𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 32
« Et bien ? »
Aeglos me regarde arriver avec un sourire. Adossé à sa chaise, face au soleil qui commençait doucement à chauffer, il ressemblait à un lézard. Mais un lézard avec une crinière de feu, pour une fois détachée.
« Tu es partie loin !
-Oui, je me suis glissée derrière la colline là-bas.
-Vers les falaises ? Fais attention tout de même à ne pas jouer avec ta vie, ça pourrait être dangereux. »
Je m'assois face à lui, m'écrasant contre le dossier en métal, et remua un peu les épaules comme pour trouver la position parfaite. Ceci fait, l'envie de bouger partie soudainement, sans que je ne fasse grand-chose pour la rattraper.
« Certes. Mais il y a une vue magnifique.
-Et encore. On t'emmènera voir les couchers de soleil sur la montagne Erodée. Ça, c'est quelque chose que tu ne peux pas rater. On se fera sûrement un pique-nique d'ailleurs. »
Il laissa sa tête tomber en arrière, ses cheveux suivant le mouvement avec grâce. Je les regarde, fascinée, et finit par tendre le bras pour attraper un des gâteau sur le plateau en argent face à moi, en lui avouant :
« Tu sais que tu as de superbes cheveux ? »
Il rit un peu, sans lever la tête.
« Merci ! Il paraît que c'est un truc d'orc. Et les elfes ont des dents magnifiques. »
Cette conclusion, sûrement un peu clichée, faite, j'en viens à me demander si Adam n'est pas un mélange des deux. Ce serait possible, ceci dit.
« Comment on distingue un orc d'un humain ?
-On ne peut pas. Enfin... »
Il se redresse, et regarde les espèces de poules déambuler autour de nous, dans le pré.
« Les humains, et simples humains, sont souvent, et bien, simples. Ils ne sont pas « remarquables ». Une créature telle qu'un orc, un elfe ou un hybride, attire plus l'attention. Il paraît que les orcs sont beaux. Les elfes ont des oreilles pointues pour la plupart, et les hybrides ne sont juste pas ratable. »
Je hoche la tête, pensive. Adam est donc ou un orc, ou un elfe avec de petites oreilles.
« Pourquoi ? »
Je me reconcentre sur la conversation, sortant de mes pensées, et hausse les épaules.
« Curiosité. »
Je prends un croc du gâteau, et soupire.
« C'est vraiment trop bon.
-ça me fait plaisir que tu aimes. Si tu veux, je t'apprendrai. »
Incapable de parler car ma bouche trop pleine, j'approuve juste l'idée en hochant la tête avec énergie. Il rit doucement, et bascule de nouveau sa tête en arrière. Le soleil illumine bien la plaine, et je me surprends à regarder les montagnes, et la colline dont on ne voit qu'une infime partie.
« Il y a des habitations autre que votre ferme par ici ?
-Non, on est seul. Les prochaines maisons sont plus loin vers Solkyenäm. Tu me parais bien curieuse ce matin. »
Je souris, tandis que la phrase d'Adam vient résonner dans ma mémoire comme une petite clochette. « La curiosité tue le lutin. » Je n'ai pas relevé, mais j'en conclu donc que les lutins existent. Jusqu'où s'étend ce monde ? Je regarde les horizons avec une certaine passion, car ma soif avide de connaissance rend le paysage fascinant. Le mystère, en général, a le don d'ajouter à une vie des milliers de paillettes, et les choses se changent alors en de véritables trésors que j'ai envie de collectionner jusqu'à les comprendre.
« Vous avez des encyclopédies ? Avec toutes les créatures répertoriées ?
-Bien sûr. Enfin, je veux dire, ça existe. Mais nous personnellement nous n'en avons pas. »
Il haussa les épaules en relevant la tête.
« Mais je suppose qu'on pourra aller en chercher une dans la librairie.
-Oh, non, ne t'inquiète pas, ne dépensez pas de l'argent pour ça.
-De l'argent ? »
Il fronça les sourcils.
« Non, les encyclopédies sont gratuites, c'est de la culture générale, pourquoi ce serait payant ? »
Sa phrase me prend de court. Quand on se concentre sur la chose, c'est vrai que ça paraît bête. Payé pour savoir, ça semble tordu. Mais comment fonctionne leur société si tout ce qui concerne la culture n'ai pas payant ? Sur quoi leur société fait de l'argent ? Ils en ont besoins pourtant, je suppose. Non, en fait, je n'en sais rien.
« Tout ce qui concerne la culture est gratuit ?
-Evidemment ! Pas chez vous ?
