Chapitre 101
Les heures passaient et Jungkook ne parvenait pas à trouver le sommeil. Sans son amant, ce lit qu'il occupait depuis des années était si vide et froid, il ne supportait pas cela. Bien conscient qu'il était en partie responsable, le brun mit sa fierté de côté et décida d'aller recoller les morceaux. D'un pas motivé, il sortit de son lit et quitta la pièce. À pas de loup, il traversa le couloir et entra dans la chambre que son petit ami avait décidé d'occuper pour la nuit puis se stoppa dans l'encadrement.
Jimin ne dormait pas. Il pouvait le voir à la lumière de son écran de téléphone qui éclairait une partie de son visage. Bien qu'il soit tourné vers le mur, il parvenait tout de même à apercevoir ses traits déformés par la peine. Le brun ne savait pas s'il ne l'avait pas entendu ou bien s'il l'ignorait simplement, car son cadet ne s'était pas retourné, il continuait de fixer son téléphone.
Sentant son estomac se tordre de nervosité, Jungkook combla la distance qui les séparait et se glissa dans le lit, attirant enfin l'attention de son amant. Ce dernier sursauta faiblement avant de retirer ses écouteurs et de pivoter vers lui. La surprise notable sur le visage, Jimin se recula de quelques millimètres pour laisser de la place à son vis-à-vis dont il parvenait à voir les traits grâce aux rayons de la lune qui caressaient la pièce.
— Est-ce que tu veux que je m'en aille ? demanda le commandant d'une voix basse, mais incroyablement douce.
Le médium bougea négativement la tête et sans aucun avertissement vint se lover contre lui.
— Je suis désolé, murmura-t-il.
— Je le suis aussi, beauté. Pardonne-moi, je ne pensais pas ce que j'ai dit. C'est... c'est la jalousie qui parlait, explique Jungkook en embrassant le haut de son crâne, tandis qu'il entourait son corps fin de ses bras.
— Non, tu as raison. Je sais que c'est stupide et même dangereux de faire confiance à un homme que je ne connais pas, mais j'ai besoin de réponse. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu'il peut me les apporter. Excuse-moi, j'aurais dû t'en parler directement au lieu de me renfermer.
— Je te pardonne. Oublions ça. Si tu veux aller le voir, ok, mais j'irai avec toi. Je ne veux pas que tu te retrouves seul avec lui.
Jimin leva enfin les yeux vers son amant et celui-ci vit enfin les larmes qui les avaient rougis. Touché par la tristesse qui se dégageait de l'homme qu'il aimait, Jungkook sentit son cœur être comprimé dans un étau.
— Merci, sanglota-t-il.
— Je déteste te voir comme ça, chuchota le brun en venant embrasser son front, descendant sur son nez puis ses lèvres. Je suis désolé si tu as pu croire que je ne te soutenais pas. Je t'aime, plus que toute autre chose, et je te soutiendrai toujours, quoi que tu décides. Ce que je veux par-dessus tout c'est te garder en sécurité, et même si parfois je peux me comporter comme un rustre et dire des choses que je ne pense pas, n'oublie jamais que peu importe les conneries que je peux débiter, je ne cesserai jamais de t'aimer.
Cette fois, le jeune médium libéra toutes les émotions qui l'avaient chamboulé et fondit en larme dans les bras de son bien-aimé. Ce dernier n'ajouta rien, il se contenta de le serrer contre lui, le laissant évacuer toute cette peine qui le rongeait et qu'il avait enfouie depuis le départ de Yoongi. Jimin pensait fermement que Julian Hale était la solution à son problème, et Jungkook l'espérait aussi, car si ce n'était pas le cas, Namjoon restait leur dernier espoir.
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Pour certain, le sommeil était un moyen d'échapper à la réalité, de recharger ses batteries ou même un simple plaisir, mais pour Jimin, c'était tout l'inverse. Ses craintes et peurs l'avaient rattrapé dès qu'il avait fermé les yeux, le condamnant à une nuit de cauchemar. Son compagnon avait été témoin de ses multiples réveils en sursaut ou pire, en criant d'effroi. L'absence de Yoongi et la brutalité de son départ le hantaient et se répercutaient dans ses songes.
Quand le réveil sonna, Jungkook était déjà réveillé. Son amant s'était levé en sursaut une heure trente plus tôt et depuis, il lui avait été impossible de se rendormir. Il éteignit son téléphone et se repositionna contre son petit ami qui dormait enfin paisiblement contre lui. Son souffle chaud caressait sa clavicule à un rythme régulier, et le voir si serein ne lui rendait pas la tâche facile. S'ils ne voulaient pas être en retard, ils devaient se lever maintenant, alors avec douceur, il déposa un baiser sur le haut de sa tête et glissa sa main sous son t-shirt, caressant son dos de ses doigts brûlants.
— Beauté ? appela-t-il d'une voix basse.
Jimin grommela dans son sommeil et se blottit encore plus contre lui tout en passant son bras par-dessus sa taille.
— Microbe, il faut qu'on se lève, reprit le brun en continuant ses caresses.
— J'ai pas envie, souffla le médium d'une voix enrouée.
— Je sais, mais on a du boulot qui nous attend. Est-ce que ça te ferait plaisir qu'on aille prendre le petit déjeuner ailleurs ? proposa Jungkook en guise de réconfort.
Le jeune consultant de police leva enfin les yeux vers son compagnon et ce dernier ne put retenir un sourire en voyant ses cheveux totalement ébouriffés et sa moue boudeuse.
— Tu essaies de me soudoyer ?
— Est-ce que ça marche ?
— Hm, ok, soupira le plus jeune.
Ce dernier s'éloigna de son aîné et s'étira comme un félin, laissant échapper un couinement aigu qui fit rire Jungkook. Quand il eut terminé, Jimin enjamba son amant et s'assit sur son bassin. Il vint ensuite déposer un baiser sur ses lèvres et se laissa choir sur son torse brûlant, quémandant silencieusement pour un peu plus d'attention.
— Je suis désolé, tu as dû très mal dormir à cause de moi, fit-il d'une voix basse.
— Ne t'excuse pas microbe. Ce sont les aléas de la vie de couple, répondit le commandant en caressant son dos. Ça te dirait une bonne douche pour émerger ?
