𝐄𝐏𝐈𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄
— 𝐀 𝐅 𝐓 𝐄 𝐑 𝐋 𝐈 𝐅 𝐄 —
𝐉𝐞 𝐭'𝐚𝐢𝐦𝐞 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞 𝐭𝐞𝐦𝐩𝐬. 𝐉𝐞 𝐭'𝐚𝐢𝐦𝐞𝐫𝐚𝐢 𝐣𝐮𝐬𝐪𝐮'𝐚𝐮 𝐛𝐨𝐮𝐭 𝐝𝐮 𝐭𝐞𝐦𝐩𝐬. 𝐄𝐭 𝐪𝐮𝐚𝐧𝐝 𝐥𝐞 𝐭𝐞𝐦𝐩𝐬 𝐬𝐞𝐫𝐚 𝐞́𝐜𝐨𝐮𝐥𝐞́, 𝐚𝐥𝐨𝐫𝐬, 𝐣𝐞 𝐭'𝐚𝐮𝐫𝐚𝐢 𝐚𝐢𝐦𝐞́𝐞. 𝐄𝐭 𝐫𝐢𝐞𝐧 𝐝𝐞 𝐜𝐞𝐭 𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫, 𝐜𝐨𝐦𝐦𝐞 𝐫𝐢𝐞𝐧 𝐝𝐞 𝐜𝐞 𝐪𝐮𝐢 𝐚 𝐞́𝐭𝐞́, 𝐧𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐫𝐫𝐚 𝐣𝐚𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐞̂𝐭𝐫𝐞 𝐞𝐟𝐟𝐚𝐜𝐞́.
- 𝐉𝐞𝐚𝐧 𝐝'𝐎𝐫𝐦𝐞𝐬𝐬𝐨𝐧
𝟖 𝐃𝐞𝐜𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞 𝟐𝟎𝟐𝟑
𝐋𝐚 𝐟𝐢𝐧 𝐝𝐞 𝐜𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐡𝐢𝐬𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞 𝐞𝐭 𝐥𝐞 𝐝𝐞𝐛𝐮𝐭 𝐝𝐞𝐬 𝐚𝐮𝐭𝐫𝐞𝐬
De toute sa vie, Charles ne se souvient pas d'avoir vu plus bel endroit.
Ses pieds foulent paisiblement l'herbe grasse, couleur d'émeraude, constellée de milliers de marguerites d'un blanc immaculé, au-dessus de lui, une brise délicate agite les branches de chênes centenaires, répandant dans l'air une douce mélodie à laquelle répondent des dizaines de minuscules oiseaux dissimulés dans les feuillages. Autour de lui, les rayons du soleil chatoient dans un formidable jeu de lumière, donnant à la clairière une beauté féerique, hors du temps.
Le Monégasque se sent bien ici, apaisé.
Avec une lenteur solennelle, ses pas le guident à travers les blocs de granit et les stèles en marbre de toutes les couleurs, humant au passage le parfum des fleurs fraîchement coupées et le velouté de l'encens qui se dissout dans l'air jusqu'à un endroit reculé.
Là, reposant à l'ombre d'un grand chêne, la toute dernière demeure de Casilia.
La tombe de la jeune femme est seule dans cette partie du cimetière comme si, elle qui avait vécu toute sa vie dans la lumière, avait enfin eu le droit à un peu d'ombre et d'anonymat.
Pas totalement cependant, car il ne faut à Charles qu'un regard pour englober les dizaines de bouquets, les bougies et les témoignages d'amour qui entourent d'un cocon de tendresse la stèle en marbre de couleur crème, preuve que son existence si courte fut-elle lui avait ouvert les portes de l'éternité dans le cœur des autres.
Charles s'arrête face à la pierre, ses yeux fixés sur les quelques lignes qu'il y a fait graver.
C'est lui qui a trouvé cet endroit, c'est lui qui a insisté pour que son âme soit enterrée là.
Parce que l'on n'a jamais retrouvé Casilia.
Casilia disparue dans les airs, Casilia avalée par la mer.
