𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 13

Je me réveille une deuxième fois, cette fois la dernière. Les murs sont les mêmes qu'à mon premier réveil : en bois. La fenêtre est toujours ouverte, et un petit oiseau y chante, guilleret dès le matin. Il est d'un vert vif, certaines plumes bleues, d'autres allant de l'orange, au rose, tirant sur le rouge et repartant sur du violet. Dire qu'il est multicolore serait un euphémisme. Je l'observe quelques secondes avant de le voir s'en aller au loin, indifférent de mon admiration. Les rayons du soleil, déjà un peu chauffant, balaye le plancher jusqu'à mes pieds. Je me tire hors du lit pour faire quelques pas, savourant l'exquise brise matinale qui s'infiltre entre les rideaux pour les faire danser. Mes pas me mènent à l'escalier, celui-là même que j'ai utilisé pour me retrouver face à un escargot géant, mais me retrouve à la place enchantée par une douce odeur de chocolat. Ou, du moins, une variante. Au bout de la dernière marche, je déboule sur Aeglos, ses cheveux roux attachés en un chignon un peu défait.

« Oh ! Et bien bonjour toi !

-Bonjour... !

-Oromë est partie ouvrir aux Varselles.

-Aux ?

-Un troupeau d'animaux herbivores un peu bête. Le petit déjeuner est servi si tu veux. »

Je pense que les étoiles dans mes yeux se voient un peu plus que prévu, parce qu'en me regardant il se met à rire.

« C'est juste là sur la terrasse. Installe-toi, je viendrais te tenir compagnie d'ici cinq minutes. »

Je hoche la tête et sors, guillerette à l'idée d'avoir un petit déjeuner autre qu'une clémentine pour la première fois de ma courte existence. Une petite table se trouve sur des dalles en pierres, visiblement usées par le temps. Elle est couverte de gâteaux, tous à mes yeux inconnus mais avec des traits de ressemblance à certains plats de mon monde d'Eveillés. Je m'assois sur une chaise en bois, baignée dans les rayons de soleil qui traversent aisément les feuillages épais des arbres, presque duveteux. Quelque chose vient se frotter à mes jambes, et je remarque alors une étrange créature à six pattes dodues, et quatre yeux. Elle me regarde, perplexe, puis tire une grosse langue, ce qui me fait considérablement fondre. Je tends ma main, et elle vient passer sa tête contre. Elle est blanche, et couverte d'un pelage épais, très doux. Je la prends dans mes bras, et elle s'endort contre moi. Elle semble être un bébé. J'entends du bruit autour, et en me retournant, je constate une bonne vingtaine de ces mêmes créatures, certaines plus grandes, probablement adultes. Oromë vient s'assoir à une chaise face à moi, et je souris.

« C'est eux, les Varselles ?

-Tout à fait ! Et ce petit gars vient de naître il y a quelques semaines. Il n'a pas encore de prénom, mais tu peux lui en donner un. »

Je réfléchis quelques secondes, avant de presque sursauter.

« Oh ! Lucas ! Je peux l'appeler Lucas ?

-Bien sûr. C'est le nom de ton ami ?

-Oui. »

Je soulève la petite chose dans mes bras pour la mettre à hauteur de ma tête.

« Je ne sais toujours pas où il est...

-Tu sais, le monde n'est pas si petit que ça. Et puis, il s'est peut-être réveillé. »

Cette idée n'est pas à écarter, elle a raison. Lucas bâille et pose ses petites pattes contre mes joues. Il se tortille un peu sur lui-même, et je le reprends contre moi.

« Il est trop mignon.

-Oui hein ? Ils sont attachants.

-Saloperie ! Qu'est-ce que tu fais là !? Ouste ! »

La voix d'Aeglos résonne dans toute la maison jusqu'à l'extérieur, parvenant à nos oreilles. Oromë rit un peu.

« Bon, lui, il ne les aime pas trop, mais il n'a pas de cœur. »

Pour appuyer sur ses propos, un Varselle sort de la maison la tête basse, ses six pattes, affolées, courant le plus vite à ras du sol. J'explose de rire. Aeglos sort de la maison, et referme derrière lui.

« Ils viennent partout !

-Ils sont encore petits mon cœur, soit indulgent. »

Il grimace et vient s'assoir, attrapant une sorte de cupcake avec une aile de papillon sur le dessus.

« Mouais mais quand même. C'est moi qui nettoie hein, après. »

Oromë pousse un long soupire, qu'elle essaye de rendre fatigué mais qui sonne plutôt amoureux, tandis qu'il prend une bouchée du gâteau. J'en attrape un aussi pour l'imiter, et réalise que ça doit être aussi une des meilleures choses que j'ai mangé jusqu'à présent.

« Mais c'est excellent !

-C'est vrai ? C'est simple à faire tu sais. Je te montrerai si tu veux. »

Il finit son gâteau, et lève un index signe qu'il veut ajouter quelque chose. On reste pendues à ses lèvres, attendant avec impatience qu'il se prononce. Il finit par reprendre :

« C'est quoi le plan pour aujourd'hui du coup ? Oromë, t'as prévu quelque chose ?

-Plus ou moins, oui. Je pense qu'on va aller faire un tour à Solkyenäm. »

Elle tourna la tête vers moi avec un sourire.

« C'est la ville juste à côté.

-C'est compliqué comme nom.

-Tu trouves ? C'est possible. Je ne m'en rend pas compte. »

Aeglos hocha la tête.

« C'est une bonne idée. Toute la journée ?

-On verra. Mais si on rentre plus tôt, je pourrais lui faire visiter un peu les environs. »

Cette phrase me percute. Je ne sais pas pourquoi les connexions se font de cette façon dans ma tête, mais toujours est-il que ses mots me font penser que je me retrouve à squatter leur maison comme si j'étais leur nièce.

« ça ne vous dérange pas de me garder avec vous ? »

Ma question semble les prendre de court. Leur regard se fait très doux, tandis qu'Oromë pose sa main sur la sienne.

« Pas du tout, ne t'inquiète pas. Au contraire, ça nous fait très plaisir. Tu es une Eveillée en plus, ce n'est pas rien.

-Oui, à ce propos, il faudra qu'on invente quelque chose. Il vaudrait mieux que ça reste un peu en secret. »

Je fronce les sourcils.

« Ben pourquoi ?

-Euh...Les Eveillés sont bien vu par une partie de la population. Mais pas toute. D'autant plus qu'il vous arrive d'avoir des effets secondaires, disons...hors du commun. Enfin, tu es la première qui reste aussi longtemps avant de se réveiller, et pour l'instant tu nous ressembles beaucoup, alors peut-être que tu n'as rien. Mais le mieux sera quand même de te faire passer pour un membre de la famille. »

Je hoche la tête. Oui, en fait c'est plutôt logique, et pour le coup ça ressemble bien à mon monde. Même lorsqu'on trouve quelque chose de rare on a besoin de le mettre en cage. J'ai de nouveau une pensée pour Lucifer. Est-ce qu'il s'est réveillé ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top