Jimin lui répondit par un hochement de tête, lui donnant ainsi son accord. Sans le lâcher, Jungkook se redressa et quitta le lit, son cadet agrippé à lui, tel un koala à son arbre. Ce dernier se laissa porter jusqu'à la salle de bain où ils purent enfin chasser toute trace de sommeil de leur corps et esprit.
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Comme promis, Jungkook avait offert le petit déjeuner à son amant, puis ils s'étaient rendus au poste où tous leurs collègues avaient déjà pris leur poste. Ils les saluèrent rapidement, puis Taehyung appela chacun d'eux afin qu'ils se regroupent autour de la table tactile.
— Ce matin, Luka m'a envoyé les résultats du labo, annonça le châtain.
— Il y a eu une correspondance ? questionna Jimin.
— Non, commença Taehyung avant d'afficher un sourire fier. Mais, j'ai trouvé quelque chose.
— Vas-y, on t'écoute, l'encouragea leur commandant.
— J'ai repensé à ce que Rose nous a dit quand elle a vu la photo de la victime.
— Moi ? s'étonna la concernée
— Oui, tu as eu l'impression de la connaître. Je me suis dit qu'au-delà de ta vie privée, peut-être que ça aurait pu aussi avoir un lien avec le travail. J'ai donc croisé les résultats ADN avec nos fichiers et là, j'ai trouvé un résultat.
Tout en donnant son explication, Taehyung pianota sur la console tactile et fit glisser les différents documents sur les trois écrans accrochés au mur. Jimin fut confus d'y voir apparaître la photo d'un garçon. Ce dernier ne devait pas avoir plus de douze ans, mais ce qui le toucha fut le document qui était joint à la photo ; un rapport d'autopsie. Rose quant à elle, s'était figée en voyant le visage de cet enfant apparaître devant elle. Cela la ramena sur une enquête qui s'était déroulée un an auparavant et qu'elle aurait préféré oublier.
— Ok, tu nous expliques ? demanda Jungkook, tout aussi perplexe que son amant. Qui est ce garçon ?
— C'est Seo Ju-woo, intervint la rouquine.
— Tu le connais ? questionna le commandant.
— Oui. Lian et moi avions été chargés de cette affaire.
— C'est vrai. On avait bossé dessus ensemble. Ça avait duré-
— Deux mois, sept semaines et quatre jours, poursuivit Rose d'une voix éteinte par la peine.
— Ça me revient, lança le tatoué. Il avait été enlevé sur le chemin de la maison alors qu'il rentrait de l'école. Ses parents avaient immédiatement appelé la police.
— C'est ça. Sauf que nous n'avions aucune piste. C'était comme s'il s'était volatilisé. Après plus de deux mois de recherche, les parents ont fait appel à une médium, expliqua la jeune femme.
— Song Hyeri, supposa Jimin, la poitrine totalement serrée par la tristesse de cette enquête.
— Oui. Je... j'étais persuadée que Ju-woo était mort. Je ne sais pas pourquoi, mais je le sentais au fond de moi. Tout le monde le sait, dans les cas d'enlèvement, les quarante-huit premières heures sont décisives, après cela, les chances de retrouver la victime en vie s'amenuisent à chaque minute. Nous...
La gorge nouée, Rose prit une grande inspiration pour reprendre le contrôle de ses émotions, mais cela lui était difficile. Cette affaire l'avait vraiment marquée. En plus de concerner un enfant, les horreurs qui lui avaient été faites rendaient cela encore plus difficile à encaisser pour la jeune femme qui se sentait coupable de ne pas avoir réussi à le sauver.
— Nous avons fait de notre mieux pour ne pas donner de faux espoirs aux parents, mais ils continuaient d'affirmer que leur enfant était en vie. D'après eux, la médium qu'ils avaient engagée le sentait, poursuivit Lian pour donner un peu de répit à sa petite amie. Quelques semaines plus tard, le corps d'un enfant a été retrouvé à plusieurs kilomètres du lieu où il avait disparu. Après l'autopsie, Fong a révélé qu'il était mort huit semaines après son enlèvement. La cause était la malnutrition et surtout l'abus répétitif qu'il avait subi.
L'explication de Lian planta un silence du plus pesant dans la pièce. Chacune des personnes présentes et extérieures à l'affaire encaissait les détails morbides et surtout, tristes de cette enquête. Jimin, lui, se posait mille et une questions. Pourquoi Hyeri avait menti ? Est-ce que Julian le savait ? Est-ce qu'il était responsable du faux-espoir des parents ?
— Ok, lança Jungkook en prenant une grande inspiration. Si... si les résultats d'ADN ont matché, alors je suppose qu'il s'agit d'un des parents ?
— Oui, affirma Taehyung. J'ai fait plusieurs recherches sur eux et ce n'est pas joyeux. Après la mort de son fils, madame Seo est tombée gravement malade. Les frais médicaux se sont accumulés, ce qui a poussé son époux à prendre un autre travail. Malgré ça, ils n'arrivaient pas à garder la tête hors de l'eau. Les dettes se sont accumulées et les huissiers sont venus prendre tous leurs biens. Madame Seo a mis fin à ses jours le mois dernier en sautant par la fenêtre de sa chambre d'hôpital.
— Putain, souffla le commandant, touché par l'histoire de cette famille. Quand le sort décide de s'acharner sur quelqu'un.
— Comme tu dis, murmura son frère tout aussi retourné. Leur maison sera saisie dans quelques jours. Après ça, il n'aura plus nulle part où aller.
Tout en passant une main dans ses cheveux, Jungkook se mit à faire les cents pas, assemblant toutes les pièces du puzzle. La réponse à toute cette affaire était là sous ses yeux. Même s'il comprenait ce qui avait poussé cet homme à commettre ce meurtre, il était de son devoir de l'arrêter.
— Ok, reprit-il d'un ton plus sérieux. Donc, voilà comment je vois les choses. Madame Seo meurt, son époux perd la tête et tue la médium qu'il tient pour responsable de tous leurs malheurs.
— Mais pourquoi maintenant ? lança Rose, troublée. Ju-woo est mort depuis un an. Pourquoi ne pas l'avoir tué avant ?
