𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 22

Je m'étire et retourne auprès d'Oromë et d'Aeglos. Ce dernier épingle sur un mur une immense carte, de bien deux mètre cinquante sur deux. Je fronce les sourcils en m'approchant, effleurant le papier du bout des doigts. Il a cette odeur ancienne des vieux livres, ceux là-même gardé presque secrètement dans les fonds de bibliothèques, aux couvertures délavées, comme s'ils voulaient s'effacer. Bien sûr, ils ne sont jamais vraiment oubliés : L'amnésie n'existe que pour les souvenirs, et ils sont physique. Aeglos me regarde, à priori un peu amusé si j'en crois les coins de ses lèvres étirés en un sourire presque malicieux, et finis par me désigner la carte d'un vaste mouvement de main. Je ne sais pas s'il c'est pour m'introduire à ce que je vois, ou pour me montrer à quel point elle est immense. Peut-être les deux ?

« Je te présente, la carte de notre monde. Notre royaume se trouve juste là. »

Il enfonce une petite épingle à peu près au milieu. Je le regarde faire, attendant avec curiosité la suite des explications, qu'il laisse mijoter dans un coin de sa tête, laissant un suspens prenant. Il attrape un feutre et trace un cercle presque parfait autour.

« Et ça, c'est qu'on appelle un monde. Nous en avons cinq. »

Il en entoure quatre autres.

« Le feu, l'eau, l'ombre, la glace et la terre. »

Oromë s'approche, me tendant une tasse. Le liquide à l'intérieur semble brûlant et sent divinement bon. Comme un mélange de rose, de lavande et de menthe. Ça me rappelle un peu l'été, me transportant durant quelques instants ailleurs, avant de me reconcentrer sur Aeglos qui poursuit :

« Le monde de feu est, en gros, des terres brûlées. Une sorte de canicule permanente. C'est pareil pour le monde de glace. Le monde de l'eau est complètement inondé, celui d'ombre toujours dans la nuit et celui de terre est entre et sous des montagnes d'une hauteur que tu n'as sûrement jamais vues. Entre, il y a les royaumes. Nous, par exemple, nous vivons dans un royaume, et pas dans le centre d'un monde. »

Oromë ajoute, tendant une tasse également à son mari.

« On vit autour d'un monde. En l'occurrence, dans celui de la terre. C'est pour ça qu'ici et les alentours sont assez vallonnés. Par contre, là où nous sommes allés ce matin, c'était un royaume autour du monde de feu, d'où la chaleur. Et chaque être vient d'un monde. »

Elle souffle sur la boisson qui laisse une jolie fumée grise s'envoler dans l'air pour se mêler à lui, tranquillement.

« Je suis une elfe, donc je viens du monde de Terre. Aeglos, un orc, vient du monde du feu. Pour les hybrides, tout dépend de leur espèce. Les mages viennent souvent du monde de l'ombre, les Titans de glace...Tu as l'idée. »

Je hoche la tête. C'est plus clair avec un exemple. Je lève la tête, tout en m'asseyant sur le canapé juste derrière, qui semblait me narguer.

« D'accord, mais du coup un orc ne peut pas survivre dans un...dans le monde de glace, si ?

-Si, en soit il peut. Ce n'est juste pas son milieu naturel, ce serait comme une chèvre dans un marais. Elle va survivre, mais elle n'est pas forcément à l'aise. Voir pas du tout.»

Aeglos acquiesce, et soupire.

« Bon, en soit, c'est même un peu plus complexe, on a, pour être honnête, sept mondes. Celui du dessous, et celui du dessus. Mais aucun mortel n'y est allé. Même certains immortels n'y vont pas, il faut être un Dieu pour y accéder.

-Donc monde du Dessus ou du Dessous, c'est pareil ? Ou certains Dieux sont dans l'un, d'autre dans l'autre ?

-Non, en fait le monde du Dessous est accessible à tous les Dieux, comparé à celui du Dessus qui n'est qu'à l'élite. En court.