-Absolument pas, non. »
Enfin, je suppose que l'école est gratuite. Quoique, ça dépend lesquelles. Et seulement si l'élève ne mange pas dans l'établissement. Et pour ce qui est des livres...N'en parlons même pas.
« Tiens, d'ailleurs, tant que j'y pense, Oromë et moi avons discuté de toi. Pour voir si on t'inscrit dans une Académie. Ça te plairait ? »
Cette phrase m'offre comme réaction un nœud dans le ventre. Plus qu'une réaction quand à cette idée, c'est d'abord un réflexe qui se fait naturellement, associant école à anxiété, et me rappelle de toutes ces journées dans mon collège à prier pour que la journée se finisse vite, à baisser la tête en cas de problème, à se faire hurler dessus pour un devoir non fait. Je me dis qu'il y avait aussi du bon, comme les pauses avec Lucifer, les repas avec Lucifer, le trajet de bus avec Lucifer. Enfin, je réalise que ce sont des actions que je déteste quand il n'y a pas « Lucifer » dedans. Il remarque probablement la tornade de pensées qui vient de m'engloutir à la seconde où sa phrase s'est finie parce qu'il se redresse et passe une main dans mes cheveux.
« Astal, si tu ne veux pas, ce n'est absolument pas grave. Il n'y a pas de problème, tu n'es pas obligée du tout. »
Pourtant, quelque chose remue en moi. Quelque chose qui me fait dire que si rien n'est pareil au niveau de la culture entre nos deux mondes jusqu'à présent, c'est sûrement que sur le plan scolaire il y a des différences aussi. Et peut-être même que je me ferais des amis ? Avec un peu de chance, Lucas s'est inscrit dans une Académie, et on va se retrouver ! Je finis par soupirer, amenant mes yeux dans le vide. Je remarque alors des petites failles sur la pierre de la terrasse, d'où sortent des sortent de petites fourmis. Mais elles sont violettes.
« Je peux avoir un peu de temps pour y réfléchir ?
-Bien évidemment. Prends ton temps. »
Si j'en ai. Aussi bien, je me réveille demain et je n'aurai même pas le temps de me reposer cette question. De retour dans mon monde gris et lourd. Il voit bien que cette conversation m'emmène toujours plus loin dans les pensées sombres qui font que mon esprit est si secoué par la moindre information, et se lève.
« Viens, on va aller voir Oromë. »
Je hoche la tête et me lève aussi. Il commence à avancer, mais je fais demi-tour pour attraper un autre petit gâteau avant de le suivre. Il secoue mes cheveux, et soudain, une idée me vient.
"Je crois que j'aimerai bien me couper les cheveux."
Un rire s'échappe de ses lèvres, et il s'excuse en le contenant.
"Tu n'aime pas quand je mets ma main dedans ?
-Rien à voir ! C'est juste que je ne pouvais presque rien faire avec mes parents biologiques. Or, avec vous, j'ai l'impression que je peux être moi. Peu importe ce que ça veut dire. Donc je me dis que je pourrais essayer de nouveaux trucs ? Sauf si ça vous dérange, bien sûr."
Il me regarde avec un air un peu attristé, et j'en viens à me demander si c'est l'idée que je me coupe les cheveux ou le fait que je ne pouvais pas faire grand chose dans ma vie d'avant. Il coupe court à ce questionnement en hochant la tête.
"Tu fais ce qui te fait plaisir, Astal. Et si tu veux te couper, les cheveux, et bien coupe toi les cheveux. De toute façon, c'est ta tête, non ? C'est toi qui en es maître. Tu veux très court ou juste au carré ?"
Je sens un grand sourire prendre possession de mes lèvres, tandis que je me mets à trottiner.
"Je ne sais pas. Probablement au carré pour commencer, et ensuite plus court si ça me va.
-Et bien aller. Je peux même te les couper ce soir si tu veux."
Je hoche une nouvelle fois la tête, satisfaite Je dirai même ravie. Il ouvre le petit portail et me fait passer avant de le refermer.
"Tu vois la colline là-bas ?"
Il pointe du doigt une zone face à nous, très vallonée.
"Je vois !
-Et bien on va tout au bout ! D'ailleurs..."
Un sourire enfantin couvre son visage de malice, et il lance d'un air sournois:
"Le premier qui y est a gagné !"
Et sur ce, il s'élance droit devant lui, me laissant derrière, désorientée. Un côté mauvais perdant et une envie de victoire me pousse à lui courir après dans un rire, le rattrapant étonnement vite. Et moi qui pensait que je n'étais pas sportive. En fait, il faut juste me donner une bonne raison de courir.
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