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RAÄVENA
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Le jour déclinait de plus en plus, mais du monde continuait de s'activer sur le camp. Nous, nous étions assis sous un large arbre à l'épais feuillage à l'écart, bien que surveillés de près par des gardes, et nous observions le bivouac vivre. Nous avions aussi un peu conversé, en dehors de Valaine, j'avais appris que le mâle qui m'avait aidée se nommait Qadir, quant aux deux autres vampires qui nous accompagnaient, ils s'appelaient Paine et Tearle. Ils ne s'avéraient pas particulièrement loquaces. Soit, ça ne me posait pas réellement de problème, moi-même n'étant pas une grande parleuse, même si j'étais en mesure de tenir des discussions si quelqu'un en entamait avec moi.
— Toi.
— Hum ?
J'avais tourné le visage vers un soldat qui me toisait de toute sa hauteur, celui-ci me fit signe de venir avec lui par un simple mouvement de tête. Je me remis sur pied d'un geste mou pour lui emboîter le pas sous les regards de mes semblables. Je suivis l'elfe en armure jusqu'à une tente de laquelle se dégageaient des senteurs de nourriture. Les vampires pouvaient avaler des aliments, mais en très petite quantité, même si nous évitions en général de le faire, car notre corps mettait bien plus de temps à les digérer et les assimiler que le sang. Alors je savais reconnaitre les diverses odeurs de préparations pour ça, ce qui n'était pas le cas de tous les vampires en réalité, j'étais persuadée que Valaine en était incapable. Elle manquait encore d'expérience en tant qu'esclave à cause de son jeune âge. On me colla soudainement un plateau bien garni entre les mains, le délicieux effluve de ragoût me monta rapidement jusqu'à mes narines.
— Va apporter son repas à sa majesté, lui ordonna le soldat.
J'approuvai d'un léger mouvement de tête, puis tournai les talons pour m'avancer en direction de la tente royale. J'observai ce qui se trouvait sous mon nez en plus du plat en sauce. Il y avait une carafe de vin, du pain et une pomme verte. Je m'arrêtai devant l'entrée et signala ma présence.
— Seigneur Aolis, je vous apporte votre repas.
— Entre, m'ordonna-t-il d'une voix forte et calme.
Je ne pus m'empêcher de frémir au son de sa voix. C'était indécent de produire un tel effet sur autrui. Je n'attendis pas plus et pénétra dans la tente sans le moindre bruit. Mes yeux atterrirent alors sur le souverain, il était assis à la petite table et rédigeait quelque chose. Je remarquai un espace inoccupé au milieu des papiers, je n'eus aucun mal à comprendre à quoi cela servait. J'avais eu d'autres propriétaires qui faisaient des choses similaires. Je déposai donc le plateau sur un petit meuble proche de moi et m'emparai du ragoût et du pain que j'installai par la suite au niveau de la zone vide. Je lui versai également un verre de vin pour accompagner le tout. Mes perles rouges glissèrent ensuite sur le fruit, m'interrogeant sur ce que je devais en faire.
— Pèle-la et découpe-la en quartiers.
Je ne pus m'empêcher de hausser légèrement un sourcil. Lisait-il dans les pensées ou mon doute était-il inscrit sur son visage ? Je n'eus pas l'impudence de lui poser la question, mais un problème s'imposa bien vite à moi. Je ne possédai rien de tranchant pour faire ce qu'il me réclamait.
— Il n'y a pas de couteau, articulai-je.
Je vis Aolis glisser ses doigts dans la ceinture en soie qui retenait son vêtement pour en extraire un petit poignard qu'il me tendit. Je ne pus m'empêcher d'hésiter un instant, me demandant si cela était un piège, la femme de l'un de mes anciens maîtres lui avait déjà fait quelque chose de semblable. Et elle m'avait ensuite accusée d'avoir tenté de m'en prendre à elle. Je m'avançai jusqu'à lui et approchai prudemment la main pour me saisir de l'objet tranchant. Même si je ne le quittai pas une seconde du regard. Mes doigts se refermèrent sur le poignard et il ramena son bras vers lui.
Si facilement ?
