SKOLL (part 1)

𝕾𝖐𝖔𝖑𝖑
(
𝔎𝔢𝔢𝔭 𝔶𝔬𝔲𝔯 𝔥𝔞𝔫𝔡𝔰 𝔯𝔦𝔤𝔥𝔱 𝔥𝔢𝔯𝔢)

PART I
"Une vie pour une vie"

Un guérisseur un peu trop rebelle, et un guerrier qui a beaucoup trop de cicatrices. 
Fussent-ils sous les hospices de Freyja, ou l'oeuvre d'une fourberie de Loki, ils ne sauraient dire. 

jikook
viking!au
alpha & omega
angst & violence
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bottom!jimin

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Les Loups de Midgard. 

Voilà comment on surnommait ce clan, au Nord des contrées. Un village de guerriers sanglants et toujours vainqueurs. Là, accolé à la montagne, au cœur d'un fjord qui donnait sur un horizon d'eau gelée, que leurs drakkars saillants brisait avec rage. Leurs huttes noires visibles depuis des kilomètres, jurant contre la blancheur de la forêt, lors des longs mois d'hiver. La légende racontait même que l'herbe verdoyante ne poussait pas dans cette partie-ci du territoire Viking; une autre laissait entendre que c'était la dernière tribu avant le bout du monde. 

Tout le monde en avait entendu parler, au moins une fois dans sa vie. Fut-ce t'il sous la forme d'un conte effrayant pour enfant, ou d'un mythe qu'on relatait autour du feu lors des veillées nocturnes. C'était un nom qui faisait froid dans le dos, et la plupart des habitants des terres scandinaves avaient vite appris à ne pas trop s'approcher de leurs eaux glaciales. 

Les hommes assez intrépides -- ou trop fous -- qui s'y aventuraient n'en revenaient jamais. 

Alors, quand il vit les montagnes sombres se profiler au loin, Jimin ne put empêcher le frisson qui parcourut sa colonne vertébrale -- et, il en était certain, cela n'était pas dû au froid. Cela ne l'empêcha pas, au contraire, de resserrer sa fourrure de loup autour de lui pour se protéger de la morsure septentrionale du vent qui venait fouetter son visage. Du bout des doigts, il caressa le cuir de sa pochette qui contenait les plantes les plus rares et les élixirs les plus précieux à ses yeux; et sûrement que cela lui serait utile, une fois qu'il serait arrivé. Parce que le drakkar sur lequel il se trouvait fendait l'eau d'un noir d'encre, pour s'avancer inexorablement vers le village qui se dessinait et qui se faisait de plus en plus précis. 

Bien entendu qu'il avait entendu parler des loups de Midgard. Sa mère l'effrayait le soir avec ces histoires lorsqu'il ne voulait pas s'endormir -- méthode forte douteuse, mais cela avait au moins le mérite de le faire tenir tranquille. Il avait entendu parler de leurs guerriers, tous plus féroces les uns que les autres; avait entendu parler de leur victoire implacable et sanguinolente à chaque bataille dont ils prenaient part. 

Personne n'était revenu vivant pour relater ce qu'il avait vu. Les seuls Loups que le peuple Viking connaissaient étaient le chef, et parfois son fils, que l'on ne voyait que lors des grandes assemblées entre tribus. Tous les deux froids, distants, ne parlant peu, et laissant un mal-être planer autour de la table ronde.

Dire que c'était là un clan craint de tous ne serait qu'un euphémisme. On murmurait qu'on tatouait leurs fils du sang de leur premier homme tué, et que leurs filles devaient arracher le cœur d'un cerf pour rentrer dans l'âge adulte. Que la simple vision de leurs guerriers rendaient les hommes terrifiés. Le jeune blond n'aurait su dire si ces chuchotements étaient vrais ou s'ils ne faisaient qu'alimenter le mythe qui planait au-dessus de cette tribu -- et sachant qu'aucun homme n'était rentré de leur exploration de ces terres-ci, il avait toujours penché pour cette option-là.

Mais, à présent, alors que la morsure des fers autour de ses poignets était presque aussi gelée que l'air ambiant, et qu'un homme cuirassé de la tête aux pieds patrouillait sur le pont supérieur, il se dit que les on-dit n'étaient peut-être pas que pure imagination. Il évitait soigneusement leurs regards, et ne pipait mot, ayant trop peur d'être balancé par-dessus bord sous l'impulsivité d'un des gardes. Cela faisait de l'effet, assurément, de rencontrer pour la première fois un Loup du clan du Nord -- une peur qui colle aux poumons et qui paralyse. 

Ce n'était qu'alors que le drakkar s'éloignait de son village, retourné à feu et à sang, et que les colonnes de fumée de leurs baraques incendiées montaient dans les airs, que Jimin avait compris ce qu'il était. Un Thraell. Une capture de guerre. Emporté dans le combat de son peuple contre une horde de soldats terrifiants qui avaient débarqués de nulle part -- et tout s'était déroulé dans une telle confusion qu'il n'avait pas eu le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait. Il ne se souvenait que du cri d'alerte, de fracas d'épée et de hache, et la minute d'après, il était enchaîné sur le pont principal du navire avec d'autres. 

Une partie de lui était soulagé de n'être qu'un prisonnier de guerre; ou du moins, autant qu'on puisse l'être -- c'était déjà mieux que d'être laissé pour mort. Certes, les raids comme celui qui les avait attaqué la veille vendaient ou ramenaient dans leur clan les Thraellar qu'ils avaient fait monter de force dans leurs bateaux; mais ce n'était pas là réellement des esclaves taillables et corvéables. On ne pouvait les maltraiter, les tuer ou les mutiler impunément: ils bénéficiaient tout de même du respect de leur dignité humaine, et cela avait le mérite de mettre un peu de baume sur le cœur inquiet du jeune homme. 

En revanche, la possibilité que la caste des Loups le garde dans leur village était une pensée bien tout autre, et bien plus effrayante. Seul Odin savait ce qu'ils lui feraient; et Jimin en était presque à penser qu'il préférerait être vendu comme une vulgaire marchandise sur le port le plus proche, plutôt que d'être asservi par un tel peuple. 

Mais il fallait regarder la vérité en face, pensa-t-il alors qu'une volute de vapeur blanche s'échappa de ses lèvres gercées. C'était un guérisseur, et un oméga de surcroît. Il n'avait pas la carrure pour exercer les travaux à la ferme, ou pire encore, rejoindre leurs rangs et combattre à leurs côtés. Sa nature même faisait de lui un être faible, impuissant, dépendant des forces supérieures. 

Et même si sa mère lui avait toujours appris à se battre, et même s'il aimait se dire qu'il ne se laissait pas faire, il ne donnait pas cher de sa peau une fois entre les mains du clan du Nord. Des centaines de scénarios traversaient son esprit, et aucun d'entre eux n'était plaisant à ses yeux. 

Bientôt, son sort sera scellé -- au moment même où il posera le pied sur la terre gelée de leur territoire. Que cela soit pour le meilleur ou le pire, il espérait de toutes ses forces que les divinités, là-haut à Asgard, soient de son côté. 

Ses pensées furent vites chassées alors que la terre se profilait de plus en plus distinctement au loin -- et sa boule au ventre, elle, ne fit que s'intensifier. Il pouvait percevoir les découpes des huttes de bois sombre contre la blancheur de la vallée, les volutes de fumées des marmites, les harengs et les peaux de bêtes qui séchaient près des feux de camps. Vu d'ici, le village n'était pas bien différent que le sien; mais c'était des habitants dont il avait peur. Son loup, dans son fort intérieur, était plus que nerveux. 

Avant même qu'il ne s'en rende compte, il sentit le fond de la cale glisser contre le sable épais et noir de la petite plage de galet et de limons. Son cœur battait la chamade dans sa cage thoracique et dans ses tempes; et lorsqu'on l'obligea à se lever, c'était comme si sa vision était trouble, et que sa tête tournait. Comme s'il était en transe, comme si son cerveau ne voulait pas comprendre où il était. Tout ce dont il avait conscience, c'était du vent qui soufflait dans sa crinière blonde, et le poids des chaînes autour de ses poignets qu'il traînait par terre -- le son métallique contre le bois du drakkar fortement déplaisante. 

"Avance, grogna l'homme derrière lui en le poussant du bout de sa hache, tandis que Jimin trébuchait. 

Il descendit péniblement la longue planche en bois permettant; et lorsque ses pieds touchèrent la terre ferme, tout lui tomba dessus d'un coup. Sur les flots, il ne se rendait pas vraiment compte de sa captivité, puisqu'il y avait toujours cette impression que l'on puisse aller n'importe où, n'importe quand. Mais maintenant qu'il était coincé dans ce village, la réalisation le frappa de plein fouet. 

Il ne rentrerait pas à la maison pour le dîner. 

"Je t'ai dis d'avancer, répéta le guerrier dans son dos en le poussant du plat de sa main, ce qui eut pour mérite de faire trébucher Jimin une nouvelle fois. 

Lentement, il suivit la longue procession des Thraellar, guidé par ce qui semblait être le chef du raid. Certains des autres captifs étaient des hommes de son village -- il reconnaissait Björn, le forgeron, et Sigrid, une de leurs fermières -- mais d'autres, en revanche, étaient déjà là lorsqu'ils avaient été forcé de monter sur le bateau. Combien de villages avaient-ils pillés de la sorte? 

Tous, en revanche, avaient le regard fuyant et fermement fixé sur le sol, n'osant rencontrer les prunelles transperçantes de leurs détraqueurs, comme s'ils avaient peur qu'ils prennent cela comme une insulte. Avec de tels ravisseurs, il valait mieux être prudent, Jimin le premier. Il semblait presque que les femmes et les enfants de la tribu aient cessé de parler, sur le palier de leurs huttes, pour observer froidement l'amas de prisonniers. Sûrement étaient-elles en train d'évaluer lequel d'entre eux sera parfait pour leurs besoins. 

"Héla Yoongi! s'écria une voix devant eux. 

