𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟗
— A M E A S S E R V I E —
武士は食わねど高楊枝
SECOUANT LES JAMBES, je pose enfin pied à terre. Cela fait plusieurs semaines que je n’ai pas marché, clouée au fauteuil roulant préconisé par Edward. Et, pendant que les élèves s’entrainaient en prévision de l’examen afin d’obtenir un permis qui leur permettra d’utiliser leur alter de façon contrôlée, je faisais ma rééducation.
Sous mes yeux, illuminées par le soleil, quelques marches grises mènent à un hippodrome rose et blanc autour duquel s’étendent des arbres. D’autres cars sont garés non loin du nôtre, contenant d’autres classes ou groupes s’apprêtant à passer l’épreuve. Les conversations forment un brouhaha dense auquel je ne prête pas vraiment attention, mes yeux étant gênés par la lumière du soleil.
Dans mon dos, la voix de Kirishima me pousse soudain à me retourner :
— Un, deux et plus…
— ULTRAAAAAAAAA ! l’interrompt soudain un beuglement.
Mes yeux s’écarquillent en apercevant un homme aux larges épaules habillées d’une chemise, son crâne anguleux rasé de près étant coiffé d’un couvre-chef semblable à celui d’un capitaine de bord. Derrière lui, d’autres élèves sont habillés similairement. Je devine qu’il s’agit d’un uniforme de lycée.
— Yoarashi, en général on évite de se taper l’incruste dans un groupe d’inconnu, résonne soudain la voix d’un jeune homme, dans son dos.
— Ah ! Non d’un chien ! s’exclame alors l’armoire à glace. NE VOUS VEXEZ PAS, CROYEZ BIEN QUE JE SUIS NAVRÉ ! TOUTES MES EXCUSES !
Mes yeux s’écarquillent en le voyant se courber en avant si brutalement que sa tête heurte le sol. Mais il ne tressaute pas d’un poil, comme si la douleur ne l’avait pas atteint.
— C’est qui cette espèce de fou furieux, il a bouffé du lion enragé ? résonne la voix de Denki.
A ma droite, je sens Aizawa se tendre. Inconsciemment, je fais de même. Surtout lorsque je l’entends murmurer tout bas, de façon presque imperceptible :
— Je connais ce garçon.
— Visez les uniformes qu’ils portent ! s’exclame Kyoka Jiro.
— C’est celui en vigueur dans le fameux lycée de l’Ouest !
Katsuki s’approche de quelques pas.
— A l’est, il y a Yuhei. Et à l’ouest, Shigetsu.
Mes muscles se tendent, ce nom ne m’est pas inconnu. Il n’évoque pas d’ailleurs chez moi un sentiment des plus délicats. Mon cœur bat avec ardeur et mes poings se ferment.
— J’AI TOUJOURS RÊVÉ DE SCANDER PLUS ULTRA ! s’écrit Yoarashi en se relevant brutalement. JE SUIS UN GRAND FAN DE VOTRE ÉTABLISSEMENT ! C’EST UN VÉRITABLE HONNEUR POUR MOI QUE D’AVOIR L’OPPORTUNITÉ D’AFFRONTER SES ÉLÈVES ! QUE LES MEILLEURS EMPORTENT LA VICTOIRE !
A ses côtés, les élèves de son école prennent déjà les escaliers, ne semblant pas se soucier des hurlements de leur camarade. De toute évidence, ils sont habitués. A l’exception d’une jeune femme châtain, nul ne souligne d’ailleurs le sang qui coule soudainement de son nez.
— C’est Inasai Yoarashi, retentit soudain la voix d’Aizawa, à ma droite.
— Comment ça ? Vous le connaissez, monsieur ? lance Hagakure derrière moi en m’arrachant un sursaut — je ne l’avais pas remarqué étant donné son invisibilité.
— Je l’ai croisé. Il est redoutable.
Kirishima, Denki, Hagakure et Momo qui se trouvent derrière nous laissent filer une exclamation ébahie à cette déclaration.
— Yoarashi… Au printemps dernier et en même temps que vous son dossier nous a été recommandé. Parmi tous les élèves, c’est lui qui a obtenu les meilleures notes. J’ignore pourquoi mais il a renoncé à s’inscrire.
Je ne prête plus tellement attention aux paroles des élèves, concentrée sur Aizawa. Il est anormalement tendu depuis qu’il a remarqué les élèves de cette école. Et un très mauvais pressentiment me prend.
Lui, au contraire, écoute les dires des enfants. Alors je ne comprends pas vraiment quand il répond à l’un d’entre eux :
— Peut-être, mais il est aussi doué. Alors gardez-le à l’œil.
— Eraser !? l’interpelle une voix féminine.
