𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟐








—    A  M  E    A  S  S  E  R  V  I  E    —
cw — mention de violences
conjugales







武士は食わねど高楊枝











             PAR-DESSUS LE COMPTOIR, je récupère le sac que me tend la vendeuse avec un sourire poli. Celui-ci est cartonné, blanc et barré du nom du magasin en lettres capitales noires tandis que ses anses sont faites de rubans de la même couleur.

             Aucun doute n’est possible, je me trouve dans une boutique de luxe.

             Derrière moi, une porte menant à la pièce où j’ai passé la dernière demi-heure, assise sur des canapés de cuir circulaires, sous un lustre de cristal et entourée de miroirs et divers penderies parées de splendides tailleurs s’étend. D’autres du même acabit sont visibles aléatoirement sur les murs crème de cette vaste boutique décorée d’un tapis taupe et de différentes patères où sont accrochés des vêtements onéreux.

             Lorsque Aizawa m’a menée ici, tout à l’heure, j’ai d’abord cru à une erreur. Mais, de sa voix grave, il m’a assuré que l’école se fiche bien des magasins dans lesquels je choisis de me rendre tant que j’accepte de m’habiller à leur frais comme la loi l’exige.

             Alors, légèrement excitée par les tenues que j’ai prises, je saisis le sac avec contentement, un sourire aux lèvres.

             Depuis combien d’années n’ai-je pas moi-même choisie les vêtements que j’achetais ? Au cours de mon mariage, Han n’acceptait pas les jupes, bas trop courts, cop-tops, débardeurs, haut décolletés et robes.

             La première fois qu’il m’a listé ceci, je me suis contentée de rire, levant les yeux au ciel et lui disant que je ferais ce que je veux de mon argent. Mais, à l’instant où j’ai saisi un des tissus m’intéressant sur l’un des étalages, quelque chose a claqué en moi. Comme si l’une de mes veines avaient explosé dans mon corps.

             Un pincement aigue a fendu ma poitrine avec une violence telle que l’air s’est comprimé dans mes poumons. Le sang a alors afflué dans mes veines sans parvenir à circuler, créant une dense pression dans les moindres recoins de mon corps qui m’ont donné la sensation d’être sur le point d’exploser de part en part. Je ne parvenais plus à respirer, mon cœur semblait se désintégrer dans ma poitrine et j’avais si mal que je n’arrivais pas à crier.

             Dévastée par la douleur, je me suis effondrée. Ce jour-là, cette souffrance à ma poitrine qui m’est maintenant familière s’est manifestée à moi pour la première fois. Me rappelant l’obéissance que je dois à Han.

             Aujourd’hui, elle ne semble être rien de plus qu’une vieille amie tant je suis habituée à elle.

— Je vous souhaite une agréable journée, mademoiselle, s’enquit la vendeuse. Oh et n’oubliez pas la carte de votre mari !

             Mes yeux s’écarquillent tandis que, de sa main soigneusement manucurée, elle me tend l’objet noir.

— Mon mari ? je répète, interloquée.

             Fronçant les sourcils, elle se penche sur son ordinateur, lisant les informations relatives à la transaction que je viens d’effectuer.

Shota Aizawa, déchiffre-t-elle sur son écran. L’homme qui vous accompagnait et est parti tout à l’heure acheter à boire.

— Je ne comprends pas, c’est sa carte ? je demande.

— Bah oui, rit-t-elle gentiment. A qui voulez-vous qu’elle soit ?

             Incertaine, je sens le ruban des anses coller à ma paume soudain moite. Tout à l’heure, il m’a assurée que cet argent était celui du lycée Yuei financé par le contribuable et, égoïstement, je me suis donc laissée aller à acheter ce que je souhaitais dans ce lieu.

             Mais, un sac onéreux dans la main, je me sens soudain bien stupide.

— Par hasard, si un lieu public créait une carte qu’il confiait à un homme, la carte serait-elle au nom de cet homme ? je demande, une lueur d’espoir m’animant.

