attention. Plus nous avancions, plus l'atmosphère devenait oppressante. L'air se faisait lourd, et une odeur désagréable imprégnait les murs du sous-sol dans lequel on nous faisait descendre.

Au fond de la pièce sombre, un homme au crâne rasé, vêtu d'un costume impeccable, se leva lentement de son fauteuil. Sa silhouette fine mais intimidante se dessina dans la lumière vacillante. Il s'avança vers Isaac, un sourire glacial aux lèvres.

— Tu viens t'excuser d'avoir estropié un de mes hommes hier, Isaac ? lança-t-il d'un ton acerbe.

Isaac, imperturbable, répondit froidement :
— On enfreint les règles, on paye. Je viens de la part de Franck.

Franck ? L'échange continua, chaque mot pesant lourdement dans l'air. Je restai immobile, les yeux rivés sur Mo, incapable de détourner le regard de cet homme qui incarnait une menace silencieuse.

La discussion prit un tournant encore plus tendu lorsque Mo mentionna un certain « nettoyeur », un tueur insaisissable. Mon cœur s'accéléra malgré moi, et sans réfléchir, je laissai échapper un mot :
— Le nettoyeur.

Tous les regards se tournèrent vers moi. Mo esquissa un sourire énigmatique, ses yeux perçants se posant sur moi.
— Et à qui ai-je l'honneur ?

Je déglutis difficilement avant de répondre d'une voix basse :
— Camila.

Son sourire s'élargit, et il jeta un regard en coin à Isaac.
— Comment ai-je fait pour ne pas remarquer une beauté comme toi ? Isaac, tu me cacherais des choses ?

Isaac répliqua avec un calme tranchant, mettant fin à la conversation avant qu'elle ne dérape davantage. Quelques minutes plus tard, nous quittions enfin cet endroit oppressant. Je pris une bouffée d'air frais en sortant, mes pensées encore confuses.

— C'est quoi cette histoire ? demandai-je, la voix tremblante.

Isaac, implacable, m'ignora presque.
— Ce ne sont pas tes affaires. Monte dans la voiture.

Je croisai les bras, mais finis par obéir, les lèvres pincées.

Un an plus tôt

— Qui est-ce ? demandai-je en croisant les bras, mes yeux fixés sur la silhouette imposante qui se tenait au centre de la pièce.

Daniel, qui semblait nerveux, se retourna vers moi en murmurant :
— Qu'est-ce que tu fais ici, Camila ?

— Quoi ? Je ne fais rien de mal ! Et puis tu m'empêches de voir. Laisse-moi regarder ce qui se passe, insistai-je en essayant de me défaire de son emprise.

Il soupira longuement, visiblement exaspéré.
— Tu es épuisante... Fais ce que tu veux, je m'en fiche, lâcha-t-il en levant les mains en signe d'abandon.

Un sourire satisfait étira mes lèvres tandis que je reportais mon attention sur l'homme.
— Alors, c'est qui ? C'est la première fois que je le vois ici, dis-je, curieuse, en l'observant attentivement.

Il était grand, sans doute un bon mètre quatre-vingt-cinq, avec une carrure athlétique qui ne laissait aucun doute sur sa force. Sa peau mate attrapait les reflets des lumières tamisées, et il dégageait une aura à la fois intimidante et captivante. Il devait peser au moins soixante-quinze kilos, chaque muscle de son corps semblant parfaitement dessiné. Je mordillai légèrement ma lèvre en le voyant parler calmement avec une autre personne.

— C'est Isaac, répondit Daniel avec un soupir. Et c'est normal que tu ne l'aies jamais vu. C'est pas une bonne chose qu'il soit ici. D'après les rumeurs, il faut se méfier de lui.

— Isaac... soufflai-je, répétant son prénom comme pour le graver dans ma mémoire.

Daniel se pencha légèrement vers moi, l'air grave.
— Écoute-moi bien, Camila. Je te conseille de l'éviter. Ce type est tout sauf commode. Reste loin de lui, ajouta-t-il avant de s'éloigner, me laissant plantée là avec mes pensées.