Le sursaut qui prend le noiraud m’arrache un rire court. De toute évidence, il n’est pas enchanté par cette arrivée.
— J’hallucine, c’est bien toi ? Je t’ai vu à la télé lors de la reconstitution du championnat ! Mais ça fait un bail qu’on s’est pas croisé en chair et en os !
Mes yeux s’écarquillent en se posant sur la femme avançant en notre direction. Splendide. Tel est le mot.
Sous un bandana ocre s’échappent de long cheveux vert brillant sous le soleil et rappelant la couleur de ses yeux ronds affinés par des cils. Ses pommettes, saillantes, jaillissent comme son imposante poitrine qui s’agite au moindre de ses pas, surplombant une taille fine s’élargissant au niveau des hanches.
Elle ressemble à une actrice. Une Scarlett Johannson des temps modernes.
Mais l’admiration suscitée par cette simple vision s’évanouit dès qu’elle ouvre à nouveau la bouche, se plantant juste devant Aizawa.
— Tu veux m’épouser ?
— Non.
Mes muscles se sont brutalement raidis. Bon sang mais c’est qui cette tarée ?
Dans mon dos, le cri attendri que pousse Mina serre soudain mon cœur. Je jette un rapide regard par-dessus mon épaule. Les poings serrés devant la bouche, elle écarquille les yeux en fixant la femme, visiblement charmée.
Je reporte mon attention sur eux. Jamais elle n’a été aussi excitée en me voyant avec lui. Il faut dire aussi qu’ils sont beaux, ensemble. A côté d’Aizawa, moi, je fais tache. Tout comme je le faisais lorsque je marchais au bras d’Han.
— Tu parles d’un râteau monumental ! s’exclame-t-elle en éclatant de rire. Ça casse tout de suite !
— Toujours fidèle à toi-même, lance-t-il d’un air désintéressé. Tu n’as pas changé, Joke.
Mon souffle se coupe.
Joke ? La Joke ?
La petite-amie d’Aizawa ? Cette Joke-là ?
— Allez, passe-moi la bague au doigt ! Ensemble on formera une famille heureuse qui se tapera les cuisses non-stop ! s’exclame-t-elle en levant le pouce.
— Ça correspond pas à ma vision du bonheur.
Les mains dans les poches, l’expression d’Aizawa est stricte et ferme. Mais je ne peux m’empêcher de me dire qu’elle s’exprime trop familièrement pour quelqu’un qui n’a pas au moins un lien affectif avec lui.
Il n’a pas été clair sur sa relation avec elle, ne m’a pas clairement répondu quand je lui ai demandé s’ils étaient en couple. Mais le fait de le demander en mariage si promptement me laisse à penser qu’ils ont déjà au moins entamé une aventure.
Elle éclate de rire.
— Vous avez l’air proches, tous les deux, lance Tsuyu, dans mon dos.
Mon cœur se serre et je sens mes yeux s’humidifier quand je regarde cette si belle femme pleine de vie et de joie.
— Il y a longtemps, nos agences étaient voisines, lance-t-elle tandis que son regard se fait doux et qu’elle joint ses mains à hauteur de son visage, rentrant la tête dans ses épaules au souvenir de ces moments doux. On avait qu’un pas à faire pour demander de l’aide à l’autre. Alors on s’est rapproché et…
— Et rien du tout, la coupe rapidement Aizawa.
Trop rapidement à mon goût. Je remarque le rapide coup d’œil qu’il me lance. Mais il se reconcentre très vite sur elle.
Ma gorge se serre.
— Pas mal, le coupe de la répartie instantanée ! lance Joke. J’adore te taquiner, Eraser, ça m’avait manqué !
Il ne relève pas sa remarque.
— Dis-moi, Joke. Si tu es là, je suppose que tu n’es pas venue seule.
— Bien sûr ! lance-t-elle avant de jeter un regard par-dessus son épaule. Par ici, tout le monde ! Voilà Yuhei !
Dans son dos, quelques élèves habillés de chemises blanches s’approchent. Je n’y prête pas vraiment attention, encore sous le choc.
Après tant d’interrogations, je rencontre enfin Joke. Et elle est belle, souriante, amusante et gagne en instant le cœur des foules. Tout ce que je ne suis pas. Ma lèvre inférieure tressaute. J’essaye de me raccrocher aux paroles d’Aizawa.
« Elle ne fait pas le poids contre toi. »
Mais celles d’Han me reviennent aussi.
« Bien sûr que tu es le genre de femme qu’on aime. On aime manger, on aime un appartement propre, on aime quelqu’un qui nous ouvre une bière après une longue journée de travail… Mais si tu demande si je t’aime assez pour me branler en pensant à toi, pour te baiser en pensant à toi, pour t’embrasser en pensant à toi… Ma chère, tu surestimes la puissance de ta beauté. »
Une violente douleur perce ma poitrine. Mais, cette fois-ci, cela n’a rien à voir avec le venin du Serpent. Non. Je sais exactement ce que c’est.