— Non, ce serait illégal. Et d’ailleurs je ne vois pas comment un quelconque lieu public pourrait justifier de dépenser de l’argent dans une boutique de vêtements de luxe, sourit-elle sous son chignon parfaitement plaqué.

             Mes sourcils se froncent. Est-ce bien ce que je crois ?

             Aizawa m’a-t-il passé une de ses cartes bancaires personnelles en mentant sur son origine pour que je dépense son argent sans m’en soucier ?

             Mes entrailles se tordent. Jamais je n’ai été si embarrassée.

             Tendant brusquement le sac par-dessus le comptoir, j’ignore le sursaut de la vendeuse et lâche en toute hâte :

— Vous pouvez les reprendre et remettre l’argent sur le compte, s’il-vous-plait ?

             Secouant légèrement la tête, elle balaye l’air de son nez pointu dans un geste de négation.

— Ni repris, ni échangé, navrée madame.

— Mais ce n’est pas mon argent, j’ai pris la mauvaise carte ! je m’exclame.

— Pourtant avant de sortir, il a m’a donné le code pour que je règle votre transaction, qu’importe la somme. Et il me semble assez évident qu’il s’agissait de sa carte, insiste la vendeuse.

— Vous ne comprenez pas…, je lâche, embêtée.

— Qu’est-ce qu’elle ne comprend pas ? retentit soudain une voix sur ma droite.

             Aussitôt, mes muscles se raidissent et mes yeux s’écarquillent. Cette voix grave et chaude, vrombissant… Il s’agit de celle de l’homme concerné par cette conversation. Et je ne veux, ni qu’il connaisse le montant que j’ai dépensé et pris sur son compte, ni qu’il sache que notre discussion est présentement centrée sur lui.

             Alors, me tournant lentement vers le nouveau venu, je m’apprête à répliquer qu’il ne s’agit de rien d’important. Seulement ma voix meure dans ma gorge. Mon souffle se coupe et je ne parviens à laisser la moindre pensée concrète me traverser.

             Ses cheveux noirs de jais sont noués à la base de son cou en un chignon grossier d’où s’échappent quelques mèches qu’il a pris soin de ranger derrière son oreille. Anormalement brillants, ils changent de l’allure terne que je leur ai toujours connue et met en valeur l’intensité de ses iris soulignées d’une zone d’ombre créée par la fatigue et qui ne fait que renforcer l’ardeur de son regard.

             Sur sa mâchoire, quelques poils de barbe non rasés jaillissent, couvrant son menton jusqu’à son cou dénudé donnant sur un maillot noir simple entourant ce que je sais être un corps sculpté par ses différents métiers. Mes entrailles se soulèvent au souvenir du jour où, nu devant moi, il a saisi ma mâchoire sans pudeur et m’a forcée à le regarder dans les yeux.

             Ma gorge se fait sèche. Je déglutis péniblement. Parfois, la beauté insoupçonnée de cet homme me saute aux yeux.

             Aussitôt cette pensée me traverse-t-elle qu’une vive douleur étreint mon cœur dans ma poitrine. Brutalement, je me crispe, détournant le regard et tentant de ne rien laisser paraitre de mon mal.

             Mais il ne semble pas dupe.

— Merci pour vos conseils, lâche-t-il de sa voix grave à la femme avant de saisir le sac et la carte bancaire.

             Je ne parviens à l’arrêter, la tête baissée et les muscles atrophiés, incapable de bouger. Cette souffrance m’insupporte. De la bile remonte le long de la gorge, brûlant ma trachée tandis que l’air se fait rare dans mes poumons. Au niveau de mes tempes, mes veines palpitent à une force telle que la sensation qu’elles pourraient exposer me traverse, tétanisante.

             Je ne parviens à faire le moindre geste, embarrassée.

             Je suis censée être une héroïne splendide, une femme capable de manier son alter avec une dextérité rarement égalée, un être dont un élève comme Izuku Midoriya — qui trimballe tout le temps un carnet avec lui à propos de la force de personnes comme nous — devrait consacrer des pages entières pour venir à bout de tous les reliefs de mes pouvoirs.

