𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝐎









—    A  M  E    A  S  S  E  R  V  I  E    —










武士は食わねど高楊枝
















             QUELQUES MOUVEMENTS sous les couvertures me tirent de ma douce torpeur. Un bras enserré autour de ma taille m’agrippe fermement, me clouant au tatami. Mes paupières papillonnent tandis que je tente de réaliser ce qu’il se trame, autour de moi.

             La luminosité est vive. A un point tel qu’il me faut plusieurs dizaines de secondes avant de parvenir à nettement ouvrir les yeux, me défaisant des ténèbres de mon sommeil. Et les détails de la salle me parviennent enfin.

             En face de moi, le plafond blanc s’étend à une distance assez grande, mon tatami étant directement posé sur le parquet soigneusement lustré. A ma droite, la fenêtre assez large laisse voir un soleil fort et prenant. Mes sourcils se froncent.

             Il doit être midi, à en juger par la position de l’astre.

             Mes yeux s’écarquillent et mon cœur rate un battement. Midi !? Mais les élèves et les entrainements, comment faire !? Nous sommes sérieusement en retard ! D’autant plus que je ne suis pas la seule dans ce lit, Aizawa est avec moi.

             Merde. Aizawa est effectivement avec moi. Prise par la panique liée à mon déficit de ponctualité, j’ai légèrement oublié ce détail. Mais il est vrai qu’hier, après les bains et mon léger… problème, je me sentais si mal que j’ai demandé à l’homme de me rejoindre sous les draps.

             Et, le visage face aux coussins, à ma gauche, son bras encore abandonné sur mon ventre, il dort. Précautionneusement, dans un mouvement si lent que je ressens chaque rouage de mon corps lorsque je l’exécute, je me tourne vers lui. Ma respiration est suspendue, comme si je craignais de le voir avec moi.

             La cascade ténébreuse de ses cheveux s’étend sur lui, chutant sur ses omoplates travaillés et dénudés dépassant des couvertures. Sa peau pâle brille sous les lueurs filtrantes du soleil, mettant en valeur ses vieilles cicatrices, témoins d’une vie loin d’être paisible, d’un travail de nuit drainant. Les draps s’arrêtent à la moitié de son dos, dévoilant sa chair frissonnante.

             L’un de ses bras — dont le coude est sérieusement amoché, présentant de profondes fissures — est replié sous le coussin. L’autre, quant à lui, me tient fermement.

             Ma respiration est désordonnée. En nous voyant ainsi, moins me détendant simplement à cause de sa présence, lui partiellement dénudé qui me touche dans le seul but de me faire savoir qu’il est là et ne compte pas s’en aller, le soleil filtrant avec force au travers de la fenêtre, nous ne ressemblons ni à une prisonnière et son surveillant, ni à un professeur et son assistante.

             Non. Nous avons plutôt l’air d’un couple faisant une grasse matinée. Un couple plus épanoui que tous ceux que j’ai pu connaitre.

             Y compris celui que j’ai formé avec Han.

             Mes yeux s’écarquillent. Han. Il existe une raison pour laquelle je ne faisais pas de lever tardif de ce genre avec mon ex-mari. Mon visage au réveil. Et mon odeur. Mon époux n’a eu de cesse de me le répéter : je ne suis pas attrayante au saut du lit, pas similaire à toutes ces belles femmes dans les films.

             Ma peau est gonflée, une trace de bave git sur mon menton, le pli des draps est imprimé sur mon visage, mes yeux sont enfoncés dans leurs orbites, mon haleine est forte, je suis couverte d’une couche de sueur… Non, ce n’est pas possible. Je m’y refuse. Je ne peux pas être vue ainsi.

             Seulement un problème se pose. Les douches, je n’ai aucune idée d’où elles se trouvent. Mais elles ne sont pas dans la chambre. Cela signifie que je vais devoir fendre cette large résidence et peut-être croisé des gens avec cette allure. Mes joues me cuisent déjà de honte.

« Ecoute, mon ange. Je ne suis pas sûr que tu puisses réellement me reprocher de t’avoir trompée. Je veux dire… Tu ne fais rien pour te rendre attrayante. Le matin, je n’ai pas envie de me réveiller en voyant un monstre, une jolie femme est plus avenante. »

             Mon souffle se coupe au souvenir de cette phrase prononcée par Han, il y a quelques années. Et, soudain, mon cœur se serre. Je tourne la tête loin d’Aizawa.

             Et si, en me voyant le matin, il se moquait de moi ? Même si nous ne sommes pas en couple, je crois que cela me briserait. A vrai dire, la simple idée qu’il puisse regarder certaines femmes et se dire que lui est coincé avec un boulet ambulant me gêne de façon persistante.

             Un frisson me prend. Aussitôt, je me redresse, retirant la couverture de mon corps. La fraicheur de l’air ambiant s’abat aussitôt sur moi mais je ne dis rien, y faisant abstraction. Il me faut simplement trouver un sweatshirt, un masque et un chewing-gum puis je n’aurais plus qu’à rejoindre les douches ou plutôt, les chercher.

