𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝐎
— A M E A S S E R V I E —
武士は食わねど高楊枝
RETRANCHEE DANS LES toilettes du stade, je reste immobile. Assise sur le carrelage froid, mes bras entourant mes genoux, je respire faiblement. Cee qu’il s’est passé tout à l’heure m’a fait l’effet d’une claque.
En plus d’être sous le choc, je me sens humiliée.
Un seul instant a suffi à Joke pour me mettre à genoux devant une dizaine de personnes. Là, sous leurs yeux, je me suis retrouvée, tremblante, m’esclaffant bruyamment sans en avoir la volonté. Bien que cette femme soit assez saine et pensais alors à bien, l’humiliation reste cuisante.
J’ai la sensation d’être redevenue, le temps d’un instant, l’âme asservie. Celle qui endure sa dépendance. La femme qui doit se contenter de tout encaisser. Sans broncher. L’épouse qui s’évanouit à la moindre contrariété.
— (T/P) ? résonne une voix. (T/P), où es-tu ?
Je reconnais Aizawa. Il y a dix minutes, je lui ai dit que j’allais aux toilettes et l’ai laissé avec Joke. Seuls.
L’idée m’a déplu mais j’avais grand besoin d’un peu de solitude.
Cependant le noiraud n’a pas l’air de cet avis. Arpentant les couloirs du sous-sol, il passe plusieurs fois devant la porte menant à cette salle en appelant mon nom. Je ne réponds pas tout de suite, me contentant de balancer la tête en arrière pour voir le carrelage bleuté et les quatre éviers de porcelaine faisant face aux cabines de toilettes.
Au-dessus de ma tête, le sèche-main est planté tandis que, en face de moi et quelques mètres plus loin, la porte de la salle est visible. Il n’y a personne, je m’en suis assurée. Je crois que si cela venait à changer, je n’en serais pas dérangée.
Ou plutôt, si Aizawa était celui qui perturbait ma solitude, je m’en accommoderai.
Seulement ma gorge est serrée et j’ai honte. Car mes joues sont humides et que je me trouve stupide d’avoir pleuré pour une simple mauvaise blague. Mais je revois Aizawa, mes élèves et les passants autour de nous, tout a l’air… Tous m’ont vue, à genoux.
Tous ont compris combien j’étais faible. Y compris des personnes dont l’admiration compte pour moi.
Midoriya va-t-il à nouveau écarquiller les yeux en me voyant susciter des tempêtes de sable ? Bakugo tentera-t-il de m’affronter, me considérant comme une adversaire de taille ? Ochaco me demandera-t-elle, un sourire gêné aux lèvres, des conseils pour maximiser les capacités de son alter ?
Ou se diront-ils que je ne suis que la même faible créature qu’Han a su apprivoiser, une femme qui ne mérite aucune considération ?
— Enfin, je te trouve.
Levant la tête, j’aperçois Aizawa dans l’encadrement de la porte. Ses sourcils se froncent tandis qu’il balaye la pièce s’offrant à lui du regard. Puis, ses yeux se posent sur moi. Constatant mon expression assombrie, ils s’écarquillent légèrement.
Le silence est complet ici, presque tendu. Seules les rumeurs du stade nous parviennent. Les épreuves ont commencé depuis un certain temps, à présent. Je sais qu’il préfèrerait être en haut à s’occuper de ses élèves.
— Tu ne vas quand même pas manquer la passation du permis ? je le charrie dans un sourire triste.
Ma voix semble plus pathétique que je ne l’aurais cru.
— (T/P)…, chuchote-t-il de son habituelle voix froide.
Mais je commence à assez bien le connaitre et devine qu’en dépit de son air terne, il s’inquiète pour moi. Sinon il ne serait déjà plus là. Et je me trouve égoïste de ne pas avoir réalisé plus tôt l’ampleur du fardeau que je suis pour lui.
— Nous n’avons pas eu l’occasion de beaucoup nous voir, ces derniers temps. Je me levais avant toi pour préparer les cours et me couchais après toi car je patrouillais dans les rues. Nous ne nous sommes même pas croisés la journée à cause de tes rééducations à l’hôpital et de mes cours, explique-t-il. Cela fait longtemps que je ne t’ai pas demandé comment tu allais.
— Tu te trompes, je lâche dans un sourire triste en brandissant mon téléphone où se trouve le texto qu’il m’a envoyé, tout à l’heure.
— Tu sais très bien ce que je veux dire.
Là-dessus, il franchit en quelques pas la distance qu’il conservait avant de s’accroupir devant moi. Je le regarde faire, mes muscles se détendant immédiatement quand il arrive à ma hauteur et que ses yeux se posent sur mon visage.