             Ce n’est pas de la vantardise. Je suis vraiment censée être une soldate d’exception.

             Alors pourquoi suis-je paralysée ainsi par mes propres sentiments ? Comment le simple fait de remettre en question mon mariage avec Han peut être si douloureux ? Tous les couples connaissent de mauvaises passes et se questionnent.

             Mais pourquoi diable mes interrogations ont-elles de telles répercussions sur mon corps ?

             Une larme coule sur ma joue malgré moi. Les mots d’Aizawa me reviennent. Ceux au travers desquels il a accusé mon mari de m’avoir menti en prétendant être dépossédé d’un alter. Ceux qu’il a prononcé pour me dire qu’il avait en réalité un pouvoir, et que celui-ci résidait en le fait de soumettre autrui.

             D’asservir les âmes.

             Mon cœur ne se fait que plus douloureux à cette pensée. Un goût métallique m’envahit. Du sang. Du sang se trouve dans ma bouche. La douleur est telle que des conséquences physiques se répercutent sur moi. Vite. Il faut que je fasse quelque chose.

             Mais quoi ?

             Des tâches noires obstruent ma vision. Mes jambes se font flageolantes. Ma respiration est toujours aussi sifflante.

             Soudain, une main se pose sur la chute du creux de mes reins. Douce, elle projette une agréable chaleur à travers mes vêtements qui ne parvient tout de même pas à contrebalancer la souffrance me transperçant. Pourtant, elle m’apaise légèrement.

— Je suis là, (T/P), retentit une voix à la fois proche et loin de moi, comme si une plaque de verre nous séparait.

— Vous avez besoin de quelque chose ? demande la femme que j’identifie comme étant la vendeuse de tantôt.

— De l’eau, si vous avez.

             Là, mes jambes cèdent entièrement sous mon poids. Aussitôt, un bras s’enroule autour de mon corps, l’enfermant dans une solide étreinte. Contre moi, je sens Aizawa. Il me tient. Il est là. Je peux me reposer sur lui.

             Mes paupières se font lourdes. Luttant contre la douleur, les torpeurs de la fatigue se font soudain enivrantes, pénétrantes. Je ne parviens à effectuer le moindre geste.

             Les sons s’évanouissent autour de moi tandis que je ne suis plus capable de voir le paysage s’étendant sous mes yeux. Tout n’est que tâches noires se multipliant. Je suis déstabilisée. Je ne ressens plus que la poitrine d’Aizawa contre ma tête et son cœur battant contre mon oreille.

             Je tente de parler seulement une bulle d’air obstrue mon œsophage. Je n’arrive même pas à ouvrir les lèvres.

             Jamais mon cœur ne m’a fait souffrir à ce point excepté le jour où, la première fois qu’Han a levé la main sur moi, j’ai tenté de fuir ma demeure. Entre mes paupières à moitié-closes, je peux presque voir son souvenir.

             Un visage attrayant, deux yeux ambrés entourés de cils de givre et une longue chevelure blanche semblable à s’y méprendre à du cristal. Mon époux. Han Halmes. Un Serpent. Un être sublime. Un être abject. Un mari. Un tortionnaire. Mon amant. Mon bourreau.

             La douleur est vive dans ma poitrine et je sens le monde mourir autour de moi. Contre moi, le toucher du corps d’Aizawa se fait moins flagrant. L’obscurité est quasiment totale et je n’entends plus rien.

             Je suis en train de sombrer dans l’inconscient.

             Au fond, je sais pertinemment qu’il ne me faudrait guère qu’une seule pensée pour revenir à moi, que la souffrance ne cesse, que je respire à nouveau convenablement. Oui. Je ne sais par quelle obscure magie mon âme est asservie mais une chose est sûre, je ne garderais plus ses œillères sur mes paupières.