Charles a, depuis longtemps, fait le deuil de ce corps qui ne lui reviendra pas, mais il ne pouvait se résoudre à abandonner son âme, à la laisser errer seule, sans endroit où retourner.
Alors il a créé cet endroit, cette pierre sous laquelle ne repose qu'un cercueil rempli de souvenirs, une maison où son âme pourra revenir.
Et il y vient, à chaque fois qu'il en ressent le besoin, lorsqu'il a une chose à dire, rendre visite à cette pierre qui n'égale en rien la splendeur de l'unique femme à avoir jamais égalé la splendeur des astres.
Mais parfois, lorsque la nuit tombe après une longue journée sous le soleil de la Méditerranée, il le surprend à aimer regarder le clair de lune se refléter sur le marbre immaculé. C'est comme si elle était là, avec lui et ailleurs, à chaque fois qu'il en a besoin.
Parfois, même après tant de temps, Charles est surpris de voir comme le monde a continué de tourner, qu'un nouveau jour s'est levé, qu'une nouvelle saison a débutée et s'il a dépassé depuis longtemps l'idée qu'il ne pourrait vivre sans elle, il a, certains jours, encore du mal à composer dans un monde où Casilia n'est pas.
Alors il se rappelle le chemin qu'elle a tracé pour lui et ses pas le ramènent là, à chaque fois, variable invariable de son existence, unique point de chute, le début et la fin, tout le ramène à Casilia.
Charles se balance doucement sur ses pieds, profitant du silence pour respirer, inspirer vraiment et relâcher le poids de la vie qui écrase ses épaules depuis tant d'années qu'il a arrêté de les compter. Le nez pointé vers le ciel, les rayons du soleil réchauffent sa peau.
- Salut Casi, il souffle. Ça fait un bail.
Doucement, il baisse les yeux vers la pierre couleur d'albâtre, détaillant la courbe des lettres recouvertes d'or, le tracé de ses mots, la profondeur de ses sentiments.
- Je sais que j'aurais pu venir avant, mais tu as tellement de fans, il sourit. C'est dur de te voir en tête à tête. J'ai même dû payer le gardien pour qu'il ferme les grilles un peu plus tôt.
Pensif, il baisse la tête vers ses pieds, la pointe de sa chaussure caresse les fragiles pétales d'une marguerite et il s'écarte doucement pour ne pas l'écraser.
Le silence perdure alors qu'il cherche ses mots, Charles fait de son mieux pour ne pas se laisser submerger par l'émotion.
- Je l'ai fait Casi, j'ai réussi, sa voix tremble.
Encore maintenant, des jours après que le monde a explosé autour de lui, les yeux de Charles brillent de larmes de joie, de fierté et de libération, le souffle court, le cœur au bord des lèvres, il secoue la tête comme s'il peinait encore à y croire.
- Je suis allée au bout du rêve, de notre rêve, je suis champion du monde.
Un sourire éclatant sur les lèvres, Charles baisse les yeux vers ses doigts tremblants et le trophée, cette grande coupe d'argent cerclé d'or sur lesquels, gravés pour l'éternité, figurent les noms des champions du monde, les plus grands noms de leur sport.
Et tout en haut de cette liste de légendes, son nom à lui, Charles Leclerc, inscrit dans l'histoire à tout jamais.
- C'est irréel, il murmure. J'ai encore du mal à y croire et pourtant, j'y suis parvenue. Tu avais raison de croire en moi Casi, j'en étais capable, grâce à toi, j'ai trouvé la force d'aller toucher les étoiles.
Il prend une inspiration tremblante.
- C'est étrange, tout le monde me demande ce que cela fait, mais la seule personne avec qui j'ai envie d'en parler, c'est toi. Tu as tellement fait pour moi, tu y as tellement cru, parfois même plus que tu ne croyais en toi-même, je ne pourrais jamais assez te remercier assez pour ça. Je suis le pilote, l'homme que tu as fait de moi et je suis fier de ça.