— Je pense que la seule chose qui a empêché cet homme de ne pas commettre l'irréparable avant aujourd'hui, c'est son amour pour sa femme. S'il allait en prison, plus personne ne pourrait prendre soin d'elle. Je... je pense que sa mort a été la goutte d'eau. Maintenant qu'il a tout perdu, plus rien ne le retenait de s'en prendre à la personne qu'il tenait pour responsable, intervint Jimin, la voix débordante d'émotion. Je... je le comprends. Je crois qu'à sa place, je serais devenu fou aussi.
Ses amis et son amant l'observèrent quelques instants, peu étonné de l'empathie dont leur cadet faisait preuve. Il était vrai que toute cette enquête n'était qu'une succession de coups durs de la vie et d'injustices. Cependant, une question restait en suspens pour le médium. Julian Hale avait-il participé aux dires illusoires qui avaient gardé le couple dans le mensonge ? Était-il complice de tous ces malheurs qui s'étaient abattus sur cette famille ? Il n'avait pas la réponse, mais une chose était sûre, il comptait bien le confronter à ce sujet.
— Bon. Il nous faut son adresse, imposa Jungkook.
— Je l'ai envoyée sur nos téléphones, annonça Taehyung.
— Parfait, allons-y, fit-il à l'attention de son frère.
Sur le point de rejoindre son bureau pour récupérer son arme et sa veste, le brun se figea et pivota vers son amie qui fixait encore la photo du petit garçon.
— Vous avez fait de votre mieux les gars. Aucun de nous n'aurait pu sauver cet enfant et au bout du compte, vous avez arrêté le monstre qui a fait ça. Grâce à vous, il ne pourra plus jamais faire de mal à personne, alors Rose, ne te sens pas responsable.
La jeune femme se tourna vers son ami, les yeux brillants, et lui offrit un sourire débordant de tristesse. Tout ça n'était qu'une maigre compensation à côté de la vie d'un enfant qui avait été si brutalement volée. Incapable de parler tant sa trachée était nouée, la rouquine hocha simplement la tête, espérant que cela suffise à répondre aux paroles encourageantes de son supérieur.
Ce dernier l'imita et partit vers son bureau, suivi de son amant qui semblait réticent à prendre la parole. Pourtant, quand ils furent seuls, il se jeta à l'eau.
— Je peux venir ? demanda-t-il.
— Tu es sûr que c'est une bonne idée ?
— Oui, je... je veux être là.
— D'accord, allons-y alors.
Le couple quitta le bureau pour rejoindre Taehyung qui les attendait déjà. Ils quittèrent ensuite le commissariat à bord de l'Audi rouge.
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En arrivant devant le domicile de monsieur Seo, Jungkook coupa le contact et observa la petite maison dont tous les volets étaient fermés et les murs blancs jaunis par le temps.
— C'est là ? demanda Jimin en se penchant entre les deux sièges.
— Oui, mais j'ai l'impression qu'il n'y a personne, répondit le brun.
— Il n'y a qu'un seul moyen de savoir, ajouta Taehyung.
Le châtain ouvrit sa portière et quitta le véhicule, suivi de ses deux cadets. En silence, les trois hommes traversèrent la rue et ce fut le commandant qui toqua à la porte. Derrière eux, Jimin se balançait d'un pied à l'autre, tentant de réfréner son anxiété. Dans quel état psychologique allait être monsieur Seo ? Acceptera-t-il de se rendre sans faire d'histoire ?
De longues secondes s'écoulèrent avant que la porte ne s'ouvre enfin sur un homme à la chevelure d'ébène, totalement débraillé et les traits marqués par le manque de sommeil.
— Monsieur Seo Ha-joon ? questionna Jungkook même s'il connaissait déjà la réponse.
— Oui ? répondit ce dernier, confus.
L'homme qu'il suspectait de meurtre présentait un regard vide de toute trace de joie ou de bonheur. Il n'était qu'une coquille vide, se contentant de vivre au jour le jour. Lorsqu'il prit la parole, une forte odeur d'alcool s'échappa de son haleine, faisant comprendre aux trois hommes, qu'il avait ingéré une grande quantité de cette substance liquide.
— Je suis le commandant Jeon Jungkook et voici mes coéquipiers. Est-ce qu'on pourrait entrer ?
— Je sais pourquoi vous êtes là, lança Ha-joon.
— Ah oui ?
— Vous venez m'arrêtez parce que j'ai tué Song Hyeri.
— Donc vous avouez l'avoir tuée ? demanda Taehyung d'une voix calme.
— Oui, mais j'aimerais que vous écoutiez ce que j'ai à dire avant.
Jungkook jeta un coup d'œil à son frère lui demandant son avis et ce dernier acquiesça. Cet individu ne présentait aucun signe d'agressivité, il avait même avoué son crime sans qu'on le lui demande alors, ils pouvaient écouter ce qu'il avait à dire.
— Très bien. Est-ce qu'on peut entrer ? questionna le commandant.
Le propriétaire des lieux acquiesça et s'écarta pour les laisser entrer. Les trois hommes pénétrèrent dans ce qui avait dû être autrefois un hall d'entrée accueillant. Même si leur coupable n'était pas hostile, Jungkook ne parvenait pas à se détendre. Il restait toujours sur ses gardes, observant les alentours, cherchant le moindre mouvement suspect ou qui pourrait mettre la vie de ses coéquipiers en danger.
Lorsqu'ils arrivèrent dans une vaste pièce, le regard de Jimin se posa sur un vieux matelas une place qui était posée dans un coin. Près de celui-ci se trouvait un cadre photo où il reconnut madame Seo et leur fils décédés. Ce cliché comprima le cœur du médium qui ne pouvait imaginer la douleur qu'il ressentait. Si un jour, il arrivait à avoir un enfant, il prierait tous les dieux pour ne jamais éprouver le chagrin d'une telle perte.
— Je m'excuse d'avance, ma maison n'est pas très accueillante. Nous... enfin les huissiers sont venus tout prendre, expliqua Ha-joon, embarrassé par ce qu'il restait de son lieu de vie et de son propre état.
— Ce n'est pas grave, monsieur Seo, intervint le plus jeune d'une voix débordante de douceur et de compassion. Nous sommes au courant pour vos problèmes d'argent et le décès de votre épouse.
— Est-ce que c'est pour cela que vous avez tué madame Song Hyeri ? demanda Jungkook.