Le blond releva la tête pour apercevoir un homme, tout aussi sanglé de cuir que les autres soldats sur le drakkar, avancer tranquillement vers le meneur de la file d'esclaves. La moitié gauche de son crâne avait été rasée, et de là où il se trouvait, le guérisseur pouvait même apercevoir des dessins de guerre tatoués sur la peau de son scalp. Un sourire carnassier dessiné sur ses lèvres, il s'arrêta devant l'homme qui avait supervisé les opérations du raid -- le dénommé Yoongi, apparemment. 

Ce-dernier avait également une chevelure curieuse: sa crinière était d'un noir de jais, aussi noir que les ailes des corbeaux; à l'exception d'une mèche de cheveux, lui retombant devant ses orbes sombres, qui était d'une blancheur contrastante. Comme s'il avait été peint par les couleurs de la forêt hivernale. 

Et oui, il y avait autant de chevelure extravagantes, dans son village, mais là, ici et maintenant, les tignasses des deux Loups ne faisaient que rajouter une certaine dangerosité à leur apparence. 

"Qu'est-ce que tu nous ramènes de beau? demanda le premier homme en regardant d'un air gourmand la cargaison de Thraell. 

Sûrement recherchait-il des femmes qui saurait réchauffer sa couche, pensa le jeune homme; et à la façon dont Sigrid raffermissait sa peau de bête autour de ses épaules, comme une protection face au regard de feu du tatoué, il n'était sûrement pas le seul à penser cela. 

"Dégages de là, Hoseok, grogna le deuxième homme en le repoussant du plat de la main. Le chef se servira d'abord, et après tu pourras avoir qui tu veux. Mais pas avant, alors laisse moi passer. 

Il se chuchota quelque chose entre les deux loups, que Jimin ne put entendre, avant qu'Hoseok et son sourire en coin éternel laissa passer la longue file d'esclave, observant avec attention chacun d'entre eux. Lorsqu'il passa à côté de lui, traînant ses lourdes et longues chaînes, le jeune blond put renifler qu'il était un bêta -- ce qui était assez étrange, si on en jugeait à son arrogance manifeste. Dans son clan, jamais un bêta ne se serait permis de parler ainsi à un alpha de l'envergure de Yoongi -- son odeur de musc et de sapin l'avait trahi, et l'étincelle sombre qui dansait dans ses prunelles n'était qu'une énième preuve de sa domination évidente. Mais de nouveau, ce n'était pas une caste comme les autres, il fallait s'en rendre à l'évidence. 

L'instant d'après, sans avoir pu vraiment détailler les alentours, on lui ordonna de nouveau d'avancer, mais cette fois-ci en direction d'une hutte plus basse que ses voisines; et avant qu'il ne puisse protester -- que voulait-il dire, de toute façon --, il se retrouva enfermé avec la quinzaine d'autres Thraellar dans une pièce unique et sombre, le cliquetis de leurs chaînes dans le silence assourdissant leur rappelant malicieusement leur triste sort. 

Et c'est ainsi que Jimin, 4e fils de Lothar, guérisseur de la tribu de l'Est, oméga, se retrouva prisonnier du clan des Loups. 

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Jimin vit la lumière d'au dehors le troisième jour. 

Les jours précédents, on leur avait apporté un peu de pain et d'eau, mais ce ne fut jamais suffisant pour tous les Thraellar; d'autant plus que le jeune blond donnait toujours sa portion à la fillette grelottante à ses côtés. Elle avait les cheveux gras et les bras maigres; et peut-être était-ce sa nature même ou le fait qu'il ait grandi en prenant soin des autres, mais il ne pouvait pas ne pas s'empêcher de s'occuper d'elle. Le soir, quand tout le monde tâchait de dormir et que la petite était tout contre sa peau de bête, lui faisait mentalement la promesse aux dieux de faire tout ce qui était en son pouvoir pour sortir d'ici. 

Et cette opportunité commença à se dessiner au bout du troisième matin -- bien que cela se fasse sous un jour étrange. 

Yoongi, l'homme à la mèche blanche, ouvrit d'un grand coup de pied la porte à l'aurore -- Jimin aurait presque jurer entendre le verrou résonner en tombant contre le sol --,  ses yeux scrutant la pièce sombre comme s'il cherchait quelque chose. Ou quelqu'un, en l'occurrence, comprit le jeune homme, alors que l'alpha enjamba les esclaves sans leur accorder le moindre regard. Sa mâchoire était serrée et les yeux brillaient d'une lueur sombre, laissant des frissons parcourir son échine. Et quand l'alpha s'arrêta devant lui, le jeune blond sentit son cœur se serrer dans une peur panique. 

"Tu es guérisseur? demanda-t-il abruptement avec un geste du menton, sa longue et large silhouette camouflant de nouveau les éclats clairs du petit jour. 

C'était tout juste s'il ne lui demanda pas de répéter, tant la surprise et la confusion le frappa de plein fouet; mais il se dit qu'il ne valait peut-être pas mieux faire une telle demande, s'il ne voulait pas courroucer l'homme encore plus. Clignant des yeux pour s'habituer à la luminosité abrupte -- bien que bienvenue --, l'oméga n'eut à peine le temps de bredouiller un faible "oui", avant de donner la fillette endormie à la femme à ses côtés, et de se faire brutalement hissé du sol. 

Yoongi retraversa de ses longues enjambées la petite hutte basse de plafond, tirant le blond par ses chaînes derrière lui -- qui avait beaucoup plus de mal à avancer, les membres des autres captifs en travers de son chemin. Il croisait, apeuré, le regard de certains d'entre eux; mais tous détournèrent les yeux, ne voulant pas attirer les ennuis. Même si Jimin comprenait leurs réactions, il ne put s'empêcher de se dire que c'était là une belle bande de lâche. Il y avait des bêtas parmi eux, bon sang, et c'était de leur devoir naturel de protéger les plus faibles. 

Et, quand il fut poussé dehors, il dut fermer ses paupières de toutes ses forces pour ne pas être aveuglé. Le ciel avait beau être couvert en ce début de journée, mais les maigres rayons du soleil étaient tout de même plus lumineux que l'obscurité complète. Yoongi, en revanche, ne lui permit pas ce temps d'adaptation; sa cape en peau de loutre claquant dans le vent, il tira de nouveau le bel éphèbe dans son sillage, s'occupant guère de savoir s'il le suivait en marchant sur ses deux pieds ou s'il était traîné par terre. 

En réalité, Jimin était bel et bien debout sur ses jambes, mais il avançait davantage grâce à la force de l'alpha que par la force de ses muscles. Il était plus grand que lui, plus imposant aussi; inutile d'être surpris par le fait qu'il arrivait à le faire marcher par la seule force de ses biceps. 

"Co-Comment vous s-savez que je suis guérisseur? se risqua à demander le cadet, les yeux scrutant le profil sérieux et fermé du loup. 

"Je ne suis pas idiot, oméga. 

Sa voix était dure, ferme, montrant que c'était un homme de caractère -- une autre preuve, après l'échange avec Hoseok qu'il avait vu il y a peu. Sûrement, se laissa imaginer le jeune homme, était-ce là un haut gradé du clan; la qualité de sa cape, en tout cas, le prouvait bien.  

"Nous t'avons capturé dans une hutte remplie d'herbes médicinales et autres potions; et je sais que tu caches des produits sous ta fourrure. Alors si tu es un imposteur, je te tuerai de mes propres mains.

Et, jetant un regard par dessus son épaule, un qui se voulait menaçant -- et dieu sait que cela fonctionna -- il rajouta avec un haussement de sourcil intimidant: 

"Et si tu n'avances pas plus vite, je te tuerai aussi. 

Cela eut pour mérite de faire taire les questions du bel éphèbe, alors qu'il forçait ses jambes à copier le pas rapide de l'alpha devant lui. Bien vite, ils arrivèrent devant une hutte, fait du même bois sombre que les autres, se détachant férocement contre la vallée enneigée; à la différence que, là, un crâne de cerf trônait fièrement au-dessus de la porte d'entrée, et qu'un tapis de fourrures accueillait les nouveaux venus. De telles luxures n'étaient permises que pour les hommes d'importance; et cela, que ce soit dans la tribu de Jimin ou dans celle des Loups de Midgard. 

La hutte du chef. 

Le blond se demanda un instant si c'était là l'habitation de Yoongi; mais avant même que sa langue curieuse ne puisse poser de question, l'homme à la mèche blanche tira plus fortement sur ses chaînes, le faisant, une nouvelle fois, trébucher, avant de l'entraîner à l'intérieur. 

Si la petite hutte basse où étaient entreposés les esclaves était basse et froide, celle-ci était grande et chaleureuse. Un feu crépitait doucement au-dessus d'une marmite, dont les douces odeurs de ragoût s'élevaient dans l'air. Le confort du foyer lui avait manqué, c'était indéniable; et l'espace d'un instant, il se revoyait aux côtés de sa mère, en train de préparer le dîner, lors des longues soirées d'hiver où les aînés racontaient des histoires et où les enfants jouaient au coin du feu, avant de s'endormir sur les lourdes et chaudes fourrures étalées par terre. 

Mais aujourd'hui, tout était différent que dans ses souvenirs. C'était à présent un esclave, et Yoongi continuait de tirer sur ses chaînes pour le faire avancer jusqu'à derrière un paravent, au fond de la maison. 

C'était ce qui semblait être une petite chambre, si on en croyait le matelas de paille et les draps en lins rugueux, couverts de peaux plus douces. Les lampes à huile et les bougies de cire éclairaient doucement la "pièce", donnant une atmosphère intimiste... et presque fiévreuse, aussi. L'odeur de la maladie et de la souffrance flottait autour d'eux d'une façon inconfortable, chatouillant les narines expertes de Jimin, alors que ses yeux tombèrent sur l'homme allongé sur la couche. Il était torse nu, son pantalon de cuir moulant ses cuisses qu'il devinait musclées et fermes; ses cheveux, d'un noir de jais, étalés et humides sur l'oreiller. Il avait les paupières fermées, un léger froncement de sourcil détonant sur ses traits harmonieux de son visage -- qui, au premier coup d'œil, était livide de sueur. Malgré son état de détresse et de faiblesse extrême, le bel éphèbe pouvait tout de même sentir ses phéromones, l'odeur de musc et de forêt. 