En face de moi, il se tient. Sa carrure s’impose devant moi tel un bouclier et la douceur de son regard m’apaise.
Aizawa ne me juge pas. Il ne l’a jamais fait.
— Comment s’est passée ta rééducation ?
— Je… Bien.
Quelques instants durant, il ne répond pas. Son silence me suffit à réaliser qu’il compte bien obtenir une réponse plus détaillée que celle-ci. De plus, la façon qu’ont ses iris brunes de me fixer avec ardeur assèche ma gorge. Je ne parviens pas à rompre notre contact visuel. Mais celui-ci m’intimide au plus haut point.
Les secondes s’écoulent et, fébrile, j’étaye enfin :
— J’ai eu un peu de mal. Je ne réussissais pas les exercices et je me sentais nulle.
— C’est tout à fait normal de peiner, pourtant, objecte-t-il.
— Oui, mais…
Je n’ose pas finir ma phrase et détourne enfin les yeux.
— Mais ? insiste-t-il.
— Mais j’ai eu l’impression d’être réellement celle que Han décrivait en parlant de moi. L’incapable pas foutue de se remettre en scelle, dépendante de son époux et qui traine dans les jambes de celui-ci. Une pauvre merde qui…
Soudain, un contact sur ma joue me fait taire. Douce, délicate, sa large main chaude vient de se poser contre ma pommette. Aussitôt, mes yeux se lèvent et je réalise que ceux-là sont humides. Un sanglot secoue ma poitrine et je me crispe, sentant une larme rouler sur ma joue et s’écraser sur sa paume.
— Je suis désolée, je…
— Ne t’excuse pas, me coupe-t-il aussitôt.
Le regard qu’il pose sur moi est d’une douceur déconcertante. Bien que profondément humain, il n’est pas du genre à afficher ses émotions. Cependant, maintenant, une chaleur tendre semble avoir chauffé ses iris.
Légèrement plissés, ses yeux me couvent.
— Tu es loin d’être faible et même si tu l’étais, je ne t’en blâmerai pas. Car les actes des gens affaiblissent les autres. Et on ne peut pas espérer se sortir indemne de ces situations. Nietzche se trompait. « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort. » Non. Ce qui ne te tue pas, ne te tue pas et on ne peut pas aller chercher plus loin. Certains seront endurcis. D’autres, détruis.
D’autres larmes coulent sur mes joues. La glace de ma retenue fait face à la chaleur de ses mots et, débordant, le bassin de mes émotions laisse voir quelques pleurs. Son regard m’apaise.
— Je n’irais jamais te reprocher d’avoir vécu une relation compliquée et d’avoir peiné à en sortir. Je peux simplement t’assurer qu’au grand jamais je ne te traiterai comme ça. Car tu mérites mieux. N’importe qui mérite lieux qu’Han. Mais toi… Toi tu mérites encore plus que quiconque.
Mes mains tremblent. Je tente de parler, ouvrant la bouche. Mais un hoquet me prend. Mes sanglots sont encore plus violents.
— Tu es du genre pudique et ne souhaite pas t’épancher sur ton passé. Mais tu pourras toujours me parler de ta douleur et je t’assure que je ne te jugerais pas. Je ne l’ai jamais fait et ne le ferais jamais. Je t’admire même pour avoir su garder la tête haute malgré les épreuves que tu as endurées.
Sa paume est toujours chaude sur ma joue et son regard, doux sur mon visage.
— (T/P), je serais toujours là pour t…
Mais il n’a même pas le temps de finir sa phrase. Craquant, je me jette sur lui, enfouissant mon visage dans le creux de son cou. Tout d’abord, il se tend. Puis, réalisant que je l’étreins, ses muscles perdent leur raideur et il entoure à son tour mon corps de ses bras.
L’eau de Cologne que je lui ai dégoté emplie mes narines. Ses doux cheveux caressent mon visage et il respire profondément.
Pour ma part, je ne parviens à refreiner mes sanglots qui se font plus bruyants encore. Toussotant dans son cou, je pleure à chaudes larmes, émue. Mes hoquets sont nombreux mais je parviens à dire entre deux interruptions :
— Merci tellement, Shota.
Sa prise se fait plus ferme. Une douce chaleur m’embaume.
