༄ Chapitre 3

Ma poitrine et mon ventre n'étaient plus douloureux. La douleur s'était effacée rapidement, un des avantages de ce nouveau corps probablement. J'avais aussi remarqué des changements dans mon physique, je n'y avais pas porté plus d'attention que cela au début. Mes seins étaient devenus plus gros, mes hanches plus larges et plus fermes. Pas dans l'excès, mais je devais être passée d'un bonnet D à un bonnet E et, au niveau du pantalon, j'avais certainement pris une taille... voire deux. J'avais l'impression qu'on m'avait retouchée comme la majorité de ces femmes dans les magazines de mode. Je n'aimais pas ça, ce n'était pas moi. Et aussi parce que ça me rendait désirable, non pas que je ne l'aie pas été autrefois, mais ici, j'allais être la merci d'hommes violents et qui ne souhaitaient qu'une chose : m'abuser pour se reproduire. En parlant de ça, j'y avais réfléchi sérieusement et je ne comprenais toujours pas.

N'avaient-ils pas leurs femelles ?

Pourquoi se servir d'humaines comme nous ?

C'était illogique selon moi. Et insupportable de savoir que tout ça arrivait uniquement pour une question de reproduction. J'avais aussi commencé à perdre la notion du temps, je ne connaissais que l'état de jour et de nuit à cause des repas qu'ils continuaient de nous porter et aussi grâce à mon cycle de sommeil. Mais c'était tout. Depuis combien de temps étais-je de nouveau enfermée ? Ça faisait plus longtemps que la première fois. De nouvelles filles nous avaient rejointes, mais aucune trace d'Amber ou de quelqu'un d'autre que je connaisse. Je commençais à penser qu'ils étaient morts, bien qu'une partie de moi s'obstine à me faire espérer le contraire. Mes yeux se posèrent sur ma poitrine lourde et percée, je me mis à jouer avec un des bijoux qui ornaient le bout de mes seins. Une barre dont les deux bouts étaient ornés d'une pierre à la couleur orangée. Y toucher me fit légèrement frissonner, mes mamelons étaient visiblement plus sensibles qu'avant.

Infâme.

Ce corps n'était définitivement pas le mien.

J'avais l'impression qu'on avait transféré mon âme de mon corps à un autre. Je ne me reconnaissais plus et c'était quelque chose d'affreux, j'avais peur de me perdre un jour. Je ne devais pas m'accommoder de cette nouvelle enveloppe corporelle, je devais me focaliser sur mon esprit, c'était la dernière chose qui était encore intacte de celle que j'étais avant.

Un troupeau approchait.

Une nouvelle épreuve.

Relâchant le piercing avec lequel je jouais, je me mis à lorgner l'entrée de la prison et, comme prévu, un groupe de tritons entra. Comme la dernière fois, ils nous firent toutes sortir. Ils semblaient... impatients et excités. Ça non plus, ça n'annonçait rien de bon. Une nouvelle fois, nous fûmes emmenées dans des pièces différentes. Trois femmes encore. Mais différentes des dernières auxquelles j'avais eu affaire, celles-ci étaient toutes brunes. Mon estomac se comprima et la peur se mit à suinter par tous mes pores. Qu'allaient encore me faire ces garces ? J'appréhendais fortement. L'une d'elles s'avança jusqu'à moi, ce qui me fi grogner forcément. Elle s'arrêta à une courte distance de ma personne et lança une œillade à l'un des hommes m'accompagnant.

Mes côtes craquèrent.

Il venait de me frapper du côté gauche, la douleur fut si forte que ma bouche s'ouvrit, sans pour autant que le moindre son n'en sorte. Et pourtant, j'aurais voulu crier ma douleur. Je tombai à genoux, la tête baissée et les dents serrées si fort qu'elles en grincèrent. Je ne devais pas pleurer. J'avais déjà pleuré la dernière fois, il ne fallait pas que je me montre faible, sinon j'étais foutue. Je fus remise debout et poussée vers la femme contre qui j'avais feulé un peu plus tôt. Comme les précédents, ces trois-là étaient aussi froides qu'un congélateur. Je m'attendais à me retrouver de nouveau allongée et entravée sur une table, il n'en fut pourtant rien.

On me tendit des vêtements.

Abasourdie, ma réaction tarda à venir, ce qui me valut un grognement menaçant de la sirène en face de moi. Je m'emparai alors lentement des étoffes qui m'étaient données. J'aurais presque pu m'en réjouir, me promener constamment nue n'était pas quelque chose que j'appréciais.

— Habille-toi ! ordonna la sirène qui m'avait fourni ces vêtements. On n'a pas beaucoup de temps.