— Je ne voulais pas la tuer. Je la haïssais, c'est vrai. À cause d'elle, j'ai tout perdu. Quand mon petit garçon a été enlevé, elle nous avait promis qu'elle nous aiderait à le retrouver. Nous lui avons fait confiance et au début, ce qu'elle nous disait était cohérent, mais à chaque séance, le prix augmentait et au final, mon bébé... mon petit garçon a été retrouvé mort. Elle nous a menti, manipulé, volé et bafoué. J'ai tout fait pour qu'on remonte la pente, mais la santé de ma femme s'était détériorée, elle n'a plus supporté le manque de notre Ju-woo et elle... Elle s'est suicidée. Hier soir, j'étais encore une fois ivre.
— Vous ne semblez pas encore avoir dessoulé, intervint le tatoué, s'attirant un regard noir de la part de ses collègues.
Ha-joon ne répondit rien, il baissa simplement la tête, conscient que le policier avait raison. Il était encore sous l'effet de l'alcool et c'était ce qu'il voulait. Tant qu'il était saoul, la douleur était plus supportable.
— Ne l'écoutez pas monsieur Seo, continuez s'il vous plaît, l'encouragea Taehyung avec douceur et compassion.
— Je sortais d'un bar quelconque, je ne me souviens pas vraiment de ce qui s'est passé, mais je me rappelle être passé devant sa boutique et c'est là que je l'ai vue. Elle riait avec des clients qu'elle avait très certainement dû arnaquer aussi, à qui elle avait sûrement donné de faux espoirs. La voir se pavaner comme ça, le sourire aux lèvres alors que j'avais tout perdu m'a rendu fou. Je me souviens de l'avoir vu rentrer dans sa boutique et je l'ai suivie. Je... je suis rentré dans cette pièce où elle nous avait tant de fois reçus et je l'ai vu ranger tout l'argent que ses clients lui avait donné. J'ai pris la statuette qui se trouvait près de la porte et je l'ai frappée. Je ne me rappelle pas ce qui s'est passé ensuite. Je me suis réveillé dans mon lit et au début, je croyais que j'avais rêvé, mais en voyant les informations, j'ai compris ce que j'avais fait.
Le monologue de Ha-joon planta un silence dans la pièce vide de tout meuble. Jungkook et ses deux amis comprenaient les raisons qui avaient poussé cet homme à franchir la ligne. Toutefois, malgré leur compassion, ils devaient faire leur travail et arrêter celui qui avait sciemment pris une vie.
Pendant que le commandant et Jimin échangeaient avec monsieur Seo, Taehyung s'attela à appeler une patrouille afin qu'ils viennent le chercher pour l'emmener au poste. Lorsque le véhicule arriva sur place, Jungkook fut celui qui lut les droits de leur coupable, puis lui passa les menottes et l'accompagna avec une certaine douceur jusqu'à la voiture où il l'installa.
Quand les officiers en uniforme disparurent de leur champ de vision, Taehyung laissa échapper un long soupir qui attira l'attention de son frère et de leur cadet.
— Ça va ? demanda Jimin en posant sa paume contre le bras de son ami.
— Hm, je ne sais pas trop. J'ai de la peine pour ce type. Il a perdu son enfant, il a été trahi par une personne en qui il avait confiance et il vient de perdre la seule personne qui lui restait. Je...
Le châtain se tut et baissa les yeux, cherchant les mots qui pourraient expliquer le torrent d'émotions qui le traversait. Terrifié, voilà ce qu'il était. Dans deux mois, Lilith allait accoucher de leurs enfants et ce jour-là, sa vie changerait radicalement. Taehyung avait toujours eu beaucoup d'empathie, mais dernièrement ce trait de sa personnalité rendait sa vie difficile et il savait pourquoi.
— Tae, qu'est-ce qu'il y a ? questionna Jungkook tout en cherchant à établir un contact visuel avec son frère adoptif.
— Je... j'en ai plein le dos de ce job de merde, lança le lieutenant. Sérieusement, quel avantage y a-t-il ? On est payé une misère, on risque nos vies tous les jours que Dieu fait et en plus de ça, on voit des horreurs qui resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Vas-y Kook, dis-moi combien de fois, on a trouvé des corps d'enfants ? Combien de femmes ont été retrouvées mortes après avoir été battues, torturées, kidnappées et j'en passe ? C'est quoi ce monde de merde ? Putain, mais je... je vais avoir deux enfants et depuis que je sais que Lilith est enceinte, je ne pense qu'à une chose, qu'est-ce que je deviendrais si je venais à les perdre ? Qu'est-ce qui m'a pris d'engendrer des bébés alors qu'on vit dans un monde où des hommes sans pitié ni moral enlèvent, violent et tuent des enfants innocents pour de l'argent ou le plaisir ?
Le couple écoutait le monologue de leur aîné qui en avait visiblement gros sur le cœur. Jungkook n'aurait jamais pu imaginer que la grossesse de son amie provoquait une telle dose de stress chez son meilleur ami. Ces derniers temps, à chaque fois qu'il lui demandait comment il allait, le châtain répondait avec conviction qu'il allait bien, mais il mentait.
En voyant sa poitrine monter et descendre à un rythme soutenu, le tatoué comprit que son frère était en train de faire une crise de panique. Taehyung était toujours celui qui aidait son entourage lorsqu'il traversait une passe difficile, néanmoins, aujourd'hui c'était lui qui avait besoin d'être rassuré.
— Eh mon vieux, tu vas commencer par respirer calmement. T'es en train de faire une crise de panique là, fit Jungkook en venant se placer devant lui.
Ses deux mains sur ses épaules, le brun inspira et expira lentement, demandant silencieusement à son meilleur ami de calquer sa respiration à sa sienne.
— Voilà, respire, reprit le commandant jusqu'à ce que Taehyung ne retrouve son calme. Ça va mieux ?
— Non.
— Bon, au moins tu respires correctement, plaisanta Jungkook pour détendre l'atmosphère.
Jimin resta silencieux, observant ces deux hommes qui comptaient beaucoup pour lui. Il pouvait voir toute la complicité et l'amour qu'ils avaient l'un pour l'autre et décida de les laisser seuls un instant.
— Je vais vous attendre dans la voiture, déclara le plus jeune avec un sourire chaleureux.