Puis je me souvins qu'il ne me voyait absolument pas comme une menace. Il me l'avait bien fait savoir plus tôt dans la journée. J'allai donc peler la pomme et la couper en quartiers que je déposai sur la soucoupe qui accompagnait le fruit. Je pris la petite assiette d'une main et retourna vers la table, mais la place était manquante, je tendis par conséquent lentement mon extrémité pâle et tatouée en direction des papiers. Je n'y touchai pourtant pas, la pulpe de mes doigts resta en suspens au-dessus des feuilles. Du coin de l'œil, je fixai le souverain dans l'attente d'une autorisation pour pouvoir les bouger. Je reçus l'accord de mon maître d'un faible mouvement de tête, je décalai alors quelques-unes des pages pour pouvoir déposer les quartiers de pomme.
— Viens là.
L'elfe pointa un endroit sur le sol tout près de lui. J'obtempérai et attendis de savoir ce qu'il voulait. Je ne pus cependant m'empêcher de laisser traîner mes yeux sur lui. Les pans de son vêtement, en soie noire, étaient largement ouverts, offrant la vision de son torse pâle et décoré de dorures à ma vue. Ses pectoraux étaient saillants et ses abdos ressortaient d'autant plus en position assise. Sa peau avait l'air douce et l'odeur qu'elle dégageait grisait mes sens. J'étais si absorbée que je tressaillis quand je sentis les doigts du souverain glisser le long de ma cuisse et remonter le tissu de ma robe. D'instinct, j'eus un mouvement de recule, sauf qu'il m'avait anticipée et sa main s'était refermée sur ma chair. Je me figeai dans l'instant lorsque ses yeux azurés plongèrent dans les siens. Le message était on ne peut plus explicite : ne bouge pas. Je me montrai docile, même si son cœur cognait fort dans ma poitrine.
Allait-il abuser de moi ? Il ne serait pas le premier. Tous nous méprisaient, mais nombreux étaient également ceux qui se laissaient aller à leurs plus bas instincts avec nous. Ma vie sexuelle ne s'était toujours résumée qu'à des viols, souvent brutaux, et des perversions diverses et variées de la part de mes propriétaires. Aussi horrible que cela puisse paraitre, c'était devenu chose commune pour moi, quand bien même je craignais sans cesse ces moments. Aolis relâcha ma cuisse et retraça les arabesques noires qui décoraient le haut de ma jambe. Son toucher n'avait rien de pernicieux, au contraire, il était même... doux. Cela me donna la chair de poule, la dernière fois que quelqu'un s'était montré si délicat envers moi remontait à plusieurs siècles. Et il s'agissait de ma mère.
— As-tu une tâche de naissance ? me questionna-t-il.
— Je n'en ai pas.
Il arrêta sa main au niveau de ma hanche, mes sourcils se froncèrent légèrement.
— Te ficherais-tu de moi ? Tu es une sang pur et tu n'as pas de marque de naissance ?
— Je ne me moque pas de vous, vous n'êtes pas le premier à en chercher une trace et personne n'en a jamais trouvé. Je n'en possède pas.
Ça pouvait paraitre étrange, parce que les vampires de noble lignée en portaient tous une, mais pas moi. Si c'était le cas, il aurait été facile de savoir de quelle branche vampirique je venais. Aolis semblait particulièrement ennuyé par la nouvelle, la pression qu'il exerçait au niveau de ma hanche se fit plus forte, ce qui donna naissance à une faible grimace sur son joli visage.
— C'est ennuyeux...
Il avait dit, plus tôt dans la journée, à sa sœur ne pas être concerné par mes origines, mais cela le titillait visiblement bien plus qu'il ne le laissait croire. Bien que je n'aie jamais compris pourquoi cela intéressait tant les gens de savoir de quelle famille je descendais. Cela n'avait plus la moindre forme d'importance depuis près de mille ans, depuis que les vampires avaient trahi les peuples de Yiheon. Je percevais les choses de cette manière, en tout cas. La pression disparut et de nouvelles caresses glissèrent sur ma peau, me faisant frémir malgré moi et cela n'échappa pas à l'elfe aux cheveux de jais. Sur mes lèvres pleines, je vis naitre un petit sourire amusé tandis qu'il s'assit de manière plus détendue sur sa chaise.
— Tu es plutôt sensible pour une femme qui semble si froide, commenta-t-il d'un ton quelque peu railleur.
Vous n'avez aucune idée du genre de femme que je suis.
Voilà ce que j'aurais aimé lui dire, mais comme toujours, je tins ma langue. Je n'avais eu qu'un faible plissement des paupières, mes iris sanglants plongés dans ceux du seigneur elfe.
— Et je dois admettre que tu es très belle aussi, malgré ces cernes et l'allure terne de ton être.