Pour autant, ce qui était sûrement le plus impressionnant et ce qui attirait le regard irrémédiablement, c'était l'horrible blessure ouverte qui s'étalait sur son bas-ventre. Bien qu'il ne soit pas assez prêt pour pouvoir l'examiner de façon plus poussée, l'oméga devina sans peine qu'elle était profonde et douloureuse.

Sans même s'en rendre compte, ignorant les regards inquisiteurs des autres personnes autour d'eux, il s'avança à petit pas en direction du lit, les yeux fixés sur son corps à la recherche de symptômes qui permettraient d'établir son diagnostic. Comme dans une transe. C'était peut-être parce que son rôle de guérisseur dans son ancien clan lui collait tellement à la peau, ou parce que, comme avec la fillette dans l'autre hutte, il était dans sa nature de prendre soin des autres. Mais, pour autant, il fut bien vite arrêté par la prise qu'avait toujours Yoongi sur ses chaînes. 

Lui lançant un regard presque désapprobateur, Jimin eut un regain de confiance, et, malgré son statut de nouvel esclave, ne put s'empêcher de parler comme un homme libre, un égal, pour parler avec un ton dur: 

"Vous vouliez un guérisseur, non? Alors enlevez-moi ces chaînes et laissez-moi faire mon travail, par Odin! 

En moins d'une enjambée, l'alpha à la mèche blanche était de nouveau devant lui, le surplombant d'une tête, le regardant dans les yeux avec une férocité dans son regard qu'il connaissait déjà; mais, sous toute cette arrogance, il y avait également une pointe d'inquiétude -- laissant Jimin se demander quel était le lien entre le malade et lui. Se penchant vers lui, la mâchoire serrée, il lui souffla bassement, l'odeur de fumée et de pommes de pin émanant de son aura forte: 

"Prends garde à toi, oméga. S'il meurs entre tes mains, tu peux être sûr que tu vas y passer aussi. 

Jimin aurait voulu répondre à cela, dire quelque chose pour montrer qu'il n'allait pas le laisser mourir, non mais pour qui le prenait-il? A la place, mordant sa langue pour éviter de se retrouver dans une situation encore plus précaire qu'il n'y était déjà, il tendit ses poignets, toujours emprisonnés dans les fers, en direction de Yoongi. 

A ce geste, l'homme en face de lui haussa un sourcil, peu enclin à accéder à sa demande. 

"Comment voulez-vous que je l'examine et que je le sauve si je reste attaché? Vous êtes, continua-t-il en comptant les autres personnes autour de lui, trois, alphas qui plus est. Vous pensez vraiment que je pourrais m'enfuir? 

Le plus âgé le fixa un moment, le temps de réfléchir à la proposition; et sans regarder les deux autres personnes dans la pièce, sortit une clé de sa poche avant d'ôter les menottes dans un bruit métallique presque assourdissant, dans le silence de la hutte. Jimin se massa les poignets un instant, car emprisonnés pendant trois jours durant, et par conséquent un peu douloureux. Il remarqua une bassine d'eau claire au chevet du lit, et s'accroupissant pour se laver les mains, il demanda, d'un air presque autoritaire qu'il était sûr que les autres n'étaient pas habitués à entendre de la part d'un oméga: 

"Bon, racontez-moi tout ce qu'il y a à savoir. 

Ses yeux étaient déterminés, comme lorsque les villageois de son clan ne le croyait pas capable de guérir quelqu'un à l'article de la mort; mais les divinités s'étaient penchés au-dessus de son berceau et avaient embrassé son front, lui donnant l'intelligence, et ses doigts, lui donnant le don de guérir. Saisissant un linge propre qui traînait prêt de la tête du blessé, il l'essora dans l'eau fraîche avant d'éponger le front brûlant de fièvre du noiraud, tandis que l'un des autres hommes raconta: 

"Nous étions à la chasse, et nous sommes tombés dans une embuscade. Une tribu adverse. Il a presque été empalé sur une dague. 

"Empoisonnée? demanda le blond, les yeux scrutant la plaie pour savoir son ampleur, le linge essuyant à présent le surplus de sang qui continuait de couler le long de son abdomen. 

C'était une entaille longue d'une main, et profonde comme deux; et Jimin se demanda par tous les dieux combien mesurait cette dague pour faire de tels dégâts. De toute évidence, ils auraient dû la laisser dans la plaie pour pas qu'il ne perde autant de sang, mais de l'autre, il y avait toujours la possibilité du poison. 

"On ne l'espère pas. 

"Il est déjà accouplé? 

"Non. 

Le blond hocha la tête comme guise de réponse, appliquant une certaine force sur le bas-ventre afin de stopper l'hémorragie, ou du moins pendant quelques temps. S'il avait déjà une âme sœur, tout aurait été différent. 

"Comment s'appelle-t-il? 

"Jeongguk. Jeon Jeongguk. C'est mon fils, dit la seule alpha femelle présente -- le guérisseur, dans sa précipitation, n'avait pas remarqué que la troisième personne était en réalité une femme, de toute évidence l'épouse du chef de clan. 

Par tous les dieux, il avait entre les mains la vie de l'héritier de la tribu.

Jimin n'avait pas le temps de la rassurer, comme il pourrait le faire avec d'autres dont les blessures n'étaient pas trop sévères; mais là, le sablier s'écoulait à une vitesse affolante, et il n'avait pas le temps pour cela. C'était sa mère, certes, mais il était évident qu'elle serait d'avantage heureuse de voir sa progéniture en vie que de se voir réconfortée, à présent. 

"Bon, très bien. Jeongguk, souffla-t-il comme à l'attention du blessé, bien que dans un état d'inconscience. Accroches-toi, ça va faire mal. 

Et, sans autre forme de préambule, enfonça ses doigts dans la plaie; cela eut pour mérite de faire grogner de douleur Jeongguk à travers la fièvre, rejetant la tête en arrière, les sourcils froncés, une grimace de souffrance déformant sa bouche. 

"Qu'est-ce que tu lui fais! cria presque Yoongi en voulant le repousser; mais c'était sans compter le grognement, bas dans la poitrine et un brin menaçant, que lui répondit le jeune blond. 

Il ne supportait pas qu'on l'interrompt quand il avait entre ses mains le fil précaire d'une vie humaine. Encore plus dans cette situation. Alors, se dégageant, il répondit sur le même ton: 

"Je dois voir s'il a été touché de l'intérieur! Tu veux que je le sauves, oui ou non? 

La familiarité avait glissé le long de sa langue avec facilité, l'éclat dans ses yeux trop fort pour que ce soit simplement de la détermination. Alors, retournant à sa tâche et n'accordant pas un regard de plus à l'alpha -- ses yeux brillants d'une lueur jaunâtre caractéristique, sachant très bien ce que cela pourrait lui coûter s'il n'était pas en train de s'occuper du prochain chef en date de la tribu des Loups du Nord --, il se pencha de nouveau au-dessus de la blessure. De ce qu'il pouvait sentir de sous ses doigts, il n'y avait aucune lésion profonde qu'il pouvait sentir sur les organes, et cela en soit-même était déjà une source de soulagement. C'était presque un miracle.

S'agissait à présent de s'occuper de refermer la plaie, et de savoir si oui ou non la dague qui l'avait causé était empoisonnée. 

Il lança un regard à l'autre alpha mâle, qui se mordait furieusement la lèvre, les bras croisés, bien que ne voulant pas montrer son certain désarroi. Il avait des grandes épaules, et une chevelure curieuse qui dansait entre le blond et le blanc, malgré son jeune âge. D'un mouvement de menton, le guérisseur lui intima de venir à ses côtés pour appliquer une pression sur le linge, bloquant ainsi la circulation du sang. Cela laissa le temps à Jimin d'éponger de nouveau le front de Jeongguk, et de forcer à ouvrir ses paupières, pour pouvoir examiner ses pupilles. Elles ne seraient pas aussi dilatées, et il ne suerait pas autant, si la dague avait été une simple lame. 

Poussant un juron bas, il fouilla dans les fioles à sa disposition; il n'y avait pas là tout ce qu'il y avait dans son village, mais il se dit que c'était toujours mieux que rien. Non sans grommeler ce qu'il s'était passé à leur guérisseur pour qu'il ait aussi peu de ressources. Il y avait du pissenlit, de la mélisse, du trèfle rouge et du framboisier, mais ce n'était pas ce qu'il recherchait -- ah, si, il y avait bien du plantain, du chou et du millepertuis, parfait pour la cicatrisation et resserrer les tissus. Il pourrait bien faire quelque chose à partir de cela. 

"Bon, commanda-t-il sans adresser un regard aux alphas et en versant ce dont il avait besoin dans un mortier, allez me chercher de l'alcool, en grande qualité; du charbon, froid de préférence; de l'eau chaude et une tasse. En vitesse. 

Le ton de sa voix était sans appel, et il n'eut pas besoin de relever la tête de sa préparation pour entendre les bruits de pas rapides; et quelques instants plus tard, il eut tout ce don il avait besoin. Toujours de sa voix ferme, bien qu'il savait qu'il outrepassait allègrement ses droits d'esclave et d'oméga -- mais c'était pour Jeongguk, alors ses aînés ne semblaient pas lui en tenir cure --, il demanda à ce que l'on fasse une infusion de charbon; "vous pouvez faire ça, non?"