J'ouvris la bouche avant de vite la refermer.

Ne pas poser de questions.

Ils ne répondront pas ou sinon par la violence.

Et tu n'as pas forcément envie de savoir ce qui t'attend, n'est-ce pas ?

Je me contentai donc d'enfiler ce que l'on m'avait donné. Le bas se composait d'une espèce de jupe avec un long tissu léger, de couleur corail, devant et un autre derrière, laissant mes jambes parfaitement visibles. Quant au haut, c'était une espèce de soutien-gorge qui ne cachait plus grand-chose au vu de mon nouveau tour de poitrine. Une fois vêtue, on me fi t m'asseoir et l'une des femmes présente me brossa les cheveux tout en arrière avant de les tresser en épis. Une autre habilla mes poignets de bracelets, tandis que la dernière s'occupait de recouvrir ma peau de quelque chose de brillant, le haut de mes épaules, mes pommettes, le bout de mon nez et le décolleté.

Du highlighter ?

Ne déconne pas, Aesma, tu es dans la mer.

Probablement était-ce quelque chose d'équivalent. On appliqua autre chose encore sur mes lèvres, une sorte de rouge à lèvres, puis elles s'éloignèrent. Surprise, je me mis à les observer chacune leur tour avant de me lever lentement, vérifiant que j'avais le droit. Visiblement, c'était le cas. Plus loin, je repérai un miroir. C'était le premier que je voyais depuis que j'étais ici. Je piétinai jusqu'à l'objet réfléchissant et pus enfin observer mon reflet. J'étais belle, très belle même, plus belle que je ne l'avais jamais été par le passé. Enfin, je pus voir la nouvelle couleur de mes yeux, ils avaient délaissé leur classique noisette pour un magenta. Ma gorge se noua alors que j'observais toujours ma nouvelle apparence, je trouvais cette beauté répugnante. Elle me promettait un avenir sombre.

Un avenir d'objet.

D'esclave sexuelle.

Ma gorge se serra un peu plus et je dus me faire violence pour retenir mes larmes dans mes yeux. Tout ce que j'avais été par le passé avait été balayé par ces créatures. Qu'aurait pensé ma mère en me voyant ? Et mon père ? D'ailleurs, pleuraient-ils encore ma disparition ? Papa devait être effondré. J'avais toujours été son précieux trésor. Sa petite fille chérie qu'il aurait défendue bec et ongles contre n'importe quel danger. Il avait toujours été fier de moi. Et cette fille dont il était si fier allait devenir une pute.

Papa, je suis désolée.

Je n'étais en rien responsable et mes excuses ne lui parviendraient jamais, mais je tenais quand même à le dire.

Je m'en sortirai, je ferai tout pour m'en sortir.

On m'agrippa pour me tirer hors de la pièce. Je me retrouvais avec les autres filles, elles aussi embellies. J'avais peur de comprendre. Du bétail embelli pour être exposé. Pour être vendu. Je ne devais pas hurler ma colère, pourtant l'envie était là. Ma main fut saisie par une autre. Tournant vivement la tête vers ma droite, mon regard en rencontra un autre bleu roi. Les cheveux blond platine de cette fille avaient été coiffés en queue de cheval basse, son visage, fin et ovale, dégagé la rendait resplendissante. Légèrement plus petite que moi, mince, ses formes étaient présentes sans pour autant être aussi opulentes que les miennes. Elle était vêtue d'un superbe ensemble émeraude, quelque peu semblable à celui que je portais, qu'on portait toutes. Elle se pencha vers mon oreille pour murmurer quelque chose.

— Heureuse d'enfin te voir, Aesma.

Un déclic ce fit dans mon esprit. C'était Noy. Il n'y avait qu'à elle que j'avais parlé. Il n'y avait donc qu'elle qui pouvait venir me voir ainsi. Un sentiment de soulagement intense s'empara de moi, ma main serra fortement la sienne. Je me sentais moins seule dans cet enfer. Elle était avec moi. Et j'étais avec elle. Je ne la connaissais pas vraiment, mais elle m'avait gardé sur terre en dialoguant avec moi. Dans le silence, j'aurais perdu la raison sans elle. On nous fit avancer et traverser une multitude de couloirs en pierre qui se ressemblaient tous. Impossible de les différencier et donc de s'échapper en mémorisant un chemin. On déboucha finalement sur une grande salle dont les murs avaient été particulièrement travaillés et sculptés de manière raffinée le tout agrémenté de pierres précieuse et de dorure. Un seul de ces murs devait valoir une véritable petite fortune. Je n'arrivais pas à savoir ce que signifiait ces dessins, mais c'était magnifique.