Sans rien ajouter, le blond entra dans le véhicule et ferma la portière. Dehors, Taehyung s'était mis à marcher de gauche à droite, tout en prenant de grandes inspirations d'air.
— Bon, pourquoi tu ne m'as jamais parlé de tout ça ? De ce que tu ressens ? demanda le tatoué d'une voix reposante, observant son aîné.
— Je n'en sais rien. Il y a eu toute cette histoire avec l'enlèvement de Jimin, puis vous vous êtes enfin retrouvés. Je ne voulais pas t'emmerder avec mes états d'âme.
Jungkook se sentit subitement coupable de n'avoir rien vu. Il était si préoccupé par ses propres problèmes qu'il n'avait pas remarqué les angoisses de son frère.
— Je suis désolé, j'aurai dû voir que ça n'allait pas, souffla le commandant. Je suis là maintenant et laisse-moi te dire une chose, s'il y a bien quelqu'un qui fera un père merveilleux, c'est toi. Je t'ai déjà dit, tu es fait pour ça. Je sais que le monde qui nous entoure est effrayant, mais tu ne peux pas vivre dans la crainte. Tu dois vivre le moment présent, profiter du bonheur et de l'amour que ces bébés vont t'apporter, le reste, tu le vivras au jour le jour.
Le tatoué n'était pas aussi doué que son frère pour réconforter son entourage, cependant, il faisait de son mieux pour l'aider à retrouver son calme. En l'observant, il eut la sensation que cela fonctionnait, alors, il continua de lui parler, citant point par point les arguments qu'il avait en réserve. Taehyung sera un père exemplaire, il en était persuadé, ce dernier devait simplement s'en persuader également.
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La journée touchait à sa fin pour l'équipe de jour de la criminelle. Après avoir arrêté monsieur Seo, Taehyung et Jungkook avaient été appelés sur une autre scène de crime, tandis que leur consultant était resté au poste, s'occupant de toute la paperasse.
Il était dix-neuf heures trente lorsque le commandant Jeon et son coéquipier rentrèrent au commissariat. Le plus vieux des deux frères leur parla de ses projets pour la soirée, puis il s'en alla, laissant le couple seul. Devant son ordinateur, Jimin terminait de taper les dernières phrases de son rapport en silence.
— Ça va, toi ? demanda Jungkook en massant tendrement sa nuque.
— Hm, je termine ça et on pourra rentrer.
— Ok, mais est-ce qu'il y a autre chose ?
Le médium se figea quelques secondes puis laissa échapper une faible soupir. Oui, il y avait bien autre chose, mais comment l'avait-il su ?
— Tu penses encore à Hale pas vrai ?
— Oui, je... je voudrais aller le voir, confessa Jimin, le regard rivé sur son clavier.
Jungkook resta silencieux de longues secondes, observant le langage corporel de son amant. Ce dernier suintait de nervosité et il pouvait le voir à la façon dont il triturait nerveusement l'autocollant de son ordinateur, sans compter sa lèvre qu'il mordait à s'en arracher la peau.
— Arrête de faire ça, ordonna-t-il en tirant sur son menton pour libérer le morceau de chair rougit par les morsures qu'il s'infligeait à lui-même. C'est vraiment ce que tu veux ?
— Oui, assura le médium.
— Ok, allons-y alors.
— Maintenant ?
— Oui. Il est tard, j'ai faim alors, plus vite tu auras tes réponses, plus vite on pourra rentrer et dîner.
Jimin se sentit reconnaissant d'avoir un compagnon si compréhensif et dévoué. Malgré toute la réticence qu'il éprouvait à l'égard de Julian Hale, il restait à ses côtés sans rechigner. C'était pour cette raison et des milliers d'autres qu'il savait que Jungkook était l'homme de sa vie, sa moitié qu'il voulait garder pour le restant de ses jours. Il était persuadé que même dans l'adversité, ils resteraient unis et c'était ce dont il avait besoin, d'une épaule sur laquelle se reposer lorsqu'il se sentira épuisé. Jeon Jungkook était cette personne.
— Merci grincheux, fit-il en se levant pour l'enlacer.
— Ne me remercie pas, je t'ai dit que je serai là. Je tiens simplement parole.
Le médium se hissa sur la pointe des pieds et déposa un baiser chaste sur ses lèvres avant de lui offrir un sourire gratifiant et d'enfiler son blouson.
— Tu te souviens de son adresse ? demanda-t-il à l'attention de son amant.
— Oui.
— Ok, allons-y alors.
Main dans la main, le couple quitta leur bureau et saluèrent rapidement leurs collègues qui commençaient leur garde de nuit. Alors qu'ils étaient sur le point de quitter le QG, la voix de Chul interpella Jungkook.
— Commandant ?
— Oui ?
— Est-ce que tu as des nouvelles de Kuina ? demanda le détective.
— Non, mais si tout va bien, elle devrait être de retour à la fin de la semaine prochaine.
La jeune femme était absente depuis un moment déjà. Obligée de quitter la ville pour retourner à Séoul, la jolie brune avait perdu sa mère qui, après plusieurs années de lutte contre la maladie, s'était éteinte. Jungkook comprenait mieux que personne ce qu'elle ressentait, il lui avait donc dit de prendre son temps, qu'elle aurait toujours une place parmi eux. Toutefois, il était conscient que son absence perturbait l'équilibre de son équipe, Chul se retrouvant ainsi sans coéquipière. Devait-il chercher un remplaçant ? Kuina se sentirait-elle trahie s'il le faisait ?
— Est-ce que tu as besoin d'aide pour quelque chose ? demanda le tatoué.
— Non. Je me posais la question. Je ne lui ai pas parlé ces derniers jours. Je voulais simplement avoir de ses nouvelles. Ne t'inquiète pas, Seo-joon et Dae m'aident avec mes dossiers.
— D'accord, surtout, tu n'hésites pas à me solliciter ou même Taehyung si tu as besoin de quoi que ce soit, d'accord ?
— Oui commandant, merci, acquiesça le châtain, les joues faiblement teintées.
— Hé Chul, si tu as des rapports à taper, ne t'encombre pas avec ça. Laisse-les sur ton bureau, je m'en occuperai dès demain, intervint Jimin avec douceur.
— Oh non, je... je ne veux pas t'embêter avec ça.
— Tu ne m'embêtes pas. Je suis là pour vous aider.