Une fois sa préparation de plantes finies, Jimin sortit sa petite pochette en cuir de mouton, usée par le temps, qu'il avait gardé à l'intérieur de sa fourrure -- se demandant, au fond de lui, comment cela se faisait que Yoongi avait remarqué qu'il cachait cela dans son manteau, mais ne ne lui avait pas confisquée. Là, il y avait ses poudres les plus précieuses, celles que l'on ne trouvait pas facilement dans les contrées nordiques. Serait-il prêt à user ses maigres et rares provisions pour un homme qu'il ne connaissait pas? Le futur chef du même clan qui l'avait capturé, qui l'avait traité comme une marchandise, qui l'avait enfermé pendant 3 jours durant? S'il le sauvait, qu'est-ce que cela changerait? Il continuerait à se voir obligé de servir les Loups de Midgard, et seule Frigg pouvait savoir ce que le sort lui réservait. 

D'un autre côté... il y entrevoyait ici une possibilité de changer son destin. De se voir gracier, peut-être, de se voir rendre sa liberté, s'il sauvait là le fils du clan Jeon. Il avait entendu des histoires d'esclaves libérés de leurs chaînes pour leur bonne action, et il se demandait si le fait de guérir une telle blessure rentrait dans les critères pour se voir attribuer le même sort. Probablement.

C'était peut-être sa chance. 

Alors, avant de de verser sa précieuse poudre rare aux reflets ocres, il se stoppa, lançant un regard interrogateur à Yoongi, qui scrutait de très près ses moindres faits et gestes, à travers sa mèche de cheveux blancs. 

"Eh bien quoi, oméga? 

"Je veux que vous me promettiez une chose. 

A ces mots, même la première femelle alpha releva la tête, abandonnant son poste auprès de son fils en train de lui serrer la main tendrement. Le vouvoiement de respect était de retour, signe évident qu'il ne voulait pas non plus s'attirer les foudres des Loups. Le cœur du jeune homme battait la chamade, et sans nul doute que Yoongi et l'autre alpha, plus surpris, l'entendirent; alors que le plus âgé d'entre eux continuait de fixer fermement le blond, les yeux durs et le sourcil haussé, un rictus d'impatience peint sur ses lippes, alors qu'il attendait la suite. 

"Si je le sauve, je veux que vous me libériez. 

"Tu outrepasses tes droits, oméga. Tu n'es pas en position de négocier, répondit-il bassement, avançant d'un pas pour se montrer plus imposant.

"Au contraire, répondit Jimin sans en démordre, je crois que je suis tout à fait en posture de négocier. Vous n'avez que moi pour le sauver, alors je préfères assurer mes arrières. Promettez-moi que vous me redonnerez mes droits s'il survit. 

L'homme à la mèche blanche réfléchit, avant de jeter un bref regard à la femme du chef du clan. De toute évidence, il devait avoir une position au sein de la hiérarchie de la tribu d'une certaine importance, sinon il ne serait pas amené à prendre de telles décisions sans consultation de son alpha. Sûrement était-il lui aussi le fils du couple dirigeant, et qu'il s'inquiétait pour son petit frère; mais les traits n'étaient pas vraiment similaires, malgré l'air de ressemblance, alors le guérisseur opta plutôt pour un cousin. Nul doute que malgré cela, l'affection qu'il portait envers le blessé était très forte; s'il ne voulait pas libérer l'oméga, jamais il n'aurait mis autant de temps à répondre. Seulement voilà: Jeongguk était en mauvaise posture, et le jeune homme était bien le seul à pouvoir le sortir des limbes démoniaques de Hel, déesse des Enfers. 

"Et bien soit, souffla Yoongi, comme résigné; je ferais de toi un homme libre si tu le sauves. Si tu le sauves. 

Et, alors qu'il versa enfin le précieux contenu de sa fiole dans l'onguent, il jurait presque avoir entendu de sa part un "Mais s'il-te-plaît, fais vite". 

La suite se déroula assez rapidement. Après avoir filtré des restes de charbon de l'infusion que le second alpha avait préparé -- qu'il apprit s'appeler Namjoon --, et après avoir fait tomber de ses doigts magiques une autre poudre mystérieuse de ses obscurs flacons, il ordonna à clouer fermement Jeongguk contre le matelas. 

"Attention, maintenez-le bien, il risque de convulser et de vouloir le recracher. 

Montant sur la couche et chevauchant sans pudeur le bassin du noiraud -- tout en faisant attention à sa blessure, bien naturellement --, il tenta tant bien que mal de faire boire le liquide noirâtre à un Jeongguk qui, dans son inconscience délirante, n'en voulait pas. Le charbon était certes la meilleure antidote contre n'importe quel type d'empoisonnement, mais c'était également une infusion difficile à prendre, de part son goût prononcé et âcre. Jimin lui bloqua même la respiration nasale pour l'obliger à déglutir; lançant un regard ferme à Yoongi, le dissuadant de faire le moindre commentaire. Et quand, une fois avalé, le corps du blessé commença à convulser de lui-même, il ignora le petit cri paniqué de sa mère, pour le maintenir fermement par les épaules, tout contre le matelas de paille. 

Il devait travailler vite, il le savait. La vie de Jeongguk était en jeu, mais également sa possible liberté et indépendance. Dans d'autres circonstances, il se serait rendu malade à utiliser un homme inconscient comme sorte de monnaie d'échange, mais il devait se montrer sans scrupule pour négocier avec les Loups de Midgard. Sans scrupule pour survivre

Descendant de son piédestal et saisissant la bouteille d'alcool, il versa précautionneusement le liquide directement sur la blessure, pour aider à la cicatrisation; mais la douleur, même dans un nuage de fièvre épaisse, était toujours cinglante, et le jeune alpha, les sourcils froncés et la sueur perlant à grosses gouttes sur son front, ne put s'empêcher de grogner bassement une nouvelle fois. 

Puis vint la partie la plus douloureuse pour tous; pour Jeongguk, qui était fermement maintenu contre le matelas par les deux autres alphas et qui manquait de crier alors que la fine aiguille en métal -- que Jimin avait demandé d'enfouir dans les braises pour la stériliser -- perça sa peau pour la recoudre. Douloureux pour la mère du jeune homme, qui était sur le côté, à lui serrer la main, le visage défait; ce n'était pas parce que c'était la première alpha du clan que pour autant elle n'était pas affectée par le fait de voir son fils dans un tel état, ses cheveux grisonnants en bataille alors qu'elle tirait sur ses mèches avec anxiété. Douloureux pour Yoongi et Namjoon, qui devaient clouer leur ami sur la couche, la mâchoire serrée et les muscles tendus, évitant les mouvements brusques de ses membres et ignorant ses grognements de douleurs. Douloureux pour Jimin, enfin, qui travaillait avec efficacité, mais dont son oméga à l'intérieur de lui ne pouvait s'empêcher de glapir tristement à la détresse qu'on pouvait lire sur le visage de l'héritier au trône. 

Quand il eut fini, le plus dur était passé. 

Il appliqua précautionneusement l'onguent de plantes médicinales et de graisses de laine de mouton sur la cicatrice, afin de favoriser la cicatrisation. Quand les deux hommes relâchèrent doucement le blessé, ce-dernier retomba sur le matelas comme une poupée de chiffon, las de douleur. Après avoir remplacé le linge sur le front de l'alpha, après avoir recouvert la plaie d'un long tissu autour de son torse pour maintenir le tout, et après s'être rincé ses mains sanguinolentes, Jimin se retourna en direction de l'homme à la mèche blanche, dont il devinait les yeux fixés dans son dos. Namjoon avait de toute évidence raccompagné sa mère, et ils n'étaient plus que deux à présent -- enfin trois, si on comptait Jeongguk dans le lit, dont la respiration se faisait à présent plus douce, pour son plus grand soulagement.

"Je n'aime guère qu'on me tienne tête, oméga, commença-t-il avec un grondement. 

"Je sais bien, et je suis navré de vous avoir forcé la main, répondit le blond, sans pour autant paraître désolé. Mais il fallait que je m'assure également de ma survie. 

"Notre marché ne tient que s'il se réveille, lâcha-t-il brusquement après un moment à l'observer en silence. 

"Je sais. Je vais rester ici toute la nuit et m'occuper de lui, comme je l'ai promis. 

L'alpha continua à l'observer, avant de tirer une chaise à lui et de s'installer dessus. Il ne comptait pas le quitter des yeux un seul instant. 

Pour autant, quand plus tard, Jimin lui proposa une décoction de racine d'astragale pour mieux dormir, Yoongi l'accepta -- bien qu'après une certaine hésitation, où, avec un petit sourire, le blond lui proposa de le rattacher s'il avait si peur que ça qu'il s'enfuisse. Les cernes profondes sous ses yeux parlaient pour lui, et nulle doute que l'adrénaline de voir son meilleur ami, son frère de cœur -- le guérisseur l'avait bien deviné --, dans un tel état s'était peu à peu tarie alors que Jeongguk dormait d'un sommeil réparateur sur la couche en peaux de bêtes. Il y avait toujours cette arrogance et cette férocité dans son regard, chose qu'il devinait trouver que dans un homme de cette envergure-là; mais si on savait lire derrière les lignes, il y avait à présent une once de remerciement sous-jacente. Remerciement qu'il n'exprimerait jamais à haute voix, encore moins pour un Thraell, mais c'était déjà moins que rien. 

Jimin resta éveillé toute la nuit, essuyant le front suant de Jeongguk, dont la fièvre commençait à se calmer, et en lui faisant boire d'autres infusions de charbon -- que, cette fois-ci, il sembla avaler sans trop de protestation. Son sommeil était souvent entrecoupé de tremblements, et de murmures incohérents dans sa fièvre baissante, mais le blond remontait toujours les fourrures à son cou pour qu'il ait bien chaud. Et même comme ça, les paupières closes et les cheveux humides, le jeune homme remarqua pour la première fois ô combien il avait été gracié par les dieux. Il avait un visage magnifique, qu'il n'avait pas eu le temps d'observer quand il avait les doigts enfouis dans sa plaie; mais maintenant que la tempête était passée, et que Yoongi piquait du nez sur le fauteuil, il avait tout le loisir de l'admirer. Sa peau était douce au toucher et ses lèvres semblaient avoir été sculptées avec perfection. 