Tout sauf commode, hein ? Cette simple remarque éveilla encore plus ma curiosité. Ignorant les mises en garde de Daniel, je continuai à l'observer depuis ma cachette. Ses gestes étaient précis, sa posture imposante, et pourtant, il semblait garder une maîtrise absolue de ses émotions. Puis, sans prévenir, son regard se tourna brusquement vers moi.

Je retins mon souffle. Ses yeux sombres se plissèrent légèrement, comme s'il cherchait à me percer à jour. Mon cœur rata un battement lorsque son interlocuteur suivit son regard, attirant à son tour l'attention sur moi. Ma couverture venait de tomber. Je jurai intérieurement avant de me retirer précipitamment, disparaissant de leur champ de vision.


Retour au présent

Je pris une grande inspiration, tentant de calmer les battements affolés de mon cœur. Non. Je n'allais pas me laisser faire. Pas cette fois. Résolue, je sortis de la salle de bain, prête à affronter Isaac et à lui dire ses quatre vérités.

— Tu sais quoi ? J'en ai...

Mes mots restèrent coincés dans ma gorge lorsque je découvris la scène devant moi. Isaac et un autre homme étaient en pleine bagarre, leurs mouvements brutaux résonnant dans la pièce. Mes yeux s'écarquillèrent d'horreur lorsqu'un coup particulièrement violent fut porté à Isaac alors qu'il venait de remarquer ma présence, le faisant chanceler.

— C'est quoi ce bordel ?! hurlai-je en avançant vers eux, malgré les avertissements d'Isaac.

— Va-t'en, Camila ! cria-t-il entre deux coups, sa voix pleine de douleur et d'urgence.

Je balançai un regard affolé autour de moi, cherchant désespérément une issue ou quelque chose pour intervenir. Je fis quelques pas vers la porte de sortie, mais quelque chose m'arrêta net. Pourquoi partir ? Une montée d'adrénaline m'envahit, me poussant à revenir sur mes pas.

Je repérai une arme à feu qui traînait non loin d'eux. Sans réfléchir, je me précipitai pour la saisir. Mais l'intrus, rapide, me remarqua aussitôt. D'un geste brutal, il m'attrapa par les bras, me forçant à lâcher l'arme. La douleur fulgurante dans mon bras droit me fit pousser un cri. Je tombai à genoux près d'Isaac, qui toussait, à bout de souffle, une main pressée contre mon flanc.

— Viens par là ! aboya l'intrus avant de me jeter sans ménagement plus loin.

Je grognai en tentant de me redresser, mais mon bras pendait mollement à mon côté. Cassé, sûrement. La douleur était insupportable, mais ce n'était rien comparé à la terreur qui m'envahit lorsque l'homme ôta le cran de sécurité de son arme, la pointant droit sur moi.

En un instant, ma vie entière défila devant mes yeux.

— Prends ça pour un avertissement, Isaac, lança l'intrus d'un ton glacial.

— Non ! intervint Isaac, le souffle court. Dis-lui que... que j'accepte. Je ferai ce qu'il faut.

Sa voix tremblait, chaque mot semblait lui coûter un effort immense. Il se redressa lentement, le visage couvert de sueur et de sang.

— Si tu la tues, reprit-il, la voix rauque mais déterminée, tu déclencheras une guerre. Tu n'as aucune idée de qui elle est et de ce que son nom pourrait déclencher.

L'homme masqué resta immobile un instant, comme s'il pesait ses options. Je levai les yeux vers lui, terrorisée, et mes pensées se bousculèrent. Ils se connaissaient. Isaac le connaissait.

Isaac tourna un regard suppliant vers moi.
— Cam, s'il te plaît... murmura-t-il, comme pour m'avertir de ne pas faire quelque chose de stupide.

Mais c'était trop tard. La colère bouillonnait en moi, éclipsant toute raison. Je me relevai d'un bond et me jetai sur l'intrus, nous faisant basculer en arrière.

Un bruit sourd et sec résonna dans l'air.

La détonation.

— Cam ! hurla Isaac alors que je m'effondrai en avant.

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