𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 21
Après avoir fait quelques courses -à mes yeux trop, mais à priori juste bien pour Oromë et Aeglos-, on reprend le chemin du retour. La femme qui nous a aidé pour les vêtements étaient absolument adorable. Elle m'a montré à peu près tout, restant dans les prix qu'Oromë avait annoncé, et m'a aidé à choisir. Les tissus sont bien confortables que ceux de mon monde, un peu comme en soie, mais pas chère. C'est assez étonnant, mais plaisant. Je n'ai pas eu besoin de grand-chose, et j'ai pris que des vêtements pratique, sauf une robe que ma mère adoptive a choisie, me trouvant, je cite « ravissante ». Il faut admettre qu'elle est belle : d'un joli blanc crème, remonté par des perles rouges qui tombe du col jusqu'aux plis sous le bassin, assez courte pour montrer mes cuisses mais pas trop, plissée donc sous la ceinture, moulante sur le torse. Elle n'a pas de manche, mais un col. Je n'aime pas tellement les robes, mais celle-là ne peut pas être ignorée.
A quelques pas de la maison, Aeglos perce le silence qui commençait à s'installer sans que l'on ne s'en rende compte.
« Bon, en rentrant on t'explique le principe des « mondes », et ensuite quoi ? »
Oromë se tourne vers lui, à priori perplexe.
« Comment ça ?
-Et bien, on ne va pas se mentir, c'est étrange ce qu'il se passe avec Astal. Elle n'est pas sensée rester ici aussi longtemps. »
Etrangement, ça m'inquiète. Et s'il a raison ? Et si je suis coincée à vie ? Je me surprends à me dire que ce ne serait pas si mal. En fait, je me dis même que me réveiller sera brutal. Je commence à m'attacher à eux, je n'ai presque plus envie de partir. Mais est-ce qu'eux se sont attachés à moi ? Oromë fusille du regard son époux, mais ses deux yeux émeraudes sont trop plein d'affection pour laisser une trace d'une quelconque haine. C'était bien essayé quand même.
« Aeglos ! ça ne va pas de dire ça ? Tout va bien, le Marchand de Sable prend juste un peu plus de temps que prévu. Il a peut-être beaucoup de travail. »
C'est une excuse presque sortie de la bouche d'un enfant. Mais ça reste mignon, alors je ne relève pas et ravale juste un sourire. Elle ouvre le portail qui mène à leur jardin en m'offrant un grand sourire.
« Moi je pense qu'il faut qu'on profite de ta venue. Tu vas me manquer quand tu repartiras. En attendant, on peut peut-être essayer de t'intégrer un maximum dans cet univers qu'est le nôtre. T'inscrire à une école même, pourquoi pas. »
Cette fois, c'est Aeglos qui s'étrangle. Il ne dit rien, et soupire juste :
« Je pense sérieusement qu'il faut que l'on ai cette conversation juste nous deux. »
Elle hausse les épaules, à priori sûre d'elle, et referme derrière son époux qui s'en va dans la cuisine. Elle ouvre une boite aux lettres, fronçant les sourcils devant l'une d'elle.
« Mon cœur !?
-Quoi encore ?
-On a une lettre. D'Onyx. »
Je le vois revenir, et il me jette un regard que j'essaye de traduire. Sans succès.
« Qu'est ce qu'elle dit ?
-Qu'elle est au courant pour l'Eveillée, qu'elle n'a rien dit au roi et qu'elle veut qu'on se voie d'ici trois aurores. »
Je n'ose pas de suite faire signaler que j'existe encore. Ils ne veulent pas de suite l'entendre.
« Et bien soit.
-Quoi, on va emmener Astal la voir ?
-Qu'est-ce que tu veux faire d'autre ? Dire non ? C'est Onyx. Elle a des réponses à des questions qu'on ne s'est même pas encore posées. Au pire elle va nous aider sur cette histoire. Ce qui n'est pas une mauvaise idée. »
Aeglos me remarque. Il se force à sourire.
« C'est une voyante.
-Sorcière. »
Il grimace mais ne relève pas. Elle semble avoir raison. Je me mords la lèvre pour ne pas leur dire qu'honnêtement, voir une sorcière, ce n'est vraiment pas dans mes cauchemars mais plutôt comme une forte envie.
« Elle a dû voir ton arrivée. Mais ne t'inquiète pas, elle est un peu folle mais gentille. »
Je hoche simplement la tête, mon sac de vêtements toujours dans les mains. Oromë sourit, sincèrement. Elle ressemble un peu à Lucas. Aussi joyeuse, aussi sûre d'elle, aussi optimiste.
« Tu veux de l'aide pour emmener tout ça à l'étage ? »
Cette fois je secoue la tête.
« Non, ne t'inquiète pas. Ce n'est pas lourd. »
Comme pour lui prouver, j'entre aussi dans la maison et grimpe à l'étage, commençant à connaître la bâtisse par cœur. Deux nuits, presque trois jours. Ça ne parait rien comme ça, mais c'est assez pour commencer à prendre certaines habitudes. Oromë me cri depuis le bas :
« Tu peux ranger les vêtements dans l'armoire ! Elle est vide !
-D'accord, merci ! »
Et sur ce, j'ouvre la large porte qui mène à ma chambre. La fenêtre grande ouverte, je surprends une tête sortir de l'encadrement, ses deux mains tenant une petite fleur avec une grande délicatesse.