— Tu me fais quoi, là ? grogne soudain la voix grave d’Aizawa, dans mon dos.

             Mes yeux s’écarquillent. Il est réveillé.

— Je… Je ne sais pas, je…

             Le pire après le fait de me réveiller en même temps qu’Han et subir ses moqueries sur mon visage était sans nul doute de me lever avant lui mais qu’il me surprenne à le faire. Il se posait alors dans l’encadrement de la salle de bain, pouffant tandis que je passais, paniquée, un glaçon sur ma peau en espérant la faire dégonfler.

             Et les blagues qui en suivaient me brisaient toujours plus.

Recouches-toi.

             Sa voix est ferme. Il s’agit d’un ordre.

— Mais… Les élèves…

— Les Pussy Cats s’en occupent jusqu’à deux heures. Il est dix heures, on a du temps.

             Dix heures ? je répète intérieurement, abasourdie. Alors il fait particulièrement beau, aujourd’hui.

— J’ai demandé aux filles de s’occuper de tout ça car j’ai envie de dormir, grogne-t-il.

— Et moi ? je réponds, lui montrant toujours le dos.

— Inutile que tu te lèves tôt si je me lève tard. Recouche-toi, t’en a besoin.

             Mon cœur bat avec vitesse dans ma cage thoracique. Plus les jours s’écoulent en compagnie de cet homme, plus je déchante. J’étais convaincue qu’il n’était qu’un monstre imbu de lui-même, se croyant au-dessus des lois, un vautour affamé, un charognard sans morale.

             Mais il fait attention à moi. Plus qu’Han ne l’a jamais fait. Il veille à ce que je mange, dorme suffisamment bien et tente même d’améliorer mon moral. Qu’il s’agisse des vêtements qu’il m’a achetée, des soirées où il met intentionnellement mes programmes favoris, des fois où il commande ma nourriture favorite, je vois bien qu’il tente de m’aider.

             Et cela me gêne car je les haï. Profondément.

Recouches-toi, (T/P), insiste-t-il.

— Tu promets que tu me regardes pas ? je demande à toute vitesse, honteuse de cette question mais ne sachant comment la formuler autrement.

— Quoi ? répond-t-il aussitôt.

             Je feins un rire, tentant de détendre l’atmosphère. Son bras est encore ferme autour de ma taille. Mon visage est intentionnellement tourné vers la fenêtre, à l’opposé de l’homme pour qu’il ne me voit pas.

— Le matin, je suis pas vraiment potable physiquement alors j’aimerai éviter que tu…

— Putain mais qu’est-ce qu’il faut pas entendre, maugrée soudain sa voix dans mon dos.

             Brutalement, son bras me tire en arrière. Avant de me laisser le temps d’opposer la moindre forme de résistance, mon corps bascule sur le tatami. Je me retrouve de nouveau allongée. Mais, cette fois-ci, je ne suis plus du tout dans la même position que tantôt.

             Mes muscles se raidissent. Son menton est sur mon crâne et mon visage, enfoui dans son torse. Ma peau caresse littéralement ses pectoraux dénudés. Une dense chaleur s’empare de moi. Ses bras développés m’enserrent fermement.

             Mon cœur bat avec ardeur. Son étreinte est chaleureuse, surprenante. Différente de tout ce que j’ai pu connaitre auparavant.

— Dors, (T/P), je ne me répèterai pas, soupire sa voix.

             Contre mon visage, sa poitrine vibre. J’étouffe quasiment tant je cuis mais je ne parviens pas à me détendre. Non. Car, à présent dans les bras du noiraud, contre lui, au chaud dans cette odeur de transpiration qui ne me dérange même pas, je réalise enfin.

             La raison pour laquelle ma poitrine me fait tellement mal quand je suis avec lui, pourquoi sa simple présence est considérée comme une trahison envers Han. Il n’a pas intentionnellement tué mon époux. Même s’il est quelque part responsable de ce qu’il s’est produit.

             Mais la vérité sur mes douleurs est très différente.













             Je crois que je suis en train de tomber amoureuse de lui.






































             Ces longues heures de sommeil m’ont revigorée. Je me sens prête à attaquer cette journée d’un pied ferme. Et cette mentalité est celle qui m’anime lorsque je fends la vaste clairière où tous les élèves s’entrainent.

             Partout autour de moi, ils s’étendent. Pour tous, des ateliers ont été mis en place pour les aider à parfaire leurs pouvoirs. Ils repoussent les limites de leurs alters en les confrontant à ces dernières.

             Mon regard tombe sur Momo engloutissant de la nourriture puis sur Shoto enfoncé dans une bassine et il balaye le restant de la clairière, attentif. Plus loin, la forêt nait. Quelques adolescents y sont dispersés. Aizawa et les Pussy Cats ont soigneusement étudié le terrain pour s’en servir à leur avantage.