Il remarqua aussi, sur son épaule, le tatouage de runes, qui symbolisaient la force, le courage, et le sang d'héritier qui coulait dans ses veines -- et l'espace d'un instant, Jimin se demanda si c'était là le tatouage qu'ils se faisaient, enfant, avec le sang de leur premier ennemi tué. Il aurait pu frisonner à cette vision, mais quelque chose en Jeongguk rendait ces inscriptions dans la chair encore plus mystérieuses et attirantes. Tout aussi paradoxal que cela puisse être. 

L'éphèbe ignorait que sa liberté viendrait sous la plus belle forme qu'il soit. 

---

Ce n'était pas parce qu'il était de nouveau un homme libre que Jimin put pour autant rentrer chez lui. 

Il avait été capturé au début de l'hiver, les Loups profitant de la praticabilité des mers pour faire leurs derniers raids avant que le blizzard ne s'installe définitivement sur leur village et sur le pays. A présent, la neige tombait à gros flocons sur le territoire des contrées du Nord, couvrant les fjords d'un manteau épais et insondable de blancheur aveuglante. Sur les eaux, dansaient des arabesques de givre, magnifiques créations divines, si bien que les hommes devaient creuser la glace pour pouvoir pêcher et renflouer leurs réserves; et si bien que les enfants avaient supplié leur père de confectionner pour eux des patins afin de tuer le temps morne et monotone. Il n'y avait plus grand chose à faire au clan, mis-à-part tenir le coup tout au long de cet hiver qui s'annonçait plus rude que les précédents, et rationner les provisions. 

Le chef de la caste, un grand homme robuste qui était l'exacte réplique de Jeongguk, avait demandé à ce que les habitants des huttes les plus lointaines migrent vers le centre du village. La chaleur y serait concentrée, et il était moins probable de se faire recouvrir d'une avalanche. 

Au réveil de l'héritier alpha, Yoongi et Namjoon avaient bien entendu voulu partir à la recherche du clan qui avaient osé leur tendre un piège, et par conséquent blesser d'une telle façon le noiraud -- mais son père leur en avait empêché, disant que la tempête arrivait et qu'il ne fallait pas qu'ils se retrouvent bloqués dans les montagnes. Cela était hors de question de perdre deux de leurs meilleurs guerriers. 

Ainsi donc, Jimin ne pouvait pas partir avant de longs mois, attendant le début du printemps. Il était, en théorie, un homme libre, affranchi pour ce qu'il avait fait; mais ce n'était pas pour autant qu'il pouvait rentrer chez lui. A drakkar, les eaux étaient impraticables, et il ne pouvait en toute connaissance de cause partir à pied sur la mer gelée. Il se perdrait et se ferait dévorer par les loups, à moins qu'il ne tombe dans les profondeurs glacées. 

Trois mois. 

Trois mois où il devrait attendre ici, dans les contrées nordiques, le temps que la neige fonde et que la route qui menait jusqu'à chez lui soit assez sûre. Trois mois où il devait vivre dans le même clan qui l'avait fait captif, dans le même clan qui l'avait menacé de le tuer. Dans le même clan qui ne le voyait que comme un étranger, un esclave à présent libre, qui ne connaissait pas leurs coutumes et qui n'avait pas grandi ici. 

Il devait à tout prix faire quelque chose, sinon, il le jurait devant Odin, il deviendrait fou. Il n'aimait pas se sentir inutile, et si en plus de cela il ne connaissait personne dans la tribu, alors il vendrait sa lucidité à Loki, il en était sûr. 

Le blond avait appris, au détour d'une cuisine, que l'ancien guérisseur était mort de maladie récemment -- quel comble, vraiment --, sans laisser un remplaçant. Sa hutte avait été laissée intacte, vide mis-à-part tout son matériel. Et, l'espace d'un instant brillant, Jimin y vit une autre opportunité de se rendre utile ici. 

Et c'est ainsi qu'il se retrouva devant Jeongguk, pour la première fois depuis qu'il avait négocié sa liberté en échange de sa vie. Il était de retour dans la hutte du chef -- qui était parti dans une excursion pour maintenir des liens pacifiques avec un clan voisin --, la chaleureuse atmosphère n'ayant pas changé depuis qu'il y était entré pour la première fois, il y a quelques semaines de cela. Le feu crépitait toujours sous une marmite, les fourrures étaient douces sous ses pas. Et, en plein milieu de la pièce, à côté du foyer, il y avait ce trône fait en bois de cerf, que le blond n'avait pas remarqué la dernière fois. Une riche peau d'ours y était drapée, accentuant encore plus le côté presque royal et auguste de l'endroit. Sûrement que de nombreux hommes avaient ployé le genou, l'échine basse, devant ce siège. Sûrement qu'il avait été baigné dans le sang, noyé sous les larmes. Quels sombres secrets refermaient ce clan? Qu'est-ce qui était vrai dans tous les rumeurs qu'on chuchotait? 

Là, assis sur le trône, se tenait Jeongguk, fier, peut-être un peu arrogant, qui prenait les commandes de la caste en attendant le retour de son père. Ses cheveux d'un noir de jais, plus noir encore que les bois de la forêt, retombait doucement devant ses prunelles incandescentes, brûlant d'une détermination et malice qu'il devinait propre aux hommes de son rang. Un long châle épais, cousu dans la plus belle laine, reposait sur ses larges épaules, une fibule en bronze imposante reflétant le crépitement des flammes dans ses yeux. Un de ses coudes reposait sur les bras du fauteuil, sa tête retenue par son poing; et si certain voyait là l'insolence juvénile d'un garçon trop pressé pour être chef, Jimin lui y voyait une émanation de pouvoir, de puissance et de grandeur. Son loup, à l'intérieur de lui, ne demandait qu'à courber l'échine et montrer sa soumission, tant son regard était intense; mais Jimin était quelqu'un de têtu, peut-être plus qu'un oméga lambda, et ne pouvait se le permettre s'il voulait pouvoir être guérisseur. 

Namjoon était assis sur un fauteuil légèrement en retrait, à sa gauche, était en train de limer une épée; tandis que Yoongi, debout à sa droite, était accoudé au dossier du trône, lisant un parchemin qui ne semblait pas avoir grand intérêt. 

"Tu es borné, oméga, lança Yoongi sur un air de reproche, sans même le regarder. 

"L'oméga en question s'appelle Jimin, merci bien, répondit hargneusement le blond, les bras croisés devant sa poitrine. 

"Je -

"Il suffit, vous deux. 

La voix de Jeongguk était calme et apaisante. Un peu grave, une de celle qui rassurait. Rien à voir, de toute évidence, avec les marmonnements incohérents qu'il laissait échapper dans son sommeil fiévreux quand il s'était empalé sur une lame empoisonnée. Au plus profond de lui-même, le jeune homme se disait qu'il aimerait bien être choyé par une telle voix -- mais non, Jimin, qu'est-ce que tu racontes, tu dis seulement cela parce que tu es seul et que tu n'as toujours pas accouplé, c'est les hormones, rien d'autres. 

Les perles sombres du jeune alpha se reportèrent sur sa silhouette emmitouflée sous son manteau de fourrure, légèrement ouvert à cause de la chaleur du foyer. 

"Alors comme ça, tu veux être guérisseur? 

"Je l'étais déjà, dans mon village; et je pense avoir fait mes preuves en vous soignant, alpha. 

Ne surtout pas oublier la politesse et le respect, pensa-t-il, s'il voulait accéder à sa requête. Voyant que l'héritier n'avait toujours pas prononcé un mot -- bien qu'il se soit un peu redressé dans son fauteuil --, Jimin continua sa petite tirade, dans l'espoir de lui faire peu à peu accepter sa demande. 

"Je suis un homme libre, maintenant, et je vous en serais toujours reconnaissant. 

"Disons plutôt que tu ne nous a pas laissé le choix, oméga. Je ne sais toujours pas ce qui me retient de te réduire en pièce. 

"Yoongi, laisse-le parler, intervint une nouvelle fois Jeongguk, ses prunelles fermement fixées dans les siennes, cette fois-ci. 

"Je suis un homme libre, mais je ne peux toujours pas rentrer chez moi. Je dois rester ici jusqu'à la fin de l'hiver... Je veux me sentir utile. Si je ne fais rien pendant ces trois mois, je vais devenir fou. Je le faisais déjà, dans mon village, alors je ne vois pas en quoi cela serait différent ici. Tout ce que je vous demande, c'est qu'on me laisse une chance. 

Il y eut un silence. Inconfortable. 

"Qui me dit que tu ne vas pas essayer de nous empoisonner? 

Pour la première fois, Namjoon prit la parole. Il était toujours en train de polir sa lame, mais ce n'était pas pour autant qu'il ne s'intéressait pas à la conversation. De toute évidence, les conseils des deux alphas plus âgés étaient d'une grande importance aux yeux de Jeongguk, sinon ils ne seraient même pas présent pour poser des questions avec lui. 

"Le but d'un guérisseur c'est de soigner, pas d'empoisonner. Je violerai l'éthique si je faisais cela. Et puis, vous m'avez bien fait confiance en me remettant la vie de l'héritier alpha entre mes mains, non? 

Un autre silence. 

"Je peux même faire une période d'essai. Si ça vous rassure, vous pouvez mettre quelqu'un avec moi pendant les consultations pendant quelques temps, pour voir si oui ou non cela est conforme avec vos attentes, proposa-t-il, une étincelle d'espoir miroitant dans ses yeux. 

S'il avait voulu rester calme, l'absence de réaction et les orbes charbon toujours fixées sur lui lui firent cependant perdre rapidement patience. 

"Bon, c'est quoi le problème? 

"Oméga, voulu prévenir Yoongi pour le remettre à sa place.

"Non! Pas de "oméga" qui tienne!, fulmina-t-il, les poings serrés. Vous êtes sans guérisseur depuis un mois, et je suis surpris que vous n'ayez eu aucun mort à déplorer, avec l'hiver qui est à nos portes! Je vous propose mon aide sur un plateau d'argent, je vous permet de garder un œil sur moi si ça vous chante, et vous refusez encore? 