Délicatement, Charles s'abaisse sur la tombe presque comme on se penche au-dessus d'un berceau, écartant avec minutie les fleurs et les peluches pour pouvoir déposer le trophée contre la pierre, caressant au passage les contours du le monument de marbre clair.
Il lui donne son trophée, comme il rêvait de lui faire depuis le jours où elle l'a quittée.
Charles n'a que fait de laisser le symbole de la victoire, il ne pense pas une seconde aux remontrances de son écuries et de la FIA lorsqu'ils comprendront qu'il a subtilisé le trophée le plus convoité de la Formule 1.
Ce trophée, c'est celui de Casilia, c'est à elle et elle seule qu'il appartient, tout comme son cœur.
À genoux dans l'herbe tendre, Charles admire le spectacle fabuleux du soleil couchant se reflétant dans l'argent étincelant de la coupe, inondant le marbre de milliers de joyeux de lumière chatoyante.
Charles défie quiconque de lui dire que là n'est pas là sa véritable place.
- Tu sais, il souffle. J'en gagnerais d'autres, je le sais, mais celui-là, il est à toi, il l'a toujours été et il le sera à jamais.
Difficilement, il avale sa salive, il y a des choses qu'il a encore du mal à dire, même après tout ce temps.
- Tu as été mon plus grand rêve, le plus beau.
Le silence retombe, chargé d'émotions.
L'instant est sublime, le moment précis où la toute dernière pièce du puzzle s'imbrique parfaitement et où le passé laisse place à l'avenir.
Durant tout ce temps, Charles avait eu besoin de gagner pour Casilia, pour lui prouver qu'elle avait eu raison de croire en lui, de l'aimer aussi fort. Ces courses, il les a gagnées pour elle, cette coupe, c'est en son honneur qu'il l'a brandi.
Pour que tous sachent qui elle était, qui elle serait devenue et à quel point elle méritait le monde.
Maintenant, lorsqu'il grimpera sur la plus haute marche du podium, que le champagne éclatera autour de lui et qu'il lèvera les yeux au ciel, Charles le fera pour lui et pour lui seul.
Car aucun malheur n'est éternel.
Elle sera toujours avec lui.
Un sourire paisible étire les lèvres du Monégasque alors qu'il se redresse, époussetant distraitement ses vêtements sales et qu'un mouvement dans son champ de vision étire un peu plus la commissure de ses lèvres.
- Bones ! Il siffle. Vient mon chien, il est temps de rentrer.
Plus loin dans le cimetière, un jeune golden retriever jappe d'excitation avant de courir vers lui, manquant de lui faucher les jambes au passage lorsqu'il l'attrape par son collier personnalisé et hors de prix, un cadeau de Lewis.
Faisant de son mieux pour maintenir le chiot, Charles relève la tête vers la stèle immobile, s'attendant presque à la trouver là, comme si de rien n'était.
Il lève les yeux au ciel brièvement avant de formuler une nouvelle promesse.
- Ce sera bientôt la saison des tulipes, il sourit. Je reviendrai pour t'offrir tes préférées alors attends-moi, d'accord ?
Puis il relâche le chien qui se précipite en direction de la voiture et fait demi-tour sans regarder en arrière.
Il ne se retourne pas.
Il ne se retourne plus.
Car l'avenir qui l'attend est devant.
Charles et Casilia se sont aimés comme on aime la vie, en oubliant que la mort en fait partie aussi.
Ils devaient s'aimer, c'était écrit là-haut. Les âmes-sœurs finissent par se trouver quand elles savent s'attendre.
Ils se retrouveront.
𝐂𝐚𝐬𝐢𝐥𝐢𝐚 𝐋𝐨𝐫𝐞𝐧𝐳
𝟏𝟎.𝟎𝟗.𝟐𝟎𝟎𝟎 - 𝟎𝟖.𝟏𝟐.𝟐𝟎𝟐𝟐
"𝑃𝑎𝑟𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑜𝑢̀ 𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡, 𝑐'𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑙'𝐸𝑑𝑒𝑛."
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