-Donc Atea, par exemple ?

-Atea a accès aux deux. Comme Maïj, Saryx, Askew, Veler...Ce sont les cinq Dieux principaux. Veler est celui de la pitié et de la clémence, celui qui donne à chaque créature la conscience du bien et du mal. Saryx est la mort, Askew est l'amour, Maïj est la nature, et Atea, le temps. Bien sûr, le Marchand de Sable et l'Horloger ont l'accès aussi, mais ils travaillent tout le temps alors ils n'y vont jamais. »

Je sais que je ne vais pas retenir les noms. Une question me tourne autour, et je finis par l'attraper pour la mettre sur table :

« Mais ils existent vraiment ou ce n'est qu'une croyance ? Vous les avez déjà vu ? »

Oromë se racle un peu la gorge. Sujet sensible ? Elle reprend très vite, ne me laissant pas le temps de douter :

« Oui, beaucoup en ont vu. Notamment les Saintes, celles qui s'occupent des temples des Dieux. Là où on va prier.

-Vous priez tous les Dieux ?

-Non, on en choisit un, et on lui confie notre vie. C'est une question de choix, qui parfois est influencé par le sang. Je suis une elfe, donc naturellement je prie Maïj, mais si je voulais prier Saryx je pourrais. Enfin, personne de sensé ne lui accorde des prières, sauf les fous du monde de l'ombre.

-Tu n'aimes pas le monde de l'ombre ?

-Tu ne l'aimerai pas non plus, crois-moi. C'est hanté par des voleurs, des monstres, des vendeurs d'esclaves, de tueurs, de violeurs...Les pires âmes grandissent et noircissent là-bas. L'absence de lumière ronge leur conscience, et ne laisse que de maigres os. Je ne souhaite à personne de passer l'éternité là-bas. »

Elle sembla retenir un frisson, mal à l'aise. Aeglos posa une main sur son épaule.

« Elle a raison. Ce n'est pas un endroit très bien fréquenté. La plupart des Bruits y trouvent repères, et s'amusent à venir troubler les voyageurs ou les bonnes âmes, pour les perdre dans les innombrables ruelles. Cette ville est un labyrinthe d'horreur. »

Je hoche la tête, pas sûre d'avoir envie d'y aller même par visite.

« Et toi Aeglos, tu pries un Dieu ?

-Oui, Maïj aussi. Enfin, je ne prie pas vraiment, je place surtout mes espérances en elle. Je ne fais rien de religion, sauf porter ses couleurs les jours Saint, comparé à Oromë qui prie les jours de Grande Lune.

-C'est quoi ça ?

-Des jours spécifique ou il y a des rassemblements autour des temples pour faire des offrandes et des prières. Mais ne te concentre pas dessus, ça ne t'avancera pas à grand-chose. Sauf si tu veux prier un Dieu. »

Je secoue la tête.

« Sans vouloir les offenser, ce n'est pas vraiment une occupation qui me fascine.

-C'est normal, Astal, et tout à fait compréhensible. Vu ton jeune âge... »

Oromë m'offre un grand sourire, et vient s'assoir à côté de moi.

« Bon ! Et bien voilà : Tu sais à peu près à quoi ressemble ce monde. Ça parait difficile, avec tous les noms et tous les lieux, mais finalement c'est plutôt simple. De toute façon, tu n'as pas à tout retenir, ce n'est absolument pas grave. »

Elle tritura un peu le col de ma chemise, comme pour bien le mettre.

« Tu t'habilles avec des vêtements d'ici, tu vis avec nous, tu manges notre nourriture, tu deviens amie avec le Marchand de Sable et tu m'aides avec les Varselles. Il n'y a pas à redire, tu deviens une vraie fille du monde des rêves ! »

Je ne peux retenir un rire, pourtant un peu alarmé par cette remarque. L'idée ne me déplaît pas, là n'est pas le problème.

Le problème, c'est que je ne veux plus me réveiller. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top