Puis, s'approchant d'un pas en direction du trône, la voix plus grave et les yeux fermes plantés dans le regard de Jeongguk, il ajouta à son intention. 

"L'hiver arrive, alpha. Les maladies aussi. Les neiges sont rudes, et vous avez beaucoup d'enfants dans le clan; vous voulez prendre le risque de décimer toute une génération juste parce que vous me croyez incapable de les guérir? Parce que vous ne me faites pas confiance? Que serait-il advenu de toi, si je n'avais pas été là? Qu'adviendra-t-il des guerriers et des chasseurs, quand ils rentreront sanguinolents parce que le froid a ankylosé leur sens en alerte? 

Jimin laissa le temps pour que ses paroles s'empreignent, sans jamais détourner le regard. Il était sûr de lui, motivé, et farouche. Et les alphas présents dans la pièce ne le savaient que trop bien. 

"C'est trop dangereux, dit simplement Jeongguk après de longs instants. 

"Dangereux? 

"Oui. 

"J'espère que tu plaisantes, alpha, gronda le blond, sans même s'apercevoir qu'il était en train de le tutoyer. 

"Je savais bien que cela n'allait pas être facile avec toi, tu es coriace, nota-t-il avec un sourire, comme si toute la situation était amusante.

"Tu es un oméga, Jimin, ajouta-t-il ensuite. 

"Et? questionna l'interpellé, les bras de nouveau croisés et le sourcil levé. Je suis faible, c'est ça? 

"Ce n'est pas ce que je voulais dire, souffla-t-il en se pinçant l'arrête du nez. Mais en tant qu'oméga, et même si tu n'es pas de notre clan, il est de notre devoir de te protéger. 

Ancien esclave ou non. 

"Alors quoi? Tu préfères sacrifier ton peuple, plutôt que de me laisser les clés du dispensaire? Plutôt que de laisser un pauvre petit oméga sans défense s'occuper des malades? cracha-t-il, un air soudain méprisant sur le visage. 

"Oméga, rappelles-toi que tu parles à ton chef, grogna Yoongi, qui s'était redressé. 

"Alors qu'il se conduise comme tel! cria-t-il presque. 

Le souffle court, ils ne se quittèrent pas du regard. Le blond ne voulait pas en démordre, mais il savait sa cause juste, et avait tous les droits pour se rebeller. Si seulement on arrêtait de le regarder comme le frêle petit être incapable de se protéger lui-même, on en serait pas là. 

"Tu ne lâcheras pas l'affaire? souffla le noiraud pour faire redescendre la pression. 

"Non. 

"Alors faisons un compromis. Tu t'occupes des blessures et des choses non contagieuses pour le moment. 

"Et pour les contagieux, on fait quoi? On les laisse mourir? releva aigrement le jeune homme. 

"J'ai dit pour le moment. Je veux voir comment tu te débrouilles pour l'instant. C'est à prendre ou à laisser, oméga, je mets de l'eau dans mon vin et c'est déjà beaucoup. Je te rappelle qu'il y a seulement quelques semaines, tu étais encore esclave. Alors ne me pousse pas à bout. 

Le guérisseur fit mine de contempler un instant la proposition, puis, résigné, accepta. C'était déjà mieux que rien pour commencer. 

---

Jimin ne put tenir cette promesse très longtemps. 

La hutte du guérisseur était désormais la sienne; que cela était bon d'être de nouveau entouré de plantes médicinales et de flacons de potions comme il en avait normalement l'habitude. Au départ, les habitants du village étaient un peu réticents à se montrer à lui -- il n'en espérait pas moins d'eux, de toute manière --, mais la fréquente présence d'Hoseok, censé gardé un œil sur lui, les convainquirent. Le bêta au crâne rasé devait le surveiller, de plus ou moins prêt; et Jimin se demandait ce qu'il avait donc bien fait pour être puni de la sorte. Il le comprenait bien, et il lisait bien dans les piques renfrognées de son aîné, que ce n'était pas une partie de plaisir de devoir de chaperonner. Sûrement était-il vu comme un poids pour la tribu, mais bien vite, ils comprendront que c'était plus que nécessaire d'avoir à disposition un guérisseur. Surtout en des temps pareils. 

Au départ, le jeune blond s'était douté que la tâche que Jeongguk lui avait confié était maigre; mais, à son plus grand plaisir, il se rendit compte qu'il avait tort. C'était bien la première fois où il voulait l'admettre. Les maux quotidiens ou les blessures des guerriers lui prenaient une bonne partie de son temps; et, parfois, il voyait bien du coin de l'œil qu'Hoseok observait avec curiosité. 

Régulièrement, l'héritier alpha passait leur rendre visite. Au départ, Jimin voyait cela comme une énième marque de méfiance, comme le signe qu'il le tenait à l'œil. Mais avec le temps, peut-être, le blond lu dans son regard autre chose que de l'orgueil. De l'inquiétude. Mais peut-être imaginait-il tout cela, il n'en était pas vraiment sûr. 

Un claquement de doigt devant son visage le fit sortir de sa torpeur. Devant lui se tenait un Hoseok septique, comme s'il cherchait à sonder son esprit pour savoir à quoi il pensait; et avant qu'une pique bien sentie de roule de sa langue, le blond vit du coin de l'œil une femme, tenant un enfant emmitouflé dans ses bras, s'avancer vers eux. Les larmes roulaient le long de ses joues, les yeux suppliants alors qu'elle tendait son fils à Jimin, déblatérant des paroles incompréhensibles, que le jeune homme crut presque venir d'une langue étrangère. Il eut tout le mal du monde à la calmer, avant qu'il ne saisisse délicatement l'enfant dans ses bras. 

Et là ce fut le choc. 

Quand le jeune homme repoussa un peu les peaux pour pouvoir ausculter l'enfant, il y découvrit un petit garçon âgé d'à peine 4 ans. Il était rouge, fiévreux, brûlant, inerte, les yeux clos et la respiration saccadée. Par tous les dieux d'Asgard, pensa-t-il alors qu'il ordonnait à ses mains de ne pas trembler -- mais c'était là chose presque impossible. L'enfant était à l'article de la mort, et il n'y avait rien qu'il pouvait faire à ce stade-là, la vision douloureuse et le sentiment d'impuissance. Ce n'était pas la première fois qu'il voyait quelqu'un mourir; surtout pas dans les contrées Vikings, qu'il connaissait depuis sa naissance. La barbarie et la violence avait toujours fait partie de son quotidien, mais là... Là, c'était différent. C'était un innocent. Un enfant, un de ceux que le clan se devait de protéger. Ce n'était pas un guerrier trop arrogant pour faire attention au prochain coup de hache, mais un nourrisson. 

Odin avait décidé de ne pas lui faire voir la fin de l'hiver, et même si cette décision divine devait être respectée par tous, Jimin n'y voyait là qu'une forme d'injustice. 

Sous le regard un brin alarmé d'Hoseok, qui semblait avoir lui aussi compris le sort de la progéniture, le blond inspira profondément pour reprendre ses esprits, avant de se retourner vers la mère. Essayant tant bien que mal d'ignorer les douloureuses larmes qui coulaient en discontinue le long de ses joues creusées, il essaya de se comporter comme le guérisseur qu'il était, et demanda d'une voix qui se voulait assurée: 

"Depuis quand la fièvre a-t-elle commencé? 

"5 jours, trembla la femme. 

L'oméga marmonna quelque chose comme quoi il aurait fallu qu'elle vienne plus tôt, les yeux parcourant de nouveau le corps inerte de son fils. 

"Autres symptômes? 

"Toux, problèmes respiratoires, tremblements. 

"Vous avez aussi de la fièvre? se retourna rapidement Jimin, scrutant le visage de la femme. 

Inutile d'entendre la suite de la réponse, puisque le cerveau du bel éphèbe tournait à plein régime. La grippe. Pour l'instant, ce n'était pas au stade épidémique, mais deux cas isolés, bien que cela fasse beaucoup. Il y avait déjà un mort prochainement au compteur, et laisser cette femme repartir dans le village serait du suicide; sauf s'il voulait voir les habitants affluer par dizaine dans sa hutte pour se plaindre des mêmes maux. Pire encore: l'enfant avait été dans cet état pendant un bon bout de temps; qui sait qui avait été contaminé entre temps?  

Par Hugin et Munin* [les corbeaux d'Odin]. 

"Jimin, commença le bêta au crâne tatoué d'un ton alarmant, tu dois t'éloigner d'elle, Jeongguk a dit que...

"Je sais ce que Jeongguk a dit! s'emporta-t-il soudain, tant sa tête bourdonnait. 

Il planta le talon de ses paumes de main contre ses yeux, respirant le plus normalement possible, tandis qu'il réfléchissait à la suite des opérations. Il en avait vu, des épidémies, dans son clan; mais à chaque fois, c'était sa mère qui s'en occupait, qui gérait tout toute seule, envoyant son fils loin pour qu'il ne soit pas contaminé. Là... Là tout reposait sur lui, et il mentirait s'il disait qu'il ne se sentait pas un peu pris de court, voir pire, dépassé par la situation. 

"On va mettre le dispensaire en quarantaine. Je suis désolé, Hoseok, mais tu as été en contact, tu vas devoir rester ici aussi. Tu pourras m'aider, de toute façon, je pense qu'une autre paire de mains ne sera pas de refus. 

Un petit silence, le temps que l'homme comprenne l'ampleur des événements. 

"Il ne va pas aimer. 

"Je sais, souffla le blond alors qu'il vérifiait son stock d'herbes. Mais ni lui ni moi n'avons le choix. 

Inutile de préciser de qui ils parlaient, tant son nom résonnait comme un écho dans sa poitrine. L'espace d'un instant, Jimin aurait voulu comprendre pourquoi et comment cela se faisait-il qu'il pense autant à lui, d'autant plus qu'il ne partageait aucun lien particulier avec le fils de l'alpha. 