Chul hocha de nouveau la tête, remerciant les deux hommes d'un large sourire.
— Très bien, nous, on va y aller. Si tu as besoin, n'hésite pas à m'appeler.
— Oui, bonne soirée à vous deux, les salua le jeune détective.
Le couple n'ajouta rien et quitta le QG pour rejoindre le parking. Le trajet jusqu'au domicile de Julian Hale se fit dans le silence. Jimin n'avait pas lâché la main de son amant qui gardait leurs doigts entrelacés en signe de réconfort.
Une fois devant la maison qu'il avait découvert la vieille, Jungkook coupa le contact puis ils quittèrent le véhicule. Le brun pouvait sentir la main de son petit ami devenir plus moite à mesure qu'ils avançaient vers la porte en bois.
— T'es sûr de toi ? On peut encore rentrer à la maison, tu sais.
— Oui, j'ai besoin de réponse, assura Jimin, son regard ancré dans celui de son aîné.
— Ok, mais je te préviens, s'il fait un truc de travers, je lui mets une balle, grommela le policier, une moue boudeuse sur les lèvres.
— D'accord, gloussa le médium, conscient de la jalousie de son compagnon.
Expirant un grand coup pour se donner du courage, le jeune consultant toqua finalement à la porte de sa main libre tandis qu'il serrait celle de son amant un peu plus fort. Appréhension et anxiété, voilà les émotions qui le consumaient à cet instant. Il voulait des réponses, c'était ce qu'il désirait le plus au monde, toutefois, les paroles de Yoongi résonnaient dans sa mémoire. Tu ne vas pas aimer ce que tu vas trouver. Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? Et si Jimin connaissait le tueur de son meilleur ami ? Est-ce que Mister D était quelqu'un de son entourage ?
Le médium fut ramené à la réalité quand la porte s'ouvrit sur un homme qu'il reconnut sans mal. Julian se tenait sur le seuil, un sourire satisfait sur les lèvres, le genre de rictus qui donnait au commandant une violente envie de le frapper.
— Bonsoir messieurs, je vous attendais, lança ce dernier.
— Bonjour Julian, vous avez dit que si j'avais des questions, vous m'aideriez, alors je suis là.
— Je savais que tu finirais par venir. Ce n'était qu'une question de temps, sourit le plus vieux des médiums. Entrez, je vous prie.
Sans lâcher son amant, Jungkook passa devant lui et scruta d'abord ce qui l'entourait, s'assurant qu'il n'y avait pas de danger, puis il tira légèrement son petit ami afin qu'il entre à son tour. Sur les talons de leur hôte, le couple marcha jusqu'au salon qu'ils avaient déjà visité, puis une odeur que le tatoué connaissait bien effleura ses narines.
— Asseyez-vous, les convia poliment Julian en désignant le sofa en tissu beige.
— C'est moi ou ça sent le cannabis ? questionna le commandant, les sourcils froncés alors que son nez reniflait la myriade d'odeurs qui embaumait la pièce.
— C'est le cas. Je viens de fumer un joint.
— D'accord, soupira-t-il exaspéré. Vous savez que je suis flic ?
— Oui, je le sais, mais la consommation de cannabis n'est pas interdite commandant. C'est la vente qui l'est, argumenta Julian avec le sourire. En plus, je n'en consomme pas par plaisir.
— Ah oui ? Pour quelle autre raison alors ? demanda Jungkook avec médisance.
— Cela soulage mes migraines et surtout, ça fait taire les voix.
Cette réponse intrigua Jimin qui fronça les sourcils. Les migraines et les voix, il ne connaissait que trop bien. Cependant, il ignorait que le cannabis pouvait annihiler les effets négatifs de son don.
— J'entends des voix aussi, déclara le garçon à la chevelure dorée.
— Je suppose que tu as très souvent mal à la tête ? Tu dois aussi avoir des nuits compliquées et te sentir parfois triste ou énervé sans aucune raison ?
— Oui, c'est assez étrange. C'est comme si-
— Comme si ces émotions n'étaient pas les tiennes. Tu as l'impression de les ressentir comme un parasite qui grandit en toi, termina Julian, un sourire compatissant sur les lèvres.
— Oui, souffla Jimin, le dos légèrement voûté alors que son amant vint masser sa nuque en signe de réconfort.
— C'est parce que ces sentiments ne sont pas les tiens. Ils appartiennent aux esprits qui s'accrochent à toi. C'est assez déroutant au début, mais une fois que tu maîtrises ton canal psychique, tu peux faire abstraction de tout ça. Enfin... en théorie.
— En théorie ? intervint Jungkook, confus.
— Oui, le monde des morts est imprévisible. Certains esprits sont plus forts que d'autres, alors même si on ferme notre canal, ils parviennent quand même à nous atteindre, expliqua l'américain. Pour les migraines, je te conseille d'essayer le cannabis, ça fait des miracles. J'en ai encore un peu, je peux t'en donner si tu veux ? proposa-t-il, ignorant totalement la présence du commandant qui lui lança un regard assassin.
— Merci du conseil, mais je ne fume pas, refusa Jimin avant que son amant ne prenne la parole.
La proposition de son confrère avait tendu Jungkook à tel point que même son compagnon avait senti chacun de ses muscles se raidir. Voulant éviter que ce dernier ne mette sa précédente menace à exécution, le médium décida alors d'aller droit au but afin qu'ils puissent rapidement mettre fin à cette visite qui risquait de virer au bain de sang.
— Julian, lors de ma dernière visite, vous avez dit pouvoir m'aider. C'est pour ça que je suis là.
— D'accord, que puis-je faire pour toi ?
— Mon meilleur ami a été assassiné, annonça le plus jeune d'une voix grave.
— Je suis désolé de l'apprendre. C'est lui qui est accroché à toi ?
— Oui, mais le souci, c'est que tu es le seul à le sentir. Hier matin, il a vu le visage de son tueur et je sais qu'il s'est souvenu de quelque chose. Après ça, il s'est fait imploser sous mes yeux et depuis je ne ressens plus sa présence.
— Il a implosé ?
— Oui. Ce n'est pas la première fois que ça arrive. Il y a six mois, on s'est disputé et c'est moi qui l'ai fait imploser. Selon lui, je l'avais envoyé derrière le voile et ça a duré plusieurs jours avant qu'il ne récupère assez de force pour revenir. Je ne pouvais plus le voir ni le sentir.