— (T/P) ? appelle la voix de l’homme, derrière moi.

             Je me retourne. Il me regarde, les mains jointes dans le dos. Son regard se fait stricte, intransigeant, comme si ce qu’il s’était produit ce matin n’avait pas eu lieu. Pourtant, jamais je n’oublierai la sensation de son torse contre mon oreille, sa respiration profonde, sa chaleur m’enveloppant.

             Il était si doux avec moi.

— Oui ? je réponds, chamboulée.

— Les élèves s’en sortent bien, nous allons commencer l’entrainement.

— Ah oui, c’est vrai…

             Notre discussion dans le bus m’était sortie de la tête. Mais Aizawa a en effet certifié que nous allions nous battre l’un contre l’autre sachant qu’il est un adversaire des plus redoutables.

             Il ne me laisse pas le temps de lui poser la moindre question et me double sans plus de précautions, s’en allant en direction de la forêt. Aussitôt, je prends sa suite tandis que les hurlements d’efforts et bruits liés aux alters continuent d’envahir la clairière.

             Mon regard glisse rapidement sur la falaise naissant, à quelques mètres de ma position. Cet endroit est vraiment une aubaine. Entre le point d’eau à quelques kilomètres, les graviers, les roches, les forêts, tous les terrains de combat possibles — ou du moins, une grosse majorité — sont présentés.

             De plus, cet endroit est reculé et privé. Nous sommes en sécurité ici.

             Quelques minutes durant, nous marchons, nous enfonçant dans la forêt. Bientôt, un silence se fait autour de nous, les cris des élèves s’évanouissent et les branches occlusives nous privent de plus en plus de la lumière du soleil.

             Bientôt, il s’arrête. Le terrain n’est pas bien pratique, parsemé d’obstacles ; je devine qu’il a choisi intentionnellement ce lieu. Pas de sable pour lui mais une possibilité accrue de fuir son alter pour moi.

             Nous deux sommes handicapés.

— Bon, nous n’allons pas nous battre à proprement parler, lance-t-il. Je vais te lancer une série de défis.

             Croisant les bras sur ma poitrine, je l’observe tandis qu’il attache ses cheveux en son habituel chignon rapide, signe que les choses deviennent sérieuses.

— Tout d’abord, tu vas tenter de fuir mon alter et mon écharpe. Il ne s’agira pas de m’attaquer. Tu vas produire du sable de façon constante et continu dans ces sacs, déclare-t-il en sortant diverses poches en tissus de sa veste. Nous répéterons l’exercice jusqu’à ce que tu en ai rempli vingt en dix minutes.

             Mes yeux s’écarquillent mais je hoche la tête. Là est un défi conséquent. Cela représente deux sacs grands comme mon bras par minute et le tout, en me dissimulant au regard d’Aizawa et en surpassant mon bracelet électronique qu’il ne semble pas vouloir retirer.

— Ensuite, je vais te demander de faire tenir en équilibre une construction de sable puis une de pierre puis une de béton et enfin une de verre et ce, même quand j’annulerai ton alter.

             Je me tends. Je ne peux pas refuser cet exercice sous peine de lui mettre la puce à l’oreille.

             Mais il va falloir que l’évite à tout prix. Sinon Momo ne sera pas la seule au courant de mon point faible.

— Puis tu essayeras d’établir des constructions très loin de toi, histoire d’évaluer ta portée. Cela te va ? Il n’y a que trois exercices mais on devrait en avoir pour l’après-midi. Et ce soir, tu seras épuisée.

             J’acquiesce simplement, prête. Mon regard se pose de nouveau sur Aizawa tandis que je tends la main, prête à récupérer un sac. Mais, aussitôt, mes sourcils se froncent.

             Là, dans les branches à l’instant. Il m’a semblé apercevoir quelqu’un, un visage que je ne connais que trop bien. Mes yeux s’écarquillent, je fixe la pénombre. Cependant, rien. Le néant. Comme si j’avais imaginé.

             Et c’est sûrement ce qu’il s’est produit, d’ailleurs. Daniel est mort il a quelques années. Il est impossible qu’il soit ici. Même si cette nuit aussi, en regardant à travers la fenêtre, sa silhouette m’est apparue dans la forêt.

             Aizawa a raison. J’ai décidément besoin de sommeil.

— Tout va bien ? demande d’ailleurs celui-ci, remarquant ma dispersion.

             Aussitôt, je lui offre un sourire rassurant.












— Oui, laisse tomber. Mon imagination m’a juste joué des tours.






















武士は食わねど高楊枝




















2253 mots

désolée pour le retard
d'une journée

certains sauront que
celle d'hier a été animée

mais tout est réglé donc
je vais pouvoir reprendre
une certaine cadence
d'écriture

j'espère que ce chapitre
vous aura plu

:)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top