C'était incompréhensible. 

Ce fut une ou deux heures plus tard qu'il vint enfin. Au départ, le jeune homme ne le sentit plus qu'il ne l'entendit -- son odeur caractéristique de musc et d'épines de pin flottant dans l'air. Et l'instant d'après, il était devant sa hutte, fulminant, son éternelle cape riche drapée sur ses épaules, Yoongi à ses côtés, un peu en retrait. Il se demandait comment Hoseok avait fait pour le prévenir, étant donné qu'il était avec lui pendant tout ce temps. Sûrement une question de sixième sens, d'instinct, ou quelque chose comme ça. 

"Sors d'ici! hurla-t-il en s'approchant. 

"N'approche pas! répliqua Jimin sur le même ton, sur le seuil de la porte. 

"Tu m'as promis, oméga, grogna-t-il, les poings serrés, essayant tant bien que mal de se calmer, alors que Yoongi avait posé une main sur son épaule pour essayer de le détendre. 

"Si tu réfléchissais bien, tu verras que je n'ai pas vraiment eu le choix. 

"Je-

"Jeongguk, l'interrompit-il. J'ai été en contact, et Hoseok aussi. Je vais rester ici, ne t'en fais pas, ton peuple est entre de bonnes mains avec moi. Ne t'inquiète pas pour eux. 

Le jeune alpha le regarda d'un air curieux, avant de dire, le plus simplement du monde, comme s'il exprimait une évidence: 

"Ce n'est pas pour eux que je m'inquiète. 

Le noiraud n'aurait pas dû dire ça. On parlait de sa tribu, ici, de ses gens, de ses sujets. Des hommes et femmes qui, un jour, seront sous sa garde, sous sa protection, sous son commandement. Dire qu'il ne s'inquiétait pas pour eux en premier n'était pas ce qu'un futur chef de clan devrait dire. Et pourtant, Jimin avait bel et bien compris le message qui sous-tendait: c'était pour lui qu'il avait peur. Pour lui qu'il avait refusé qu'il s'occupe des maladies contagieuses, non pas parce que c'était un oméga, mais parce qu'il l'avait sauvé. Et qu'il ne voulait pas avoir à le sauver en retour, dans la mesure du possible. Il préférait l'avoir bien vivant à ses côtés. 

Et c'était incompréhensible, vraiment, parce que pourquoi s'inquiéter pour un ancien esclave, étranger à leur caste, ici depuis seulement quelques temps, plutôt que son peuple? Comment pouvait-il prononcer ces mots dans le froid de l'hiver, avec ses plus proches confidents à ses côtés? Qu'est-ce que Jimin avait-il donc de si spécial pour que Jeongguk se préoccupe d'avantage de lui que des enfants, que des vieillards, qui risquaient d'être touchés? Rien de cela ne faisait du sens, et pourtant, ces paroles, il les avait bel et bien entendu dans le brouillard épais de ce début de matinée. 

Peut-être que le blond affabulait, peut-être que la fièvre commençait aussi à le gagner, qui sait; mais, même de là où il se tenait, à quelques mètres de distance, il pouvait lire ses yeux, comme ultime confirmation de ses dires. Même les flocons épais qui tombaient dans sa chevelure ébène n'arrivait pas à le distraire. Pendant ce moment de grâce où le monde sembla s'arrêter de tourner, où le bruit du vent s'était tu, où il avait même oublié la présence de Yoongi et Hoseok; pendant ce moment de grâce, ils se regardaient intensément, juste eux, eux deux. Et les messages qu'ils se passèrent traduisaient et trahissaient tout ce qu'ils n'avaient jamais osé se dire. L'inquiétude, l'appréhension et la crainte de Jeongguk. Le rassurement, la peur et le trouble de Jimin. 

Comment en étaient-ils arrivés à se comprendre aussi rapidement rien que par le regard? 

Le blond aurait voulu lui dire tellement de choses, lui dire que tout se passerait bien et qu'il n'avait rien à craindre -- mais il n'y arrivait pas. Peut-être parce que lui aussi ne savait pas ce qu'il allait se passer, et que par Odin, la grippe pouvait très bien le toucher aussi. Il ne dirait pas qu'il avait peur, non, il fallait qu'il se montre fort; mais pour autant, il n'avait pas les talents de la déesse Frigg, et ne pouvait lire dans l'avenir. Peut-être n'y arrivait-il pas aussi, parce que l'alpha était bien la première personne à s'inquiéter pour lui depuis son arrivée chez les Loups, et que son cœur dans sa poitrine ne devait pas battre aussi fort. 

La vague de sentiments et de chaleur que ses prunelles charbon apportaient était incompréhensible et toute nouvelle. Une fois que tout cela sera terminé, il se promit de tirer tout cela au clair. 

"Je survivrais, dit-il enfin d'une voix douce, comme un souffle. 

C'était une promesse, mais aussi une prière envers les dieux de lui épargner la vie alors qu'il se démenait à sauver celle des autres. L'espace d'un instant, il crut que le jeune homme ne l'ait pas entendu, mais c'était sans compter sur sa réponse: 

"Fais attention à toi, oméga. 

Et, cette fois-ci, il sut que l'emploi de son statut n'était pas une volonté de domination. Quand il repartit, talonné de prêt par Yoongi, Jimin se sentit plus seul et démuni que jamais. 

L'épidémie dura moins d'une semaine, mais pour le jeune blond, cela parut être une éternité. Le soir tombait tôt, la neige continuait de couvrir la lande de son manteau fantasmagorique, et lui restait jour et nuit aux chevets des malades. Depuis ce jour où la femme avait apporté son enfant à moitié mort dans ses bras, ils avaient comptés une poignée de décès, notamment des enfants et des vieillards. C'était les populations à risques, il le savait, et pourtant Hoseok aurait pu témoigner de l'éclair de tristesse et de culpabilité qui traversait le brun de ses orbes dès qu'un de ses patients rendait son dernier souffle. Une partie du bêta s'interrogeait à savoir pourquoi le jeune homme était autant affecté par la mort d'un peuple qui ne le connaissait pas, qui l'avait capturé; mais, de toute évidence, cela faisait partie de sa nature de s'inquiéter pour les autres. Que ce soit dans sa caste ou non, cela faisait toujours mal de voir quelqu'un partir rejoindre les dieux. 

Jimin travailla sans répit, sans prendre de pause, ou peu. Il était infatigable, préparant infusion sur infusion, décoction, potions, et autres breuvages aux goûts peu appétissants. Vers le quatrième jour, Hoseok tomba malade, lui aussi; et pendant que le blond le forçait à boire un peu d'eau, il avait grogné comment cela se faisait qu'il ne soit pas grippé, lui aussi, et qu'il devait prendre du repos. 

Le plus gros était passé. Régulièrement, Yoongi, Namjoon, ou bien même Jeongguk s'arrêtait à quelques pas du seuil de la porte pour jeter un coup d'œil à l'intérieur de la hutte, pour s'assurer que tout allait bien. Quand Jimin était trop occupé pour venir les tenir au courant, c'était le bêta qui s'en chargeait; mais le jeune homme sentait toujours les yeux d'un certain alpha reposer sur son profil. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi il préférait voir le noiraud plus que les autres.

"Vas te reposer, oméga, dit Hoseok le dernier jour, un léger sourire sur ses lèvres. Tu as beaucoup travaillé ces derniers temps, il faut que tu dormes. 

La plupart des malades étaient guéris, ou alors en bonne voie de guérison; il pouvait donc laisser la hutte sous le commandement du jeune homme, ou, si ça le chantait, de le laisser à une autre oméga qui aidait jadis l'ancien guérisseur. 

Quand il poussa la porte en bois de la maison basse, il fut accueilli par la morsure glaciale du vent, les flocons délicats se posant sur ses cils avec une douceur paradoxale. Le blizzard rendait impossible la vision à plus de quelques mètres de soi, comme une cloche obscure et opaque au-dessus de sa tête. Il avait l'impression de ne pas avoir vu le jour -- ou au moins, le gris pâle du brouillard -- depuis une éternité, trop occupé à veiller à ce que l'épidémie ne fasse pas plus de morts que cela. Les yeux sans vie des décédés étaient déjà une vision assez horrible comme cela pour en avoir plus.  

Et peut-être était-ce l'effet du froid, mais pour la première fois en une semaine, Jimin ressentit la fatigue dans ses muscles fourbus. Combien de temps avait-il dormi, au juste? Trop peu, de toute évidence. Le bêta l'avait bien forcé à s'allonger, mais l'inquiétude le rongeait toujours au point de le réveiller, alors il se levait et vaquait de nouveau à ses préoccupations. Mais là... Maintenant qu'il respirait à plein poumons le froid pur, il se rendit compte à quel point cette semaine était passé à une vitesse paradoxalement éprouvante. 

L'adrénaline, petit à petit, redescendit doucement, appauvrissant ses veines de la douce toxine qui faisait battre son cœur un peu plus rapidement. Là, debout dans la neige, il se sentait... vide. Comme si cette épidémie avait eu raison de lui, de ses émotions et de sa force physique. Comme si on avait ôté un sérieux poids de ses épaules protégées par le manteau de fourrure, au point que la légèreté qu'il ressentait à présent lui faisait presque tourner la tête.  

Vide, donc, et grelottant. 

Resserrant la peau de bête autour de lui, il lui semblait presque qu'il n'avait ni la force ni le courage de franchir le premier pas; et pourtant, il le savait, il le devait, pour rejoindre la hutte des esclaves et s'allonger un peu. Ce n'était pas parce que c'était un homme libre que pour autant les villageois s'étaient précipités pour lui construire un refuge; il comptait partir dès que la mer aura dégelé, de toute façon, alors c'était là bien inutile. Seulement voilà, à présent, la maison basse paraissait bien trop loin de lui pour franchir les quelques mètres. Il ne pouvait se résoudre à faire avancer ses jambes. 