— Wouah, souffla Julian, surpris et émerveillé. Tu as expulsé un fantôme à l'aide de ton esprit ? Tu as la moindre idée du nombre de médiums qui s'entraînent à le faire sans jamais y parvenir. C'est incroyable.
— Incroyable ? répéta Jungkook. Il n'y a rien d'incroyable là-dedans. À chaque fois que c'est arrivé, je l'ai retrouvé inconscient. Il est constamment épuisé à cause de ces fantômes qui pompent son énergie, sans parler de ceux qui s'en prennent à lui. Alors désolé, je fais pas partie de votre monde, mais de mon point de vue, il n'y a absolument rien de génial dans cette histoire.
La voix du brun était si rêche et glaciale que même Jimin fut surpris par cela. C'était la première fois qu'il voyait les choses à travers les yeux de son amant. Il vivait tout ça de son point de vue, mais il ignorait que cela pesait autant sur le cœur de l'homme qui partageait sa vie. Avec douceur, le médium posa sa paume sur sa cuisse et la pressa tendrement, tentant par ce geste d'apaiser ses craintes.
— Je comprends votre inquiétude, commandant, mais si Jimin apprend à maîtriser son pouvoir, il ne subira plus ses mauvais côtés, fit Julian sans quitter les deux hommes des yeux.
— Vous venez de dire le contraire pourtant, répliqua le tatoué sans une once de gentillesse.
— J'ai dit que parfois ce n'était pas simple, mais qu'est-ce qui l'est dans la vie ? Jimin n'a que deux solutions, soit il apprend à le contrôler et ça devient plus vivable, soit il continue de subir sans rien maîtriser.
— Ok, intervint le principal concerné par la conversation. Je veux apprendre, mais à cet instant, je ne suis pas là pour ça. Vous avez dit pouvoir voir les derniers souvenirs des esprits.
— C'est vrai, confirma monsieur Hale.
— D'accord, comment je peux faire ça ?
— La projection du subconscient, ce n'est pas un jeu d'enfant. Il m'a fallu des années pour le maîtriser. Ton esprit est projeté dans des souvenirs qui ne sont pas à toi. Tu te retrouves dans leur corps sans les contrôler et tu revis ce qu'ils ont vu avant la fin. Ça peut être douloureux et traumatisant, sans parler du retour qui peut être assez dur à supporter.
Toutes ces descriptions réveillèrent un souvenir bien enfoui dans l'esprit de Jimin, un évènement qui l'avait marqué par sa violence, mais pour les raisons que Julian venait d'énoncer. Le médium avait vécu tout ça le jour où il s'était ouvert le crâne dans les douches du commissariat, juste après que l'esprit de Mei avait été expédié derrière le voile par son assassin.
Jungkook s'apprêtait à évoquer cet incident dans les vestiaires, mais en voyant son amant fixer le sol, le regard perdu et un air pensif, il se tut.
— C'est exactement ce qui s'est passé avec Meï, confessa Jimin.
— Qui est Meï ? demanda Julian.
— La victime d'une de nos enquêtes. Un jour, je l'ai vu imploser sous mes yeux après qu'un autre esprit l'a attaqué. Ensuite, il s'en est pris à moi, et même si Yoongi m'a protégé, j'ai été blessé et je me suis évanoui. Quand je me suis réveillé, j'étais dans un autre corps, celui de Meï. J'ai... j'ai vu ce qu'elle a vécu avant d'être assassinée, raconta la médium.
Julian n'en croyait pas ses oreilles. Ce petit bout d'homme aux allures si fragiles et aux traits séraphiques était bien plus puissant que lui. Âgé de trente-deux ans, le jeune américain avait grandi avec son don qu'il avait hérité de sa mère. Cette dernière lui avait appris tout ce qu'elle savait, l'aidant à réduire les effets indésirables de ce pouvoir. Il lui avait fallu des années avant de parvenir à projeter son esprit dans des souvenirs d'autrui et voilà que sans le vouloir, ce garçon avait réussi cette prouesse.
— Comment as-tu fait ça ? questionna-t-il.
— Je n'ai rien fait, répondit Jimin.
— Est-ce que le fantôme t'a touché ?
— Je ne sais plus, ça s'est passé très vite. Je me souviens qu'elle a essayé de me parler, puis l'autre esprit est apparu et s'en est pris à elle. Ensuite, j'ai perdu connaissance.
— Pour que ça fonctionne, il n'y a pas trente-six mille solutions. Il faut, soit que tu aies en ta possession quelque chose qui ait appartenu au défunt. Un objet qu'il affectionnait particulièrement, ou qu'il avait sur lui au moment de sa mort. Soit il faut que l'esprit te touche et te transmette ses souvenirs.
Le jeune consultant de police écoutait les mots prononcés par son aîné et prenait mentalement des notes. S'il l'avait fait une fois, qu'est-ce qui l'empêchait de recommencer ? Jungkook de son côté, se sentait totalement exclu à cet échange. Il ne faisait pas partie de ce monde, et s'il devait être honnête, il n'attendait qu'une chose, quitter cette maison dont l'air était empoisonné par l'effluve du cannabis qui lui donnait mal à la tête.
— Je voudrais recommencer, lança Jimin à l'attention de Julian. Mon meilleur ami a reconnu le visage de son tueur, j'ai besoin de savoir ce qu'il a vu avant de mourir.
— Je comprends, mais avant, il faut que tu t'entraînes, car si tu projettes ton subconscient, mais que tu t'égares, tu pourrais ne jamais revenir.
Cette réponse eut pour effet de sortir Jungkook de ses pensées. Il leva brusquement la tête vers Julian, la mine confuse et inquiète.
— Comment ça, ne jamais revenir ? demanda-t-il, les sourcils froncés.
— Je ne peux pas être plus claire. S'il ne maîtrise pas le voyage à la perfection, son esprit pourrait se perdre dans les limbes et y rester pour toujours. En gros, c'est la mort assurée, reformula le grand brun.
— Ok. On arrête. Allez, lève-toi, on rentre, ordonna Jungkook en se mettant sur pied.
— Q-quoi ? bredouilla Jimin, déboussolé par ce changement si brusque. Non, j'ai besoin de savoir.