             Alors même si je suis consciente qu’il me faut abdiquer en faveur de Han, dire qu’il était un époux que j’aime, ressentir une joie intense au souvenir de nos rares baisers, rire tristement en songeant aux matinées passés ensemble à ne rien faire pour ne plus avoir mal, je ne le ferais pas.

             Là, maintenant, un rare moment de lucidité me frappe. Et peut importe qu’il dure ou non. Car, tout de suite, je sais pertinemment ce qu’il s’est passé.

             Cet homme est parvenu à avoir une emprise maléfique sur ma personne.

             Je le sais, à présent.

             Cette douleur dans ma poitrine à chaque fois que je pense, songe, dis ou fais quelque chose qui irait à son encontre… Là n’est pas le fruit du hasard mais celui d’un alter.

             Shota Aizawa a dit vrai. Han avait un alter. Il pouvait contrôler les gens en les mordant. Et cette cicatrice se trouvant à l’arrière de ma jambe, celle qu’il m’a tant fait mal lorsqu’Eraser Head a posé mes doigts dessus, j’en suis sûre, elle n’est que la trace de ses crocs.

             C’est brutal. Comme un claquement en moi. Aussi soudain que non prémédité.

             Il y a encore une dizaine de poignée de secondes, je me serais flagellée en réalisant que je me rapprochais du meurtrier de Han. Mais à présent, tout cela me semble loin.

             Je suis là, debout dans l’obscurité totale. Je me tiens droite. Un sol se trouve sous mes pieds. Le néant m’entoure. La boutique de luxe, Aizawa, la vendeuse… Tout a disparu, laissant place à cet endroit étrange où tout n’est que ténèbres. Mais je sais que je suis déjà venue ici, en ce lieu.

             Et je sais aussi que je ne suis pas seule, là.

— Montre-toi, j’annonce gravement.

             Ma voix est calme, froide. Je n’ai plus peur. Une nouvelle force en moi est née, chassant presque cette douleur dans ma poitrine que je parviens à ignorer. Mon menton est levé, prêt à faire face à celui qui arrive.

             Car j’entends des pas, loin devant moi. Je ne vois rien mais je sais qu’une présence existe, non loin.

— Je me demandais combien de temps tu mettrais avant de laisser ta véritable personnalité reprendre le dessus…, chantonne soudain une voix dans la pénombre.

             Mes muscles se raidissent. J’ai reconnu cette personne, son ton grave, sifflant et moqueur.

             Ma mâchoire se contracte.

— De quoi parles-tu, Han ? je demande. Ou devrais-je t’appeler le Serpent ? Car il me semble que tu réponds aussi à ce nom.

             Soudain, comme si cette appellation était un sort, une clé, l’obscurité se fend en deux, laissant voir un être en jaillissant. Là, comme si les ombres n’étaient qu’une masse dense, un pied apparait de nulle part, suivit d’une jambe habillée d’une longue robe blanche puis d’un torse et un visage que je ne connais que trop bien.

             Un menton pointu, des lèvres fines, un nez écharpé, deux yeux d’ambres entourés de cils de givre et de longs cheveux blancs.

             Han Halmes. Mon époux.

— Que m’as-tu fait ? je demande aussitôt. Et qu’entends-tu par « véritable personnalité » ?

             Penchant la tête sur le côté, il fait tinter ses boucles d’oreilles en formes de bâton de cristal, me fixant d’un air attendri, comme si je n’étais qu’une enfant ne saisissant rien à ce qu’il se passe autour de moi.

             Et, en effet, j’ai du mal à comprendre la raison pour laquelle il m’a soumise de la sorte durant tant d’années.

— Disons que toi et moi nous sommes connus bien avant notre mariage, déclare-t-il. A vrai dire, pas seulement nous deux. Edward, Dan, Bosuard… Nous étions de vieilles connaissances.

– Et alors ? C’est pour ça que tu ne voulais pas que je les voie quand on était marié ? je demande. Parce qu’ils ne t’aiment pas ?