Le Marchand de Lumière.
Il tourne sa tête vers moi, son sourire malicieux naturel se tordant en une expression ravie. Ses deux espèces d'antenne sur son front se mirent à briller. Prise de court, je ne dis rien durant de longues secondes, l'observant simplement. Les rayons se soleil perçaient sa peau pour faire des reflets jaune orangé sur le parquet de ma chambre. Il bougeait un peu la tête, comme pour me voir sous divers angles. Pour lui, j'étais la créature hors du commun, étrange, inconnue, et c'était terriblement humoristique. Loin d'avoir peur, je finis par sourire. Il avait quelque chose d'attachant, que ce soit la délicatesse avec laquelle il tenait cette fleur, ou ses grands yeux d'un noir profond. Il était beau aussi. Bien sûr, beau à sa façon, pas comme je trouve beau Aeglos. Il tendit une de ses mains vers moi, s'attendant à ce que je réponde au contact, ce que je fis, évidemment. En m'approchant, je vis le reste de son corps, son énorme coquille solidement accrochée à son dos. Est-ce qu'il pouvait rentrer dedans, comme un escargot ?
Ma main attrapa un de ses doigts. Sa peau était froide et brillante comme une nuit étoilée, comparée à la mienne, plutôt sèche et chaude. D'ailleurs, ça sembla le surprendre. Sa bouche s'ouvrit un peu en un petit arc de cercle, me dévisageant avec douceur et curiosité. J'entendis Oromë m'appeler, mais ayant trop peur d'effrayer le Marchand pour lui répondre, je me scellai dans le silence. Elle finit par monter les marches et passa la tête par l'encadrement de la porte.
« Hey, tu... »
Elle n'ajouta rien. L'escargot géant tourna la tête vers elle, puis vers moi, comme s'il voulait que je lui explique la situation.
« C'est une amie. »
Il tourna la tête sur le côté, ses antennes suivant adorablement le mouvement.
« Comment tu as fais ça ? »
J'hausse les épaules, me rapprochant doucement de lui. Il me tend la fleur, essayant de prononcer des mots.
« Ré...parée... »
Il a dû apprendre en écoutant les discussions des autres. C'était la petite fleur qu'il m'avait offerte, elle avait fini par mourir au bout d'une nuit et d'une journée, par manque d'eau et de terre. Mais à présent, elle était toute jolie, de nouveau comme cueillie. Il retira sa main de mon doigt et attrapa quelque chose qui pendait le long de sa coquille. Une sorte de grosse fiole en cristal. Il mit la fleur dedans et prit un peu de terre au sol pour l'encadrer, avant de me tendre le tout.
« Toi. »
Je souris, le prenant dans mes mains. C'était bien plus gros entre mes doigts qu'entre les siens, et je leva la tête vers lui après avoir fait ce constat amusant.
« C'est pour moi ? »
Il hocha la tête et se retourna, pour commencer à partir.
« Oui. »
Il ressemblait à un enfant. Faire des cadeaux sans s'attarder dessus, sans attendre rien en retour. Juste parce qu'on en a envie.
« Merci. Elle est très belle. »
Il hocha la tête et parti bien vite très loin. Je le regarda faire, en écoutant les pas léger d'Oromë se rapprocher de moi pour s'assoir à mes côtés. Elle ne dit rien. Elle le regarda partir, s'enrouler dans une brume créée juste pour lui, disparaître comme une ombre, ne devenant qu'une lointaine silhouette. Un vague souvenir, souhaitant presque s'effacer, sans que je ne puisse le laisser partir. C'était un souvenir trop beau pour le voir s'en aller.
Elle regarda la fleur, pensive, avant de briser le silence.
« C'est la chose la plus incroyable que j'ai vue de ma vie. »
C'est amusant comme nous n'avons pas les mêmes réalités. De mon point de vue, la chose la plus incroyable c'est surtout un coassement gras de corbeau à forme vaguement humanoïde. Ou le fait que je suis coincée dans un rêve. Ou des marchands d'hybrides. Ou plein de choses d'autres en fait, quand on se penche sur la question. Pourtant, je ne relève pas à voix haute, et reprend doucement :
« ça n'arrive pas souvent ?
-Jamais. »
Elle se retourne avec beaucoup de grâce, laissant les rideaux de fines soies s'envoler dans son courant d'air pour se plisser à ses pieds, comme esclave de son élégance.
« ça n'arrive jamais. Je vais raconter ça à Aeglos, il ne va pas me croire. »
Je la regarde s'en aller d'un œil amusé, puis me reconcentre sur la fleur, dans sa cloche de verre chauffant légèrement entre les paumes de mes mains. Je la pose sur mon chevet, fascinée, et m'assois sur le rebord de mon lit pour l'observer sous toute ses coutures. Ce qui est remarquable, ce n'est pas tant la création en elle-même, beaucoup de fleuriste font ce genre de présentation, c'est surtout l'attention qu'a mis le Marchand de Lumière dedans. La concentration, la fascination qu'il avait : Sa délicatesse aussi. Des mains si grandes pour des choses si délicates, c'est impressionnant. Je finis par me relever, après de longues minutes de silence, et me surprend à chantonner une musique qui ne m'est que vaguement familière en rangeant mes nouveaux vêtements. Je ne m'y attarde pas tellement dessus, ce n'est pas la chose la plus surprenante que j'ai vu, ou que j'ai à voir.
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