— Tu l'as entendu ? Si tu ne maîtrises pas ce truc, tu vas y rester ! Il est hors de question que je te laisse faire ça sans avoir la moindre certitude que tu y parviendras. C'est du suicide ! argumenta le commandant.
Un duel de regard venait de commencer entre les deux amoureux. Le plus jeune ne comptait pas abandonner si facilement. Cette expérience ne lui faisait pas peur, tandis que face à lui, son compagnon était terrifié. Plus ils avançaient dans leurs enquêtes, plus les choses devenaient sombres et dangereuses. Il ne voyait que deux issues à cela et dans l'une d'elle, l'homme qu'il aimait perdait la vie, ce qui était inconcevable.
— Jimin, lève-toi. Ne m'oblige pas à te traîner de force hors de cette maison, le menaça Jungkook, la mâchoire serrée.
— Tu as promis, répliqua le médium.
— Oui, j'ai promis de te protéger et de te garder en vie. Si je te laisse aller au bout de cette idée, c'est là que je vais rompre ma promesse. Alors laisse tomber ! somma-t-il la mâchoire serrée. On trouvera un autre moyen. Namjoon continue ces recherches, tu dois juste lui laisser le temps.
— Il ne trouvera rien. Comme toujours, on va se retrouver dans un cul-de-sac et j'en ai ma claque de ne pas avoir de réponse, argua le consultant.
— Jimin, soupira son amant.
— Sans vouloir vous offenser, commandant, vous ne devriez pas douter des dons de votre petit ami. Je suis persuadé qu'il y arrivera, intervint Julian. Faites-moi confiance, j'ai du flair pour ces choses-là.
— Oh toi, ferme ta gueule, on ne t'a pas sonné ! vociféra Jungkook, laissant la colère le consumer lentement. Je dois te faire confiance ? Tu veux dire comme les parents de ce pauvre gamin l'ont fait ? Toi et ton amie, l'autre escroc, vous avez abusé de leur désespoir et de leur vulnérabilité pour vous faire un max de fric, alors pitié, ferme-la, parce que ça me démange vraiment de te refaire le portrait ! cracha-t-il en lui lançant un regard assassin. Tu es là avec ton beau discours, mais tu n'as aucune idée de ce que c'est de voir la personne que tu aimes se détruire à petit feu à cause de toute cette merde accrochée à lui. Je refuse de le voir risquer sa vie pour tenter une expérience qui pourrait ne pas aboutir. Alors à moins que tu aies quelque chose d'infaillible à proposer, tu la mets en veilleuse.
Malgré l'agressivité présente dans le ton du policier, le propriétaire des lieux décida de rester calme. Il fut tout de même surpris des accusations qu'il venait d'entendre, et ça, il refusait de les laisser passer.
— De quoi vous parlez ? demanda-t-il, confus.
— Ne joue pas les innocents ! Je parle du petit garçon qui est mort l'an dernier. Toi et ta complice avaient fait croire à ses parents qu'il était encore en vie alors qu'il était mort depuis des semaines quand on a trouvé son corps.
— Vous parlez de Seo Ju-woo ?
— Oui, affirma Jimin. Nous avons arrêté son père aujourd'hui. Il a avoué avoir tué Song Hyeri.
La moindre parcelle d'insolence ou d'amusement quitta le visage de Julian qui semblait sous le choc de cette révélation.
— Attendez, c'est impossible. J'ai dit à Hyeri que le petit garçon était mort. Je vous assure que j'ai été honnête, c'est moi qui ai fait passer son esprit de l'autre côté. Jamais je n'aurais menti à ses parents, et puis je n'ai jamais reçu le moindre won, assura le plus vieux des médiums.
Le consultant de police observa les traits de son vis-à-vis et n'y vit que de la sincérité. Devait-il lui faire confiance ? Son instinct lui dictait de le faire, mais était-il objectif ? À cet instant, il ne désirait qu'une chose, avoir des réponses. Peu importe ce que Julian avait fait par le passé, tout ce qui l'importait, c'était qu'il l'aide aujourd'hui.
— Peu importe, cette enquête est bouclée, lança Jimin.
— C'est vrai, mais ça ne change rien à la situation. Si tu n'as rien de mieux à proposer, on se tire, ordonna Jungkook, son regard noir ancré dans celui de leur hôte.
— Désolé, mais je ne connais pas d'autre moyen d'avoir les réponses que vous cherchez, répondit ce dernier, d'une voix blanche dépourvue de toute émotion. Cependant, je me pose une question. Vous qui connaissez Jimin mieux que moi, vous pensez réellement qu'il va abandonner ?
Le concerné ne pipa mot, se contentant de fusiller du regard cet homme qu'il méprisait. Son silence fut, pour le plus vieux des médiums, une réponse, l'encourageant à continuer son laïus.
— C'est bien ce qui me semblait, s'amusa Julian. Alors maintenant, dites-moi commandant. Que préférez-vous ? Qu'il tente l'expérience seul, sans être accompagné par quelqu'un qui maîtrise le sujet, ou qu'il soit bien encadré, minimisant ainsi le risque de mort ?
— Je préfère qu'il ne fasse rien du tout et qu'il reste en vie !
— Oui, ça, ce serait la solution dans un monde parfait, mais vous savez bien que rien n'est aussi simple.
Agacé d'être ignoré, Jimin se leva et se plaça devant son amant. Il chercha à établir un contact visuel et quand il l'obtint, il prit la parole, tentant de transmettre le plus d'assurance possible alors qu'au fond de lui, il était terrifié.
— Jungkook, on n'a pas le choix. Je l'ai déjà fait, je sais que je peux le refaire. J'ai besoin que tu me fasses confiance sur le coup. Julian a raison, si je dois le faire, autant qu'il soit là au cas où ça tournerait mal.
Le tatoué se sentait au pied du mur. S'il y avait bien une personne qu'il connaissait par cœur, c'était Park Jimin. Il pouvait voir à l'étincelle présente dans son regard que celui-ci n'abandonnerait pas. Qu'il soit de son côté ou non, son amant irait au bout de son idée et à présent, quel choix lui restait-il ? Rester à ses côtés et prendre le risque de le voir mourir dans ses bras, ou renoncer et rompre sa promesse, se condamnant ainsi à une vie de regret ?
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