— J’ai…tellement honte de…de ma dépendance…à lui… Je…Je croyais vraiment qu’il…m’aimait… Je sais que…tu as pu penser que…j’étais bête de croire…
— Jamais je ne penserais une chose pareille, souffla-t-il gentiment en exécutant quelques mouvements circulaires sur mon dos pour m’apaiser. Tu étais victime d’un alter mais même si tu ne l’avais pas été, on ne choisit pas de qui on tombe amoureux et parfois le besoin de nier la souffrance est trop grand pour nous laisser comprendre qu’on court un danger.
J’acquiesce vivement. Il pose les mots sur des sentiments que j’ai peiné à expliquer au cours des dernières années. Cela semble si aisé pour lui de décrire ce que je ressens.
Il me connait mieux que quiconque.
— Traiter quelqu’un d’abruti car on ne le comprend pas, ça c’est la véritable preuve de stupidité.
— Si mon histoire était racontée sur internet, je suis sûre que certains m’insulteraient, je réussi à dire d’une voix faible, mes hoquets s’apaisant.
— Ce serait eux, les cons.
Ses paroles me rassurent. Des années durant, je suis demeurée seule avec ma douleur, craignant qu’on se moque et me rabaisse si je venais à m’ouvrir aux autres. Tapie dans l’ombre, je me suis convaincue qu’Han était mon âme-sœur pour ne pas avoir à affronter la solitude.
Mais Shota est là, à présent.
Mon allié.
De longues minutes passent sans que je ne quitte ses bras. Blottie contre lui, le visage enfoui dans le creux de son épaule, je respire à plein poumon son parfum tandis que son doigt exécute des mouvements circulaires sur mon dos. Doux, prévenant, il apaise de ce simple moment en tête-à-tête des années d’humiliation.
— Shota ? je demande, rompant ce silence.
— Oui ? répond-t-il dans un grognement.
— Comme ça fait longtemps qu’on ne s’est pas retrouvé ensemble, ça te dérange si après tout ça, ce soir, on cuisine devant un film comme la dernière fois ?
Sa main glisse à nouveau sur ma joue, me forçant à lever les yeux en direction. Lorsque nos regards se croisent, ma gorge s’assèche brutalement. Hébétée, je ne pipe mot. Nos nez se frôlent et nos souffles se mélangent.
Il est si beau, tout près de moi.
— Et tu penses à quoi, comme film et repas ? demande-t-il dans un léger rictus.
— J’ai très envie d’une tarte aux fraises et d’une quiche — je parle pas de Mineta. Et en film, je te laisse choisir.
— Mais c’est que t’as de l’humour, toi, me chambre-t-il en caressant doucement ma pommette de son pouce, sa main étant encore sur ma joue.
Mon estomac se soulève dans mon ventre et un frisson me parcourt.
— Mais bien sûr que je suis drôle, t’en doutais ?
— Disons que les multiples blagues sur mon odeur m’ont mis sur la bonne voie, répond-t-il.
— T’es sûr que ça t’a pas vexé ? je lance, abandonnant le ton léger de la conversation. Je veux dire, c’était des blagues mais tu as vraiment changé du tout au t…
— Tu aimes bien ma nouvelle odeur ? me coupe-t-il.
Hésitante, je détourne le regard. Mais sa main toujours sur ma joue exerce une faible pression sur celle-ci, m’obligeant à me concentrer à nouveau sur lui.
— Alors ? insiste-t-il.
— Oui…
— Tant mieux. Sinon ça aurait été inutile.
Mon cœur rate un battement et mes yeux s’écarquillent. Une dense chaleur s’empare de moi et mes joues. Ai-je bien entendu ? A-t-il vraiment fait tout cela pour moi ?
Coupant court à la conversation, il reprend :
— Bon, Joke va finir pour venir nous chercher si on grimpe pas et j’ai aucune envie d’entendre ses blagues sur le fait qu’on soit seuls ensemble. Allons-y.
Mais je ne bouge pas, Même quand il tente de me relever. Intrigué, il baisse la tête vers moi en fronçant les sourcils. Hésitante, je patiente quelques instants avant de me décider à crever l’abcès :
— Tu n’as jamais été clair… Elle et toi vous…
Je n’arrive même pas à finir ma phrase, affreusement embarrassée et tourne les yeux. Mais aussitôt, il attrape mon menton entre ses doigts et me force à le regarder. Là, j’aperçois le sourire en coin qui étire l’une des extrémités de sa bouche.
Déglutissant péniblement, je regarde celle-ci.
Et, pour toutes réponses, il écrase ses lèvres contre les miennes.
武士は食わねど高楊枝
2150 mots
je reviens !
j'ai fait une petite
semaine de pause donc
il n'y a pas eu de chapitre
la semaine dernière
mais j'espère que ça
vous aura plu ;
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