Ses doigts avaient migré jusqu'à mon nombril qu'il retraça du bout de l'index avant de glisser plus bas, me faisant me tendre immédiatement. Heureusement, il s'arrêta juste au-dessus de mon pubis.
— Mais une vermine reste une vermine.
Sur ces mots, il me poussa avec force et je tombai en arrière. Malgré les peaux de bêtes qui couvraient le sol, la chute ne fut pas douce et une douleur la prit dans le coccyx. Je ravalai ma haine, même si le monstre de la rage hurlait au fin fond de mes entrailles. Je détestais que l'on joue de cette façon avec moi, je préférais largement qu'on m'abuse tout de suite plutôt que de se montrer tendre dans l'unique but de me tourner en ridicule. Il me congédia d'un mouvement de la main dédaigneux alors qu'il prit un quartier de pomme dans l'autre. Je me remis sur mes pieds et quittai la tente rapidement pour ne pas me risquer à commettre un acte que je regretterai.
***
Le chant des oiseaux commençait à se faire entendre, signe que le jour se levait.
Le ciel se teintait de plus en plus des couleurs chatoyantes du début de matinée. Je n'étais pas parvenue à fermer l'œil, bien trop secouée par ce qu'il s'était passé dans la tente du souverain. Je ne pouvais refouler le souvenir de ses mains sur ma peau, de la délicatesse de ses caresses et la force avec laquelle il m'avait tenue par la hanche. Ce n'était pas des gestes extraordinaires, alors pourquoi en être si troublée ? Je ne recevais pas la réponse à cette question et c'était bien ce qui me tourmentait autant. Le campement commença à s'agiter, en particulier les soldats qui s'activaient à défaire les diverses tentes colorées, principalement dans des tons bleutés ou verts. Ils allaient lever le camp très bientôt. Je soupirai sans bruit et me redressai pour observer mes camarades qui roupillaient encore. Nous couchions bien évidemment dehors, personne ne perdrait son temps à monter une tente pour des esclaves.
Je posai une main sur le bras de Valaine qui dormait paisiblement près de moi pour la secouer. Autant que je me charge de les réveiller plutôt que les elfes qui n'hésiteraient pas à les frapper ou leur jeter de l'eau froide dessus pour ça. La jeune vampire protesta quelques instants avant de céder et se lever à contrecœur. J'en fis de même avec les trois autres vampires qui eurent bien moins de mal à quitter les limbes du sommeil que la cadette du groupe. Ils pouvaient s'éveiller tranquillement le temps qu'on nous donne des consignes. Il ne fallut pas bien longtemps pour qu'un des soldats ne s'approche de nous, il parut surpris de nous voir déjà tous réveillés, ce qui le renfrogna un peu.
Manqué, tu ne pourras pas nous frapper.
Il nous ordonna sèchement d'aller aider à ranger le matériel dans les différents convois avant de tourner les talons. Notre petit groupe se mit donc au travail, chargeant tout ce qu'on nous confiait. J'indiquais où disposer les affaires de sorte que ce ne soit pas le fouillis et qu'on ne se fasse pas taper sur les doigts. Posséder presque cinq-cents ans d'expérience était un véritable avantage, on savait presque tout faire, en tant qu'esclave, pour qu'on ne puisse rien avoir à vous reproché. Le campement fut plié en un rien de temps, les nobles n'avaient rien eu à faire — évidemment c'était des nobles après tout — et avaient pu se préparer à leur rythme. Il ne restait plus qu'à enfourcher les chevaux et prendre la route. Nous, nous nous retrouvâmes entassés dans une des carrioles avec le matériel. Au moins, nous n'aurions pas besoin de marcher. Même si nous n'avions toujours aucune idée d'où se rendaient tous ces elfes.
Le départ fut finalement donné et notre procession s'activa. Il ne se passa rien pendant un très long moment, Valaine s'était rendormie contre l'épaule de Qadir qui, lui, somnolait. Pourtant, un évènement inattendu se produisit. Je vis l'un de ceux qui étaient arrivés avec Aolis venir se placer derrière notre carriole et il me lança une petite besace contenant des choses en verre à cause du bruit produit par l'entrechoquement des objets. Je le rattrapai et offris un regard perdu à cet homme.
— Dépêchez-vous avant que quelqu'un se doute de quelque chose.
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Voilà le chapitre 3 ! J'espère qu'il vous aura plu ! En tout cas, j'attends toujours vos retours, qu'ils soient positif ou négatifs, chaque conseil est bon à prendre !
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