De la jalousie.
Mon propre sentiment me dégoûte. Suis-je en train d’en vouloir à une sympathique et parfaite inconnue d’être mieux que moi ? Suis-je en colère contre elle parce que je ne fais pas le poids ? Suis-je aussi misérable qu’Han me décrivait ?
Le cœur gros, je tourne les talons, grimpant les quelques marches menant à l’hippodrome. Les élèves sont trop occupés à se rencontrer et Joke discute de nouveau avec Aizawa. Nul ne me remarque.
Dans ma poche, une vibration retentit. Le portable qu’il m’a offerte, craignant que je ne me perde un jour ou qu’il m’arrive malheur. Seul lui a mon numéro.
Aizawa, 14h02 :
Tout va bien ?
Surprise, je jette un regard par-dessus mon épaule. Aizawa me fixe, aux pieds des escaliers. A côté de lui, Joke parle encore à toute vitesse et fort, sa voix rieuse s’élevant dans les airs. Mais il ne semble pas l’écouter, se concentrant sur moi.
Touchée, j’acquiesce légèrement. Il ferme les yeux à ce geste, comme pour me remercier silencieusement et je tourne à nouveau les talons.
Mais ma poche vibre à nouveau.
Aizawa, 14h03 :
Attends.
Mes pas s’arrêtent au moment où sa silhouette se matérialise à côté de moi. Il a grimpé les escaliers à une vitesse ahurissante. Mais je ne peux m’empêcher de sourire en voyant son regard inquiet.
Il pose une main sur mon front, ses sourcils se fronçant.
— Tu n’as pas trop chaud ?
Je n’ai pas le temps de répondre.
— Bah alors, Eraser, on m’a remplacée !?
Je ne parviens à me retenir et lève les yeux au ciel. Qu’on la fasse taire, pitié. Aussi marrante soit-elle, je ne supporte pas ses bavardages incessants et cris hystériques.
— Je n’ai aucune idée de quoi tu parles, répond-t-il sans détacher les yeux de ma personne, inspectant mon visage à la recherche d’un quelconque mal.
— C’est ta fiancée ? demande-t-elle dans un rire, se posant à côté de nous.
Un soupir me prend.
— Vous avez pas des élèves, à surveiller ? je lance sans parvenir à dissimuler mon agacement.
Ses sourcils se haussent quand elle entend mon ton ferme. Je n’ai pas pu dissimuler bien longtemps le mépris qu’elle m’inspire.
— Oh ! Mais c’est qu’elle est bougonne ! lâche-t-elle en souriant largement.
Mes poings se serrent. De quel droit me parle-t-elle comme cela ? Peut-être ma jalousie amplifie-t-elle mes émotions mais sa façon de se pencher en avant en me parlant et former une moue avec sa bouche m’infantilise trop.
Quelle condescendance.
— T’inquiète pas ! J’ai la solution pour ça ! lance-t-elle.
— Je vous interdis de me tuto…
Mais ma voix meurt dans un rire violent. Je ne parviens pas à me retenir. Brutalement, je me retrouve à genoux, tenant mon ventre avec force. Mon estomac se secoue violemment et je ne parviens pas à respirer.
La panique se mêle au rire quand celui-ci m’empêche de remplir mes poumons d’air.
— ÇA SUFFIT !
L’oxygène revient à nouveau. Brutalement. Mes voies respirations s’ouvrent et je cesse de rire. Atterrée, je lève les yeux vers Aizawa qui vient d’hurler. La foule autour de nous nous fixe.
Ses cheveux noirs et brillants sont élevés en arc autour de lui. Au-dessus de ses cernes violacés, ses yeux ont revêtu une couleur rouge écarlate. Il utilise son pouvoir et, étant donné qu’il regarde Joke, je réalise qu’il paralyse son alter.
Aussitôt, je comprends. Son nom signifiant blague, sa « solution » au fait que je sois « bougonne ». Mes yeux s’écarquillent. Non, ce n’est pas possible… Je dois sûrement rêver, c’est tellement peu professionnel !
Elle n’a tout de même pas utilisé son alter sur moi pour me faire rire ?
— Calme-toi, Eraser ! lance-t-elle dans un rire. Mon alter fait aucun mal ! C’était juste histoire de détendre l’atmosphère et…
Mais Aizawa la coupe abruptement d’une voix grondante que je ne lui connaissais pas :
— Ne t’avises plus jamais de t’en prendre à elle.
武士は食わねど高楊枝
2077 mots
hey ! un peu tardif
mais voici le chapitre
du jour !
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