Le sol, contrairement au reste, était simple et lisse, il était agréable de marcher dessus. On nous fit toutes prendre place en demi-cercle. Ma main était toujours dans celle de Noy, je la serrais un peu plus, la peur me gagnant de plus en plus. Il ne se passa rien pendant plusieurs très longues, minutes. J'aurais aimé que ça reste ainsi, car, quand je vis une ribambelle de mâles entrer, eux aussi, dans la pièce, mon estomac se tordit douloureusement. Est-ce qu'ils avaient l'intention de nous prendre là ? Enfin, peu importe ce qui allait se passer, je ne voulais pas que cela arrive. Une grande femme à la longue chevelure blonde s'avança et se mit entre nous et le groupe d'hommes.

— Voici les nouvelles artificielles, annonça la grande blonde, il y a un large choix, donc prenez celles qui vous plaisent et faites-nous de beaux bébés.

J'allais vraiment vomir.

Je pouvais sentir le contenu de mon estomac venir me chatouiller les amygdales. Visiblement, les femmes de cet endroit n'avaient pas la même notion de droits que nous autres humaines. Et encore, ces sirènes de sang pur étaient bien plus respectées que nous. Après tout, nous n'étions que des utérus pour eux, un moyen – je reprenais les mots de cette blonde – d'avoir de beaux bébés et de faire perdurer leur espèce. Les tritons présents s'approchèrent de nous, provoquant des réactions de peur chez la plupart des autres filles qui reculèrent d'un pas en se blottissant les unes contre les autre. Moi, je restai de marbre, même si j'avais peur aussi, je ne voulais pas leur faire le plaisir de pleurer et de paniquer. Mon cœur se soulevait à chaque fois que l'un d'eux humait mon odeur. Mes poils se hérissèrent quand l'un de ces monstres s'apprêta à poser la main sur moi.

Ne me touche pas !

Je fus exaucée.

À ma plus grande surprise, il laissa son geste en suspens. Et ce ne fut pas le seul, d'autres avaient cessé tout mouvement. Je jetai un regard interrogateur à Noy, qui fit de même, aussi perdue que moi face à cet arrêt brusque. La réponse vint pourtant rapidement, un nouvel homme entra dans la pièce. Mon souffle devint court alors que je l'observais s'avancer lentement dans notre direction. Tous les autres tritons s'écartèrent pour lui laisser la place. Qui était-il ? Une espèce de mâle dominant ? Visiblement. Sinon, les autres n'auraient pas eu cette réaction. Calmement, il fit le tour de chaque femme présente, caressant leur peau, reniflant leur odeur. Exactement comme on le ferait avec de la marchandise. Il s'arrêta finalement devant moi. Un affrontement de regard se mit alors en place. Il était... immense ! Il devait sans problème dépasser le mètre quatre-vingt-dix. Il avait de longs cheveux bruns auxquels se mêlaient des mèches blondes, principalement au niveau des pointes. Une barbe plutôt épaisse, mais bien taillée, recouvrait le bas de son visage, ses lèvres étaient pleines, son nez droit et pas trop large. Quant à ses yeux, ils abordaient une couleur verte striée de jaune. Monté comme un guerrier, tout comme la plupart de ses congénères, ses muscles saillants étaient recouverts de tatouages, formant comme une armure d'écailles et de lignes suivant chacune de ses courbes, ses bras, son torse et son ventre, bien que ces deux parties soient un peu moins recouvertes que les autres. Il avait un regard de prédateur. Non, en fait, c'était un prédateur, tout chez lui semblait être fait pour vous réduire en miettes.

Je l'examinais les yeux légèrement écarquillés, il était aussi effrayant qu'hypnotisant. Un violent frisson s'empara de moi quand je sentis ses doigts frôler mon ventre et remonter lentement vers ma poitrine. Sortant de ma légère transe, j'eus un mouvement de recul plutôt brutal, ce qui sembla le surprendre. Je lui adressai un regard hargneux, accompagné d'un léger feulement. Il redressa un peu la tête sans pour autant me lâcher du regard, ce simple me geste me donna l'impression d'être totalement insignifiante face à lui. C'était certainement le cas d'ailleurs. Je ne pouvais rien faire face à cette montagne de muscles et je le savais. Je refusais pourtant de baisser les yeux et me soumettre à lui. Un grognement grave vibra dans sa large cage thoracique alors qu'il vint rapidement et fermement se saisir de la base de ma tresse, m'obligeant à avancer et lâcher la main de Noy, que je voulus reprendre, mais en vain. Il me plaça devant lui et déclara à l'intention de tous d'une voix calme et autoritaire.

— Elle est à moi.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top