Il était las. Il avait froid. Il n'avait envie de rien. 

Un peu étourdi, il se força tout de même à avancer de quelques pas, mais cela à lui-seul paraissait être un effort surhumain. Il voyait, sa vision partiellement floue en plus du brouillard épais, des ombres noires graviter autour de lui, mais personne pour lui venir en aide -- même lui se refusait de se remettre à quelqu'un, persuadé que le sang qui battait avec force dans ses temps n'était que le contrecoup de ces derniers jours éprouvants. 

Exténué, il s'arrêta de nouveau. Ses lèvres étaient sèches, sa langue pâteuse, et ses yeux ne cessaient de papillonner pour chasser l'exténuation qui le prenait aux tripes. Il ne se sentait pas bien, c'était une évidence. Et, alors qu'il distinguait une odeur familière de musc non loin de lui, ce fut à ce moment-là que ses genoux décidèrent de se dérober sous lui, l'épuisement ayant finalement raison de son corps. 

Deux bras puissants le retinrent avant même qu'il ne touche le sol; mais les abysses ténébreuses l'engloutirent avant qu'il n'ait le temps de savoir qui cela était. 

---

Jimin ne sut pas vraiment ce qui l'avait tiré hors de son profond sommeil -- entre l'odeur de musc et d'ambre qui emplissait ses narines, le contact doucereux des fourrures sous ses doigts, la chaleur et le crépitement d'un feu de bois, ou la sensation de ne pas être seul dans la chambre. Et d'ailleurs, où était-il? 

Ce fut les yeux papillonnants que le jeune oméga sortit avec difficulté des profondeurs ténébreuses, les pensées confuses. Ce n'était pas là l'odeur habituelle que l'on retrouvait dans la hutte des esclaves, qui était toujours la sienne depuis qu'il était libéré; et les peaux sous la pulpe de ses doigts semblaient d'être de trop bonne qualité pour des Thraellar. Se redressant de sa couche, groggy, il tenta tant bien que mal de se concentrer sur sa vision pour examiner les alentours. Et, après quelques temps, ce fut l'étourdissant encore plus qu'il se rendit compte qu'il n'était pas là où il aurait dû être. Oh non. 

Parce qu'il était dans la maison de l'alpha, et que Jeongguk était assis-là, à ses côtés. 

Par le Ragnarök [*fin du monde prophétique]. 

Le jeune mâle avait cessé de prêter attention aux documents qu'il avait sur les genoux aux premiers mouvements de l'oméga; ses yeux sombres comme le charbon brûlant dans les siens, comme s'il cherchait des réponses silencieuses -- ou mieux encore, voir la réaction du plus jeune lorsqu'il comprendrait où il était. Paniqué de se rendre compte qu'il n'était pas à sa place. Et avant que ses questions pressantes et anxieuses ne roulent sur sa langue, Jeongguk le coupa bien vite. 

"Tu es têtu, oméga. 

Le jeune homme cligna les yeux rapidement, noyant la pensée qui lui disait que l'alpha était magnétique quand il était en colère. Il ne devait pas penser à cela maintenant, il n'en avait tout simplement pas le droit. 

"Qu'est-ce qu'il s'est passé? 

"Il s'est passé que tu t'es occupé des malades contagieux alors que je te l'avais interdit, dit-il en se levant, lui présentant une infusion. 

Le jeune homme aurait pu se concentrer sur son ton mécontent, mais à la place, il ne quitta pas des yeux la tasse qu'il lui tendait. A cela, Jimin haussa un sourcil, ne comprenant pas qui avait pu bien préparer une telle décoction -- il était le seul guérisseur ici, et rien que cette pensée apportait toute la culpabilité avec lui. Qu'avait-il bien pu se passer quand il était en train de dormir? 

"Hoseok t'as suffisamment observé pour pourvoir lui-aussi faire des tisanes. 

L'espace d'un instant, le jeune blond s'imagina le grand bêta un peu bourru en train de se gratter le scalp face à la diversité de plantes à sa disposition; mais il chassa son sourire naissant alors qu'il se redressa correctement pour pouvoir prendre la tasse, les mains tremblantes, que lui tendait l'alpha à la crinière corbeau. Chassant aussi la sensation de chaleur qui irradiait de la peau basanée lorsque leurs phalanges s'effleurèrent. Sûrement était-ce la fièvre qui provoqua ce léger frisson le long de sa colonne vertébrale -- mais la maladie ne rendrait pas cela aussi agréable, si? 

Alors qu'il soufflait sur le liquide, le sang battant toujours avec force dans ses temps, Jimin ne put s'empêcher toutefois de tiquer sur les derniers mots de Jeongguk, laissant, de nouveau, la familiarité prendre le dessus: 

"Tu aurais préféré que je les laisse mourir? 

Et là encore, il aurait mieux fallut qu'il se morde la langue plutôt que de défier l'héritier au trône; ces derniers temps, il avait beaucoup trop souvent oublier qu'il n'était qu'un esclave, il y a peu. Il y avait cette aura autour de l'alpha qui faisait qu'il l'oubliait bien trop vite. 

"J'aurais préféré que tu m'obéisses, soupira le noiraud en comprenant que la conversation était loin d'être finie. 

"Tu comprends bien que je n'avais pas le choix. Je ne suis pas rentré en contact juste pour te défier. 

"Encore heureux, grogna le Loup en se redressant pour faire les cents pas autour du feu de joie, au milieu de la pièce. 

Lentement, grinçant des dents face à l'effort, Jimin repoussa les peaux de ses jambes pour s'asseoir au rebord de la couche. 

Soupirant, il se prit la tête dans les mains. Il y avait... Il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond, quelque chose qui clochait dans l'attitude de son alpha. Quelque chose qu'il avait déjà repéré dans ses yeux quand il avait déboulé, comme une furie, devant la hutte du guérisseur quand l'épidémie avait commencé. Quelque chose qu'il n'était pas censé voir dans ses prunelles charbon. Quelque chose qu'un héritier de sa trempe n'était pas censé ressentir pour une capture de chasse comme lui. 

"Pourquoi est-ce que tu... 

Jimin n'arrivais pas à finir sa phrase. Pourquoi est-ce qu'il quoi, au juste? Comment formuler correctement ses craintes, sans outrepasser ses droits? Ce n'était qu'un ancien esclave, un prisonnier, relâché juste parce qu'il avait su tirer pathétiquement parti de l'état déplorable de Jeongguk la première fois qu'il l'avait vu. Si Yoongi était là, sûrement qu'il le reprendrait à l'ordre, la voix basse et les orbes lançant des éclairs en sa direction. Mais il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond, quelque chose qui le dérangeait, et Jimin était bien déterminé à savoir ce que cela était. Quitte à attiser le courroux de son alpha. 

Et, une fois encore, il y avait une petite voix instinctive dans sa tête qui lui soufflait que Jeongguk ne s'énerverait probablement pas -- de la même façon dont il était resté incroyablement calme quand il l'avait plus ou moins insulté de se comporter comme un chef, lorsqu'il demandait à reprendre les rennes de la hutte de l'ancien guérisseur. 

Mais avant qu'il ne puisse se reprendre et reposer sa question, son vis-à-vis l'interrompit. 

"Pourquoi est-ce que je suis comme ça avec toi? 

Avait-il lu dans ses pensées? Avait-il comprit les enjeux et les dilemmes qui trottaient dans la tête du jeune oméga? Se demandait-il également pourquoi une telle attitude envers un homme qu'il ne connaissait qu'à peine? Jeongguk se retourna pour planter ses yeux dans ceux de Jimin, avec une intensité qui laissait l'oméga presque chancelant -- et là encore, la petite voix lui soufflait que cela n'était pas dû à la maladie, ni au fait qu'il venait de se réveiller d'un long sommeil. 

Et, ô, ce que le blond aurait voulu comprendre les lignes liquides qui coulaient dans ses iris, comme du métal fondu, comme de la lave en fusion; ô, ce que le blond aurait voulu comprendre les messages que ses amandes laissaient passer, communication silencieuse qu'il avait vu s'opérer bien des fois entre lui et Yoongi ou Namjoon. Et pour autant, tout n'était pour lui que confusion et incompréhension; comme si se jouait là une langue étrangère, et à part le ton de la conversation, il n'en comprenait pas vraiment le sens. Au lieu d'apporter des réponses, Jimin ne lisait dans ses yeux que plus de questions encore. 

Et c'était étrange, vraiment, parce qu'il lui semblait avoir lu dans ces mêmes orbes quand il était venu lui tenir tête, au début de l'épidémie. Que c'était-il passé pour qu'il ne sache plus décoder les énigmes de ses iris?

Peut-être décelait-il une petite étincelle, la même qui lui permettrait de comprendre quelle était la relation entre eux deux; mais peut-être aussi qu'il ne voulait pas la comprendre, refusant ce qu'il y avait découvert. 

Par tous les dieux, ce qu'ils étaient compliqués. 

"Une vie pour une vie, oméga. Tu m'as sauvé, et j'ai juré de te protéger. 

Et, alors que Jimin continuait toujours de soutenir son regard, une partie de lui se disait que, finalement, toutes les rumeurs horribles qu'il avait entendu au sujet des Loups de Midgard n'étaient peut-être que des histoires pour faire peur aux enfants. 

Et, alors que Jimin continuait toujours de soutenir son regard, une partie de lui se demandait s'il n'y avait pas quelque chose de plus derrière ces mots. 

.

it's been a while crocodile

ALRIGHT! donc oui, partie 1, parce que là on atteint la même quantité que "some legends are told", et je pensais que ce serait sûrement plus digeste de couper ça en deux!!!
(je dis ça mais jokes on me j'ai même pas commencé à écrire la suite, oups?)

donc oui, "alpha & oméga" au, parce que why not et je voulais tester (+ vous m'avez vraiment motivée pour que j'en écrive un!!!!)

bon, maintenant que je le relis, je suis bien consciente qu'il n'y a pas beaucoup d'action... mais disons que ça pose les bases!!!!





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