— Disons que j’aurais été bien embêté s’ils t’avaient révélé qui je suis, s’ils t’avaient rappelé la réalité.

             Je fronce les sourcils, légèrement surprise.

— Comment se fait-il que je ne me souvienne pas t’avoir rencontré avant notre mariage ?

— La morsure, chérie, la morsure… Un outil formidable ! chantonne-t-il. Tu me haïssais vraiment, à l’époque. Mais, quand j’ai planté mes crocs dans ta chair, aussi puissante et haineuse que tu étais, tu t’es complètement résignée et est devenue aussi malléable qu’une poupée de chiffon, entièrement à ma merci. Tu as oublié pourquoi tu te battais contre moi et a même finit par te battre pour moi.

             Son regard ambré percé d’une pupille s’assombrit brutalement tandis que, plongeant les yeux dans le vide, il semble se ressasser quelques souvenirs profondément enfouis.

— Après tous nos combats acharnés l’un contre l’autre, tu ne peux pas savoir à quel point c’était jouissif de t’insulter, te frapper, t’humilier sans que tu n’oses me quitter, sourit-il d’un air si dénué de joie, si sérieux, qu’un frisson parcourt ma colonne vertébrale.

             Mes yeux s’humidifient et je ne parviens à me détacher de son visage, hébétée. Toutes ces nuits en cellule à hurler de douleur à cause de son décès, ces journées passées à envisager d’en finir par amour pour lui et peine pour sa mort…

             …Tout cela n’était que foutaise.

— Tu m’as manipulée durant tout ce temps…, je murmure, horrifiée par ses révélations.

— Un bien faible contentement après ce que tu m’as fait endurer les années précédentes, rétorque-t-il entre ses crocs serrés.

             Je lève les yeux vers lui, tremblante. Un mélange de rage et de douleur secoue mes membres tandis qu’une larme de colère coule sur ma joue.

             Je ne l’aimais pas. Tout cela n’était littéralement qu’un venin qu’il a fait couler dans mes veines. Ce taré est détenteur d’un alter permettant de réduire en esclavage les gens, de me réduire en esclavage et il s’en est servi pour me rendre amnésique, me déposséder de ce qui faisait de moi une personne.

             Il devait vraiment me haïr pour avoir osé traiter un être humain de la sorte.

— Que t’ai-je fait ? je demande d’une voix vacillante, désarçonnée.

             J’ai vraiment cru l’aimer. D’une certaine façon, j’ai même encore la sensation de le faire. Car, malgré ses révélations, une partie de moi est excitée à l’idée de revoir cet homme alors que je le croyais mort. Et je ne sais pas si j’accepterais un jour l’idée que ce mariage n’était qu’un moyen de me punir, de me retenir en otage, de m’asservir.

             En face de moi, il ne répond pas tout de suite. Peut-être à quelques pas de ma personne, il garde la tête penchée sur le côté, semblant m’observer soigneusement. Ses iris ambrées fendue par la pupille noire de mes tourments me fixent quelques instants.

             Un sourire étire lentement ses lèvres, dévoilant les crocs acérés avec lesquels il m’a soumise, jadis.

— Et bien c’est simple, répond-t-il.

             Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine. Je ne sais vraiment quoi répondre. Je ne sais même pas ce que je pense. Mon corps est affaibli par le poids de ce que je viens d’entendre.

— Je suis ce qu’on appelle un Empereur, déclare-t-il. J’étais à la tête d’un peuple si puissant que, dans certains endroits, on nous considère comme des légendes et divinités. Un peuple dont tu fais partie, ma chère. Celui des Voyageurs.

             Je fronce les sourcils. Jamais je n’ai entendu tel terme.

             Mais il ne semble pas y prêter d’importance, avançant d’un pas en ma direction. Je ne recule pas en le voyant faire.

             Je ne reculerai plus devant lui.

— J’étais un dieu et tu n’étais qu’une sale petite garce, continue-t-il d’une voix se faisant cassante, son sourire s’agrandissant toujours plus à mesure des secondes s’écoulant.

