𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 4


Une sonnerie me force à battre vivement des paupières. Je ne suis pas certain d'assumer la journée qui m'attend. Mon regard tombe sur le bomber de mon meilleur ami, et une vague de tristesse m'envahit. Et quand la tristesse laisse place à une colère sans nom à l'encontre de l'inconnue rencontrée la veille, je me redresse brusquement envoyant la pauvre veste à l'autre bout de la pièce.

Mon regard se fige, et je ne tarde pas à sonder les lieux, ahuri. Je suis bien loin de mon minuscule appartement et du bruit singulier du métro de sept heure quarante cinq. Pas un bruit ne vient perturber la quiétude berçant ma chambre d'adolescent, celle-là même que je me souviens avoir quittée depuis bien longtemps.

Dans des gestes relativement lents, j'entreprends de quitter mon lit, et me dirige d'un pas vacillant en direction de ma fenêtre pour me saisir du bomber avec une certaine appréhension. Je le détaille avec attention, comme s'il pouvait m'expliquer l'improbable tournure des événements. Une sonnerie me tire de ma contemplation et je me tourne dans un sursaut, mon regard rivé sur mon portable disposé sur ma table de chevet. Mon ancien portable pour être exact.

Je me jette presque sur le pauvre appareil, et le déverrouille avec un automatisme surprenant, et de nouveau, je me fige. Je secoue vivement la tête, m'arrache presque les cheveux et finis par trouver mon reflet dans le large miroir de mon dressing. Je ne parviens pas à comprendre pourquoi je me confronte à ce visage beaucoup trop jeune pour m'appartenir.

"À huit heure, le 8 décembre deux-mille-dix-neuf il vous faudra avoir trouvé celui qui fait battre son cœur et alors, ce dernier ne cessera pas de battre."

- Putain... de... bordel... de... merde.

- Jimin ! Intervient brusquement la voix familière de ma mère derrière la porte et cette fois j'ai bien l'impression de devenir complètement fou.

Qu'est-ce qui m'arrive bordel...

Mon regard passe de mon reflet au message affiché sur l'écran à une vitesse surprenante. Et sans que je ne puisse le contrôler, j'accours hors de ma chambre, m'excusant distraitement en bousculant ma mère.

La porte claque bruyamment dans mon dos et je sens les larmes dévaler mes joues quand je l'aperçois en contrebas du perrons, nonchalamment installé sur la dernière marche. Il lève paresseusement la tête pour me détailler, et fronce les sourcils, m'opposant cette expression que je me déteste presque d'avoir partiellement oubliée.

- Hors de question. Je t'accompagne nulle part dans cette tenue, chacun sa vie, mais là t'es ridicule.

Je reste figé dans ma position, mon regard ancré dans le sien. La situation me paraît irréelle, et sa présence un mirage. J'ai passé tant d'années à pleurer sa mort, à inconsciemment espérer le rejoindre en constatant l'évolution misérable de ma vie... Sous l'effet de l'émotion, je ne parviens pas à retrouver la raison et je fonds en larme en me jetant dans ses bras, le pressant assez fort contre moi pour être certain que mon esprit n'invente pas l'entièreté de la scène.

- Bordel Jimin, qu'est-ce qui se passe ? Je ne te promets pas de garder mon calme si j'apprends qu'on à touché à mon pote... Commence à paniquer Jungkook à sa façon et je me contente de le serrer plus fort, plongeant mon visage dans son cou et laissant mes sanglots secouer mon pauvre corps.

- T'es en vie... Je finis par murmurer entre deux souffles, ma respiration perturbée par les battements frénétiques de mon cœur.

- Jimin... je suis pas sur de comprendre... Soupire Jungkook en me forçant à me redresser.

Je renifle doucement avant d'écraser maladroitement les larmes qui sillonnent mes joues de mes paumes. Jungkook agrippe doucement mon avant-bras et force mon regard à trouver le sien. Il me questionne silencieusement, et laisse sa langue claquer contre son palais tout en ne cachant pas son agacement.

- Je déteste te voir pleurer, bouge de là, on rentre, regarde toi cinq minutes, t'es en caleçon mec.

Je bats doucement des paupières et reprend une certaine contenance en constatant qu'effectivement, je me retrouve à moitié nue au milieux de l'allée centrale de la maison de ma mère. Je n'y prête pourtant plus aucune importance quand Jungkook me traîne jusque dans ma chambre d'adolescent.

Je me recueillais encore sur sa tombe la veille, et si soudainement, il est là, devant moi, en vie. Dans ma chambre d'étudiant, installé sur mon lit, les genoux repliés contre ma poitrine, Les mots me manquent quand mes larmes semblent intarissables. Je me confonds en explications sous le regard effaré de Jungkook. Mon discours, entrecoupé de sanglots et mes idées désordonnées ne parviennent pas à le convaincre, je commence doucement à saturer.

Sa conclusion ? Un rêve. Un rêve de cinq ans. Cinq ans de douleur, cinq ans de peine, cinq ans de larmes, cinq ans de rêves inachevés, cinq ans de solitude.

Le silence happe peu à peu la pièce et quand Jungkook ne soupire pas lourdement, je peux entendre les battements frénétiques de mon cœur. Je me sens démuni, incapable de prouver l'événement le plus terrifiant de mon existence.

- Tu rêves souvent que je crève ? C'est quoi ce délire ? Dis-le si tu souhaites secrètement ma mort. Finit par ricaner Jungkook, et je me tourne brusquement dans sa direction, outré, affolé de le voir évoquer si légèrement un choc que j'ai réellement eu à encaisser.

- Mon seul souhait depuis cinq ans, c'est de pouvoir te rejoindre dans ta tombe Jungkook.

Il me fixe longuement, les lèvres entrouvertes, visiblement soufflé par mes mots.

Sa présence me paraît trop irréelle. Pareil à un doux mirage, je suis terrifié à l'idée de le voir disparaître. Terrifié à l'idée de supporter de nouveau son absence. Aussi douloureux que soient les souvenirs de ses cinq dernières années, je ne peux m'empêcher de les ressasser, encore et encore. Je suis certain de ne pas rêver, bien que la situation pourrait me plonger dans les abîmes de la folie, une sensation déroutante me pousse à braver l'improbabilité de la situation. Je dois avant tout me reprendre, aborder les événements avec une nouvelle vision de mon existence.

Jungkook est en vie. Peut importe l'absence de logique. Je ne dois pas sombrer. C'est ma chance. Ma seconde chance...

Et c'est à ce moment précis que je réalise. J'ai la possibilité de sauver mon meilleur ami. Un retour sur le plus triste événement de ma vie... Ce n'est pas un adieu... C'est un renouveau.

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Mv̶ ❥

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