             Il tremble légèrement tandis que ses pas se font chancelant. Le droit et sérieux Han que j’ai connu semble s’être entièrement envolé. Son visage est tellement déformé par son rictus à présent qu’il ne semble même plus humain, le coin de ses lèvres dépassant de ses joues en un masque effrayant.

             Je manque de chuter, apeurée par cette vision.

             Comment ai-je pu épouser cet homme ? Homme ? Que dis-je ? Monstre ! Cette créature du mal !

             Il approche toujours plus. Je reste campée sur mes positions, déterminée.

— Partout où j’allais, tu me poursuivais et m’empêchais de réaliser mon but. Olympe, Edward, Bosuard, Dan… Bien des guerriers considérés comme les plus doués n’ont rien pu faire contre moi mais toi, sale petite écervelée, tu m’as humilié !

             Soudain, un mouvement étrange de fait sur son visage, comme si quelque chose rampait sous sa chair. Il me faut quelques instants avant de réaliser ce qui est en train de se produire. Sa peau s’effrite sur son crâne, se détachant en lambeau et chutant au sol.

Avec horreur, je regarde sa chair se déchirer, laissant place à une autre en-dessous. Blanche comme du marbre, en écaille. Parcourue de tâches rouges flamboyantes.

             Mon cœur rate un battement. Son nom me revient. Un que j’ai entendu à nouveau il n’y a guère longtemps sans réellement saisir à quel point il m’était familier.

Le Serpent.

             Il n’est pas humain, il s’agit d’une créature. Et, sous mes yeux, son enveloppe humaine, son masque se décompose pour me laisser voir sa véritable forme.

— Tu as tenté de te mesurer au plus grand de ce monde et tu as payé le prix de ton impertinence ! cracha-t-il, son nez fin laissant place à deux simples narines plantées dans sa peau faite d’écailles.

             Il est effrayant. Approchant toujours plus de moi, il semble à présent glisser sur le sol. Il ne marche plus comme un être humain.

             Car il n’est pas humain.

— Tu n’es qu’une sale pétasse, une salope qui aurait mérité que je la crève ! REGARDES À QUI TU AS OSÉ T’EN PRENDRE !

             Sa voix a changé, se muant en un vrombissement d’outre-tombe. Sa chair d’humain est abandonnée sur le sol avec ses vêtements et devant moi s’élève la véritable forme de celui que j’ai cru aimer. Mon ennemi.

             Les battements de mon cœur s’accélèrent, me coupant presque le souffle face à cette vision infernale s’offrant à moi.

             Je dois courber la tête en arrière pour le voir tant il est grand, titanesque. Ma respiration se fait courte dans ma poitrine quand, des larmes de terreur roulant sur mes yeux, j’observe ce majestueux et gigantesque serpent s’élever dans les airs.

             Blanc, parcourue de tâche rouges rappelant le sang de ses victimes, il se dresse devant moi. Et il est si large, si long que mon corps entier ne doit pas dépasser sa tête.

             Jamais je n’ai vu tel monstre.

— TU T’EN ES PRISE AU SERPENT ! rugit-il d’une voix si grave qu’elle semble jaillir des Enfers, parcourue de sifflements.

             Puis, s’abaissant soudain brutalement, il place son visage allongé et planté de deux crocs à ma hauteur. Là, je constate en effet que je n’arrive qu’à ses narines tant il est titanesque.

             Mais, malgré cela, sa voix redevient douce lorsqu’il me murmure, tout proche de moi :

— Je vais te dire qui tu étais, pourquoi je te hais autant.

             Mes muscles sont raides et mon corps, tremblant. En me levant ce matin, jamais je n’aurais cru assister à une telle scène.
















— Tu es celle qu’ils appellent La Louve.

 















武士は食わねど高楊枝
















3673 mots

chapitre difficilement
compréhensible sauf pour
les lecteurs de mes ffs
sur OP mdrrr

j'espère que ça vous a
quand même plu

:)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top